La chute et la restauration de Pierre

H.C. Voorhoeve

Sa chute

Dieu nous montre dans sa Parole, au moyen de l'histoire de Pierre, comment un croyant qui est tombé dans le péché est ramené.

Le retour de Simon Pierre n'a pas nécessité beaucoup de temps. Quelques jours seulement se sont écoulés entre le moment de sa chute et celui de sa restauration. Mais n'y a-t-il pas bien des chrétiens pour lesquels l'égarement dure des mois et des années? Quoi qu'il en soit, que l'écart soit de courte ou de longue durée, le chemin doit être le même pour tous: il faut revenir à Dieu.

La chute de Pierre était très grave. En voyant les choses de manière superficielle, on pourrait dire que ce qui lui est arrivé était tout naturel. L'attaque était forte, et grâce à ses réponses, il échappait à la mort. Mais si nous y réfléchissons plus profondément, nous devons conclure que sa chute était des plus graves. Pierre avait proclamé: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant», et «Seigneur, auprès de qui nous en irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Matthieu 16: 16; Jean 6: 68). Puis, dans la cour du palais du souverain sacrificateur, le même homme dit de Jésus: «Je ne le connais pas», et renforce sa déclaration en se mettant à faire des imprécations et à jurer. On se demande comment cela est possible. Comment un croyant si zélé et si ardent, qui avait rendu un si beau témoignage devant les autres disciples, peut-il en arriver à une chose pareille?

Hélas! ce qui s'est passé dans la vie de Pierre s'est produit bien des fois parmi les croyants, et se produit malheureusement encore aujourd'hui. Pourtant, comme pour Pierre, se repentir vraiment de la confiance en soi et de la propre volonté peut se faire sans attendre longtemps. Heureux celui pour qui il en est ainsi! Malheureusement, il arrive souvent que des chrétiens qui s'écartent du droit chemin n'aperçoivent pas le regard à la fois doux et réprobateur du Seigneur. Ses paroles d'amour n'exercent aucune influence sur eux. Quelle douleur pour son cœur!

Pierre aimait ardemment son Sauveur. Mais il pensait que cet amour le rendait capable de tout. Il s'imaginait même que son amour pour Jésus était plus grand que celui des autres disciples. Si tous devaient l'abandonner, lui ne le ferait pas. Et c'est dans cette confiance en lui-même qu'il s'est rendu au lieu où le Seigneur Jésus était interrogé.

C'est pourquoi Dieu ne pouvait pas être avec lui. Il ne pouvait  pas le préserver de la chute. Pierre devait  être livré à lui-même, afin d'être atteint plus profondément dans sa conscience. Qu'on me comprenne bien! Je ne dis pas que l'on doive  tomber. On peut apprendre à se connaître soi-même avant de faire une chute. Mais quand un croyant ne se connaît pas lui-même et que, pour cette raison, il se confie en lui-même, quand il n'écoute pas les exhortations du Seigneur et n'éprouve pas le besoin d'être gardé par la grâce, quand il va au-devant des difficultés avec sa propre force, alors Dieu doit le laisser aller jusqu'à la chute. Dieu peut bien tout empêcher, s'il le veut. Il aurait pu empêcher que Pierre entre dans la cour du palais du souverain sacrificateur. Aujourd'hui aussi, il peut tout prévenir. Mais cela ne nous serait pas profitable.

Pour que Pierre devienne un croyant heureux et capable de paître les brebis du Seigneur, il était nécessaire  qu'il ait renié son Maître en cette circonstance.

La faute n'en peut être imputée qu'à Pierre, qui estimait que son amour pour son Sauveur lui donnerait la force pour faire face à tout. Et pourtant, c'est Dieu qui a tout dirigé pour qu'il soit préservé d'un naufrage absolu.

Lorsque le Seigneur lui a annoncé cette chute humiliante, il a ajouté: «Simon, Simon… moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas». Seule la grâce peut nous garder jusqu'à la fin. Sans elle, nous serions amenés au désespoir. Simon, parmi les apôtres du Seigneur Jésus, avait été chargé d'une mission particulière; c'est lui qui avait été nommé «Pierre», ou une pierre. Néanmoins, si le Sauveur n'avait pas prié pour lui, il aurait continué sur ce chemin de perdition et aurait succombé. Dieu a préservé Pierre, ce que n'a pas pu faire l'amour fougueux qui l'animait.

Quel bonheur qu'il en soit ainsi, et pour nous aussi! Le Seigneur Jésus est toujours vivant; il prie pour nous. Il est notre souverain sacrificateur auprès du Père. Si tel n'était pas le cas, nous ne pourrions pas demeurer fermes. La prière du Seigneur a eu pour résultats que la foi de Pierre n'a pas défailli, qu'il s'est accroché fermement à Lui, qu'il est revenu et qu'il a été rétabli dans son service.

Personne au monde ne savait que Pierre renierait son maître. Avant qu'il ait pu lui-même y penser, avant que le Seigneur en parle, la prière du Sauveur s'était déjà élevée vers Dieu en sa faveur. C'est ce que le Seigneur Jésus fait aussi pour nous. S'il n'en était pas ainsi, c'en serait fait de nous. Après un écart, nous ne reviendrions pas dans le droit chemin.

Sa restauration

Parce que Pierre n'a pas été attentif aux mises en garde de son Maître, il est tombé dans un péché grave. Il a publiquement renié son Seigneur à trois reprises. Puis, par la grâce de Dieu, il a été pleinement restauré. Cela n'a pas eu lieu en une fois, mais progressivement. Nous pouvons distinguer trois étapes: 1° dans la maison de Caïphe, le souverain sacrificateur; 2° au jour de la résurrection du Seigneur Jésus; 3° quelque temps plus tard, près de la mer de Tibérias.

Le regard du Seigneur

Dans la cour du palais du souverain sacrificateur, Pierre avait affirmé avec serment ne pas connaître Jésus. À cet instant, le Seigneur s'est retourné et l'a regardé, comme seul le Sauveur peut le faire. Nous pouvons bien nous représenter cela. Ne nous a-t-il pas aussi déjà regardé d'une manière qui nous transperce? Nul regard humain ne peut faire sur nous une telle impression. Le Seigneur a regardé Pierre, ce regard a pénétré jusque dans son âme et l'a transformé. Cela s'est passé en un instant. Il n'était plus question de crainte des hommes ou de confiance en soi. Tel un malfaiteur, Pierre est sorti dans l'obscurité de la nuit et a pleuré amèrement.

N'est-ce pas une scène magnifique? Le Fils de Dieu et Pierre sont en face l'un de l'autre, quoique à une certaine distance. Le Seigneur Jésus, lié et abandonné de tous, conduit Pierre à la repentance, au moyen d'un seul regard! Aucune parole d'exhortation, aucun sermon. Tout ce qui était nécessaire pour le ramener s'est passé lorsque Jésus l'a regardé. Plein de confusion, Pierre a quitté le lieu où il était, tandis que des larmes de repentir coulaient sur ses joues.

Et ensuite eut lieu la crucifixion de son Seigneur. Pensez à ce que cela doit avoir été pour Pierre! Imaginez-vous que vous vous trouviez au chevet d'un mourant et que la dernière parole qu'il vous adresse soit un reproche. Puis surviendrait la mort. Vous ne pourriez jamais l'oublier, vous y penseriez votre vie durant. Le regard du Seigneur transperçant l'âme de Pierre a été le dernier contact qu'il a eu avec son disciple avant sa mort. Cela doit avoir été terrible pour Pierre! Par quels moments doit-il avoir passé durant les trois jours suivants! Aucune parole humaine n'était à même de le consoler, ni de lui redonner la paix du cœur. Il devait reconnaître que c'était lui qui était coupable de ce qui s'était passé. Les autres disciples pouvaient essayer de le tranquilliser, cela ne pouvait pas mettre la paix dans son cœur. Non, il fallait que le Seigneur Jésus lui-même vienne à lui.

La visite du Seigneur

Jésus est venu visiter son disciple. Cela a fait une profonde impression non seulement sur Pierre, mais aussi sur tous les autres. «Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon», exultent-ils (Luc 24: 34). Ce qui a été dit dans cet entretien, nous ne le savons pas. Une telle chose ne doit pas être connue. C'est un secret entre le Seigneur et celui qu'il rencontre.

Le Seigneur Jésus a fait à Pierre une visite tout à fait personnelle. Le fait qu'il l'ait regardé ne suffisait pas. Il fallait qu'il aille le trouver, l'assurer de son pardon et lui montrer son amour. Autrement, Pierre aurait pu passer le reste de sa vie dans l'inquiétude. Quelle grâce! Combien tout cela nous dépasse!

Avant d'apparaître au milieu des siens, Jésus parle seul à seul avec son disciple qui était tombé. Pierre devait d'abord recevoir l'assurance de son pardon, avant de pouvoir se réjouir de sa présence.

Le Seigneur Jésus n'agit pas différemment avec nous. Il nous regarde. Et dès que nous reconnaissons notre péché et que nous nous en repentons, il vient à nous afin de rétablir la communion avec lui. Malheureusement, il se passe parfois des semaines, des mois, et même des années, avant que nous cessions de nous justifier. C'est pourquoi il est si beau de considérer l'histoire de Pierre. Pour lui, il a suffi d'un regard du Sauveur pour l'amener à la confession de sa faute. Trois jours plus tard, il pouvait à nouveau se réjouir de la communion avec le Seigneur et les siens; et quelque temps après, il pouvait être rétabli dans son service.

Quand nous nous sommes écartés du droit chemin, les argumentations ne servent à rien. Il faut que Dieu nous donne l'assurance de sa grâce. Si nous pouvons dire: il m'a regardé, il est venu à moi, alors nous pouvons le rencontrer en toute liberté; et il nous laisse reprendre notre place au milieu des autres. Ce n'est que de cette manière que quelqu'un qui s'est repenti sincèrement de son faux pas et qui s'est réellement humilié devant Dieu peut à nouveau être heureux. Mais cela ne signifie pas que l'on oublie ce qui s'est passé. Pierre ne l'a jamais oublié. Dieu ne l'a pas non plus oublié, cet événement se trouve quatre fois dans la Bible! Il a oublié la chose uniquement en ce qui concerne le châtiment et le jugement. Mais Dieu ne veut pas que nous nous efforcions de bannir de notre souvenir ce qui s'est passé.

Au bord du lac

Pour Pierre, tout est redevenu comme auparavant, et même encore mieux. Il a beaucoup appris, il a perdu sa confiance en soi. Au travers de cette chute, il est devenu plus sage. Dieu peut tirer le bien du mal. Mais jamais nous ne devons pécher afin que la grâce abonde. «Qu'ainsi n'advienne!», dit l'apôtre (Romains 6: 1).

Le Seigneur Jésus avait veillé à ce que Pierre retrouve sa place parmi les autres disciples. Maintenant, il s'agissait encore de le rétablir dans son service, et cela non seulement dans celui de pêcheur d'hommes, mais pour paître et garder les brebis et les agneaux du Sauveur. C'était une nouvelle tâche qui devait lui être confiée. Ce n'était pas Jean ou Jacques, mais Pierre, qui était qualifié pour cela. Pour pouvoir être berger, on doit avoir de l'expérience, avoir appris à se connaître soi-même et avoir un sens profond de la miséricorde et de la grâce de Dieu.

Pierre devait apprendre à se voir entièrement dans la lumière de Dieu; il devait découvrir la racine du mal. Lorsque quelqu'un a volé et qu'il l'avoue, il ne s'est pas encore humilié. Il doit arriver à la cause du mal et la reconnaître. Pierre devait se découvrir lui-même, il devait reconnaître combien horrible était son péché — non seulement le reniement du Seigneur, mais aussi le fait d'avoir dit: «Si même tous étaient scandalisés, je ne le serai pourtant pas, moi» (Marc 14: 29). Aussi, cette heure s'est terminée dans la tristesse.

«Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ne font ceux-ci?» C'était une question qui fendait le cœur et qui doit l'avoir bouleversé. Il avait pensé que son amour pour son maître était plus grand que celui des autres; et il l'avait renié! C'est pourquoi cette question était nécessaire.

Combien la réponse de Pierre est belle! «Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime». Tous ceux qui aiment le Seigneur Jésus peuvent dire cela. Malgré tout: tu sais. Et il en était ainsi. Leurs regards se rencontraient de nouveau.

Mais le Seigneur n'est pas satisfait de cela. Pour la deuxième fois, il demande: «Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?» À présent il ne dit pas: plus que ceux-ci.

Avec cette question, le coin s'enfonçait encore plus profondément. Le Seigneur Jésus doutait-il de son amour parce qu'il avait dit: «Je ne le connais pas»? Renier quelqu'un, c'est le contraire de l'aimer. Cette question doit l'avoir pénétré jusqu'à la moelle! Il répondit: «Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime».

Pourtant, il n'était pas encore là où il fallait. Il devait jeter un regard encore plus profond dans son cœur. Pour la troisième fois retentit la question: «Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?»

Il est intéressant de noter que Pierre utilise dans ses réponses un mot plus faible pour aimer que celui qu'emploie le Seigneur dans ses questions. Dans cette troisième question, le Seigneur reprend le mot utilisé par Pierre. Pierre parlait d'un amour amical, mais le Seigneur, du véritable et profond amour de Dieu envers les hommes, et réciproquement.

Cette dernière question est trop pour Pierre. Il est attristé. Peut-être même a-t-il pleuré. Son maître doutait-il vraiment qu'il ait de l'amour pour lui? Non, mais il s'agissait pour le Seigneur de produire un profond travail de conscience chez son disciple. Maintenant, Pierre était arrivé à la racine du mal. Il avait découvert ce qu'il était et comment il était parvenu à cette chute humiliante. Il devait être pleinement guéri de la haute estime qu'il avait de lui-même. De cette manière il était en état d'accomplir un service de pasteur.

Et que s'est-il passé un peu plus tard? L'homme qui avait renié le Seigneur Jésus avec serment eut le courage de se présenter devant les Juifs et de dire: «Mais vous, vous avez renié le saint et le juste» (Actes des Apôtres 3: 14).

Celui qui était tombé et avait été relevé pouvait maintenant être en bénédiction à d'autres. Dès le moment où le Seigneur, par ses questions, avait sondé jusqu'au fond le cœur de Pierre, celui-ci n'était pas seulement rétabli dans la communion avec son Seigneur, il avait aussi reçu, quant à son service, une nouvelle mission.