Moïse et Paul

Bernard Paquien (1997)

Plus de seize siècles séparent ces deux hommes. Le premier inaugura l'ère de la loi, le second connut celle de la grâce et en exposa les richesses. L'un conduisit le peuple d'Israël hors d'Égypte et l'autre fut l'apôtre des nations. À première vue, tout semblerait opposer Moïse et Paul.

En fait ces deux hommes de foi se ressemblent, et nous allons essayer de les rapprocher en observant leur carrière, le caractère de leur service, leurs expériences, leur intimité avec Dieu.

Leur carrière

Tous deux, s'ils ont reçu dans leur jeunesse un enseignement de haute qualité, ont dû un jour tourner le dos à ce qu'ils avaient appris.

Moïse naît à une époque très dure pour Israël. Ce peuple vit sous le joug de la servitude égyptienne et l'ordre du roi, formel, intransigeant, est de ne laisser vivre aucun enfant hébreu de sexe masculin. Moïse vient au monde dans la famille de Lévi; il est caché trois mois par sa mère, puis déposé dans un coffret de joncs enduit de bitume et de poix, «parmi les roseaux sur le bord du fleuve» (Exode 2:3). La fille du Pharaon le tire des eaux, l'élève pour elle, «et il fut son fils». «Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens; et il était puissant dans ses paroles et dans ses actions» (Actes des Apôtres 7:22). Ce n'était pas la sagesse des Égyptiens, grande pourtant, qui allait permettre à Moïse de conduire le peuple vers Canaan, pas plus que la théologie rabbinique ne pouvait qualifier Paul comme apôtre des nations. Dieu avait sa pensée vis-à-vis de l'un comme de l'autre. Pour Moïse, ce fut l'isolement dans le désert de Madian pendant quarante ans. «Par la foi, Moïse, étant devenu grand, refusa d'être appelé fils de la fille du Pharaon, choisissant plutôt d'être dans l'affliction avec le peuple de Dieu, que de jouir pour un temps des délices du péché, estimant l'opprobre du Christ un plus grand trésor que les richesses de l'Égypte» (Hébreux 11:24).

Quant à Saul de Tarse, toute son enfance baigne dans la tradition juive la plus pure: «circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu des Hébreux; quant à la loi, pharisien; quant au zèle, persécutant l'assemblée; quant à la justice qui est par la loi, étant sans reproche» (Philippiens 3:5, 6). Son éducation s'est déroulée «aux pieds de Gamaliel, selon l'exactitude de la loi de ses pères, étant zélé pour Dieu» (Actes des Apôtres 22:3).

«Mais pour Dieu, toutes choses sont possibles» (Matthieu 19:26). Cet homme de la tribu de Benjamin («un loup qui déchire» Genèse 49:27), cet homme qui persécute les chrétiens, pensant qu'il faut «faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen» (Actes des Apôtres 26:9), qui consent au martyre d'Etienne, puis se dirige vers Damas muni de lettres de la part du souverain sacrificateur pour ramener liés à Jérusalem les disciples de Jésus, cet homme, Dieu l'avait choisi pour l'envoyer porter le nom du Seigneur «devant les nations et les rois, et les fils d'Israël» (Actes des Apôtres 9:15).

Moïse et Paul, deux «vases d'élection», deux «instruments de choix», appelés par Dieu à une mission extraordinaire pour laquelle ni l'un ni l'autre n'était préparé, mais que Dieu va former à sa manière.

Leur appel, leur mission

Moïse et Paul font partie des sept personnages bibliques interpellés deux fois par leur nom. Tandis que Moïse faisait paître le bétail de son beau-père Jéthro en Horeb, «Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit: Moïse! Moïse!» (Exode 3:4). Il assiste alors à une scène merveilleuse. L'Ange de l'Éternel (Christ avant son incarnation) lui apparaît «dans une flamme de feu, du milieu d'un buisson à épines», mais «le buisson n'était pas consumé». À l'appel de son nom, Moïse répond: «Me voici», ce qui traduit une volonté soumise. Lorsque le serviteur parfait dira: «Voici, je viens» (Psaumes 40:7), son obéissance infaillible le conduira jusqu'à Golgotha.

Quarante ans auparavant, Moïse, témoin de l'esclavage de ses frères, s'était senti appelé à les délivrer. En tuant un homme, il avait montré que cet appel n'était pas celui de Dieu, mais s'apparentait à une révolte sociale devant les conditions impitoyables imposées aux Hébreux, esclaves du Pharaon. Quels qu'aient pu être les bons sentiments naturels de Moïse, on peut dire qu'il ne s'agissait à l'époque que d'un mouvement de propre volonté.

En Horeb, d'une certaine manière, Moïse voit et entend le Seigneur dans le buisson ardent. Il cache son visage, il éprouve une sainte crainte. Et lorsque Dieu lui dit: «Viens, et je t'enverrai vers le Pharaon, et tu feras sortir hors d'Égypte mon peuple, les fils d'Israël», Moïse ne se sent plus de force. Jadis il se croyait fort pour tuer l'Égyptien et secourir son peuple. Maintenant il se sent faible et discute avec Dieu de ses capacités: «Qui suis-je, moi, pour que j'aille vers le Pharaon, et pour que je fasse sortir hors d'Égypte les fils d'Israël?», «Voici… quand ils me diront: «Quel est son nom? que leur dirai-je?», «Mais voici, ils ne me croiront pas, et n'écouteront pas ma voix», «Ah, Seigneur! je ne suis pas un homme éloquent» (Exode 3:11, 13; 4:1, 10). Le serviteur n'est plus qu'un vase brisé, sans apparence. Vidé de son contenu, de ses capacités personnelles, il pourra laisser agir Dieu lui-même.

Paul est aussi appelé deux fois par son nom. Il se dirige vers Damas lorsqu'un éclair l'enveloppe, le projette à terre et qu'une voix lui dit: «Saul! Saul! pourquoi me persécutes-tu?» (Actes des Apôtres 9:4). Ce qu'il avait accompli jusque-là, persécutant l'assemblée en croyant servir Dieu, n'était qu'aveuglement. Lorsque les écailles tombent de ses yeux, à la venue d'Ananias, n'a-t-il pas dû s'exprimer comme l'aveugle de Jean 9:«Je sais une chose, c'est que j'étais aveugle, et que maintenant je vois» (Jean 9:25)? Paul aussi est un vase brisé, vidé de lui-même, désormais propre au service. Et le Seigneur lui indique quel service: «Je te suis apparu afin de te désigner pour serviteur et témoin, et des choses que tu as vues et de celles pour la révélation desquelles je t'apparaîtrai, en te retirant du milieu du peuple et des nations vers lesquelles moi je t'envoie pour ouvrir leurs yeux, pour qu'ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu; pour qu'ils reçoivent la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en moi» (Actes des Apôtres 26:16-18).

Cette scène de l'appel de Saul de Tarse est répétée trois fois dans le livres des Actes (chapitres 9, 22 et 26); et Paul, dans ses écrits, fera plusieurs allusions à sa mission. Aux Éphésiens, il dit: «A moi, qui suis moins que le moindre de tous les saints, cette grâce a été donnée d'annoncer parmi les nations les richesses insondables du Christ, et de mettre en lumière devant tous quelle est l'administration du mystère caché dès les siècles en Dieu» (3:8, 9).

Paul évangéliste, Paul révélateur de la vérité fondamentale de l'assemblée, corps de Christ, devait aussi «compléter la parole de Dieu» (Colossiens 1:25). Sans lui, sans ses précieuses lettres, la Bible aurait été incomplète. Cette mission d'écrivain sacré, Moïse l'avait lui aussi reçue, puisqu'il est l'auteur des cinq premiers livres de la Bible, le Pentateuque, ainsi que d'autres écrits.

Pour une tâche aussi importante, Dieu va accompagner ses deux serviteurs de sa puissance. Des miracles nombreux jalonnent leurs chemins. Évoquons à propos de Moïse les plaies d'Égypte, le passage de la mer Rouge, le bois de Mara, le rocher frappé en Horeb, ou, à propos de Paul, l'homme impotent guéri à Lystre, le père de Publius guéri sur l'île de Malte, le tremblement de terre qui ébranle les fondements de la prison de Philippes; «Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul» (Actes des Apôtres 19:11). Il soutient ses deux serviteurs par des manifestations de sa puissance, attestant qu'il est avec eux et qu'ils n'agissent pas selon leurs propres pensées.

Le caractère des serviteurs: amour et vérité

Le titre de serviteur convient aussi bien à Moïse, puisque Dieu l'appelle «mon serviteur Moïse» (Nombres 12:7), qu'à Paul: «l'évangile… duquel moi, Paul, je suis devenu serviteur» (Colossiens 1:23). Ce dernier n'hésite pas à se considérer comme «esclave de Jésus Christ» (Romains 1:1), c'est-à-dire comme un homme n'ayant plus de volonté propre, mais soumis et obéissant à son Maître.

Cela ne signifie nullement que l'un et l'autre soient devenus apathiques. Bien au contraire, ils manifestent une énergie peu ordinaire. Moïse sait bien que la force n'habite pas en lui mais en Dieu seul: «Jah est ma force» dit-il au début de son cantique (Exode 15:2). Quant à Paul, rien ne l'arrête. Avec ses compagnons, ils ont été «abattus mais ne périssant pas», toutefois il ne s'attarde pas sur ce qu'il a enduré et endurera jusqu'à la fin de sa vie. «Ne nous lassons pas en faisant le bien» (Galates 6:9).

Ce qui engendre autant d'énergie chez ces deux hommes, c'est une foi ardente, vivante, déterminée. Le chapitre des hommes de foi nous apprend que «Par la foi, (Moïse) quitta l'Égypte, ne craignant pas la colère du roi, car il tint ferme, comme voyant celui qui est invisible» (Hébreux 11:27). De son côté, Paul déclare avec assurance: «Je sais qui j'ai cru» (2 Timothée 1:12).

La foi les conduit d'une façon constante. Et lorsqu'une affaire imprévue se présente à eux, ils ne réagissent pas sans avoir consulté l'Éternel; Dieu leur donne alors les directions. Moïse avait, par exemple, reçu des indications claires pour la célébration de la Pâque. Mais voilà des hommes qui étaient impurs le quatorzième jour du mois d'Abib, et qui désirent tout de même célébrer cette fête. «Moïse leur dit: Tenez-vous là, et j'entendrai ce que l'Éternel commandera à votre égard» (Nombres 9:6-14). Une réponse — qui fera office de loi pour la suite — est fournie par Dieu lui-même. D'une manière analogue, Paul recherche la direction divine quant à la route à suivre. Attentif aux portes qui se ferment, il attend que Dieu lui montre clairement le chemin (Actes des Apôtres 16:6-10).

Quoique investis d'une mission importante qu'ils accomplissent par la foi, Moïse et Paul ne manifestent nul esprit de supériorité, mais, au contraire, font preuve d'humilité.

L'esprit de pardon et d'amour, tel que l'a enseigné le Seigneur en Matthieu 18:21, 22 et 5:44, par exemple, s'observe chez Moïse lorsque ses plus proches collaborateurs, Marie et Aaron, s'élèvent contre lui «à l'occasion de la femme éthiopienne qu'il avait prise». Marie s'attire plus spécialement la colère de l'Éternel et devient lépreuse. Immédiatement, Moïse intercède pour elle. «Moïse cria à l'Éternel, disant: O Dieu! je te prie, guéris-la, je te prie» (Nombres 12:13). Paul, de son côté, écrira aux Corinthiens une première lettre sévère pour qu'ils «ôtent le méchant du milieu d'eux-mêmes». Mais dans sa seconde lettre, il leur enjoindra de pardonner et de consoler, de ratifier leur amour envers l'homme qui avait péché (2 Corinthiens 2:7, 8). «Moïse était très doux, plus doux que tous les hommes» (Nombres 12:3). La note donne «humble» comme synonyme de doux. Paul rappelle aux Thessaloniciens: «Nous avons été doux au milieu de vous» (1 Thessaloniciens 2:7) et il exhorte les Philippiens à la douceur et à l'humilité: «Que votre douceur soit connue de tous les hommes», «Que, dans l'humilité, l'un estime l'autre supérieur à lui-même» (Philippiens 4:5; 2:3).

L'amour de Moïse pour son peuple l'a conduit jusqu'à l'abnégation: «Pardonne leur péché…; sinon, efface-moi, je te prie, de ton livre que tu as écrit» (Exode 32:32). L'amour de Paul pour ses frères juifs l'a conduit à la même pensée: «J'ai souhaité d'être par anathème séparé du Christ, pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites» (Romains 9:3). Mais, ni pour l'un ni pour l'autre, Dieu ne pouvait accéder à cette demande sans se renier lui-même.

Leurs expériences

Moïse fait l'apprentissage du désert pendant les quarante années qu'il passe en Madian. Cependant, l'école de Dieu va se poursuivre. Aux portes de Canaan, les Israélites, effrayés par les géants, murmurent et veulent s'établir un chef pour retourner en Égypte. Dieu, dans son gouvernement, va les faire errer pendant quarante ans dans le désert, jusqu'à la disparition complète de la première génération incrédule. Moïse accompagnera le peuple, avec amour, patience et support.

Paul a été appelé pour porter le message de la bonne nouvelle au loin devant les nations. Très tôt après sa conversion, il prêche Jésus aux Juifs de Damas, annonçant que «lui est le Fils de Dieu». Beaucoup de jours doivent s'écouler — il séjourne trois ans en Arabie — avant qu'il revienne à Damas, et qu'il aille à Jérusalem faire la connaissance des apôtres (Actes des Apôtres 9:20-30; Galates 1:17-19). Il séjourne ensuite dans l'ombre à Césarée puis à Tarse où, environ six ans plus tard, Barnabas viendra le chercher pour enseigner à Antioche (Actes des Apôtres 11:25). Dès lors, ce sont les grands voyages dont le livre des Actes nous donne le récit, sans compter tous ceux qui ne sont évoqués que par de brèves allusions.

Toute une vie de renoncements, entièrement consacrée à Dieu, à Israël pour Moïse, aux assemblées pour Paul.

L'un et l'autre ressentaient profondément cette nécessité de la prière. Comment auraient-ils pu aller jusqu'au bout de leur mission, «fatigués mais poursuivant toujours», sans cette relation intime avec Dieu? Ils ne cessent de parler à Dieu, d'intercéder, de supplier, de rendre grâces. Moïse prie sur la montagne, soutenu par Hur et Aaron, pour que, dans la plaine, Amalek soit vaincu par Josué. Sur la montagne où il vient de recevoir la loi, dès qu'il apprend de la bouche de Dieu que le peuple s'est détourné en se faisant un veau de fonte, il tombe sur ses genoux et «implore l'Éternel» (Exode 32:11). Il intercède continuellement; il prie pour sa sœur lépreuse. Il prie pour lui-même quand il apprend qu'il ne pourra pas franchir le Jourdain et entrer en Canaan. De même, ce qui distingue Paul dès qu'il a vu le Seigneur, c'est qu'il prie. C'est un signe distinctif auquel Ananias peut le reconnaître: «Voici, il prie». Devenu apôtre, il est «assiégé tous les jours par la sollicitude pour toutes les assemblées», il adresse au Seigneur des prières pour tous les rassemblements qu'il a vu se former ici ou là: «Nous ne cessons pas de prier et de demander pour vous…» (Colossiens 1:9), «Nous rendons toujours grâces à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières» (1 Thessaloniciens 1:2). Il prie pour des croyants en particulier: «Je rends grâces à mon Dieu, faisant toujours mention de toi (Philémon) dans mes prières» (Philémon 4). Comme Moïse, il prie aussi pour lui-même, parce que l'écharde est dure à supporter: «À ce sujet j'ai supplié trois fois le Seigneur, afin qu'elle se retirât de moi» (2 Corinthiens 12:8). Mais de même que Moïse avait reçu pour réponse: «C'est assez, ne me parle plus de cette affaire… tu ne passeras pas ce Jourdain» (Deutéronome 3:26, 27), le Seigneur dit à Paul: «Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans l'infirmité» (2 Corinthiens 12:9).

Ils éprouvaient plus spécialement le besoin du secours de Dieu au milieu des combats qui venaient de toutes parts. Moïse a été en butte aux nombreux ennemis qui jalonnaient la route du peuple vers Canaan: Og, Sihon, Amalek et bien d'autres. Mais il lui fallait aussi résister aux combats internes: la jalousie (Nombres 12), l'incrédulité: «Pourquoi nous as-tu fait monter d'Égypte, pour nous faire mourir de soif…?» (Exode 17:3); «Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette congrégation» (Exode 16:3), l'orgueil dans l'affaire de Coré (Nombres 16), les murmures incessants (Nombres 11).

Paul a connu aussi les attaques de l'extérieur. Il l'exprime en racontant qu'il a été dans les périls sur les fleuves, de la part des brigands, à la ville, au désert, en mer (2 Corinthiens 11:24-28). Il a souffert de la part de ses compatriotes, les Juifs, qui le suivaient partout et s'acharnaient contre lui, «remplis de jalousie» (Actes des Apôtres 13:45), en particulier à Antioche, à Iconium, à Lystre où ils le lapidèrent, le laissant comme mort. Il en a été de même de la part des gens des nations, surtout lorsqu'ils ont vu dans l'annonce de l'Évangile un facteur de baisse de leurs revenus. C'est ce qui eut lieu à Philippes, à Éphèse. De l'intérieur, Paul subit les assauts répétés de ceux qu'il appelle «de faux-frères». Ces hommes attaquent sa personne en disant que «sa présence personnelle est faible et sa parole méprisable» (2 Corinthiens 10:10) ou sa doctrine en prêchant certaines formes de légalisme, d'ascétisme, comme en Galatie ou à Colosses. Paul devait aussi avertir les disciples du Seigneur, avec beaucoup de tristesse, de l'évolution de l'assemblée qui ne tarderait pas à devenir «une grande maison», lézardée, où allaient pénétrer «des loups redoutables».

Leur intimité avec Dieu

Si Moïse et Paul ont pu tout surmonter, tout endurer, c'est parce qu'une immense force intérieure les animait: «Si même notre homme extérieur dépérit, — écrit le second — toutefois l'homme intérieur est renouvelé de jour en jour» (2 Corinthiens 4:16). Ils puisaient cette force dans une relation intime avec Dieu, ce qui leur permettait d'une certaine façon de voir sa gloire et de nous en transmettre quelques rayons merveilleux.

Alors que le souverain sacrificateur ne pouvait entrer dans le lieu très saint qu'une fois par an, Moïse lui, par faveur personnelle, se rencontrait librement avec Dieu au-dessus du propitiatoire. Là Dieu lui parlait: «Et je me rencontrerai là avec toi, et je parlerai avec toi de dessus le propitiatoire» (Exode 25:22). Moïse recevait les communications intimes, les secrets de l'Éternel (cf. Psaumes 25:4 note). Dieu dit: «Je parle avec lui bouche à bouche, et en me révélant clairement, et non en énigmes; et il voit la ressemblance de l'Éternel» (Nombres 12:8). Déjà Moïse avait été seul sur la montagne avec l'Éternel, pendant deux périodes de quarante jours; maintenant il pouvait encore entendre la voix de l'Éternel et, faveur suprême, «voir la ressemblance de l'Éternel». Il avait demandé à voir la gloire de Dieu et il lui avait été répondu: «L'homme ne peut me voir et vivre» (Exode 33:20). Mais il avait été l'objet d'une grâce spéciale: l'Éternel l'avait caché dans la fente du rocher, l'avait couvert de sa main, puis retirant sa main, lui avait permis de le voir par derrière. Outre toute la signification symbolique du rocher fendu dans lequel est placé Moïse, et qui évoque Christ, on ne peut concevoir bénédiction plus élevée que de voir la gloire de Dieu, même par derrière, dans ses empreintes, autrement dit dans les résultats de son passage.

Écouter Dieu sur la montagne transformait Moïse intérieurement et laissait sur lui des traces qui faisaient craindre aux fils d'Israël de s'approcher de lui: «Moïse ne savait pas que la peau de son visage rayonnait, parce qu'il avait parlé avec Lui» (Exode 34:29). Se tenir près de Dieu, voilà qui donnait aussi aux premiers chrétiens un rayonnement particulier au point qu'ils étaient reconnus pour avoir été avec Jésus (Actes des Apôtres 4:13). Cela ne nous incite-t-il pas à nous tenir beaucoup plus près du Seigneur?

Quant à Paul, il a rencontré le Seigneur dans la gloire, ce qui l'a jeté à terre et l'a rendu aveugle pendant trois jours, mais il a aussi fait l'expérience indicible de sa merveilleuse intimité. Tout au long de son ministère, il a ressenti sa présence et apprécié son soutien, y compris dans sa dernière prison d'où il écrivait: «Le Seigneur s'est tenu près de moi et m'a fortifié» (2 Timothée 4:17). On comprend que Paul ait recherché cette communion avec le Seigneur, comme par exemple sur la route d'Assos où il voulait se rendre seul à pied (Actes des Apôtres 20:13).

C'est dans cette intimité que Moïse et Paul ont reçu l'un et l'autre les extraordinaires révélations qu'ils nous ont communiquées.

Sur la montagne de Sinaï, Dieu donne la loi à Moïse et la grave de son propre doigt sur des tablettes de pierre (Exode 31:18). En ce même lieu, Moïse reçoit toutes les directives concernant l'habitation de Dieu, le tabernacle et ses ustensiles, les sacrifices et les fêtes à l'Éternel, fondements des relations que Dieu voulait entretenir avec son peuple.

En diverses circonstances qui ne nous sont pas connues, Paul reçoit les révélations du Seigneur concernant son assemblée, pour sa bonne marche, son témoignage sur la terre, son enlèvement… «J'ai reçu du Seigneur ce qu'aussi je vous ai enseigné» dira-t-il (1 Corinthiens 11:23). Plus que cela encore, comme Moïse admis dans le lieu très saint, Paul, «un homme en Christ» «a été ravi jusqu'au troisième ciel». Il y a «entendu des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à l'homme d'exprimer» (2 Corinthiens 12:4). Toutes les visions postérieures ou antérieures à celle-ci (Actes des Apôtres 16:9; 18:9; 22:17; 27:23...), où Paul recevait des directions ou des encouragements pour le service, ne pouvaient être que de pâles étoiles à côté de cette splendeur du soleil.

Deux destins extraordinaires qui présentent bien des analogies, malgré seize siècles de distance, et qui nous invitent à nous poser ou à nous reposer aujourd'hui des questions essentielles, celles de notre disposition à servir, à pardonner, à nous tenir dans l'humilité, à aimer comme Christ lui-même. Certes il s'agissait de Moïse et de Paul, serviteurs exceptionnels. Mais ne pouvons-nous pas aussi puiser dans la communion avec le Seigneur une foi qui se traduira comme la leur par une sainte énergie pour la gloire de son nom?