Le livre de Daniel

F.B. Hole

Introduction

Disons d'abord quelques mots des trois grands prophètes dont les livres sont placés, dans nos Bibles, avant celui de Daniel.

Ésaïe prophétisa en Juda avant et pendant le règne d'Ézéchias, roi qui craignait Dieu et sous l'influence duquel les choses semblèrent s'être améliorées. Cependant, le prophète dut révéler la corruption qui se cachait sous ces apparences.

Dieu suscita Jérémie pour défendre sa cause pendant les derniers temps de l'histoire de Juda. À cette époque, la situation était déplorable, sans espoir d'amélioration, et le malheur fondit sur ce peuple par le moyen de Nebucadnetsar. Les sept nations de Canaan avaient jadis habité le pays. Ils y avaient commis des choses horribles, à tel point que Dieu envoya contre eux Israël, conduit par Josué, avec l'ordre de les exterminer. Mais maintenant, l'Éternel devait dire: «Une chose étonnante et horrible est arrivée dans le pays: les prophètes prophétisent avec mensonge, et les sacrificateurs dominent par leur moyen; et mon peuple l'aime ainsi. Et que ferez-vous à la fin?» (Jérémie 5:30, 31). Ce que Dieu fit «à la fin», par la main du roi de Babylone, Jérémie dut le voir et le subir, à sa grande douleur. Nous pouvons nous faire une idée de sa souffrance en lisant le livre des Lamentations, qui fait suite à sa prophétie principale.

Ézéchiel fut emmené en captivité — en même temps que beaucoup d'autres personnes — aux jours de Jéhoïakin, quelques années avant le coup final qui s'abattit sur Sédécias et dont Jérémie fut témoin. Alors qu'il était en captivité, dans une vision, il vit la gloire — signe de la présence de Dieu — quitter le temple et la ville de Jérusalem. Or si Dieu s'en était allé, tout était perdu.

Cependant, chacun de ces trois prophètes a prédit l'intervention future de Dieu d'une manière qui serait entièrement nouvelle. Ésaïe annonce des choses totalement inconnues — jusqu'à «de nouveaux cieux et une nouvelle terre» — introduites par le double avènement du Messie. Celui-ci doit venir d'abord comme l'humble serviteur souffrant pour les péchés, puis comme le bras puissant de l'Éternel, rachetant par sa puissance ce qu'il avait premièrement racheté par son sang.

Jérémie, ensuite, annonce que ces choses nouvelles seront établies non pas selon l'ancienne alliance de la loi, mais selon une nouvelle alliance, marquée par la grâce.

Il faut lire les versets 31-34 du chapitre 31, en remarquant combien de fois l'Éternel affirme qu'«il fera» une chose, au lieu de dire «si vous faites» ceci ou cela, comme en Exode 19. Dans cette nouvelle alliance, Dieu agira selon ses propres pensées et selon ses desseins de grâce, fondés sur l'œuvre de Christ telle que la dévoile Ésaïe.

Ézéchiel complète le tableau qui nous est donné par ces trois prophètes. Dans son chapitre 36, il annonce la nouvelle naissance qui se produira chez un résidu d'Israël avant son entrée dans la bénédiction milléniale; et dans le chapitre suivant, il parle de la manière dont ces hommes seront spirituellement vivifiés et introduits dans un nouvel ordre de vie.

Le prophète Daniel fut suscité par Dieu juste au moment où commençaient «les temps des nations» (Luc 21:24). Par son canal, Dieu nous donne à connaître, dans ses grandes lignes, le déroulement de ces temps, au cours desquels le Messie serait retranché. À partir de là, la tribulation doit être la part du peuple, mais il y a l'espérance de la délivrance finale.

La prophétie de Daniel se divise fort simplement en deux parties, après le chapitre d'introduction qui relate le parti courageux pris par Daniel et ses trois compagnons contre l'idolâtrie, et la manière dont Dieu l'honora. Depuis l'endroit où nous voyons les Chaldéens s'adresser au roi en araméen (2:4), jusqu'à la fin du chapitre 7, c'est cette langue des Gentils que le livre utilise, l'hébreu n'étant de nouveau adopté qu'au début du chapitre 8. C'est ainsi que les détails historiques et les prophéties touchant les puissances des Gentils sont écrits dans la langue des Gentils. Dans les cinq derniers chapitres, les révélations faites à Daniel concernent principalement son peuple, bien qu'il soit fait allusion à des détails touchant les nations.

Chapitre 1er

À trois reprises, Nebucadnetsar et son armée assiégèrent Jérusalem. A ces occasions, les trois rois Jéhoïakim, Jéhoïakin et Sédécias tombèrent devant lui. Lors du premier de ces sièges, Daniel et ses trois amis furent emmenés captifs, parmi beaucoup d'autres jeunes gens de naissance royale ou princière, qui étaient considérés comme particulièrement doués intellectuellement. Ainsi s'en alla l'élite de la nation en matière de sagesse et de connaissances. Habile, le roi de Babylone avait pour politique de fortifier sa position en se servant des hommes les plus doués des pays conquis. Il les introduisait dans sa troupe de magiciens — personnages qui étaient en relation avec les puissances démoniaques et qui le conseillaient par leurs pratiques occultes.

Daniel et ses compagnons devraient donc suivre une formation appropriée, qui ferait d'eux des jeunes gens «possédant des connaissances, et entendus en science». Cette science s'apparente probablement aux «pratiques curieuses» que nous trouvons plus tard à Éphèse, et dont il est question en Actes 19:19. Si le grand monarque de Babylone pouvait accroître le nombre des hommes capables de lui donner cette sagesse surnaturelle et de le conseiller, son pouvoir n'en serait que plus grand.

C'est pourquoi ce qu'ils mangeaient et buvaient devait être une portion spécialement assignée des mets délicats du roi: ce qu'il y avait de meilleur dans le pays, en relation, sans doute, avec des rites idolâtres. En outre, chacun d'eux vit son nom de naissance rejeté par le prince des eunuques. Ils avaient en quelque sorte changé de propriétaire, ce qu'exprimaient leurs nouveaux noms d'origine et de signification idolâtres. Telle était la situation dans laquelle se trouvaient Daniel et ses compagnons.

Arrivés au verset 8 du chapitre 1, nous sommes frappés par ces mots «Et Daniel arrêta dans son cœur qu'il ne se souillerait point.» Quelle déclaration admirable que celle-ci! S'il n'avait pas arrêté cela dans son cœur, aucun «Livre de Daniel» n'aurait trouvé sa place dans nos Bibles. Remarquons tout d'abord que l'Esprit de Dieu ne le désigne pas ici par son nom païen, mais par son nom de naissance, dont la signification est «Dieu est Juge». Cet homme, de toute évidence, vivait dans la lumière de son nom, aussi remarquons-nous, en second lieu, que ce n'est pas dans sa tête — le siège de l'intelligence — que Daniel prend cette décision, mais dans son cœur — le siège de ses affections pour Dieu. C'est là ce qui rend sa décision inébranlable.

En troisième lieu, nous constatons que c'est la souillure que Daniel avait décidé de fuir. D'un point de vue matériel, les aliments pouvaient être purs ou impurs. Mais c'est avant tout la souillure spirituelle que Daniel avait en vue, car il faut nous souvenir que Babylone était dès l'origine le foyer de l'idolâtrie. Ses trois amis ne sont pas mentionnés au verset 8, mais si nous nous reportons au verset 18 du chapitre 3, nous découvrons qu'ils avaient la même pensée et la même détermination que lui.

Prenons très sérieusement à cœur la leçon qui nous est proposée ici. Le secret de la force remarquable de Daniel était cette séparation fermement arrêtée d'avec le monde inique qui l'entourait. Il connaissait son pouvoir corrupteur, et il le refusait. Environ six siècles plus tard, le véritable caractère de ce monde fut pleinement et définitivement manifesté à la croix, ainsi que Christ lui-même le dit: «Maintenant est le jugement de ce monde» (Jean 12:31). Nous avons aujourd'hui la lumière de ce fait, et nous savons que le monde est dominé par Satan, le «dieu de ce siècle» (2 Corinthiens 4:4). C'est pourquoi la ferme détermination de se séparer du monde nous est encore plus nécessaire qu'elle ne l'était pour Daniel lui-même.

Il y avait toutefois chez lui, non seulement une grande fermeté d'intention, mais aussi un esprit de sagesse et d'humilité dans sa manière de l'exprimer. Dieu avait agi en grâce envers lui en lui faisant trouver faveur auprès du prince des eunuques et de son intendant, mais Daniel n'en profite pas pour leur parler avec hauteur. Il expose son désir et demande que lui-même et ses amis soient nourris le plus simplement possible, à titre d'essai, pendant dix jours, après quoi, d'après le résultat, on décidera de la situation. Dieu est avec eux, le test a un résultat plus que satisfaisant, et ils sont délivrés de la souillure qui autrement aurait été leur part.

De cet incident, retenons cette leçon: la séparation d'avec la souillure est toujours le chemin de Dieu pour ses saints, mais l'esprit dans lequel on s'y engage est de toute importance. Si c'est avec dureté et hauteur, plutôt qu'avec douceur et humilité, notre témoignage devant les autres sera nul. Si nous prenons ce chemin comme pour dire: «Tiens-toi loin, ne me touche pas, car je suis saint vis-à-vis de toi» (Ésaïe 65:5) — ce qui était l'esprit des pharisiens du temps de notre Seigneur — nous encourageons le mal dont nous professons nous séparer nous-mêmes. Daniel et ses amis ont recherché la séparation dans un bon état d'esprit, et s'y sont maintenus.

C'est pour cette raison que Dieu est avec eux d'une manière si remarquable. Non seulement leur apparence physique est meilleure, mais en matière de connaissance, de science, d'instruction et de sagesse, ils surpassent tous ceux qui s'étaient nourris des mets délicats du roi. Et quant à Daniel, il lui est donné une intelligence surnaturelle «en toute vision et dans les songes» par lesquels, en ce temps-là, Dieu faisait souvent connaître sa pensée.

Lorsqu'ils sont présentés à Nebucadnetsar, le verdict est très net. Les magiciens et les astrologues étaient des hommes qui entretenaient des relations avec les puissances des ténèbres afin de posséder des connaissances auxquelles ne peut accéder le commun des mortels. Or, comparés à eux, les quatre jeunes gens enseignés de Dieu sont dix fois supérieurs. Il n'y a rien de surprenant à cela. Nous rencontrons la même idée, encore plus formellement exprimée, en 1 Corinthiens 2. Il nous y est dit que les chefs de ce siècle n'ont rien connu de la sagesse de Dieu, au point qu'ils ont crucifié le Seigneur de gloire; tandis que le plus simple croyant, habité et guidé par l'Esprit de Dieu, juge ou discerne toutes choses (versets 8, 15).

Avant de quitter ce chapitre 1, remarquons en passant que cette question de nourriture contaminée par des pratiques idolâtres se posait avec acuité parmi les premiers chrétiens de Corinthe. Ils sont instruits à ce sujet dans la première épître que Paul leur adresse, aux chapitres 8 et 10 (versets 25-31). Ils pouvaient, sans poser de questions, manger la viande achetée sur les marchés ou offerte chez un ami, mais si on leur avait dit expressément qu'elle avait été offerte en sacrifice aux idoles, ils ne devaient pas y toucher. Le chrétien fuit les associations idolâtres, exactement comme le firent Daniel et ses amis.

À suivre