Temps de besoins, temps de ressources (Aggée 1:1 à 2:9)

Jean Kœchlin

Sous la conduite de Zorobabel, prince de Juda, et de Joshua, le grand sacrificateur, un faible résidu est remonté de Babylone à Jérusalem. Il nous est présenté au début du livre d'Esdras et nous le retrouvons environ quinze ans plus tard dans ce petit livre d'Aggée. Mais où est l'énergie avec laquelle, comme un seul homme, tous s'étaient levés pour rebâtir l'autel sur son emplacement initial, rétablir le culte et poser les fondements de la maison de l'Éternel (Esdras 3)? Menacés par les populations ennemies qui les entourent, ils ont cessé le travail pour s'occuper chacun de sa propre maison. A leur faiblesse numérique et à leur situation précaire, s'ajoute le dénuement dû à la sécheresse. En effet, comme du temps d'Elie, la main de l'Éternel sur eux se fait ainsi sentir pour les inviter à bien considérer leurs voies.

Sur tous les plans donc, grande faiblesse, et nous n'avons pas de peine aujourd'hui à nous identifier à ce pauvre peuple de Juda — bilan sans complaisance et sans appel (versets 6-11). Car il est nécessaire de prendre conscience de sa misère, avant que la miséricorde de Dieu puisse intervenir et qu'il puisse relever et restaurer son peuple.

Prise de conscience des besoins

«Sentez vos misères, et menez deuil et pleurez… Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera» (Jacques 4:9, 10).

Ces Juifs revenus de la captivité pouvaient, à juste titre, se poser des questions: Avons-nous bien fait de quitter Babylone? N'étions-nous pas finalement mieux là-bas? Nous sommes retournés à Jérusalem parce que nous aimons cette ville (Psaumes 137). Et n'est-ce pas là que l'Éternel a commandé la bénédiction (Psaumes 133)? Comment se fait-il alors que nous soyons dans une telle misère? Ils semblent ne pas avoir le sentiment de leur responsabilité dans le bas état qui est le leur, et c'est pourtant ce que Dieu veut leur faire comprendre.

De telles pensées de découragement peuvent aussi nous gagner aujourd'hui, chers frères et sœurs. Pourquoi le Seigneur permet-il ces épreuves qui nous atteignent? Dans la faiblesse qui nous caractérise, quel témoignage pouvons-nous encore rendre au sein de la chrétienté? Avons-nous fait fausse route en nous séparant aussi strictement de nombreux croyants pieux et zélés pour l'évangile qui font partie avec nous du corps de Christ? Ce livre d'Aggée nous aide à prendre conscience de notre état, nous console et nous montre quel est le chemin de la restauration.

Je suis avec vous

Pour le résidu de Juda, cette prise de conscience s'est faite par le ministère d'Aggée le prophète, et le peuple, ses chefs en tête, écoute la voix de l'Éternel (verset 12). Un second «message de l'Éternel» peut alors leur être adressé (verset 13).

Le premier parlait à leur conscience, le deuxième s'adresse à leur cœur. Il tient en quatre petits mots: «Je suis avec vous» — dit l'Éternel. Dans cette promesse divine sont en fait renfermées toutes les réponses que Dieu donne à leurs besoins. Lui étant là, comment pourraient-ils manquer de quelque chose? Le Donateur apporte avec lui ses dons et il suffit à la foi de se les approprier.

Remarquons bien que le réveil est opéré par Dieu et qu'il l'est d'une manière individuelle. L'Éternel réveille séparément l'esprit de Zorobabel, l'esprit de Joshua et l'esprit du reste du peuple, et le résultat en est qu'ils reprennent le travail de la maison de l'Éternel.

Nouveau message

Pendant quatre semaines, les hommes de Juda ont donné la preuve de leur intérêt pour cette maison de l'Éternel. Dès lors un troisième message peut leur être adressé pour les inviter à profiter des ressources divines propres à les encourager et à les consoler.

Ce message commence par une question: «Qui est de reste parmi vous qui ait vu cette maison dans sa première gloire, et comment la voyez-vous maintenant»? Le contraste donnait plutôt de quoi pleurer. C'est ce que nous lisons dans le livre d'Esdras: les anciens, qui se souviennent de cette première gloire, celle du temple de Salomon, ne peuvent que pleurer (3:12, 13). En comparaison, cette maison «n'est-elle pas comme rien à vos yeux»? Puis le prophète ajoute aussitôt: «Mais maintenant, sois fort, Zorobabel… et sois fort, Joshua… et soyez forts, vous, tout le peuple du pays… et travaillez…»

Ce qu'est la maison, insignifiante à leurs yeux, ne doit nullement les décourager de poursuivre le travail. Chacun a été réveillé personnellement; de même chacun est appelé personnellement à être fort, fort de la force qu'il recevra de Dieu. «Car je suis avec vous», répète l'Éternel (verset 4). Cette présence divine est bien propre à les stimuler et à les rassurer. «L'Éternel est avec moi comme un homme puissant», avait dit Jérémie (20:11). «Je suis avec vous». Cette promesse de l'Éternel à son peuple est d'autant plus remarquable que sa gloire avait solennellement quitté le temple quelques dizaines d'années plus tôt. Et dans celui qu'ils construisent, elle ne reviendra pas de la même manière qu'elle y était jadis descendue (1 Rois 8:10). Pourtant «mes yeux et mon cœur seront toujours là», avait déclaré l'Éternel à propos de ce temple de Salomon (1 Rois 9:3); et cette promesse, il va la tenir.

Présence de l'Éternel est donc synonyme de puissance. Remarquons le nom que Dieu prend dans ce livre caractérisé par la faiblesse: «L'Éternel des armées» (1:14; 2:4, 6, 8, 9, 23). S'il se désigne ainsi, n'est-ce pas pour rappeler à ce pauvre résidu que celui qui est avec lui dispose de toute la puissance nécessaire pour le secourir? A Gethsémané, Jésus était pleinement conscient de cette puissance de son Père qui pouvait, s'il le demandait, mobiliser ses armées célestes pour venir le protéger. Dans le court psaume 84 où l'on retrouve quatre fois ce nom de l'Éternel des armées, nous lisons au verset 5: «Bienheureux l'homme dont la force est en toi». Et au verset 7: «Ils marchent de force en force». Comme pour nous inviter à utiliser pas après pas, jour après jour, cette force puisée auprès de notre Dieu! L'image simple d'un moteur électrique qui ne tourne que s'il est connecté à la source du courant nous rappelle que nous ne sommes pas en mesure de faire provision de la force d'en haut mais qu'une communion permanente avec le Seigneur nous permettra d'en faire usage aussi souvent que nous en aurons besoin.

Ma présence

La présence de leur Dieu est donc la première grande ressource de ce faible résidu, et elle ne dépend, remarquons-le, d'aucune des institutions de la loi de Moïse.

Il n'est question ici ni de sacrifices ni de cérémonies. Cette présence n'évoque-t-elle pas pour nous le privilège des deux ou trois réunis au nom du Seigneur? Un tel rassemblement peut être réalisé simplement dans les temps de la plus grande faiblesse, et aux yeux de Dieu il revêt une grande importance, parce qu'il s'agit d'une des gloires de son Fils. Il démontre en effet que le seul nom de Jésus suffit, sur la terre déjà, à rassembler les rachetés, si petit qu'en soit le nombre.

N'oublions pas non plus la promesse qui se présente comme la signature de l'évangile de Matthieu et que peut expérimenter le plus isolé des croyants: «Moi je suis avec vous tous les jours» (Matthieu 28:20).

Ma Parole

Une seconde ressource nous est rappelée dans ce livre d'Aggée: c'est la Parole; et il est précisé que c'est celle selon laquelle Dieu a fait alliance avec son peuple dès la sortie d'Égypte (2:5). L'ancienneté de cette parole de Dieu est ainsi établie; elle n'a pas à être adaptée ni actualisée. «Le ciel et la terre passeront — a dit Jésus —, mais mes paroles ne passeront pas» (Matthieu 24; Marc 13; Luc 21). Cette Parole, nous l'avons maintenant tout entière entre les mains; elle est vivante et éternelle; elle nous vient directement de Dieu. Combien nous sommes plus privilégiés que ce petit résidu d'Israël parvenu à la fin de son histoire racontée dans l'Ancien Testament! Et si le livre de Malachie se termine sur le mot «malédiction», nous sommes heureux que celui d'Aggée s'achève sur une bénédiction personnelle pour Zorobabel, responsable de ce pieux mais faible résidu. Il nous apporte, en même temps qu'à celui-ci, ce que Romains 15:4 appelle «la patience et la consolation des Écritures», par lesquelles nous avons espérance.

Mon Esprit

Une troisième ressource est liée à la précédente: «mon Esprit demeure au milieu de vous», dit l'Éternel (2:5). C'est le Saint Esprit qui donne au croyant l'intelligence de la Parole, laquelle sans lui demeure un livre fermé. La «consolation des Écritures» est appliquée à nos âmes par le Consolateur. Mais là aussi, quelle différence entre la part de l'Église, qui est aujourd'hui l'habitation de l'Esprit sur la terre, et celle des croyants de ces temps anciens où «l'Esprit n'était pas encore», c'est-à-dire pas encore descendu, ce qui n'a eu lieu que lors de la Pentecôte! Non, ce n'était pas encore le temps où le Saint Esprit allait demeurer sur la terre. Il fallait pour cela l'œuvre achevée du Seigneur Jésus et sa séance à la droite de Dieu, et pourtant l'Esprit est présenté comme étant aussi avec ce petit résidu de Juda qui a écouté la parole de Dieu.

Ne craignez pas

Alors l'Éternel peut ajouter cet encouragement qui court à travers les Écritures: «Ne craignez pas» (2:5). Avec de tels moyens à votre disposition, vous avez toutes les raisons d'avoir confiance, à condition de ne pas vous lamenter sur ce qui vous manque, mais de faire usage des ressources dont je viens de vous parler. N'est-ce pas à plus forte raison notre privilège, chers frères et sœurs?

Ne craignez pas! Le Seigneur connaît les cœurs des siens, vite effrayés. Aussi reprend-il la parole au verset 6, pour parler de l'avenir et annoncer un déploiement de puissance bien propre à rassurer le petit résidu tremblant au milieu de ses ennemis. «Encore une fois… j'ébranlerai les cieux et la terre…». Et «ce sera dans peu de temps». La puissance de Dieu capable de secouer ainsi la terre est à la disposition du chrétien pour travailler et pour combattre, mais elle est aussi en réserve pour le moment où elle se manifestera en colère et en jugement à l'égard de ce monde.

«Ce sera dans peu de temps». Cinq cents ans plus tard, l'épître aux Hébreux cite ce verset 6 alors qu'il n'est toujours pas accompli. Deux mille ans plus tard, il ne l'est toujours pas. Mais il est là, dans l'Écriture, promesse solennelle de jugement pour un monde impie, comme dit Jude, quand les choses muables seront remplacées par celles qui sont immuables. Combien grande est la patience de Dieu envers les hommes, de sorte que ce changement est encore suspendu, laissant le monde continuer son train! Mais pour le croyant est confirmée la promesse d'un «royaume inébranlable», aussi avons-nous à servir Dieu «d'une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte» (Hébreux 12:26-28).

Quatrième ressource: l'espérance

Si le monde n'a devant lui qu'une perspective effrayante d'un ébranlement généralisé, le croyant se trouve, lui, sur un terrain solide: c'est un royaume inébranlable qu'il attend, et que déjà, il reçoit avec certitude et joie. Quelle ressource que l'espérance! Elle est centrée sur le verset 7: «L'objet du désir de toutes les nations viendra…» De nouveau les privilèges et les joies qu'Israël pouvaient connaître sont dépassées. Un Sauveur est annoncé, qui maintenant est venu. Si les nations sont sous la menace d'un jugement non encore intervenu, elles connaissent de grands désordres; les hommes ne sont capables de faire régner ni la paix ni la justice, nous ne le savons que trop. Le désir de toutes les nations, c'est bien le Roi de justice et de paix qui va venir, et, chrétiens célestes, nous nous réjouissons à la pensée que cette terre que nous aurons connue dans son désordre et sa misère jouira enfin d'une pleine bénédiction sous l'autorité du Roi de gloire.

Enfin, «cette maison», qui pouvait ne paraître que «comme rien» (et c'est toujours la même maison) connaîtra une gloire future incomparablement plus grande que la première, et dans ce lieu Dieu donnera la paix (2:9).

Ces temps d'immense faiblesse, de petites choses (Zacharie 4:10), sont donc des temps qui mettent en évidence les immenses ressources que Dieu a ainsi l'occasion de déployer. Tels sont les temps que nous traversons. Pour notre «fin des siècles» plus que jamais, il y a des promesses et il y a des ressources. Qu'avons-nous à faire? A croire les promesses, à utiliser les ressources. Jamais nous ne les épuiserons.