Courtes prières dans l'Ancien Testament

Jean-Pierre Fuzier

Moïse, Josaphat, Néhémie, sont trois serviteurs de Dieu dont la Parole nous rapporte une prière très courte: quelques mots, un simple cri, même encore la seule mention d'une prière non articulée.

Tous trois se sont trouvés, à un moment au moins de leur vie, dans une situation telle qu'ils ne pouvaient l'exposer à Dieu qu'avec une extrême brièveté.

Ces exemples nous montrent qu'il n'est pas de situation où Dieu ne nous ménage un instant pour nous adresser à lui. Qu'il est alors encourageant de savoir qu'il est aussi attentif à de telles prières qu'à nos ferventes supplications!

La prière de Moïse (Nombres 12:13)

Cette courte prière de Moïse est le résultat du profond travail de la grâce de Dieu dans son cœur.

Quelque quarante ans plus tôt, prenant la défense d'un de ses frères, il avait tué un Égyptien et avait dû s'enfuir, pour vivre en étranger au pays de Madian. Pendant son exil, tandis qu'il gardait le bétail de son beau-père, l'Éternel le forma pour être le berger de son peuple, capable de le supporter avec patience et de l'aimer assez pour être prêt à donner sa vie pour lui — si cela avait été possible (Exode 32:32).

C'est ainsi que «cet homme, Moïse, était très doux» (ou humble). Dans les leçons du désert de Madian, il avait appris la douceur. C'est là, nous le savons aussi, l'un des résultats de l'expérience chrétienne (Philippiens 4:5). L'animosité de sa sœur et de son frère manifesta alors les affections profondes de Moïse.

Marie et Aaron, hélas! révélèrent ce qu'était l'état de leurs cœurs, depuis quelque temps sans doute, «contre Moïse». La femme éthiopienne qu'il avait prise ne fut pour eux que l'occasion de mettre au jour leurs mauvaises pensées contre leur frère. Un mal peut exister à l'état latent parmi les saints, jusqu'à ce qu'une occasion le fasse éclater soudainement devant Dieu. L'état de Marie est la figure de celui du peuple qui avait «méprisé l'Éternel» (11:20); c'est pourquoi elle seule est frappée, tandis qu'Aaron, en tant que sacrificateur, confesse le péché commis.

Devant la lèpre de Marie et l'affliction et la confession d'Aaron, Moïse cria à l'Éternel:

«Ô Dieu! je te prie, guéris-là, je te prie.»

Cette courte prière va être exaucée, car elle jaillit du cœur d'un serviteur de Dieu (verset 7), qui connaît sa miséricorde et sa puissance. Cette supplication est l'expression d'un amour vrai, plein de bonté, qui ne cherche pas son propre intérêt et ne s'irrite pas (1 Corinthiens 13:4-8). Cependant, les droits et la sainteté de Dieu doivent être préservés. Marie doit connaître un temps complet de discipline — à laquelle le peuple, arrêté dans sa marche, participe — avant d'être recueillie. Cela peut nous expliquer sans doute pourquoi certaines de nos prières semblent ne pas recevoir de réponse immédiate. «Que la patience ait son œuvre parfaite, afin que nous soyons parfaits et accomplis, ne manquant de rien (Jacques 1:4).

Le cri de Josaphat (2 Chroniques 18:31)

Josaphat était un des rois fidèles de Juda; «l'Éternel fut avec Josaphat, car il marcha dans les premières voies de David, son père» (17:3).

Et pourtant, une alliance familiale infidèle l'avait aveuglé au point de lui faire dire à Achab: «Moi, je suis comme toi, et mon peuple comme ton peuple; et je serai avec toi dans la guerre» (verset 3).

Il dut apprendre, au péril de sa vie, que «l'amitié du monde est inimitié contre Dieu» (Jacques 4:4) et, nous pouvons le dire aussi, contre ses enfants. Par sa ruse et son mensonge, Achab réussit à attirer contre Josaphat les chefs du roi de Syrie; «ils l'entourèrent pour combattre contre lui» (verset 31). Mais par ce moyen, Dieu donna à Josaphat de prendre conscience en un instant du danger où l'avait conduit son amitié inconsidérée et coupable avec un ennemi de l'Éternel. Cette circonstance n'est d'ailleurs pas sans analogie avec celle de David à Tsiklag (1 Samuel 30:3-6).

«Et Josaphat cria, et l'Éternel le secourut.»

Josaphat n'aurait pu, ni su alors, exposer la profondeur de sa détresse, mais l'Éternel la sondait, et il répondit au-delà de ce qu'exprimait le cri de son serviteur égaré. Josaphat, sans doute, suppliait d'être délivré des ennemis qui menaçaient sa vie; et Dieu les porta à s'éloigner de lui. Mais il le délivra complètement en lui montrant la racine du mal et comment il avait péché contre lui. Il lui envoya un prophète pour lui dire: «Aides-tu au méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Éternel?» (2 Chroniques 19:2). Nous pouvons penser que cette question eut le même effet sur lui que le regard du Seigneur sur Pierre (Luc 22:60, 61).

 «Or, à celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, selon la puissance qui opère en nous, à lui gloire dans l'assemblée dans le Christ Jésus, pour toutes les générations du siècle des siècles!» (Éphésiens 3:20, 21).

La prière de Néhémie (Néhémie 2:5)

Malgré sa fonction d'échanson du roi de Perse, Néhémie était profondément attaché aux Juifs qui étaient en Juda, réchappés de la captivité à Babylone; il était attaché aussi à Jérusalem, qu'il élevait sans doute au-dessus de la première de ses joies (Psaumes 137:5, 6). Les nouvelles reçues de Judée, concernant la misère des Juifs et la ruine de la muraille et des portes de Jérusalem, ne pouvaient que le plonger dans la tristesse et dans le deuil. Son livre commence donc par une prière fervente dans laquelle il s'associe, avec la maison de son père, au péché des fils d'Israël. Il fait suivre sa confession d'une supplication, rappelant au Dieu des cieux ses promesses à Moïse en faveur des dispersés de son peuple, pour les rassembler s'ils revenaient à lui. Il demande enfin au Seigneur de lui donner de trouver miséricorde auprès de «cet homme», le roi, pour être envoyé à Jérusalem.

Comme fidèle serviteur de Dieu, Néhémie était affligé et dans la tristesse. Mais il ne pouvait oublier qu'il vivait en étranger à Suse. Or, dit-il, j'étais échanson du roi. Ses affections, ses intérêts, sa part et son souvenir étaient à Jérusalem (cf. 2:20), où un peuple étranger se moquait des Juifs, tandis que ses occupations à lui le retenaient à Suse. Nous avons là une image de notre condition présente: gens de la maison de Dieu, nous avons nos vrais biens dans les cieux où est notre Sauveur, tout en étant étrangers et forains sur la terre.

Les exercices de Néhémie nous encouragent, car nous pouvons dire qu'ils nous sont familiers et que nous appartenons, comme lui, à la famille de la foi.

Alors, dans une circonstance où Néhémie pouvait craindre que sa vie même fût en danger (cf. Daniel 1:10), Dieu lui donne de «trouver miséricorde devant cet homme» (1:11). «Que demandes-tu»? lui dit Artaxerxès. La foi de Néhémie brille en cet instant, car il ne répond pas immédiatement au roi. Mais, nous apprend-il,

«Je priai le Dieu des cieux.»

Ce qu'il allait «demander», il l'attendait de la puissance et de la miséricorde de Dieu, et non pas du roi de Perse. La miséricorde du roi ne prend donc pas Néhémie au dépourvu, car il avait appris, avant la lettre, à venir au trône de la grâce. Discernant que le «moment opportun» était arrivé, il se tourne vers Dieu avec foi, sans douter, pour qu'il lui soit donné de répondre avec sagesse (Jacques 1:5, 6). «Le cœur d'un roi, dans la main de l'Éternel, est des ruisseaux d'eau; il l'incline à tout ce qui lui plaît» (Proverbes 21:1). C'est bien ce qui arriva: «Et le roi me les donna, selon que la bonne main de mon Dieu était sur moi».

Conclusion

Moïse, Josaphat, Néhémie, étaient tous les trois des hommes pieux, ils vivaient habituellement dans la présence de Dieu; si bien que spontanément ils se tournaient vers lui lorsqu'ils rencontraient des difficultés soudaines. Nous pouvons bien penser que l'exercice de la piété, dont la prière est un des piliers, leur était familier.

Ces trois exemples ne contredisent donc pas une exhortation telle que celle de l'épître aux Philippiens, où Paul envisage la prière comme faisant partie de l'état normal du croyant: «Ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces» (4:6). Par la prière, nous rejetons sur Dieu tout notre souci, sachant qu'il a soin de nous (1 Pierre 5:7); ou bien encore, nous prions «par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l'Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance et des supplications pour tous les saints» (Éphésiens 6:18). Par elle, nous pouvons entrer dans le secret du Père (Matthieu 6:6), nous sentant tout particulièrement sous son regard.

Que nos prières — individuelles, en famille ou en assemblée — revêtent la forme d'un combat, d'un service, ou d'une supplication, qu'elles s'expriment même par un simple cri, souvenons-nous que le chemin du trône de la grâce nous est toujours ouvert. Et répondons à l'invitation que Paul adressait aux frères (et aux sœurs) de Thessalonique (1 Thessaloniciens 5:17), dans l'un des plus courts versets de l'Écriture: «Priez sans cesse».