Le livre du prophète Habakuk

Raymond Lacombe (1996)

Ce livre est très encourageant pour tout cœur labouré par la gravité de l'état de la chrétienté en général, celui des “assemblées» en particulier.

Habakuk était dans la détresse à cause de la situation en Israël, spécialement dans le royaume de Juda. Il vivait sans doute au temps de Josias. Le règne de ce roi pieux avait été marqué par la purification de Juda et de Jérusalem, la remise en état de la maison de l'Éternel, la redécouverte de la loi de l'Éternel, l'humiliation et la célébration de la Pâque. Le cœur de Josias avait été sensible à la parole de Dieu, et il avait cherché à ramener son peuple à l'Éternel (2 Chroniques 34:27:29-33). Mais, malgré la piété et l'énergie du roi, le peuple n'avait pas écouté l'Éternel. Les premiers chapitres de Jérémie, puis le chapitre 25 (versets 3 et suivants) le montrent, ainsi que Sophonie 1:2-13 et 3:1-7.

Habakuk souffre profondémentais il a affaire à l'Éternel seul, avec une grande liberté; il lui expose sa peine et laisse les réponses agir dans son cœur. Il se tient dans plusieurs positions:

  • Au début du livre, du milieu des circonstances, il prie l'Éternel et reçoit une première réponse (1:2-11).
  • Il prie une deuxième fois, et se place «sur la tour», au-dessus de la mêlée «pour voir ce que Dieu lui dira». Il reçoit une deuxième réponse (1:12 à 2:20).
  •  Moralement, il prend place dans le temple et prononce une troisième prière, et pour demander et pour louer. Il fait part des sentiments douloureux et de la joie qui habitent son cœur tout à la fois (3:1-18).
  • Il termine son livre d'une très belle façon, en exprimant la certitude que l'Éternel le fera marcher «sur ses lieux élevés» (3:19).

Dans les circonstances (1:2-11)

Dans sa première prière, Habakuk envisage la situation du côté de Dieu et expose à l'Éternel les faits graves qu'il constate dans son peuple: iniquité, oppression, dévastation, violence, contestation, discorde, impuissance de la Parole parce qu'on ne s'y soumet pas, discernement faussé, pas de force pour ôter le mal! Il prie, il crie à l'Éternel. Pas de délivrance! Pourquoi?

La réponse qu'il reçoit (versets 5-11) confirme le jugement de l'Éternel sur l'état du peuple: il n'y aura pas de délivrance, mais au contraire un grand châtiment exercé par le moyen des Chaldéens. De fait, Nebucadnetsar a commencé à monter contre Juda une dizaine d'années après cette prophétie. Notons ici une caractéristique de cette nation: «Son jugement et sa dignité procèdent d'elle-même» (verset 7); «Cette puissance qu'il a, est devenue son dieu» (verset 11). C'est l'orgueil, au point de faire de soi-même son propre dieu, après avoir rejeté le vrai Dieu. L'adoration de la statue de Nebucadnetsar et le festin de Belshatsar, en Daniel 3 et 5, ont mis cela particulièrement en évidence.

Sur la tour (1:12 à 2:20)

Habakuk reconnaît pleinement l'Éternel comme son Dieu et lui rend témoignage: «Toi, n'es-tu pas de toute ancienneté, Éternel, mon Dieu, mon Saint?» (verset 12). Donner à Dieu sa place et prendre devant lui celle qui nous convient, voilà par quoi tout doit commencer dans nos âmes, voilà ce qui peut nous donner la paix. Dieu n'est jamais pris par surprise; il est le Rocher, rien ne peut l'ébranler. Le prophète se soumet à la pensée de Dieu au sujet du châtiment par le moyen des Chaldéens: «Tu l'as établi pour le jugement, et tu l'as fondé, ô Rocher, pour châtier» (verset 12). En même temps, il a confiance que le jugement n'est ni total ni définitif: «Nous ne mourrons pas» (verset 12). Dieu châtie les siens, mais c'est pour les épurer et les faire vivre, non pour les détruire.

Pourtant c'est un oppresseur, un perfide, un méchant, que l'Éternel emploie pour ce châtiment, et le prophète, dans l'esprit de l'Ancien Testament, peut demander que les Chaldéens soient châtiés à leur tour. Les croyants de la période de la grâce, bien sûr, ne présentent pas de semblables demandes.

Au début du chapitre 2, le prophète s'élève au-dessus des circonstances, il se tient sur la tour: «Je veillerai pour voir ce qu'il me dira». Il n'expose pas ses pensées ni ses sentiments, il ne fait pas de plans, il veut simplement écouter l'Éternel. Il reçoit une vision qui s'accomplira sûrement, mais l'attente peut être longue. «Si elle tarde, attends-la, car elle viendra sûrement, elle ne sera pas différée» (verset 3). Il faudra de la patience et de la persévérance pour supporter une douloureuse situation. Dieu nous appelle à persévérer jusqu'au bout. La patience dans le Nouveau Testament a souvent ce caractère-là. Par exemple: «Voici, nous disons bienheureux ceux qui endurent l'épreuve avec patience» (Jacques 5:11 — littéralement: «les endurants»).

Ce verset 3 est cité en Hébreux 10, modifié par le Saint Esprit pour l'encouragement des croyants de la période actuelle: ce n'est pas une vision que nous attendons, c'est «celui qui vient», c'est le Seigneur: «Car encore très peu de temps, et celui qui vient viendra, et il ne tardera pas» (verset 37). C'est à sa venue que nous serons entièrement délivrés. Le verset 36 recommande la patience, dans le sens de persévérance jusqu'à la fin.

Pendant que nous attendons, le prophète aussi bien que l'épître nous exhortent à la foi: «Le juste vivra par sa foi» — ou «de foi» (Habakuk 2:4; Hébreux 10:38). Le verset d'Habakuk signifie: le juste persévérera fermement jusqu'à l'accomplissement de ce que j'ai déclaré. La vision est donnée «afin que celui qui la lit puisse courir» (verset 2): La vie de la foi est une course vers ce que nous attendons; le début d'Hébreux 12, venant après les exemples de foi du chapitre 11, le confirme: «Courons avec patience la course qui est devant nous, fixant les yeux sur Jésus». Que notre foi soit bien assurée en attendant le Seigneur! Jusqu'à ce qu'il vienne, il contrôle toutes nos circonstances avec une sagesse parfaite. Sa venue est certaine, mais quand viendra-t-il? Peut-être aujourd'hui!

Dans notre traduction, le mot «foi» n'apparaît que deux fois dans l'Ancien Testament, ici et au psaume 119 (verset 66), dans l'expression «ajouter foi». Mais les mots «croire» et «confiance» y sont fréquents, et le chapitre 11 de l'épître aux Hébreux montre abondamment que la foi est une réalité vivante dans l'Ancien Testament.

La plus grande partie du chapitre 2 d'Habakuk traite d'un sujet un peu différent. On y trouve cinq malheurs prononcés contre les Chaldéens, avec cette belle promesse qu'après la réalisation de la vision, «la terre sera pleine de la connaissance de la gloire de l'Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer» (verset 14). La gloire de Dieu, voilà ce à quoi tout doit concourir.

A la fin du chapitre, le fondement de notre foi est rappelé, inébranlable et éternel: «L'Éternel est dans le palais de sa sainteté: … que toute la terre fasse silence devant lui!» (2:20 — cf. 1:12). Dans le langage du Nouveau Testament, c'est: «Jésus Christ est le même, hier, et aujourd'hui et éternellement» (Hébreux 13:8).

Dans le temple (3:1-18)

Le prophète a reçu les communications de l'Éternel. Il s'attend entièrement à lui; il ressent toujours la douleur au sujet du peuple, mais son cœur est en paix: Dieu a tout en main. Habakuk prie; il s'approche avec confiance du trône de la grâce. Il rappelle les délivrances que l'Éternel a accordées à son peuple dans le passé, depuis l'Égypte. Quelle puissance! Quelle autorité absolue: les hommes, les montagnes, les torrents, le soleil, la lune, lui ont été soumis! C'était «pour le salut de ton peuple» (3:13). Que l'Éternel veuille agir de nouveau de la même façon! «Éternel, ravive ton œuvre au milieu des années; au milieu des années, fais-la connaître. Dans la colère, souviens-toi de la miséricorde» (verset 2).

Le prophète sait que Dieu enverra «contre le peuple celui qui l'assaillira» (verset 16), c'est-à-dire les Chaldéens; il sait aussi qu'il n'y aura pas de bénédiction (verset 17). Il est saisi jusqu'au plus profond de lui-même, bouleversé (verset 16).

Mais en même temps, la paix de Dieu garde son cœur; la paix et même la joie en l'Éternel (verset 18). Quel état extraordinaire! Plus que nul autre, le Seigneur a éprouvé la tristesse et la souffrance dans ce monde: «Maintenant mon âme est troublée…»; «Jésus fut troublé dans son esprit…». Mais une paix profonde remplissait son cœur: «Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix» (Jean 12:27; 13:21; 14:27). Cette paix-là, il nous la donne! Par la foi, nous pouvons, nous aussi, ressentir de profondes tristesses au sujet du peuple de Dieu, tout en étant remplis de la paix que le Seigneur nous a laissée et donnée. L'apôtre Paul ajoute: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur» (Philippiens 4:4). Combats et paix, tristesses et joie!

Sur les lieux élevés (3:19)

Au verset 19 le prophète s'élève encore davantage: «L'Éternel, le Seigneur, est ma force; il rendra mes pieds pareils à ceux des biches, et il me fera marcher sur mes lieux élevés». Le voilà non seulement rendu capable de continuer sa marche, alors que l'intensité de l'épreuve n'a pas diminué, mais de marcher dans l'intimité d'une communion personnelle avec Dieu. Déjà David se tenait debout sur ses lieux élevés (Psaumes 18:33). Habakuk peut y marcher. Dans cette communion, dont il goûte les joies, il reçoit les pensées de Dieu, il apprend à voir les circonstances et les personnes comme Dieu les voit.

Notre Dieu a préparé des consolations pour celui qui se tient près de lui dans des circonstances éprouvantes. Dans cette présence, délivré de pensées personnelles, le croyant peut avoir de la situation une appréciation selon Dieu. Il est bon qu'il donne gloire à Dieu, et qu'il prenne devant lui la place convenable. Sans s'isoler de ses frères ni des circonstances, le fidèle se place sur la tour pour écouter Dieu, pour intercéder et pour adorer. Sa foi est fortifiée; une espérance lui est donnée pour qu'il puisse «courir». Il peut recevoir les pensées de Dieu, même des pensées bouleversantes. C'est là que son cœur trouve la paix; c'est là qu'il jouit de la communion avec le Seigneur. Alors il peut marcher dans cette paix et dans cette communion, bien qu'il éprouve toujours tristesse et souffrance.

«Tenez-vous tranquilles, et sachez que je suis Dieu» (Psaumes 46:10).

«Dans la multitude des pensées qui étaient au-dedans de moi, tes consolations ont fait les délices de mon âme» (Psaumes 94:19).

«La fin de toutes choses s'est approchée; soyez donc sobres et veillez pour prier» (1 Pierre 4:7).