Les bontés de l'Éternel

Jean-Pierre Fuzier

Lamentations de Jérémie 3:22-33

Les Lamentations de Jérémie sont l'expression de la douleur et de l'humiliation d'un homme fidèle qui, plein d'amour pour le peuple de Dieu, considère sa ruine et sa souffrance.

Juda et Jérusalem étaient dans la détresse parce qu'ils avaient abandonné l'Éternel, la source des eaux vives, pour se creuser des citernes crevassées (Jérémie 2:13). N'y a-t-il pas là un avertissement pour nous aujourd'hui? Ne serait-ce pas une raison, au moins, des souffrances des saints et de la ruine du témoignage?

Sans doute le gouvernement de Dieu ne revêt-il pas, pour nous qui sommes sous la grâce, la même forme que pour Juda et Jérusalem sous la loi; mais il existe néanmoins. Le prophète Jérémie pleurait à cause de la ruine de la fille de son peuple (Lamentations de Jérémie 2:11), et l'apôtre Paul, au-delà des choses exceptionnelles qu'il pouvait rencontrer, était assiégé tous les jours par sa sollicitude pour toutes les assemblées (2 Corinthiens 11:28). À ce sujet, un frère a écrit: «Les souffrances les plus épuisantes de toutes étaient, nous osons le penser, celles dont il parle en dernier — la sollicitude pour toutes les assemblées. Supporter les infirmités des faibles, prêter attention sans cesse aux plaintes de ceux qui se sentaient offensés, corriger les errements de quelques-uns, combattre pour la vérité contre de faux frères, toutes ces choses ont dû constituer la plus éprouvante des expériences. Pourtant, il supportait tout cela» (F.B. Hole, 2 Corinthiens).

Comment ne pas éprouver nous aussi tristesse et humiliation en raison de l'état de ruine de l'assemblée? 

La structure du livre des Lamentations

Ce livre comprend cinq chapitres. Les deux premiers et le quatrième sont composés de vingt-deux versets, alors que le chapitre trois, au centre du livre, comprend vingt-deux strophes de trois versets. Ces quatre chapitres ont une structure alphabétique. Le chapitre cinq comporte également vingt-deux versets, mais sans la structure alphabétique.

L'Esprit Saint donne ainsi une place remarquable au chapitre trois, dans lequel le prophète s'identifie à son peuple coupable, sous le jugement de Dieu. Jérémie est en cela une figure de Christ, en détresse dans toutes les détresses des siens.

Afflictions, amertume, bannissement (3:1-20)

Le chapitre central du livre est donc celui où le prophète exprime sa douleur avec le plus d'intensité. Ses souffrances physiques et surtout morales sont le sujet du premier tiers de ce chapitre. Dieu s'est servi des expériences du prophète pour placer devant nous ce qui a été, d'une manière infiniment plus profonde, la part de Christ, sa détresse tandis qu'il ne trouvait plus l'accès à son Dieu Fort. Il y a dans ces versets un aspect de la communion à laquelle Dieu nous appelle au sujet de son Fils. Dans des termes et par des figures que nous pouvons comprendre, il veut rendre quelque peu accessibles à nos intelligences et à nos cœurs de rachetés les souffrances de son Fils bien-aimé sur la croix. Et s'il nous est ainsi donné de nous approcher, dans notre mesure, de cet insondable mystère, c'est pour que nous saisissions davantage la grandeur et la perfection de notre Sauveur. C'est pour remplir nos cœurs d'amour et de louanges envers celui «qui nous a lavés de nos péchés dans son sang».

Si maintenant nous appliquons ce passage de l'Écriture aux souffrances d'un homme pieux, en quelque temps que ce soit, nous découvrons qu'au plus profond de sa détresse, au moment même où son âme est abattue en lui au souvenir de ses épreuves, il peut rappeler à son cœur ce qu'il a déjà éprouvé et connu, ce qui est désormais son expérience: les bontés de l'Éternel.

Les bontés de l'Éternel (versets 22-24)

Nous avons noté la place qu'occupe le chapitre 3 dans ce petit recueil; nous remarquons maintenant que les versets 22 à 33 sont au centre même du livre. Nous pouvons dire qu'ils en sont le cœur, car ils parlent de la bonté de Dieu. Jérémie confessait l'état de ruine et d'infidélité de son peuple, il souffrait du déshonneur qui en résultait pour le nom de l'Éternel. Pourquoi alors ce peuple n'était-il pas consumé? Le prophète affligé a trouvé la réponse dans son cœur: «Ce sont les bontés de l'Éternel». Elles s'exercent en pure grâce, parce que Dieu est fidèle; c'est pourquoi il pourvoit chaque matin, par des compassions nouvelles, aux détresses renouvelées du petit Résidu dans l'épreuve.

Nous pouvons bien penser que la parole prophétique nous donne à connaître ici les expériences que fera le Résidu durant la grande tribulation, afin que «par la patience et par la consolation des écritures, nous ayons espérance» (Romains 15:4). Car «la bonté de l'Éternel est de tout temps et à toujours sur ceux qui le craignent» (Psaumes 103:17).

N'y a-t-il pas ainsi, pour les fidèles aujourd'hui, un puissant encouragement, tandis qu'ils mènent deuil devant la ruine présente? Que leur reste-t-il, sinon les bontés et les compassions du Père de notre Seigneur Jésus Christ? Qu'en toute confiance, ils sachent faire et dire, comme David: «Le matin, je disposerai ma prière devant toi, et j'attendrai» (Psaumes 5:3).

Jérémie alors nous fait part de ce qui est la source de son espérance: «L'Éternel est ma portion». Telle était aussi celle de Christ ici-bas: «L'Éternel est la portion de mon héritage et de ma coupe» (Psaumes 16:5). Nous avons en Christ une espérance vivante, un héritage conservé dans les cieux pour nous. Et si, dans le chemin, nous passons par la vallée de Baca — la vallée des pleurs (Psaumes 84:6) —, Christ est notre coupe, tout notre plaisir sur la terre (Psaumes 73:25), et notre cantique (Psaumes 118:14).

L'Éternel est bon (verset 25)

Le prophète vient de nous parler de son espérance; il nous dit maintenant ses certitudes: «L'Éternel est bon». Mais la connaissance pratique de cette bonté est la part de ceux qui s'attendent à lui; c'est la part de la foi.

Cette bonté est aussi pour l'âme qui cherche le Seigneur, parce qu'elle l'aime. C'est ce que faisait Marie de Magdala (Jean 20:13-15). «J'ai cherché celui qu'aime mon âme», dit la bien-aimée (Cantique des Cantiques 3:1).

Ce qui encourageait Jérémie est aussi ce qui peut nous fortifier, et plus encore que les saints de l'Ancien Testament, car nous connaissons le Père.

Une chose bonne (verset 26)

Le prophète peut maintenant nous parler d'une chose bonne: attendre, et dans le silence, le salut de l'Éternel.

Jacques écrit: «Voici, nous disons bienheureux ceux qui endurent l'épreuve avec patience» (5:11). Il nous présente le côté de l'attente. De son côté, Pierre nous invite à imiter le Christ qui a souffert pour nous, mais se remettait à celui qui juge justement (1 Pierre 2:21-23). Il nous montre ce qu'est le silence.

Nous éprouvons parfois qu'il est difficile de nous taire à l'égard du bien; mais nous pouvons toujours parler au Seigneur en qui est notre attente (Psaumes 39:2-4, 7-9). L'attente dont il est question ici n'est pourtant pas passive. Elle sous-entend l'épreuve de la foi, et fait partie des voies de Dieu à l'égard des siens, pour qu'ils soient «parfaits et accomplis, ne manquant de rien». Il est remarquable que, à l'exercice de la patience, Jacques associe notre besoin de sagesse. Sans doute cette qualité est-elle indispensable pour nous garder de toute action hâtive et incompatible avec la patience de la foi.

Nous comprenons aussi que le silence va de pair avec le sentiment d'être sous la discipline du Seigneur. Le fidèle, dans la détresse, cherche le Seigneur et, devant lui, épanche sa prière à voix basse (Ésaïe 26:16).

Que de troubles, sans doute, auraient été évités dans les assemblées, si nous avions su ne faire part qu'au Seigneur, «dans le secret», des exercices de nos cœurs et des souffrances que nous éprouvons! Cela aurait été certainement «une chose bonne»; car ainsi nous aurions attendu la délivrance du Seigneur, au lieu de la retarder par notre agitation.

Nous avons souvent remarqué que l'intervention précipitée de Marthe, et ses paroles nombreuses, ont arrêté le Seigneur alors qu'il se rendait à Béthanie: Marie, en effet, le trouva là où Marthe l'avait rencontré (Jean 11:20-30).

Le Résidu juif, bientôt, devant l'apostasie et devant la puissance déployée par Satan en Israël, se tournera vers Celui qui est le salut, selon l'expression prophétique de Jacob: «J'ai attendu ton salut, ô Éternel!» (Genèse 49:18).

Notre ressource, aujourd'hui, n'est-elle pas d'exposer nos requêtes à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces?

Il est bon à l'homme de porter le joug dans sa jeunesse (verset 27)

Jérémie vient de nous parler de ce qui est bon pour l'ensemble des fidèles. Il nous dit maintenant qu'il est bon, pour le fidèle individuellement, de porter le joug dans sa jeunesse. Telle a été la part du Seigneur Jésus lui-même (Zacharie 13:5).

Pensons à Samuel et à Timothée (1 Samuel 2:11, 18, 26; 2 Timothée 3:14, 15). Leur exemple nous montre que le joug du Seigneur consiste à apprendre de lui, à écouter et à garder sa parole — et nous pouvons ajouter: «avant que soient venus les jours mauvais, et avant qu'arrivent les années dont tu diras: Je n'y prends point de plaisir» (Ecclésiaste 12:1, 2). Que le Seigneur forme encore, pour sa gloire et pour le bien du troupeau, des hommes de Dieu «parfaitement accomplis pour toute bonne œuvre»!

Il a compassion, selon la grandeur de ses bontés (verset 33)

C'est la dernière mention des bontés du Seigneur dans ce chapitre. Nous sommes consolés d'entendre le prophète nous dire que le Seigneur ne nous afflige pas volontiers, mais qu'il a aussi compassion. «Il est bon pour moi que j'aie été affligé», dit le psalmiste, reconnaissant la bonté de Dieu dans l'exercice d'une discipline qui est, pour le présent, un sujet de tristesse (Psaumes 119:71, 75).

Peut-être Paul pense-t-il au passage où Jérémie exprime la détresse de Jacob, lorsqu'il écrit: «Dieu a-t-il rejeté son peuple»? Mais il répond, dans l'assurance de l'amour divin: «Qu'ainsi n'advienne»! À plus forte raison, nous qui vivons au temps de la grâce, pouvons-nous trouver au jour de notre détresse les consolations et l'assurance qu'éprouvera bientôt Israël restauré.

Attendons la délivrance avec patience, confiants en Celui qui nous reprend et nous discipline comme des fils qu'il aime et qu'il agrée.

«Que notre Dieu… accomplisse tout le bon plaisir de sa bonté et l'œuvre de la foi en puissance, en sorte que le nom de notre Seigneur Jésus Christ soit glorifié en nous, et nous en lui, selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ» (2 Thessaloniciens 1:11, 12).

O notre Espérance,

Dieu de charité,

Notre confiance

Est dans ta bonté.