Pierre, Jean et Judas (Jean 13:1-32)

John Nelson Darby

J'ai à cœur de vous présenter les caractères divers de Pierre, de Jean et de Judas, au moment où le Seigneur fut trahi.

Le lavage des pieds

Nous avons parlé plus d'une fois de la nécessité d'être lavés par Jésus lui-même, et de cette grâce par laquelle le Seigneur s'humilie pour rester toujours notre serviteur, occupé à laver nos pieds. Christ agit en humilité et dans la conscience de toute la gloire qui lui appartient. La place qu'il prend, quoique le Père lui ait mis toutes choses entre les mains, est celle de serviteur pour nous. Il n'oublie jamais ce qui est encore plus élevé que la gloire, l'amour, amour qui l'engage à s'occuper de nos souillures, ce qui est le plus humiliant exercice de l'amour. Jésus seul a les yeux assez purs pour discerner la moindre souillure et assez d'amour pour la laver. C'est ce qu'il fait aussi maintenant qu'il est entré en possession de la gloire. Nos misères et nos fautes, s'il y a chez nous une véritable humiliation, sont un chemin — triste chemin, en vérité — qui nous conduit à comprendre l'amour de Jésus. Il possède la gloire, mais il est amour et ne peut, dans la gloire, abandonner le service de l'amour.

En présence de cette grâce et de cet amour, nous voyons ce que sont ses disciples.

Comment Satan agit

Judas est l'exemple le plus triste du développement du péché. La Parole nous présente ici le péché qui est en nous tous dans ses résultats les plus frappants, afin que, les voyant, nous en fuyions les causes. Les enfants de Dieu seuls ont la spiritualité qui peut profiter même de l'exemple des réprouvés, exemple qui ne peut être profitable qu'à eux, parce que seuls ils peuvent discerner les mêmes choses dans leur propre cœur.

Je ferai remarquer trois points dans le cas de Judas.

  1. L'avarice, l'amour de l'argent, qui peut être accompagné d'une apparence de dévouement. Judas avait en outre la profession de disciple. Le mal, pendant longtemps, ne produit chez lui que de petits effets: il volait les sommes qui lui étaient confiées. La convoitise était là, et Satan l'emploie pour lui faire commettre le plus affreux péché possible. L'amour de l'argent est encore plus mauvais dans le cœur d'un enfant de Dieu que dans le cœur de Judas. Si un chrétien aime mieux deux écus qu'un seul, il est animé du même principe qui fit agir ce traître. Le monde approuve une convoitise chez l'homme honnête; elle est ainsi beaucoup plus difficile à démasquer; mais ce péché sépare de Dieu autant que toute autre chose. En Judas, c'était la source du mal.
  2. Judas ayant connu Jésus selon la chair et vu sa bonté, sa patience, ses miracles, Satan lui suggère de trahir le Seigneur. Sauf dans le cas d'Adam, chez lequel le mal n'est entré que lorsqu'il a écouté le serpent, Satan ne produit pas en nous la convoitise; elle existe et il agit par elle. Il présente à Judas l'occasion de gagner de l'argent en vendant son Maître, et emploie sa foi extérieure pour lui faire croire que Jésus saura bien échapper. Judas, aveuglé, ne voit les conséquences du mal qu'après la condamnation de Jésus. C'est le second pas dans le mal: Satan suggère quelque chose qui correspond à notre convoitise.
  3. Jésus agit en grâce: il lave les pieds de Judas et lui donne le morceau trempé. Il n'y a rien comme l'hypocrisie pour ouvrir le cœur de l'homme à Satan. Judas était hypocrite; il avait le dessein de trahir son Maître et néanmoins il mange avec lui comme si de rien n'était. Satan entre dans son cœur et endurcit sa conscience. Dès lors tout est fini. Jésus ne l'engage pas à ne pas faire ce qu'il fait; il peut désormais le trahir par un baiser, parce que ce cœur que Satan occupe est maintenant garanti contre l'effet naturel des affections. C'est l'endurcissement parvenu au dernier degré, car le cœur naturel n'en arrive pas toujours là. Telle est l'influence de la présence de Satan dans le cœur de l'homme placé devant la grâce. Si cette dernière ne touche pas le cœur, elle l'endurcit.

En vérité, en vérité, je vous dis que l'un d'entre vous me livrera

On voit chez les autres disciples une grande ignorance, mais aussi une grande défiance d'eux-mêmes, unie à une grande confiance dans la parole de Jésus. Ils étaient en perplexité pour savoir qui le trahirait et demandent: «Est-ce moi?». Leur confiance en la parole du Seigneur manifestait que leur cœur n'était pas endurci; ils craignaient que ce que Jésus avait annoncé ne fût vrai d'eux-mêmes. Les avertissements de la Parole produisent le même effet sur des cœurs chrétiens. Mais Jésus gardait ces cœurs humbles qui se défiaient d'eux-mêmes. Cette défiance est entretenue par l'amour; si nous avons de l'affection pour quelqu'un, nous craignons de faire quelque chose qui ne l'honore pas.

Mais une forte affection pour le Seigneur ne suffit point. Pierre l'aimait beaucoup; il avait un esprit ardent qui s'intéressait directement à lui. Cependant il s'adresse à un autre pour savoir de qui Jésus avait parlé, parce que ce disciple que Jésus aimait était dans son sein. Pierre n'avait pas l'habitude d'y être et ne s'y trouve pas dans cette occasion. Jean y était comme à sa place naturelle, la plus proche possible du Seigneur, une place où l'on trouve l'intimité de ses pensées. On ne peut pas instantanément connaître les pensées de Christ; il faut être habituellement dans son sein. Ce n'était pas seulement au moment du souper que Jean jouissait de cette intimité; elle lui était habituelle; aussi le Seigneur lui répond-il, et il y a de la bénédiction pour tous. L'affection de Pierre ne suffit pas pour recevoir cette communication.

Comment être gardé

Il résulte de ce que nous venons de dire qu'il y a trois pas dans le bien.

  1. La confiance dans la parole de Jésus et la défiance de soi-même. Lorsque cette parole l'avertit du péché, le vrai chrétien se défie de lui-même et craint de déshonorer le Seigneur. Que Dieu nous fasse la grâce d'avoir une telle affection pour sa gloire, que nous ayions cette même crainte du mal.
  1. Une affection sincère et ardente pour Jésus qui ne peut être satisfaite si tout n'est pas mis au clair. C'est le cas de Pierre.
  2. La communion habituelle avec le Seigneur, nous donnant la connaissance de ses pensées. C'est le cas de Jean.

Le fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui

Le Seigneur Jésus a autant de cœur que de connaissance. Dès le moment où Judas est sorti, il ne voit que le résultat de ce que le traître allait faire et dit: «Maintenant le fils de l'homme est glorifié». C'est quand le mal est à son comble que le second homme glorifie Dieu et est glorifié. Si l'œuvre du premier homme a déshonoré Dieu en présence de Satan et des anges, celle du second l'a pleinement honoré. La gloire était donc due au Seigneur comme homme, parce que, dans la nature humaine, il a parfaitement accompli la gloire de Dieu lui-même.

Que Dieu rende ces exemples précieux à nos cœurs, afin que nous évitions dans notre marche le mal et tout ce qui pourrait attrister notre Sauveur bien-aimé!