Connaître Jésus et le suivre (Marc 8:27 – 9:51)

Pierre-Éric Fuzier

3. Au pied de la montagne (Marc 9:14-27)

Quel contraste pour le Seigneur entre le moment où, sur la montagne, il avait pu goûter par anticipation la joie et la gloire de son royaume, et la scène qu'il rencontre en bas de la montagne.

Une grande détresse et une grande délivrance

Un enfant malade, tourmenté par un esprit mauvais, avait été amené aux disciples pour qu'ils le guérissent. En l'absence du Seigneur, c'était eux qui le représentaient, de sorte qu'en leur amenant son enfant, c'était au Seigneur que le père le présentait (verset 17).

Confrontés à la puissance de l'ennemi, les disciples s'étaient montrés sans force, et s'étaient laissés entraîner dans une discussion stérile avec des scribes. Quelle tristesse le Seigneur a-t-il dû éprouver! Mais quelles leçons et quelles consolations dans la façon dont il intervient!

C'est probablement aux disciples que le Seigneur s'adresse, lorsqu'il demande: «de quoi disputez-vous avec eux?» Ils s'étaient laissés entraîner sur le terrain de ces discussions que les scribes affectionnaient, mais ce n'était pas le temps des querelles et des disputes de mots: il y avait là un besoin, une détresse, et il fallait y répondre. Le Seigneur met chaque chose à sa vraie place. Les discussions des scribes ne méritent aucune réponse, mais l'enfant malade doit lui être amené.

Puis il interroge le père de l'enfant: «Combien y a-t-il de temps que ceci lui est arrivé?» Cette question exprime l'intérêt profond que, toujours, le Seigneur porte à ceux qui viennent à lui. Mais aussi, elle sonde l'âme. La réponse du père manifeste tout: la grandeur de sa détresse et de ses besoins, le sentiment que sa seule ressource est maintenant dans le Seigneur, son incapacité à faire valoir quoi que ce soit qui vienne de lui-même. C'est la prière de celui qui ne peut espérer, en dépit de sa faible foi, que dans les compassions de Jésus.

Lorsque, dans une autre circonstance, le Seigneur demande à un homme «veux-tu être guéri?» (Jean 5:6), il poursuit le même but: la pleine et entière confession de l'état de celui qui est malade.

Dans beaucoup de nos épreuves et de nos difficultés, nous pouvons nous aussi entendre la même question; et le Seigneur attend que nous y répondions du fond de notre cœur. Si souvent, nous gardons quelque espoir en nous-mêmes, en nos efforts, quelque confiance dans la chair. Ou bien, il y a en nous de l'incrédulité, un doute quant à l'amour ou à la puissance du Seigneur. Si difficile que ce soit pour nous, il nous faut le reconnaître devant lui, et confesser notre absence totale de ressources et de sagesse, réalisant que lui seul peut nous délivrer.

La réponse du Seigneur vient alors aussitôt, et elle manifeste comment nous discernons mal la réalité des choses. Le père de l'enfant avait parlé d'un esprit muet, le Seigneur parle d'un esprit muet et sourd. Il montre ce qui était la source de la misère, l'incapacité à entendre. N'est-ce pas dans l'incapacité à entendre la parole de Dieu que se trouve la source de tous les besoins de l'homme, qu'il s'agisse de la ruine de l'homme pécheur, ou de la faiblesse spirituelle des croyants?

Puis, l'esprit immonde ayant violemment déchiré l'enfant, celui-ci devient comme mort, de telle sorte que la plupart de ceux qui sont là disent qu'il est mort. Nos cœurs sont lents à discerner ce qui est vraiment le travail de Dieu. Nos pensées sur ce qu'est réellement la vie et sur ce qu'est réellement la mort sont souvent éloignées des pensées de Dieu. Pouvait-on appeler vie la terrible agitation de l'enfant? La parole du Seigneur aurait-elle pu amener la mort? Sans un mot, par un geste manifestant son amour pour l'enfant qu'il avait délivré, le Seigneur répond à toutes ces questions. C'est lui qui est venu jusqu'à nous, s'approchant de notre misère, pour nous apporter le salut, la délivrance et la paix.

Un tableau du temps présent

Nous trouvons encore, dans cette scène, un tableau du temps présent:

  • en l'absence du Seigneur, et alors que la gloire qui lui appartient déjà ne peut être manifestée, ses disciples sont laissés pour être ses représentants: «je t'ai amené mon fils… et j'ai dit à tes disciples…» (versets 17, 18);
  • le Seigneur est lui-même l'objet de la foi, foi qui est le seul moyen de délivrance offert à l'homme dans sa misère.

Nous y trouvons aussi de profondes leçons pratiques pour nous, témoins du Seigneur Jésus aujourd'hui, confrontés en son absence à la puissance de l'ennemi et à bien des peines et des épreuves.

Beaucoup de croyants sont «agités», comme l'était cet enfant, troublés dans leur esprit, doutant même, parfois, de l'amour et de la fidélité de Dieu. Combien y a-t-il de «muets», dont le cœur ne peut s'ouvrir à Dieu en prière et en louange, ou dont la bouche a tant de peine à rendre témoignage! Et Satan réussit à faire périr chez certains toute joie, toute confiance.

Certes, le Seigneur ne nous a pas promis qu'il nous épargnerait les épreuves et les larmes. Il ne guérit pas toujours, même si, peut-être, il veut le faire plus souvent que nous ne pensons (Jacques 5:15, 16; 1 Jean 5:16). Mais il veut secourir notre âme dans l'épreuve même, pour que nous puissions la traverser avec lui, nous réjouir en lui malgré tout, et le glorifier dans la patience et la soumission, en goûtant la paix et la joie de sa communion. Nous sommes exhortés à relever «les mains lassées et les genoux défaillants» (Hébreux 12:12), pour que l'esprit de louange et de prière puisse ranimer nos frères et soutenir leur marche à la gloire du Seigneur (Hébreux 12:13). L'avons-nous à cœur ou nous faut-il apprendre, dans la maison (versets 28, 29), pourquoi nous sommes impuissants devant de tels besoins?

Mais nous trouvons aussi dans ce récit un profond encouragement: quels qu'aient été les efforts de Satan, le «meurtrier» (Jean 8:44), il n'avait pu réussir. Dieu avait veillé sur cet enfant, l'avait protégé du feu et de l'eau, pour le garder jusqu'au moment où, enfin, il serait amené devant le Seigneur. Quel réconfort de penser qu'au-dessus de tous les efforts et de toute la puissance de l'ennemi, Dieu garde les siens et les amènera, en son temps, devant le Seigneur, pour leur délivrance.

4.  Dans la maison (Marc 9:28-51)

À deux reprises, dans la fin du chapitre 9, nous trouvons le Seigneur dans la maison avec ses disciples. Il y a des enseignements qu'il réserve aux siens dans l'intimité; le monde n'a pas à en être témoin, et ne doit pas non plus nous distraire. Quelle que soit l'importance du témoignage et du service, nous devons apprendre la valeur de ces moments d'intimité.

Là le Seigneur montre aux siens le secret de la puissance, puis ce qu'est la vraie grandeur.

La source de la puissance

Ce sont d'abord les disciples qui interrogent le Seigneur (versets 28, 29). Ils désirent comprendre pourquoi ils ont été sans puissance devant l'ennemi. Le Seigneur leur répond que la ressource à laquelle ils ont manqué de faire appel se trouve dans la prière et dans le jeûne.

La prière est beaucoup plus difficile que nous le pensons parfois. Il s'agissait ici de faire face à la puissance de Satan, donc de combattre. La prière est la reconnaissance que nous n'avons pas de ressource, pas de force ni de sagesse pour ce combat. Nous ne pouvons compter sur nous-mêmes, nous sommes contraints de nous rejeter entièrement sur Dieu. Rien n'est plus contraire à la volonté de notre chair: toujours elle voudrait agir par son énergie et par sa sagesse.

L'apôtre Paul nous enseigne par son exemple: «Nous ne combattons pas selon la chair; car les armes de notre guerre ne sont pas charnelles, mais puissantes par Dieu pour la destruction des forteresses, détruisant les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et amenant toute pensée captive à l'obéissance du Christ» (2 Corinthiens 10:3-5). Ce passage nous aide à comprendre pourquoi le Seigneur associe le jeûne à la prière. Spirituellement, le jeûne correspond à l'injonction: «Ne prenez pas soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises» (Romains 13:14). C'est bien en mettant de côté les prétentions de la chair et en veillant à ne pas la nourrir que nous pourrons réaliser la puissance des «armes de notre guerre», et tout d'abord la puissance de la prière.

Mais au-delà de cette pensée, ne pouvons-nous pas nous interroger sur la place que des choses, en elles-mêmes légitimes, tiennent dans nos vies, au détriment de la prière?

La vraie grandeur

Le Seigneur reprend son chemin, place à nouveau devant ses disciples ses souffrances, sa mort et sa résurrection, puis, une deuxième fois, leur parle dans une maison (versets 33-51).

Occupés d'eux-mêmes, les disciples n'avaient pas pu comprendre ce que le Seigneur leur disait; et ils n'osaient pas l'interroger. Peut-être aussi, plutôt que de chercher à comprendre ce qui leur paraissait trop difficile, s'étaient-ils mis à parler de ce qu'ils pensaient bien connaître, le royaume à venir du Messie. Dans sa bonté, c'est lui qui s'approche d'eux et les interroge, comme pour rétablir la communion qu'ils avaient perdue. Mais il le fait — comme il le fait avec nous — en sondant leur cœur; car il ne peut pas les laisser inconscients de leur pauvre état moral.

Puis il leur montre que le chemin dans lequel il les a engagés à sa suite implique la mise de côté de toutes leurs prétentions. Les disciples étaient préoccupés de savoir lequel serait le plus grand parmi eux. Le Seigneur leur répond en leur montrant que la vraie grandeur est de servir les autres. C'est la place que lui-même avait prise, étant venu non pas pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs (Marc 10:45). Et servir le Seigneur aujourd'hui, n'est-ce pas être serviteur de l'évangile, de l'assemblée (Colossiens 1:23, 25) et des saints (Hébreux 6:10)?

Le Seigneur continue d'enseigner les disciples en prenant dans ses bras un petit enfant et en leur disant: «quiconque recevra l'un de tels petits enfants en mon nom me reçoit; et quiconque me recevra, ce n'est pas moi qu'il reçoit, mais c'est celui qui m'a envoyé» (verset 37). Recevoir un petit enfant au nom du Seigneur, c'est recevoir celui qui n'a pas d'apparence pour le monde, qui n'y revendique aucune place, mais qui accepte avec simplicité et confiance la place que le Seigneur lui donne, dans ses bras. C'est simplement reconnaître que notre seule dignité, notre seule noblesse, est celle que le Seigneur nous a donnée par grâce.

Jean, réalisant peut-être par ce que le Seigneur vient de leur dire combien la tendance à tout ramener à nous-mêmes est éloignée de sa pensée, lui parle alors de cet homme auquel les disciples avaient interdit de chasser des démons; pourtant, il le faisait au nom de Jésus. La raison invoquée par Jean était: «il ne nous suit pas» (verset 38), ou «il ne te suit pas avec nous» (Luc 9:49). Mais le motif de celui qui agissait ainsi était le nom, la gloire du Seigneur, aussi Jésus répond-il aux disciples: «ne le lui défendez pas». Si la grâce de Dieu est à l'œuvre dans ce monde, il ne nous appartient pas d'y mettre obstacle, en prétendant organiser et régenter par nous-mêmes l'œuvre de Dieu. Si les croyants sont appelés à être «serviteurs de tous», c'est à leur maître qu'ils ont affaire pour ce qui regarde leur responsabilité dans l'accomplissement de leur service (cf. Romains 14:4).

Mais soulignons bien qu'en même temps, le Seigneur n'invite pas les disciples à s'associer à celui qui poursuivait ainsi son service de manière indépendante; au contraire même, il donne implicitement son approbation à la position de ceux qui s'attachaient à demeurer près de lui. En déclarant: «celui qui n'est pas contre nous est pour nous», il associe ses disciples à lui-même d'une façon si proche, si intime, qu'il peut dire: «contre nous» et «pour nous». Attachons-nous à le suivre de près, à rester unis autour de lui, tout en reconnaissant qu'il est souverain, et qu'il peut permettre que d'autres, peut-être moins près de lui, soient engagés dans le travail divin qui se poursuit ici-bas.

Enfin, le Seigneur rappelle que même le plus petit des services — une coupe d'eau fraîche donnée en son nom — ne perdra pas sa récompense: Lui l'apprécie.

Dans ce passage, le Seigneur ne demande pas tant aux siens de faire quelque chose que de discerner, de reconnaître, ce qui est fait en son nom, qu'il s'agisse de recevoir un petit enfant parce que lui l'a reçu, de reconnaître la puissance de Dieu à l'œuvre dans ce monde, ou de réaliser ce que nous devons nous-mêmes au service de nos frères.

La pensée du prix qu'ont pour lui ces petits qui croient en lui amène ensuite le Seigneur à parler des occasions de chute. Non seulement des occasions de chute pour d'autres, mais pour nous-mêmes. Réalisant combien ce qui est devant nous, la vie, le royaume de Dieu, est important, nous avons à être impitoyables envers nous-mêmes. C'est notre estimation par la foi de ces «choses qui ne se voient pas» qui peut nous donner l'énergie morale de «couper» ou d'«arracher» ce qui serait pour nous une occasion de chute.

Enfin, le Seigneur conclut ses enseignements en disant que «chacun sera salé de feu». Pour celui qui n'aura pas cru, il s'agit du jugement. Pour le croyant, le salut ne peut être mis en question, mais «quel est l'ouvrage de chacun, le feu l'éprouvera» (1 Corinthiens 3:13).

Nous ne sommes pas juges de notre vie et de notre service, ni de ceux de nos frères; celui qui appréciera toutes choses avec justice, c'est le Seigneur lui-même. Cependant nous pouvons bien rechercher, chacun pour nous-mêmes, ce qui demeurera. Or selon la loi, tout sacrifice sera salé de sel: tout ce qui doit être offert à Dieu doit être préservé de la corruption. De même, si nous sommes appelés à «présenter nos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu» (Romains 12:1), à nous donner nous-mêmes au Seigneur, puis aux siens (2 Corinthiens 8:5), nous devons nous «conserver purs du monde» (Jacques 1:27) et de toute influence corruptrice, par le jugement de nous-mêmes. C'est la conclusion de ce que le Seigneur a enseigné aux disciples, après ces disputes qui les avaient troublés dans le chemin. Juger les prétentions et les convoitises de notre chair, nous tenir à l'écart de l'esprit du monde, voilà ce qui donnera sa puissance à notre témoignage et nous gardera en paix entre nous, auprès de lui.

N'oublions pas que l'amour de la vérité, la poursuite de la sainteté et l'obéissance sont indissociables de la paix avec nos frères et avec tous (Zacharie 8:19; Hébreux 12:14; 1 Pierre 1:22).

Que le Seigneur nous accorde de le suivre ainsi dans son chemin!

Quels biens ce chemin nous ouvre!

Quels trésors de charité!

Dieu lui-même n'y découvre

Que lumière et sainteté.

 

Et désormais, par ta grâce,

Nés de Dieu pour être à toi,

Nous pouvons suivre ta trace,

Objet béni de la foi!