Derniers pas dans le désert (Nombres 20-21)

Élie Argaud

«Toutes les choses qui ont été écrites auparavant ont été écrites pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation des Écritures, nous ayons espérance» (Romains 15:4).

Plus de trente siècles ont passé depuis les événements relatés dans le chapitre 20 du livre des Nombres, et l'enseignement qui nous y est donné est pourtant d'une brûlante actualité.

Mort de Marie

Le peuple d'Israël arrive à la fin du voyage; c'est la quarantième année après sa sortie d'Égypte: «Et Marie mourut là (à Kadès), et y fut enterrée» (verset 1). Avec son tambourin, elle s'était autrefois mise à la tête des femmes de son peuple et elle avait chanté avec elles le cantique de la délivrance. Elle avait peut-être alors plus de quatre-vingt-dix ans, mais son cœur était rempli de joie et de louange, et elle criait: «Chantez à l'Éternel, car il s'est hautement élevé; il a précipité dans la mer le cheval et celui qui le montait» (Exode 15:20, 21). Huit siècles plus tard, Dieu rappellera à Jérémie cette sortie triomphante de son peuple: «Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l'amour de tes fiançailles, quand tu marchais après moi dans le désert» (Jérémie 2:2). Et voici que Marie, après une si longue marche, n'entrera pas dans le pays promis, ni ses frères Aaron et Moïse. Nous aussi, alors que nous sommes si près d'arriver, combien avons-nous vu s'en aller de serviteurs que Dieu, dans sa grâce, avait qualifiés pour nous annoncer sa Parole! L'auteur de l'épître aux Hébreux leur donne ce beau titre: «vos conducteurs», et il nous exhorte à nous souvenir d'eux et à imiter leur foi (13:7).

La contestation du peuple et ses conséquences

Au verset 3, nouvelle épreuve: le peuple conteste contre Moïse et Aaron: Pourquoi nous avoir amenés dans ce désert? Pourquoi nous avoir fait monter d'Égypte? Nous nous sentons interpellés: n'est-ce pas notre histoire? Il n'y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers et il n'y a pas d'eau pour boire, disaient les Israélites. Et aujourd'hui n'entend-on pas des plaintes semblables: il n'y a pas de nourriture dans nos réunions, pas de rafraîchissement dans nos traités ou nos périodiques, «il n'y a pas d'eau pour boire». Notons la belle attitude de Moïse et d'Aaron: ils viennent à l'entrée de la tente d'assignation et ils tombent sur leurs faces. Alors la gloire de l'Éternel leur apparaît. Le rocher est là pour donner l'eau à celui qui a soif. «Le ruisseau de Dieu est plein d'eau» (Psaumes 65:9). Mais ce qui est très grave, c'est que la contestation contre Moïse était en réalité contre Dieu (verset 13): «ils l'irritèrent aux eaux de Meriba»; et, conséquence terrible, «il en arriva du mal à Moïse à cause d'eux, car ils chagrinèrent son esprit, de sorte qu'il parla légèrement de ses lèvres» (Psaumes 106:32, 33). Au lieu de parler au rocher comme Dieu le lui avait dit (verset 8), Moïse parla au peuple et frappa le rocher. Dieu, dans sa grâce souveraine, donnera quand même de l'eau en abondance à ce peuple rebelle, mais, dans son gouvernement, il interdira à Moïse et à Aaron l'entrée dans le pays de la promesse: «Vous n'introduirez pas cette congrégation dans le pays que je leur donne» (verset 12). Nous comprenons la douleur éprouvée par ce serviteur fidèle. Dans la main de Dieu, il avait été d'abord l'instrument de la délivrance d'Israël esclave dans le pays d'Égypte, ensuite le conducteur, à travers le désert, de ce peuple indocile et rebelle. Sa prière adressée à Dieu nous émeut profondément: «En ce temps-là, je suppliai l'Éternel, disant: Seigneur Éternel!… que je passe, je te prie, et que je voie ce bon pays… Et l'Éternel fut irrité contre moi à cause de vous, et il ne m'écouta point; et l'Éternel me dit: C'est assez, ne me parle plus de cette affaire» (Deutéronome 3:23-26). Mais la grâce divine a permis à Moïse de voir tout le pays du sommet du Pisga, dans la compagnie de l'Éternel. Et comme l'a écrit un commentateur: Il valait mieux contempler de loin le pays dans la compagnie de l'Éternel que d'y entrer avec un peuple rebelle. Moïse dut sentir sur ce sommet que Dieu était plus grand que le pays et plus grand que le service. En ce qui nous concerne, retenons l'avertissement qui nous est donné ici: critiquer un serviteur de Dieu, c'est risquer de le chagriner, de le décourager ou même de le faire broncher (verset 26). Sans doute, ce qui est arrivé correspondait aux intentions de Dieu à l'égard de Moïse: l'homme de la loi ne pouvait pas introduire le peuple dans le pays promis. Mais la responsabilité de ceux qui contestent contre un serviteur demeure entière.

L'opposition du monde

Le peuple n'a pas encore terminé le voyage: mort de Marie, contestation, faute de Moïse, jugement de Dieu et maintenant la fatigue. Il reste une courte étape. Il faut passer par le territoire d'Édom. On promet de ne porter aucun préjudice au pays traversé: «nous ne passerons pas par les champs, ni par les vignes, et nous ne boirons pas de l'eau des puits» (verset 17). La réponse est dure: «Tu ne passeras pas chez moi, de peur que je ne sorte à ta rencontre avec l'épée» (verset 18). Édom vient effectivement à la rencontre d'Israël et le peuple se détourne d'auprès de lui. Peut-on solliciter quelque secours du monde? Inutile. «Le monde ne nous connaît pas, parce qu'il n'a pas connu Dieu» (1 Jean 3:1).

Nous aussi nous sommes au bout du voyage. «Encore très peu de temps, et celui qui vient viendra, et il ne tardera pas (Hébreux 10:37). «Il y a onze journées depuis Horeb… jusqu'à Kadès-Barnéa» (Deutéronome 1:2) et le peuple désobéissant et rebelle a erré quarante ans dans le désert. Fatigué, nous le comprenons, mais par sa propre faute. Notre fatigue n'est-elle pas souvent le fruit d'une activité charnelle? Les hommes de Gédéon étaient fatigués d'une saine fatigue et ils poursuivaient toujours (Juges 8:4). Paul avait connu les travaux d'une manière excessive, les voyages pénibles et périlleux, les veilles, la faim, la soif, le froid, le dénuement, les persécutions et les détresses «pour Christ». Mais il peut dire: «Quand je suis faible, alors je suis fort» (2 Corinthiens 12:10). Il ne se décourageait pas, réalisant que si l'homme extérieur dépérit, l'homme intérieur est renouvelé. Ses regards n'étaient pas fixés sur les choses qui se voient, mais sur celles qui ne se voient pas (2 Corinthiens 4:16-18). Vers quoi nos regards sont-ils dirigés? Puissions-nous les «fixer sur Jésus», celui qui vient à notre rencontre.

Mort d'Aaron

«Ils partirent de Kadès… et l'Éternel parla à Moïse et à Aaron» (versets 22, 23). Dieu va-t-il ouvrir un chemin à ce peuple en détresse? Oui, mais pas encore. Que dit l'Éternel à Moïse? Ce qu'ils n'attendaient pas: «Aaron sera recueilli vers ses peuples, car il n'entrera pas dans le pays que j'ai donné aux fils d'Israël, parce que vous vous êtes rebellés contre mon commandement aux eaux de Meriba… Dépouille Aaron de ses vêtements, et fais-les revêtir à Eléazar, son fils» (versets 24-26). Quelle épreuve pour Moïse, lui qui était si doux, plus que tous les hommes qui étaient sur la face de la terre (12:3)! Il a déjà perdu sa sœur Marie, qui avait veillé sur lui quand il était un petit enfant caché dans les roseaux du Nil. Il devait maintenant dépouiller son frère aîné de ses vêtements de sacrificateur.

Le serpent d'airain

Dieu allait-il abandonner son peuple sur la frontière du pays? Certainement pas. Mais d'autres épreuves vont survenir, qui dépassent ce que nous aurions imaginé. De nouveau le peuple parle contre Dieu et contre Moïse (21:5). Il ose dire: «Notre âme est dégoûtée de ce pain misérable» (verset 5), ce pain auquel il avait trouvé jadis le goût d'un gâteau au miel (Exode 16:31). Si nous ne connaissions pas Dieu, nous nous attendrions à ce qu'il décide: «Finissez-en avec l'homme, dont le souffle est dans ses narines, car quel cas doit-on faire de lui?» (Ésaïe 2:22). Eh bien non! le Dieu de la grâce va offrir le salut à tous ceux qui sont frappés par un juste jugement, la morsure des serpents brûlants. Et c'est ainsi qu'à la fin du voyage, Dieu, bien longtemps à l'avance, tourne les regards vers la croix, la croix de Golgotha. Car nous avons bien là une image saisissante de la croix, où Christ est mort pour notre salut. Jésus ne dit-il pas à Nicodème: «Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi il faut que le fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle» (Jean 3:14, 15)?

La dureté de nos cœurs — car ils ne sont pas meilleurs que ceux des Israélites — nous humilie, et l'infinie grâce de Dieu nous confond, grâce manifestée aussi bien dans notre salut que dans notre cheminement sur la terre. Marie, Aaron et Moïse ne sont pas entrés en Canaan, mais ils entreront dans la cité sainte; toutefois Dieu a voulu «qu'ils ne parviennent pas à la perfection sans nous» (Hébreux 11:40). À lui soit toute la gloire!