Tite

Chapitre 1er

V. 1-4

«Paul, esclave de Dieu, et apôtre de Jésus Christ selon la foi des élus de Dieu et la connaissance de la vérité qui est selon la piété, dans l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles...; mais il a manifesté, au temps propre, sa Parole, dans la prédication qui m’a été confiée à moi selon le commandement de notre Dieu Sauveur, — à Tite, mon véritable enfant selon la commune foi: Grâce et paix, de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur!»

Tel est le premier passage capital de notre épître. Comme nous l’avons dit, ces quatre versets résument et condensent en quelques mots le sujet inépuisable des grandes vérités du christianisme.

Nous apprenons d’abord que la source de ces bénédictions se trouve en Dieu lui-même. Il nous est présenté en premier lieu dans son caractère absolu, comme Dieu; puis comme le Dieu vrai qui ne peut mentir; puis comme le Dieu Sauveur, se révélant comme tel à des êtres perdus; enfin comme Dieu le Père, le Dieu d’amour. Mais c’est en Jésus Christ, notre Sauveur, que nous avons la révélation de tout ce que Dieu est pour nous.

L’apôtre Paul est l’instrument de cette révélation. Il s’intitule esclave de Dieu. Ce titre ne se rencontre que deux fois dans les épîtres (ici et en Jacq. 1:1), et quelquefois dans l’Apocalypse, tandis que celui d’esclave de Christ est plus fréquent. Être esclave de Dieu suppose une dépendance absolue, la crainte et le tremblement dans l’exercice de ses fonctions, le respect de chaque parole sortie de la bouche de Dieu, le profond sentiment de notre responsabilité. En même temps, le grand apôtre des Gentils est placé par sa qualité d’esclave dans la position la plus humble et la plus basse. Cette attitude devait être en exemple à Tite qui venait d’être appelé à occuper une place d’honneur: Or si l’apôtre lui-même avait une position si humble et si dépendante, combien plus vrai encore cela devait-il être de son disciple!

Comme esclave de Dieu, Paul ne s’appartient pas à lui-même. Ce que Dieu attend de son esclave, c’est une obéissance sans réserve, une fidélité scrupuleuse à s’acquitter du message que le Maître auquel il appartient lui a confié. Mais ce message solennel n’a rien d’effrayant et ne contient aucune menace, car celui qui le porte à d’autres est esclave du «Dieu Sauveur».

C’est pourquoi aussi Paul s’intitule «apôtre de Jésus Christ». Si Dieu a mis la vérité entre ses mains, Christ l’envoie pour la faire connaître et la répandre. Cette mission place Paul dans une relation particulière avec Christ, comme son apôtre, envoyé par Lui pour apporter au monde les vérités que Dieu avait en vue de toute éternité, vérités qui étaient offertes aux hommes, comme devant être leur part en vertu de l’œuvre de Christ. Aussi Paul peut-il dire: «le Christ Jésus notre Sauveur»; l’auteur du salut qui faisait partie en tout temps des desseins du Dieu d’amour à notre égard. Ce salut, Paul en parle comme lui appartenant en propre à lui-même. Il peut dire: Christ n’est pas seulement le Sauveur, mais il est le mien et celui de tous ceux qui croient en Lui: notre Sauveur. Le salut nous a été acquis par Jésus Christ. Lui-même est devenu esclave de Dieu pour nous l’acquérir, et notre serviteur pour nous l’appliquer après l’avoir accompli (Phil. 2:6-8).

Considérons maintenant en quoi consiste le ministère de l’apôtre:

1° Son apostolat n’a rien de commun avec les principes du judaïsme. Il est entièrement indépendant de la loi. Il est selon la FOI des élus de Dieu.

Il ne s’adresse ni à la chair, ni à la volonté de l’homme, mais à la foi, en contraste avec la loi. En outre, il exclut entièrement le principe juif d’un peuple établi sur le pied d’une descendance charnelle. Sans doute, cette descendance était établie à l’origine sur la foi du seul Abraham, tout en laissant subsister des relations selon la chair avec le peuple issu de lui. Mais ce peuple dans la chair, appelé à se soumettre à la loi, a perdu par sa désobéissance tout droit à être reconnu comme le peuple de Dieu et ne retrouvera plus tard ce titre que sur le pied, comme nous, de la foi des élus.

L’apostolat de Paul s’adressait à la foi individuelle et non pas à un peuple privilégié, issu d’une descendance terrestre. Ceux qui recevaient cette foi étaient les élus de Dieu qu’Il avait en vue de toute éternité, comme devant lui appartenir, et qui, sauvés par la foi, constituaient désormais par leur réunion un peuple céleste.

Ces deux choses, la foi et l’élection, caractérisent, d’une manière absolue, le christianisme, en contraste avec le judaïsme. L’une et l’autre dépendent exclusivement de la grâce et non de la loi.

2° Le second sujet de l’apostolat de Paul était «la connaissance de la vérité qui est selon la piété».

C’était la vérité, la vérité tout entière, qu’il donnait à connaître, rien moins que cela! Qu’est-ce donc que la vérité? Elle est, comme nous l’avons fait remarquer autre part, la pleine révélation de ce que Dieu est (de sa nature), de ce qu’Il dit (de sa Parole) et de ce qu’il pense (de son Esprit); en d’autres termes, la révélation du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Ce que Dieu est nous est révélé en Christ dans lequel toute la plénitude de la déité habite corporellement (Col. 2:9). C’est en Christ que nous connaissons Dieu comme Celui qui est lumière et qui est amour.

La vérité est ensuite ce que Dieu dit, c’est-à-dire sa Parole. «Ta Parole», dit Jésus, «est la vérité» (Jean 17:17). Cette Parole nous est apportée par Christ. Il est donc à la fois ce que Dieu est et ce que Dieu dit. Dans l’Évangile de Jean qui le présente comme «Fils de Dieu», il dit continuellement: «Je suis». Quand les Juifs lui demandent: «Toi qui es-tu?» il leur répond: «Absolument ce qu’aussi je vous dis». (Jean 8:25). L’identification absolue en Christ de ces deux côtés de la vérité: ce que Dieu est, et ce qu’Il dit: Sa nature et Sa Parole, nous est présentée dans ce passage. C’est en Christ («en Fils») que Dieu nous a parlé, en contraste avec la manière fragmentaire dont il avait parlé autrefois par les prophètes (Héb. 1:1), présentant par eux une partie de la vérité, tandis qu’en Christ qui est la Parole, Dieu la présente maintenant dans sa totalité. Le christianisme est la suprême et seule complète expression de la vérité, parce que la vérité nous y parle «en Fils». Elle est venue par Lui, non par Moise, parce qu’elle est venue dans une personne qui est la vérité elle-même, telle que la Parole nous la révèle.

La vérité est enfin la pensée de Dieu sur toutes choses. Cette pensée est en Christ, et l’Esprit en rend témoignage, car «l’Esprit est la vérité» (1 Jean 5:6). Il rend témoignage que la vie éternelle est en Christ et nous est acquise par son sacrifice.

La vérité trouve donc sa parfaite expression en Christ, car il est Lui-même la vérité: «Je suis la vérité», dit-il (Jean 14:6). Sous le régime de la loi, Dieu ne révélait point toute sa pensée sur quoi que ce fût. Il ne se faisait pas connaître comme le Dieu d’amour: tout au plus, la révélation que l’Éternel donna, quant à Lui-même, sous la loi fut-elle accompagnée de la proclamation de sa miséricorde (Ex. 34:6). Sous la loi, Dieu ne révélait pas non plus que l’homme est perdu, car la loi supposait la possibilité pour l’homme d’obtenir la vie en obéissant aux commandements de Dieu. L’Éternel n’y révélait pas non plus sa pensée sur le monde, car sous la loi le monde n’était pas encore présenté, comme définitivement asservi à Satan et condamné — ni sur le ciel, car l’homme étant pécheur, le ciel lui était fermé et la loi ne pouvait lui promettre qu’une bénédiction terrestre. Dieu lui-même n’était pas non plus manifesté sous la loi et restait caché dans une profonde obscurité derrière le voile. Il n’était pas non plus question, sous la loi, d’un sacrifice qui pût ôter les péchés et réconcilier, une fois pour toutes, le pécheur avec Dieu.

En résumé, la connaissance de la vérité était inconnue sous la loi, sauf d’une manière partielle. Dans sa plénitude, cette connaissance appartient exclusivement au christianisme.

Mais notons ici un second point: cette connaissance de la vérité est selon la piété.

La piété est le maintien de relations habituelles entre notre âme et Dieu, maintien puisé dans la connaissance de la vérité. Le «mystère de la piété» en 1 Tim. 3:16, n’est pas autre chose; c’est le secret par lequel la piété est produite, par lequel l’âme est amenée à jouir de ses relations avec Dieu et y est maintenue. La vérité, comme nous l’avons vu, se résume tout entière en une seule personne, Jésus, Dieu manifesté en chair. Lui seul nous a fait connaître Dieu et nous met en relation avec Lui. C’est pourquoi «le mystère de la piété qui est grand» se résume dans la connaissance de Christ seul: «Dieu a été manifesté en chair, a été justifié en Esprit, a été vu des anges, a été prêché parmi les nations, a été cru au monde, a été élevé dans la gloire» (1 Tim. 3:16). La connaissance de la vérité, si elle n’avait pas la piété pour résultat, conduirait l’homme à sa condamnation éternelle, car elle ne le mettrait jamais en relation avec Dieu: Au lieu de posséder la vérité qui est selon la piété, on peut «la posséder tout en vivant dans l’iniquité» (Rom. 1:18), et l’homme qui la possède ainsi sera l’objet de la colère de Dieu au lieu d’être l’objet de sa faveur.

3° L’apostolat confié à Paul avait pour base l’espérance de la vie éternelle. Cette espérance est une certitude qui n’a rien de vague ni d’incertain comme l’espérance humaine, car elle appartient à la foi. La vie éternelle avait été promise par Dieu lui-même, avant que les temps des siècles eussent commencé; et comment Dieu pourrait-il mentir à sa propre promesse d’éternité? N’a-t-il pas dit: «Il n’y en a point comme moi, déclarant dès le commencement ce qui sera à la fin,... en disant: Mon conseil s’accomplira?» (És. 46:10). Les «élus de Dieu» possèdent déjà maintenant cette vie, par la foi en un Christ mort (Jean 6:54). «Il est le Dieu véritable et la vie éternelle». Quiconque croit en Lui a cette vie, non pas la vie humaine périssable, mais une vie spirituelle sans fin, la vie de Dieu lui-même, une vie capable de connaître Dieu, de jouir de Lui, d’avoir communion avec Lui, le Père, et avec son Fils Jésus Christ. Telle est «la vie éternelle». Sans doute, aussi longtemps que le chrétien sera ici-bas, sa jouissance de cette vie sera imparfaite, mais, cette vie, nous en réaliserons bientôt toute la valeur dans la gloire, quand nous le verrons, Lui, notre vie, et Lui serons semblables; quand nous connaîtrons comme nous avons été connus; quand nous jouirons des ineffables délices d’une communion parfaite et ininterrompue avec Lui, l’objet de notre espérance.

Telle est la doctrine chrétienne, l’essence même du christianisme. Certes, nous pouvons nous écrier avec l’apôtre: «O profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu!» Oui, quelles richesses infinies! Quel objet le christianisme nous donne! Quelle assurance! Quelle jouissance actuelle! Quel bonheur et quelle paix dans nos relations avec Dieu! Quelle joie accomplie dans sa communion! Quelle certitude pour l’avenir! Y a-t-il une connaissance qui puisse être comparée à celle que l’Évangile nous apporte?

Mais il a manifesté au temps propre sa Parole. En contraste avec «les temps des siècles», il y a «un temps propre». Ce temps, nous y sommes; c’est le jour d’aujourd’hui dans lequel Dieu a pleinement manifesté tout le conseil de sa grâce, dont nous venons de parler. Ce «temps propre», Dieu l’avait déterminé d’avance: il est maintenant apparu. Il a été inauguré par un fait unique dans l’histoire et dont la valeur n’aura pas plus de terme que l’éternité elle-même: nous voulons parler de la croix de Christ et de la résurrection du Fils de Dieu d’entre les morts. C’est là que tout le conseil de Dieu à notre égard a été pleinement manifesté. Le voile qui nous séparait de Dieu est déchiré, l’accès devant Lui ouvert dans la pleine lumière, la relation avec Lui, comme notre Père, établie à toujours, l’héritage, proclamé comme notre part avec Christ dans la gloire — et tout cela par Lui et en Lui.

Rien de semblable n’avait été annoncé ni connu auparavant. La Parole du Dieu qui ne peut mentir est maintenant manifestée. Les pensées éternelles de Dieu existaient jusque-là dans le mystère de ses conseils, elles sont maintenant connues, et la prédication de cette Parole a été confiée à Paul. Quelle importance immense avait donc son apostolat! Dès lors la Parole de vérité est complète (Col. 1:25). Sa prédication était un commandement et nous savons comment l’apôtre y a obéi. Mais ce commandement n’avait aucune ressemblance avec la loi, car c’était, non pas l’Éternel, le Dieu du Sinaï, mais le Dieu Sauveur qui se révélait au temps convenable dans la parole dont la prédication était confiée à l’apôtre.

Paul adresse son épître à Tite (v. 4). Celui-ci était le véritable enfant de l’apôtre. Il avait été engendré selon la vérité et avait reçu cette dernière sur le même pied que son père spirituel, sur le pied de la foi. Cette foi était donc commune à Paul et à Tite (au juif et au gentil), mais Paul avait été l’instrument pour la communiquer à ce dernier.

Dieu le Père et le Christ Jésus notre Sauveur, l’amour divin et la grâce divine, s’unissent pour apporter à Tite un heureux message de faveur et de paix comme bénédictions actuelles, lesquelles étaient sa part, aussi bien que celle de l’apôtre qui avait le même Sauveur que son disciple.

 

V. 5-9

«Je t’ai laissé en Crète dans ce but, que tu mettes en bon ordre les choses qui restent à régler, et que, dans chaque ville, tu établisses des anciens, suivant que moi je t’ai ordonné: si quelqu’un est irréprochable, mari d’une seule femme, ayant des enfants fidèles, qui ne soient pas accusés de dissipation, ou insubordonnés. Car il faut que le surveillant soit irréprochable comme administrateur de Dieu, non adonné à son sens, non colère, non adonné au vin, non batteur, non avide d’un gain honteux, mais hospitalier, aimant le bien, sage, juste, pieux, continent, tenant ferme la fidèle Parole selon la doctrine, afin qu’il soit capable, tant d’exhorter par un sain enseignement, que de réfuter les contredisants.»

Nous venons de voir quelles sont les bases du christianisme: La foi des élus, la vérité selon la piété, la vie éternelle, la Parole de Dieu, enfin la prédication qui puise ces choses dans la Parole. Tous ces sujets sont compris dans ce qui est appelé «la sainte doctrine». Les versets 5 à 9 que nous venons de citer traitent du bon ordre dans l’Assemblée, mais le bon ordre ne peut avoir lieu sans la saine doctrine et l’enseignement qui la présente. C’est ce que nous avons fait remarquer dès le début de cet écrit.

Cet enseignement est confié à tous ceux auxquels Dieu a donné une responsabilité spéciale dans l’assemblée: à Tite d’abord (2:1), aux anciens (1:9), aux femmes âgées, dans une mesure, il est vrai, très limitée (2:3), aux jeunes hommes (2:7). Enfin l’enseignement a son modèle parfait dans l’enseignement de la grâce qui est apparue en Jésus (2:12).

L’administration confiée à Tite consistait à établir, régler et maintenir le bon ordre dans les assemblées de Dieu en Crète, tandis que l’administration confiée à Timothée dans l’assemblée d’Éphèse consistait à veiller d’une manière spéciale sur la doctrine, afin qu’elle ne fût pas falsifiée. L’administration confiée à l’apôtre Paul était infiniment plus étendue que celle de ses délégués: il avait la gestion du mystère du Christ dans ce monde (Éph. 3:2, 9; 1:10; 1 Cor. 9:17), du mystère caché dès les siècles et dès les générations, mais révélé maintenant par l’Esprit. Ce mystère était l’union en un seul corps de l’Église avec Christ. Paul avait à faire connaître à cette dernière sa position et sa vocation, et la gérance de ce mystère était inséparable d’un travail incessant et d’une surveillance continuelle, car l’apôtre désirait présenter à Christ son Épouse comme une «vierge chaste».

Quant à Tite, il s’agissait plutôt, mais non pas exclusivement, de maintenir l’ordre extérieur dans les relations individuelles des chrétiens entre eux. Sous ce rapport, il restait plusieurs choses à régler, entre autres d’établir des anciens.

La question des anciens, soulevée tant de fois par ceux qui défendent le clergé dans les églises protestantes, et éclairée à la lumière de la Parole, semble désormais réglée pour quiconque est soumis à l’autorité des Écritures, en sorte qu’il paraît inutile d’en faire une nouvelle exposition, aussi nous bornerons-nous à la résumer.

Les anciens, nom identique à celui d’évêques ou surveillants, sont soigneusement distingués des dons de l’Esprit ou des dons accordés par Christ glorifié à son Église. L’identification de ces dons avec les charges d’évêques (ou surveillants) et de diacres (ou serviteurs) est une marque de la ruine de l’Église et a très vite caractérisé cette dernière après l’abandon du premier amour. Les anciens, ainsi que les diacres, sont des charges locales (c’est-à-dire ne dépassent pas la circonscription d’une assemblée locale). Ces charges existaient, non pas officiellement, mais tout aussi réellement, dans les assemblées sorties du Judaïsme, tandis qu’elles étaient établies dans les assemblées des nations par l’apôtre ou par ses délégués. Il pourrait y en avoir eu d’autres, mais deux de ces délégués seulement, Timothée et Tite, sont mentionnés dans les épîtres comme envoyés par l’apôtre Paul. En tout cas nous ne sommes autorisés à reconnaître que ceux qui sont mentionnés dans la Parole. Tite est le délégué dont notre épître nous occupe.

Les dons existeront jusqu’à la fin (Éph. 4:11-14). Jamais cela n’est dit des charges. Leur absence actuelle (car nous ne reconnaissons en aucune manière des anciens institués en contradiction flagrante avec la parole de Dieu), est une preuve tout aussi palpable de la ruine de l’Église, que leur institution sans la sanction des Écritures. Où se trouve, en effet, maintenant l’autorité pour les établir? Sans doute le Seigneur met au cœur des siens, là où ils sont réunis selon sa Parole, de répondre au besoin de surveillance qui se fait sentir au milieu des assemblées, mais tout établissement ou consécration d’anciens, d’une autre manière que celle qui est enseignée par la Parole est en contradiction avec la pensée de l’Esprit de Dieu. Les chrétiens soumis à la Parole s’en tiendront strictement, sur ce point comme sur tout autre, à l’enseignement qu’elle nous donne.

Le don et la charge locale peuvent exister chez le même individu, mais ils ne sont jamais confondus dans l’Écriture. De manière ou d’autre, tous les anciens étaient censés paître le troupeau, mais il y avait des anciens qui ne servaient pas dans la Parole. Outre leurs fonctions qui consistaient à surveiller le troupeau et à en prendre soin, les anciens devaient être capables d’enseigner, de retenir ferme la Parole selon la doctrine, d’exhorter selon elle et de réfuter les contredisants, mais travailler dans la Parole et dans l’enseignement n’était pas indispensable à leur charge; de fait, ce n’était pas leur charge. Voyez 1 Tim. 5:17 où il est dit: «Spécialement ceux qui travaillent dans la Parole et dans l’enseignement».

Nous trouvons donc, dans les vers. 6-9 les qualités requises des anciens pour que Tite pût les établir. Il s’agit en premier lieu (v. 6) de qualités que nous appellerons extérieures, parce qu’elles peuvent être contrôlées par tous. Elles se manifestent, chez l’ancien, dans la conduite de sa maison et dans la vie de sa famille. Il fallait que, sous ce rapport, l’ancien fût irréprochable. Comment aurait-il pu reprendre les autres s’il méritait lui-même des reproches? Il devait être marié et ne pouvait avoir deux femmes, chose qui n’était pas selon l’ordre divin établi à la Création, mais chose habituelle parmi les Gentils et commune chez les Juifs qui renvoyaient une femme qui ne leur plaisait pas pour en prendre une autre. L’ancien devait gouverner selon Dieu sa propre famille (pour être ancien, il était nécessaire qu’il eût des enfants) sinon, comment le gouvernement de l’assemblée pouvait-il lui être confié? Ses enfants devaient être fidèles. La fidélité suppose la conversion, la foi, la piété. Il ne fallait pas que ses enfants pussent être accusés de dissipation, c’est-à-dire d’abandon de soi-même et d’inconduite. Tel avait été autrefois le cas des fils d’Héli. Ceux-ci avaient été en piège à leur père qui n’avait pas sévi contre eux et les «avait honorés plus que l’Éternel». Aussi leurs débordements avaient attiré un jugement terrible sur eux et sur leur père. Les enfants de l’ancien ne devaient pas encourir le reproche d’insubordination, en ne reconnaissant pas l’autorité de leur père sur eux. À ces traits le monde pouvait apprendre qu’un ordre selon Dieu était maintenu dans la famille de l’ancien.

Le v. 7 nous présente l’Ancien lui-même quant à ses qualités intérieures et personnelles. S’il devait être irréprochable dans sa vie de famille, il devait l’être aussi comme administrateur de Dieu. Il n’était responsable, ni envers l’apôtre qui avait ordonné son établissement, ni envers Tite qui l’avait établi, mais envers Dieu qui lui confiait l’administration de sa maison. Nous trouvons donc ici trois degrés dans l’administration: d’abord l’apôtre, puis Tite, son délégué, puis l’ancien, mais tous ayant leur responsabilité envers Dieu seul. Combien cela est important à maintenir! Quelle que soit la tâche que Dieu nous a confiée, c’est envers Lui que nous devons nous en acquitter. Les administrations, comme nous l’avons vu, sont très diverses; un ancien ne pouvait empiéter sur celle de Tite, ni un Tite sur celle de l’apôtre. En faisant ainsi, l’un ou l’autre aurait fait preuve d’une suffisance et d’une indépendance des plus coupables, qui aurait amené un désordre complet dans ces diverses administrations, mais il n’en restait pas moins vrai que la responsabilité de chacun — ici, celle de l’ancien — était complète et nullement atténuée vis-à-vis de Dieu, parce qu’il se trouvait dans une position subordonnée. Ici cette administration était extérieure, sans doute, mais il n’y a rien d’indifférent quand il s’agit de la maison de Dieu.

Quant aux qualités personnelles nécessaires à l’ancien, l’apôtre signale d’abord cinq qualités négatives.

non adonné à son sens. L’absence de cette première qualité négative n’est, hélas! que trop fréquente chez les enfants de Dieu. On ne réussit jamais à faire revenir certains esprits sur leur propre opinion. Ce défaut recouvre beaucoup de satisfaction de soi-même, d’obstination, et au fond beaucoup d’égoïsme et d’orgueil avec une propre volonté qui ne veut pas se soumettre aux pensées des autres, oubliant qu’il est dit: «Étant soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ» (Éph. 5:21). À lui seul, ce défaut rend un chrétien incapable d’être un surveillant, c’est-à-dire d’administrer sagement la maison de Dieu; aussi vient-il en premier lieu dans la liste de ce qui disqualifie l’ancien. Une bonne administration ne va pas sans abnégation de soi-même. 2° non colère. Un homme colérique n’a pas le sage et tranquille gouvernement de lui-même, et comment gouvernerait-il les autres? 3° non adonné au vin. Il ne s’agit pas ici d’un ivrogne, dont il est dit qu’il «n’héritera pas du royaume de Dieu», mais d’une habitude d’intempérance qui s’allie à la colère et en est souvent la cause, comme 4° «non batteur» en est la suite. 5° ni avide d’un gain honteux1. Il est dit aussi des diacres ou serviteurs en 1 Tim. 3:8: «Non adonnés à beaucoup de vin, non avides d’un gain honteux». La même expression est employée en 1 Pierre 5:2 au sujet des anciens: «surveillant non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux, mais de bon gré». Il était honteux d’exercer sa charge de surveillant en vue d’en tirer un profit pécuniaire. Aimer l’argent pour l’argent est déjà un piège terrible et dispose à en recevoir de toutes mains et de toute origine.

1 Ici la honte ne réside pas proprement dans l’amour de l’argent, convoitise réprouvée chez l’ancien en 1 Tim. 3:3, mais dans l’amour du gain auquel l’amour de l’argent conduit. Ce gain est signalé à juste titre comme honteux, parce que des fonctions saintes qui ne devraient avoir pour mobile qu’un dévouement entièrement désintéressé pour la maison de Dieu, sont employées et mises à profit pour satisfaire de basses convoitises.

Au vers. 8 nous trouvons sept qualités positives de l’ancien. Avant de les énumérer, je ferai remarquer qu’en 1 Tim. 3:2-4, quatorze qualités sont réclamées des anciens, mélangées, il est vrai, de qualités négatives. La liste est donc plus complète qu’ici (deux fois complète, pour ainsi dire), le nombre 7 jouant un rôle immense dans la parole de Dieu au point de vue moral et même, comme quelques-uns l’ont remarqué, dans la structure purement extérieure de l’Écriture sainte. Sept est le nombre complet, le nombre de la plénitude en rapport avec l’administration divine. En outre, dans l’épître à Timothée, la dignité de la charge des anciens est rehaussée par le nombre 14, en présence des fonctions des diacres et des diaconesses qui ne comportent que le nombre 7.

Revenons maintenant aux qualités positives de l’ancien qui sont énumérées dans notre chapitre.

hospitalier. L’hospitalité ne peut jamais s’accorder avec l’avidité du gain et l’avarice. En Héb. 13:2, cette hospitalité est recommandée à tous les saints comme ayant eu parfois pour conséquence d’héberger des messagers divins porteurs de bénédictions spéciales. Ici le surveillant ne doit ni chercher ses aises, ni craindre le dérangement de ses habitudes. Sa maison doit être ouverte à tous; il doit être accueillant dans ce petit cercle qui est le modèle du grand domaine de la maison de Dieu que l’ancien administre localement.

aimant le bien. C’est plus que «haïr le mal». Dans le dernier cas, le mal occupe les pensées en vue de s’en séparer, dans le premier c’est le bien qui les occupe, afin d’en jouir. La conséquence immédiate est que l’on s’attache aux gens de bien et que l’on a communion avec eux. 3° et 4° sage, juste. Un homme sage et juste est réfléchi, pondéré, ne se laisse pas aller à la première impression et au premier mouvement et sait peser équitablement les circonstances dans lesquelles les autres se trouvent. 5° pieux (hosios). Être pieux c’est être saint dans sa conduite et agréable à Dieu dans ses voies; mener une vie dont Dieu est le centre, une vie réglée et nourrie par lui. 6° continent. De cette manière, les passions de la chair n’ont pas l’occasion de se manifester et les convoitises naturelles sont réprimées.

tenant ferme la fidèle parole selon la doctrine. Le devoir de l’ancien était d’être fermement attaché à la Parole et de la maintenir. Elle était la fidèle parole, selon l’enseignement des apôtres, parole certaine, qui ne trompe pas, sur laquelle on peut absolument compter, parce qu’elle est la parole du Dieu fidèle. Mais l’ancien ne pouvait être à l’origine «celui qui enseigne»; il était enseigné lui-même par la doctrine confiée aux apôtres, par les saines paroles qu’ils étaient chargés de communiquer et ces paroles n’étaient pas autre chose que les «Écritures avant la lettre», mises dans la bouche des apôtres, aussi l’ancien devait-il les tenir ferme. La doctrine n’était donc autre que la pleine certitude de la Parole, parce qu’elle lui était assimilée. C’était la Parole, l’enseignement qui la présentait, non pas la doctrine qui en provenait qu’il s’agissait de tenir ferme. — Cet attachement à la Parole rendait l’ancien capable, tant d’exhorter (les fidèles) par un sain enseignement que de réfuter les contredisants (ceux qui s’opposent à la doctrine chrétienne). La capacité acquise par l’affection pour la parole de Dieu était une des choses nécessaires à l’ancien. Quand il s’agit de maintenir l’ordre dans la maison de Dieu, les qualités morales et de conduite personnelle ne suffisent pas. Sans doute, si elles étaient absentes, il n’y aurait aucune autorité morale pour l’administration, mais de fait, aucune administration n’est possible si elle n’a pas la Parole pour base et pour règle. — Ces choses n’étaient pas requises des diacres en 1 Tim. 3:8-10, sauf qu’ils avaient à «garder le mystère de la foi dans une conscience pure». Dans ce même chapitre on trouve deux mystères, celui de la foi et celui de la piété. «Le mystère de la foi» est l’ensemble des vérités, maintenant révélées, qui appartiennent à la foi. Il fallait donc, pour le simple service d’un diacre, une familiarité avec les grandes lignes de la Parole, lignes qui devaient avoir atteint la conscience pour y être gardées. Cela donnait une saveur particulière au plus humble service, comme servir aux tables, mais cela préparait le diacre à être «plein de grâce et de puissance», comme Étienne, quand il était appelé à rendre un témoignage public devant le monde.

La responsabilité de l’ancien est beaucoup plus étendue que celle des diacres ou serviteurs qui, du reste, ne sont pas en vue dans l’épître à Tite, circonstance bien explicable, puisque c’était l’assemblée qui choisissait les diacres, établis, seulement ensuite, par les apôtres pour un service particulier (Actes 6:3-5). — Pour surveiller ou maintenir l’ordre, il faut souvent pouvoir exhorter, ou réfuter les contredisants. Or la base de l’exhortation elle-même est le sain enseignement et nous avons ici l’occasion de constater ce que nous disions au début, que la sainteté pratique et une marche droite et pieuse sont inséparables de la saine doctrine, et, quoique les hommes en pensent, ne peuvent exister sans elle. C’est aussi par elle que les récalcitrants peuvent être réduits au silence et empêchés de contaminer l’assemblée en faisant opposition à la vérité.

On voit donc quelle importance est attachée à la fonction de surveillant, quand même la sphère de son exercice est limitée à l’assemblée locale. Cette charge doit être par conséquent adaptée aux circonstances locales de l’assemblée où elle s’exerce. Il en était ainsi, comme nous allons le voir, dans les assemblées de la Crète. C’est pourquoi aussi les qualités requises des anciens n’étaient pas absolument les mêmes quand il s’agissait de l’assemblée d’Éphèse dans la première épître à Timothée.

Les anciens n’étaient pas des dons du Saint Esprit caractérisés par l’universalité de leur action, mais leur activité ordinaire était le résultat pratique d’une vie sainte, pieuse, dévouée, fermement attachée à la Parole. Cependant la charge d’ancien n’excluait pas plus le don, que celle de diacre. C’est ce que nous voyons lors de la merveilleuse prédication d’Étienne en Actes 7. C’est ce que nous trouvons aussi en 1 Tim. 5:17. On voit dans ce passage que tous les anciens ne travaillaient pas «dans la parole et dans l’enseignement». Leur travail dans ce domaine est signalé comme une exception excellente et digne d’un double honneur quant à l’aide, de quelque nature qu’elle fût, qui devait leur être donnée.

 

V. 10-16

«Car il y a beaucoup d’insubordonnés vains discoureurs et séducteurs, principalement ceux qui sont de la circoncision, auxquels il faut fermer la bouche, qui renversent des maisons entières, enseignant ce qui ne convient pas, pour un gain honteux. Quelqu’un d’entre eux, leur propre prophète, a dit: «Les Crétois sont toujours menteurs, de méchantes bêtes, des ventres paresseux». Ce témoignage est vrai; c’est pourquoi reprends-les vertement, afin qu’ils soient sains dans la foi, ne s’attachant pas aux fables judaïques et aux commandements des hommes qui se détournent de la vérité. Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs; mais, pour ceux qui sont souillés et incrédules, rien n’est pur, mais leur entendement et leur conscience sont souillés. Ils professent de connaître Dieu, mais par leurs œuvres ils le renient, étant abominables et désobéissants, et, à l’égard de toute bonne œuvre, réprouvés.»

Les versets 10 à 11 décrivent les contredisants du vers. 9, véritable plaie des assemblées de la Crète. Ils ont trois caractères: 1° insubordonnés. Ne souffrant pas d’autorité établie sur eux, ils s’y opposent et s’élèvent contre toute surveillance instituée par Dieu pour maintenir l’ordre dans sa maison; 2° vains discoureurs. Il suffit souvent d’une certaine faconde qui recouvre et cache la nullité spirituelle et morale de ces hommes, pour attirer des chrétiens ignorants, légers ou mondains, incapables, de ce fait, de discerner le but de ces discoureurs. 3° séducteurs. Ils sont en réalité des instruments de Satan, le Séducteur par excellence, et des organes de l’Ennemi pour ruiner et détruire l’œuvre de Dieu. Ces agents se recrutaient surtout parmi ceux qui sont de la circoncision. Rien ne séduit davantage le monde religieux qu’un système légal basé sur la capacité de l’homme pour faire le bien. La doctrine de l’incapacité absolue de l’homme pécheur ne peut aller à ces opposants. Il faut leur fermer la bouche, ne pas permettre qu’ils attaquent et détruisent la doctrine de la grâce et de la foi dans l’assemblée. Leur action renverse des maisons entières. On sait combien l’autorité du chef de famille est dangereuse quand il se laisse entraîner lui-même et cède, au lieu de résister, aux faux docteurs et aux séditieux. On a pu voir des familles entières abandonner en corps la saine doctrine de l’assemblée de Dieu, pour retourner à l’enseignement légal et devenir ainsi de nouveaux agents de ruine au lieu de contribuer à l’édification du corps de Christ.

Ces gens enseignaient ce qui ne convient pas, en opposition avec le «sain enseignement» des anciens, et avec celui de Tite lui-même qui est exhorté (2:1) à annoncer les choses qui conviennent au sain enseignement. «Ce qui ne convient pas» était ce qui nuisait nécessairement à la santé morale des chrétiens et les détournait de Christ et de la vérité. Mais il y avait à discerner leurs motifs: ils enseignaient pour un gain honteux. Voilà pourquoi il était si nécessaire de leur opposer des anciens, choisis selon Dieu et qui n’étaient pas «avides d’un gain honteux» (v. 7). Ces hommes savaient que leur marchandise frelatée serait du goût de plusieurs; ils en tiraient du profit pour eux-mêmes, de quelque côté que leur vînt l’argent qu’ils convoitaient. Abraham aurait fait un gain honteux s’il avait accepté les dons du roi de Sodome; Pierre aussi, s’il avait reçu l’argent de Simon le magicien.

v. 12-14. Ces discoureurs, et parmi eux les membres du peuple juif, étaient Crétois d’origine. Les Crétois avaient, eux aussi, comme d’autres nations, leur propre prophète, poète et moraliste, qui dans ses œuvres montrait un profond mépris pour ses concitoyens. C’est ce qui arrive d’habitude, dans le monde, aux moralistes clairvoyants qui se sont donné pour tâche de connaître les hommes. Ils les ont, au bout du compte, en fort petite estime, mais ne vont jamais jusqu’au mépris d’eux-mêmes, ne s’étant jamais trouvés devant Dieu pour dire comme Job: «J’ai horreur de moi». Épiménide donc, philosophe et homme d’État, leur propre prophète, dans le seul fragment qui, sauf erreur, nous reste de lui, jugeait ainsi ses concitoyens, 600 ans avant Jésus Christ

«Les Crétois sont toujours menteurs, de méchantes bêtes, des ventres paresseux». Le mensonge, la méchanceté bestiale et la gloutonnerie, des appétits qui cherchent à se satisfaire sans travail et sans peine, tel était le portrait des Crétois; tels peut-être, sont-ils encore. Ce témoignage est vrai, dit l’apôtre. Quant au jugement de ses concitoyens, cet homme avait parlé selon Dieu, il «possédait la vérité» (Rom. 1:18); il était un témoin, reconnu de Dieu, de la corruption des Crétois. Qu’y avait-il à faire à l’égard de ces hommes? «Reprends-les vertement», dit l’apôtre à son fidèle délégué. Nous trouvons ce même mot grec en 2 Cor. 13:10, où Paul parle d’user «de sévérité, selon l’autorité que le Seigneur lui a donnée pour l’édification et non pas pour la destruction». Il s’agissait donc d’user envers les «séducteurs» de sévérité, avec autorité, fonction qui n’était pas confiée aux anciens, mais à Tite, désigné par l’apôtre, lequel lui-même avait reçu directement cette autorité du Seigneur. C’était aussi ce que Paul avait fait plus d’une fois, même à l’égard de Pierre, apôtre comme lui, quand la foi était en danger et la saine doctrine en péril. Mais la répréhension même, adressée à ces vains discoureurs et séducteurs avait l’amour pour mobile. Son but n’était pas de rejeter ces hommes encombrants et dangereux, mais de les amener à être sains dans la foi. Il fallait ce déploiement d’autorité spirituelle pour leur faire reconnaître les vérités reçues par la foi1. Il va sans dire que cette autorité s’exerçait par l’usage de la Parole, dans la puissance de l’Esprit.

1 Tel est ici, comme en beaucoup d’autres passages, le sens précis du mot foi tandis qu’il est plus fréquemment employé, comme au chap. 1:1, pour désigner l’état du cœur.

v. 14. «Ne s’attachant pas aux fables judaïques». Les «fables» sont mentionnées dans la première épître à Timothée (1:4) où elles sont distinctes des «généalogies interminables», tout en leur étant associées dans ce passage. Ces «généalogies» n’ont, comme on serait tenté de le supposer, aucun rapport avec les généalogies de l’Ancien Testament, et sont le mélange avec le christianisme de spéculations juives spirites et philosophiques, adoptées ensuite par le paganisme à son déclin. Les fables judaïques, qualifiées en 1 Tim. 4:7 de «fables profanes» qui ne sont que des histoires de vieilles femmes sont le produit de l’imagination orientale qui s’exerce sur les Écritures et qui, sous prétexte d’orner la vérité, la dépare et même l’anéantit. L’apôtre Pierre les appelle «des fables ingénieusement imaginées» (2 Pierre 1:16)1.

1 Les généalogies interminables sont des conceptions fabuleuses sur l’origine et l’émanation des êtres spirituels. Elles sont le produit de la superstition juive associée à la philosophie païenne. La Cabale ou tradition juive sur l’interprétation de l’Ancien Testament contient beaucoup d’affirmations fabuleuses quant à ces «émanations». Il y a, selon la Cabale dix «Sephiroth» ou émanations provenant de Dieu. Elles semblent avoir suggéré les Eons des Gnostiques. Sur cette théorie se greffait un système de Magique consistant surtout dans l’usage de mots de l’Écriture pour produire des effets surnaturels.

Les fables judaïques sont distinctes, dans notre passage, des «commandements des hommes», quoique les unes et les autres proviennent de «ceux qui sont de la circoncision». Les commandements dont il est question ici ne sont pas les commandements de la loi qui étaient donnés de Dieu, mais des prescriptions légales inventées par les hommes et passées à l’état de tradition, lesquelles abondent dans le judaïsme. On les rencontre à chaque instant dans les évangiles, comme par exemple le lavage des coupes et des plats et «beaucoup d’autres choses semblables». Par ces choses, de tels hommes se détournaient de la vérité. Ils étaient en opposition complète avec l’apostolat de Paul, basé sur «la connaissance de la vérité» (1:1).

v. 15. «Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs». Le chrétien est pur, non pas en lui-même, mais devant Dieu, en vertu de l’œuvre de Christ et sous l’action du Saint Esprit. (1 Cor. 6:11). Comme tel il ne peut être contaminé par la souillure et c’était précisément ce que niaient ces judaïsants par leurs «commandements d’hommes», tandis que la parole de Dieu engage le nouvel homme à marcher sur les traces de Jésus. Jamais le Seigneur ne put être contaminé par la souillure de la lèpre, ni par aucune autre souillure. Une pécheresse, une adultère, pouvaient être purifiées par Lui, jamais lui souillé par elles. En revanche, «les souillés et les incrédules» ne sont influencés par aucune pureté, car c’est le dedans, c’est-à-dire «leur entendement et leur conscience» qui sont souillés.

Au v. 16, le caractère de ces hommes souillés nous est décrit: Ils ont pour profession de connaître Dieu, tandis que leurs œuvres sont le contraire de leur profession; par elles, ils renient Dieu. Leurs œuvres nous font connaître s’ils connaissent Dieu, comme ils le prétendent; et si leurs œuvres sont mauvaises, nous sommes fixés sur cette question. On ne peut attendre d’eux aucune bonne œuvre. Ils sont «réprouvés», entièrement rejetés de Dieu à cet égard; ils sont «abominables et désobéissants».

Cela nous amène à considérer le caractère des bonnes œuvres. Elles sont mentionnées six fois dans cette courte épître (1:16; 2:7, 14; 3:1, 8, 14).

Une doctrine qui ne conduit pas aux bonnes œuvres n’est pas la «saine doctrine» et ce point est de toute importance à considérer. Il n’existe pas d’activité pratique agréable à Dieu, si elle n’a pas pour base le «sain enseignement» de la Parole. La première épître à Timothée, qui nous parle du maintien de la «saine doctrine» dans la maison de Dieu nous parle tout aussi souvent des bonnes œuvres (2:10; 3:1; 5:10, 25; 6:18). Dans un passage capital, la seconde épître à Timothée nous montre (2:21) que, se retirer du mal dans la maison de Dieu, c’est être «préparé pour toute bonne œuvre». Or cette vérité est très peu comprise par les chers enfants de Dieu. Ils parlent à tout propos de bonnes œuvres sans avoir jamais fait ce qui seul peut les y préparer: se purifier des vases à déshonneur. Les bonnes œuvres ont pour caractère, d’être le produit de la sainteté et de l’amour. Jésus, le «saint serviteur de Dieu» qui avait été «oint de l’Esprit saint», passait de lieu en lieu faisant du bien (Actes 10:38). Il n’y avait pas une des «bonnes œuvres qu’il faisait voir aux hommes de la part de son Père» qui ne fût une œuvre d’amour. Il en était de même de ses disciples. Dorcas était «pleine de ces bonnes œuvres». L’amour était le mobile intérieur de toute son activité. En Héb. 10:24, les bonnes œuvres découlent de l’amour et en sont inséparables. De même aussi celles des saintes veuves en 1 Tim. 5:10.

En Éph. 2:10, le chrétien est créé dans le Christ Jésus pour les bonnes œuvres, mais non pour les choisir à sa convenance, car Dieu lui-même les a «préparées à l’avance pour nous», et nous n’avons qu’à y marcher. Elles ont pour but, en Héb. 13:21, de faire sa volonté et de lui être agréable.

Ces bonnes œuvres, préparées par Dieu et non par nous, ce qui leur ôterait toute valeur, ont pour caractère d’être faites au nom de Christ (Actes 4:9-10). Elles ont pour objet d’être faites envers Christ (Marc 14:6), envers les saints (Actes 9:36) et envers tous les hommes (Gal. 6:10), mais toujours d’être faites pour Christ.

Le monde ne peut rien comprendre aux bonnes œuvres faites pour Christ, car non seulement il ne connaît pas le Seigneur, mais il est son ennemi. Le parfum de Marie est folie à ses yeux; l’amour divin qui porte le cœur du croyant, vers les saints d’un côté, vers le monde de l’autre, est lettre morte pour l’homme naturel.

Opposées aux bonnes œuvres, les mauvaises œuvres ont le mal pour origine et pour but. Un chrétien, même le plus éminent, est en danger de ce côté-là et a besoin d’être délivré de toute mauvaise œuvre (2 Tim. 4:18). Les mauvaises œuvres caractérisent en général les ennemis de Dieu. (Col. 1:21).

Les œuvres mortes sont l’opposé des œuvres vivantes. Elles n’ont pas pour origine la vie divine. Elles ne sont pas appelées des «mauvaises œuvres», mais elles n’ont aucune valeur pour Dieu, et comme elles ont la nature pécheresse pour point de départ, il faut qu’on en soit purifié (Héb. 6:1; 9:14). Aussi bien que les mauvaises œuvres, elles seront l’objet du jugement prononcé sur les hommes devant le grand trône blanc.

Quand il s’agit du bon ordre dans la maison de Dieu, on le reconnaît aux bonnes œuvres de ceux qui font partie de cette maison, et non à leur profession. La profession n’empêchait pas les personnes mentionnées au vers. 16 de notre chapitre, d’être «abominables et réprouvées». Non seulement Dieu ne tenait pas compte de leur profession, mais les rejetait loin de Lui.