Abraham et sa foi

W.J. Lowe

L'histoire d'Abraham illustre la vie de la foi. Nous y voyons comment Dieu produit la foi, la forme et l'éprouve, afin qu'elle tourne plus tard à sa louange.

Genèse12

L'appel d'Abraham contenait déjà en germe toutes les voies subséquentes de Dieu à son égard. Dieu voulait déverser sur lui d'abondantes bénédictions; mais il a dû apprendre que Dieu voulait le faire lui seul, que tout était de lui. Abraham n'a pas compris cela au début de sa carrière. Dieu lui avait dit: «Va-t'en de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai; et je te ferai devenir une grande nation, et je te bénirai» (versets 1-3). C'était l'œuvre de Dieu. À nous aussi, il faut souvent longtemps pour le comprendre. On s'attache aux choses promises, à la bénédiction, et Dieu lui-même n'a qu'une petite place dans le cœur et les pensées.

Quand le Seigneur vient à la rencontre des disciples sur la mer, il dit à Pierre: «Viens» (Matthieu 14:28). Pierre se met en marche avec une certaine confiance en lui-même et le secret désir de se distinguer. Puis il voit que le vent est fort; il le sent mieux maintenant qu'il est hors de la nacelle. Mais Jésus n'arrête pas le vent pour faciliter son chemin. Pierre, au lieu de retenir la Parole du Seigneur qui l'avait appelé à lui, est occupé de l'obstacle, puis de lui-même; alors il enfonce. Il avait pourtant une certaine mesure de confiance dans le Seigneur, car dans sa détresse c'est à lui qu'il crie. Mais il n'avait pas assez de foi pour marcher dans un chemin où seule la puissance de Jésus pouvait le soutenir; c'est pourquoi il n'arrive pas au bout. Nous aussi, souvent, après avoir débuté dans un chemin de foi, nous faiblissons en face des obstacles; et le Seigneur n'est pas glorifié.

C'est ainsi qu'Abraham, ayant le cœur attaché à la bénédiction que Dieu lui avait promise, peut-être plus qu'à Dieu lui-même, manque d'abord de foi et d'obéissance. Il se place sous la direction de son père Térakh, qui devient le conducteur de l'expédition, emmenant Abraham et toute sa famille (Genèse 11:31). Pourtant, l'appel de Dieu n'avait été adressé qu'à Abraham seul (12:1). Aussi quand Térakh s'arrête, tous s'arrêtent! Il marche par la vue et se fixe en Charan (la Mésopotamie), une terre fertile mais qui n'était pas le pays promis à la foi. Abraham y demeure sans qu'il soit fait mention de communion avec Dieu, jusqu'à la mort de son père. C'est un temps perdu; et lorsqu'il se met en marche selon les ordres de Dieu, son âge est indiqué, comme pour suggérer que la vie de la foi commençait réellement, alors que les années précédentes étaient perdues (12:4). Charan paraît avoir été un arrêt dans sa vie spirituelle. Ce n'est pas l'abandon de la foi, mais un mélange de pensées charnelles avec la foi.

Mais maintenant, la Parole agit directement sur son cœur, et il part. Il sort enfin de Charan en réponse à l'appel de Dieu. Alors Dieu lui parle. Il lui dit ce qu'il veut faire pour lui. Il y a là un principe d'une immense importance, mis en évidence dans toute l'histoire d'Abraham. Chaque fois que l'homme de Dieu fait un pas dans le chemin de la foi, Dieu lui donne une confirmation de ses promesses. Nous, souvent, nous voulons un signe avant d'obéir. Dans cet esprit, les foules demandaient au Seigneur un signe du ciel; ce qui était en fait une preuve de leur incrédulité. Car un signe répondant à l'intelligence humaine ne nécessite pas la foi. La foi croit ce que Dieu dit et agit en conséquence, sans comprendre le comment, le pourquoi, et le but de ses voies. Certes, il faut que nous saisissions les paroles que Dieu nous fait entendre, et là l'intelligence spirituelle est nécessaire; elle est produite dans l'âme par le Saint Esprit. Mais la foi, elle, sait se mettre en route sans comprendre toute la portée de ce que Dieu a dit.

Genèse 15

Ici il semble que le cœur d'Abraham soit occupé plutôt des bénédictions que de Dieu lui-même. Alors qu'il lui a dit: «Je suis ta très grande récompense» (verset 1), Abraham répond: «Que me donneras-tu?» (verset 2). Alors Dieu l'invite à regarder les étoiles, à les compter, et lui dit: «Ainsi sera ta semence» (verset 5). Il ne lui explique pas tout, mais l'effet pratique de cette parole est d'habituer Abraham à regarder vers le ciel. Il devient un homme céleste, ainsi que le souligne Hébreux 11:13-16. Il recherche une cité et une patrie célestes, ce qui fait de lui un étranger sur la terre, non seulement relativement à son pays d'origine, qu'il avait quitté, mais même en Canaan. Grâce à cette parole dont il ne comprenait sans doute pas toute la portée, il trouve son chez-soi dans le ciel. Tel est le résultat de la foi qui, selon Romains 4, lui donne droit au titre de père des croyants.

En Abraham, la foi trouve son exemple le plus remarquable. «Il crut Dieu et cela lui fut compté à justice» (Romains 4:3). Il aurait pu raisonner et dire: Comment pourrais-je avoir une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel? Mais il ne soulève pas de question. Dieu l'a dit et il le fera. Désormais les cieux l'intéressent. Le fait de croire ce que Dieu dit produit un effet sur la marche, les pensées, les affections, même quand nous ne comprenons pas tout ce que Dieu a dit, ni non plus quand et comment il accomplira ses promesses. C'est ainsi que la communion est formée entre l'âme et Dieu. Si vous aimez quelqu'un, vous ne vous attachez pas à lui seulement pour les dons que vous pouvez en recevoir, mais à cause de lui-même, pour jouir de sa compagnie, connaître ses pensées et lui communiquer les vôtres, avoir communion avec lui. Le point fort de l'appel d'Abraham n'était pas: tu recevras de grandes bénédictions mais: moi je te bénirai. Le cœur demande l'intimité, l'affection, et ne se satisfait que par la communion avec celui qu'il aime. Dieu veut donner à Abraham un fils, mais il attend pour accomplir sa promesse qu'il n'y ait plus aucun espoir humain. C'est quand Abraham et Sara sont devenus vieux, et que, selon la nature, il n'y a plus aucune possibilité, que Dieu va pouvoir intervenir.

Genèse 22

Ici nous trouvons le résultat final du travail de Dieu en Abraham. Ce fils dont il avait joui pendant des années doit lui être ôté. Dieu dit: «donne-le-moi». Il le désigne de quatre manières différentes, bien propres à rappeler à Abraham les époques successives de sa vie de foi. Ce sont comme quatre coups de marteau sur un clou entrant chaque fois un peu plus profondément. 1° Ton fils — rappelant la naissance miraculeuse, l'intervention de Dieu pour accomplir sa promesse. 2° Ton unique — rappelant le manque de foi d'Abraham qui avait eu pour conséquence la naissance d'Ismaël. Celui-ci n'était pas le fils de la promesse; il ne compte pour ainsi dire pas. 3° Celui que tu aimes — rappelant comment les affections d'Abraham s'étaient attachées à celui que Dieu lui avait donné pour accomplir ses promesses. 4° Isaac  — autrement dit l'héritier de toute la descendance promise. C'est comme si Dieu avait dit: je n'oublie rien de ce que ce fils est pour toi. Tous tes exercices de foi en rapport avec lui sont là devant moi, mais je te demande de me donner ce fils, sans raisonner, sans demander d'explications. Et Abraham obéit. Voilà la foi!

Il se met en marche avec ce fils et avec les serviteurs. La chose se fait publiquement; les serviteurs penseront ce qu'ils voudront, il faut obéir à Dieu. Abraham prend tout ce qui est nécessaire pour le sacrifice, avec le propos arrêté de faire tout ce que Dieu lui a ordonné. Ne nous est-il pas arrivé souvent de passer à côté du chemin de la foi, parce que nous aurions voulu des garanties préalables et des explications de la part de Dieu? Abraham aurait pu se dire: Il est impossible que Dieu me demande de sacrifier ce fils, puisque c'est en lui que vont se réaliser les promesses. Peut-être ce sacrifice est-il figuré et Dieu veut-il que j'offre une victime à la place d'Isaac et en sa faveur. Rien de semblable!

C'est l'exemple le plus remarquable de foi et d'obéissance que nous trouvions dans la Parole. Abraham remet tout entre les mains de Dieu, de qui il avait reçu toutes choses. Que lui restait-il si Isaac lui était enlevé? Dieu seul.

Il possède maintenant ce qui lui avait manqué au début, il renonce aux bénédictions et s'attache à Dieu seul. Il peut s'écrier comme le prophète: «L'Éternel est ma portion» (Lamentations de Jérémie 3:24). C'est une grande chose, dans nos difficultés, de ne pas sortir des limites que Dieu nous a tracées dans sa Parole, et de ne pas chercher d'explications en dehors de cette Parole. Ce n'est pas à moi de suggérer à Dieu ce qu'il doit faire à mon égard.

Le fils prodigue avait cette intention avant les baisers de son père, mais après, c'est le père seul qui parle et agit.

Un regard vers l'avenir

Dieu aurait pu rendre ce témoignage: En Abraham, j'ai trouvé un cœur obéissant jusqu'à la dernière limite, un cœur qui ne renvoie pas le moment d'obéir. Aussi il le fait entrer dans une pleine communion avec lui dans ses pensées les plus glorieuses, et lui fait comprendre ce qu'il avait devant lui dans ce sacrifice d'Isaac. C'est comme s'il avait dit à Abraham: ce que tu as éprouvé lorsque tu as lié ton fils sur l'autel, c'est ce que j'éprouverai quand je devrai sacrifier le mien. Toi tu as été épargné, mais moi je devrai sacrifier mon Fils jusqu'au bout. À travers le sacrifice d'Isaac, Dieu et Abraham ont leurs pensées arrêtées sur un événement plus grand, dont il n'était que la préfiguration.

Abraham est ainsi rendu capable d'entrer pleinement dans les pensées de Dieu relativement à Christ. C'est la communion dans ce qu'elle a de plus élevé. «Abraham… a tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour; et il l'a vu, et s'est réjoui» dira Jésus à ses contradicteurs (Jean 8:56).

Dans le premier verset de Matthieu, Christ est fils d'Abraham, et dans celui de Marc, fils de Dieu. Ces deux versets nous présentent ainsi ensemble le caractère de la communion dont jouit Abraham avec Dieu. Leurs yeux sont arrêtés sur une même personne: Christ. La promesse de la bénédiction est confirmée, et elle est faite à la semence d'Abraham (Genèse 22:17, 18). Galates 3 nous dit que cette semence est Christ (verset 16).

Quelle leçon pour nous! Il arrive que notre vie soit extérieurement en règle mais que notre cœur ne soit pas pratiquement dans l'état décrit au verset 8 du psaume 16: «Je me suis toujours proposé l'Éternel devant moi».

Il nous arrive de chercher la bénédiction, comme Abraham l'avait fait, sans chercher Dieu lui-même. Or le désir du Dieu de gloire est de nous prendre par la main comme Abraham, pour nous conduire jusqu'à lui, y compris par le chemin des épreuves et des difficultés. Il veut nous apprendre à nous servir de la bonne manière des bénédictions qu'il nous accorde: elles ne doivent être que l'échelle qui transporte nos cœurs dans le secret de sa présence. Dieu devient ainsi la part du cœur (Psaumes 73:25, 26). C'est le ciel réalisé sur la terre, car dans l'état éternel, Dieu sera tout en tous. Alors l'épreuve de notre foi, qui nous paraît parfois si amère, sera trouvée tourner à sa louange et à sa gloire.

D'après une méditation