Thèmes de l'épître aux Philippiens (fin)

Jean Muller

Christ, notre but (chapitre 3)

 «Je cours droit au but pour le prix de l'appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus» (verset 14).

L'énergie de la vie chrétienne se puise dans la contemplation de Christ, comme but de la course, pour surmonter les dangers et assurer le salut de celle-ci.

1. La joie en Christ en face des dangers (versets 1-3)

Se réjouir dans le Seigneur au milieu des circonstances difficiles et en face des dangers est la sécurité de notre âme. C'est aussi le secret du vrai dévouement pour Christ et pour les siens.

L'apôtre met en garde contre:

  •  les chiens: les hommes judaïsants qui rejetaient la grâce,
  •  les mauvais ouvriers: les loups du dehors ou ceux qui annonçaient des doctrines perverses au sein de l'assemblée, et
  •  la concision: l'élagage, un dépouillement partiel, par opposition à la vraie circoncision du Christ, le dépouillement complet du corps de la chair. Celle-ci est mélangée ici aux choses de Dieu, non sous sa forme grossière de péché, mais sous l'apparence plus subtile de justice religieuse. La concision, c'est en fait la religion de la chair.

Par opposition, les vrais caractères du christianisme sont:

  • la vraie circoncision, qui nous identifie avec Christ, dans sa mort et sa résurrection,
  • le culte rendu par l'Esprit de Dieu,
  • Christ, notre seul objet de gloire, et
  • l'absence de confiance en la chair.

2. L'expérience de Saul de Tarse (versets 4-7)

L'inutilité foncière de la chair religieuse est mise en évidence par le propre exemple de l'apôtre; sa vie avant sa conversion, modèle de fidélité aux ordonnances de la loi de Moïse, l'avait conduit à persécuter l'assemblée, c'est-à-dire Christ lui-même (Actes des Apôtres 9:5). Or ses privilèges de naissance et d'éducation religieuse étaient indéniables: circoncis comme tout vrai Israélite, originaire de Tarse (ville de renom), pharisien, c'est-à-dire appartenant à la secte la plus exacte des Juifs (enseigné même aux pieds de l'un d'entre eux, Gamaliel), et sans aucun reproche quant à la justice légale.

Mais tout avait été renversé de fond en comble sur le chemin de Damas, lorsque la lumière divine avait éclairé l'âme de Saul1. Là, tout ce qui pour lui était un gain, il l'avait regardé comme une perte à cause du Christ. Il avait même découvert qu'il était le premier des pécheurs, mais objet de la grâce divine.

1 La lumière devient de plus en plus brillante, au fur et à mesure que Paul en parle au cours de sa vie Actes des Apôtres 9:3; 22:6; 26:13). Cette lumière est le vrai thème de son évangile (Actes des Apôtres 26:18).

3. L'excellence de la connaissance du Christ Jésus pour Paul (versets 8-11)

La longue carrière chrétienne de Paul n'avait pas changé ses priorités. À la fin de sa vie, il regarde encore tout comme une perte, car un autre objet, Christ, captive toujours ses pensées et ses affections. Il mettait de côté, non seulement ce qu'il chérissait avant sa conversion, mais même toutes autres choses, toutes les valeurs de ce monde: pour lui, ce n'étaient que des ordures. En conséquence, le monde, prenant le parti de ce qui est sien, le lui rendait bien: il était devenu «comme les balayures du monde et le rebut de tous» (1 Corinthiens 4:13).

Le premier but de Paul était de gagner Christ. Par opposition à tout ce qu'il avait volontairement mis de côté, il avait maintenant Christ comme son gain.

Ensuite, il désirait être trouvé en Christ, revêtu en lui de la justice de Dieu par le moyen de la foi. Être en Christ est le privilège distinctif du chrétien, une nouvelle création (2 Corinthiens 5:17). Là, le péché et la justice humaine légale n'ont pas d'accès.

«Le connaître, lui»: tel était le troisième but de Paul, qui devrait être aussi le nôtre. Il désirait réaliser son identification avec Christ

  • dans la puissance de sa résurrection (goûtée dans son âme): seule, la puissance de la vie de Christ en résurrection nous permet de partager les souffrances du Christ, et de faire face à la mort (1:21);
  • dans ses souffrances: il ne s'agit pas des souffrances expiatoires de la croix, que Christ a endurées seul, comme substitut de ses rachetés. Paul désire ici que Christ lui accorde l'honneur de partager les souffrances pour Dieu et pour la justice, que Lui, fidèle témoin, avait connues pendant son rejet sur la terre;
  • et même dans sa mort: l'apôtre attendait avec ardeur d'être avec Christ dans la gloire, prêt pour cela s'il le fallait, à connaître la mort comme Christ (il s'agissait donc de mourir à tout ce à quoi Christ était mort). Là encore, il ne s'agit pas de la mort expiatoire du Sauveur.

Mais au-delà de la mort, l'apôtre ne doutait nullement qu'il participerait à la résurrection d'entre les morts (la résurrection des corps des croyants). Il quitterait ainsi le domaine des morts pour vivre éternellement dans celui de la vie.

4. La course chrétienne et son but (versets 12-16)

Paul (comme nous aussi) était encore dans le corps, et n'avait pas encore reçu le prix de sa course chrétienne: être avec Christ, et être semblable à lui dans la gloire — la perfection. Bien que n'ayant pas encore atteint ce but (il ne l'avait pas saisi), l'apôtre avait déjà été saisi par le Christ.

Paul faisait une seule chose: il oubliait tout ce qui était derrière lui (ses fautes1 comme ses avantages naturels) ou ce qui l'entourait (qui n'était toujours que des ordures), pour tendre avec une énergie constamment renouvelée vers le seul but, Christ dans la gloire, et la gloire avec Lui. Tel est l'appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus.

1 Nos fautes passées (abandonnées, confessées et pardonnées) ne pèsent plus sur notre conscience, et ne nous empêchent pas de courir la course; mais le souvenir de leur purification nous garde dans l'humilité (2 Pierre 1:9).

Ceux qui entrent avec intelligence dans le caractère et le but glorieux de cette course chrétienne, qui ainsi sont «parfaits» (dans le sens d'être accomplis ou d'avoir atteint la maturité spirituelle), partagent naturellement la même pensée. Toutefois, la mesure différente d'appréciation de ces vérités, de l'un à l'autre, ne doit pas être un obstacle à marcher ensemble dans un même sentier. Dans la compagnie chrétienne, il faut «cheminer tout doucement… au pas des enfants» (Genèse 33:14).

5. Le salut du corps (versets 17-21)

Paul, conduit par l'Esprit, invite les Corinthiens et les Philippiens à l'imiter (verset 17; 1 Corinthiens 4:16; 11:1). Qui d'autre que lui pourrait demander cela?

Depuis que l'apôtre, sur le chemin de Damas, avait vu Christ dans la gloire, il ne cessait de contempler cet objet glorieux; il courait toujours vers Lui, le but de l'appel céleste. Ainsi, il pouvait se présenter comme modèle à ses frères; et certains (comme Timothée, Épaphrodite et Onésiphore) avaient marché selon ce modèle, devenant des exemples pour d'autres.

Tristement, d'autres étaient des contre-exemples flagrants. Avec larmes, Paul constate que certaines personnes marchaient d'une manière opposée à leur profession chrétienne, en manifestant leur véritable état:

  • ils sont ennemis de la croix de Christ,
  • leur fin est la perdition,
  • leur dieu est leur ventre,
  • leur gloire est dans leur honte,
  • leurs pensées sont aux choses de la terre.

 

Comment de tels hommes peuvent-ils rester associés à la compagnie chrétienne? Dénoncer leur présence et leur marche, c'est avoir pitié du troupeau du Seigneur.

Par contraste, le vrai chrétien est déjà citoyen du ciel (par la foi, bourgeois des cieux), bien que vivant encore sur la terre. Il attend du ciel le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui le délivrera à jamais de la terre et du système éloigné de Dieu qui l'entoure encore. Son corps d'infirmité sera alors transformé à la ressemblance du corps glorieux de Christ, selon la puissance de Celui à qui tout est soumis (puissances, autorités et même la mort). Tel est le dernier acte de grâce et de puissance de ce salut complet (âme, course et corps) opéré par le Seigneur de gloire, en faveur de ceux qu'il veut avec lui pour toujours.

Christ, notre joie et notre force (chapitre 4)

 «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur» (verset 4).

«Je puis toutes choses en celui qui me fortifie» (verset 13).

Le parfait exemple d'humilité de l'homme Christ Jésus est un puissant motif pour amener les chrétiens à avoir un même sentiment (2:2, 5). Le partage du même but et de la même espérance en Christ renforce encore cet appel à la communion fraternelle (3:16). C'est ainsi que l'apôtre amène doucement les Philippiens à l'un des buts de sa lettre, le lavage de leurs pieds, avant de leur présenter Christ comme la joie et la force du chrétien.

1. Le lavage des pieds (versets 1-3)

Le ton de l'apôtre est empreint d'une tendre affection pour inviter tous les Philippiens à demeurer fermes dans le Seigneur, non seulement en face des dangers extérieurs, mais aussi au milieu des difficultés intérieures à l'assemblée. En effet, deux sœurs, Évodie et Syntyche, après avoir combattu avec Paul pour l'évangile, avaient maintenant un désaccord, une racine d'amertume qui risquait de troubler l'assemblée entière (Hébreux 12:15). L'apôtre invite un de ses compagnons de travail (peut-être Épaphrodite) à apporter son aide pour régler le cas avant qu'il ne s'aggrave.

Pour autant, l'apôtre n'oublie aucun de ceux qui sont écrits dans le livre de vie.

2. Christ, notre joie (versets 4-9)

L'apôtre nous invite à nouveau à nous réjouir dans le Seigneur, ajoutant à son exhortation antérieure (3:1) de le faire toujours, malgré les difficultés extérieures et le déclin de l'assemblée.

Bien des obstacles pratiques s'opposent à la réalisation de cette joie entière. La douceur d'esprit en face de l'opposition et la pensée du retour du Seigneur pour nous délivrer nous permettront de les surmonter.

En outre, la réponse aux soucis légitimes de la vie est l'esprit de prières et de reconnaissance: alors la paix de Dieu sera goûtée dans nos cœurs et nos pensées.

Celles-ci doivent être occupées de toutes les choses qui sont

  • vraies, car la vérité est en Jésus,
  • vénérables (ou nobles: Ésaïe 32:8),
  • justes, en marchant dans la justice pratique,
  • pures, selon le caractère même de Dieu,
  • aimables, qui suscitent l'amour,
  • de bonne renommée, selon la bonne odeur de Christ,
  • en un mot, de tout ce qui est caractérisé par la vertu et mérite la louange (de la part de Dieu et non pas des hommes).

Paul avait donné l'exemple: ce qu'il avait appris et reçu pour lui-même avait été entendu de lui et vu en lui. La présence du Dieu de paix1 est alors promise à ceux qui l'imitent.

1 Dieu est appelé sept fois le «Dieu de paix» dans les épîtres: Romains 15:33; 16:20; 1 Corinthiens 14:33; 2 Corinthiens 13:11; Philippiens 4:9; 1 Thessaloniciens 5:23; Hébreux 13:20.

3. Christ, notre force (versets 10-14)

La joie de l'apôtre dans le Seigneur était entretenue par l'affection des Philippiens. En pratique, Paul, bien que sensible à toutes les circonstances, se tenait moralement au-dessus d'elles, car il goûtait le grand gain du contentement lié à la piété (1 Timothée 6:6). La force de Christ venait toujours au secours de sa faiblesse. Aussi dit-il aux Colossiens que nous pouvons être, à notre tour, «fortifiés en toute force… avec joie» (Colossiens 1:11).

Pour autant, la délicate attention des Philippiens ne lui était pas moins précieuse.

4. Les remerciements et salutations de l'apôtre (versets 15-23)

Seuls, les Philippiens avaient envoyé des dons, à plusieurs reprises et même «au-delà de leur pouvoir» (2 Corinthiens 8:3), à Paul, ce pauvre prisonnier, déjà abandonné par le grand nombre, et incapable de leur rendre matériellement le sacrifice qu'ils avaient consenti. Mais Dieu le leur compenserait, et au-delà, selon ses richesses en gloire.

La salutation de clôture donne un beau tableau de la communion entre tous les saints, au début de la vie de l'Église sur la terre, malgré le déclin qui y apparaissait déjà.

5. Conclusion

À travers l'expérience personnelle de l'apôtre, proposée en exemple à chaque chrétien, cette lettre présente de façon touchante divers caractères du fruit de l'Esprit (Galates 5:22):

  • l'amour, la nature même de Dieu, qui prévaut dans les rapports mutuels entre les saints (1:8; 2:1; 4:1);
  • la joie en Christ, en rapport avec
  • la communion fraternelle des saints (1:4; 2:2);
  • la prédication de l'évangile et ses résultats (1:18);
  • la fin glorieuse de la vie et du service de l'apôtre (2:18);
  • la guérison et le retour d'Épaphrodite parmi les Philippiens (2:28);
  • la libéralité de ces derniers (4:10).

Cette joie est réalisée dans le Seigneur, en dehors et au-dessus des circonstances (3:1; 4:4).

  • la paix: la paix de Dieu, celle du Dieu de paix (4:7, 9). Avec la justice et la joie, la paix est un caractère moral du royaume de Dieu (Romains 14:17).

Les six autres caractères du fruit de l'Esprit (longanimité, bienveillance, bonté, fidélité, douceur, tempérance) marquaient de leur empreinte la conduite de Paul et des Philippiens, et leurs heureuses relations mutuelles. L'épître souligne en outre:

  • la confiance en Dieu, qui se repose sur sa fidélité à l'égard des siens, de l'apôtre en particulier (1:6, 25).
  • la force du Seigneur (4:13): car «la force et la joie sont dans le lieu où il habite» (1 Chroniques 16:27).
  • la communion:

-  communion dans l'évangile (1:5),

-  communion dans la grâce (1:7),

- communion de l'Esprit (2:1),

- communion des souffrances de Christ (3:10),

- communion pratique dans la libéralité des saints (4:14, 15).

  • la foi, dans une confiance inébranlable en Dieu (4:12, 13).
  • l'espérance en Christ, dans l'attente de Son retour (3:20).

 «Que la grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit!» (4:23), avec chacun de nous!