Osée

Chapitre 10

Le chap. 10 continue, sans interruption, le même sujet. Les v. 1-3 présentent ce qu’Israël était maintenant, en contraste avec ce qu’il avait été au commencement (9:10). «Israël est une vigne branchue; il porte du fruit pour lui-même». Dieu avait autrefois trouvé ses délices en Israël comme des raisins dans le désert, quoiqu’ils eussent, sans doute, bien vite abandonné le Dieu vivant pour Baal-Péor (9:10); mais ici Israël (c’est en particulier des dix tribus qu’il parle) était devenu une vigne branchue, belle dans son développement, ayant toute l’apparence de force, de puissance et de vitalité, mais sans porter aucun fruit pour Dieu. Tous ses fruits, il les avait portés pour lui-même (cf. 9:4). La chrétienté offre le même spectacle que cette vigne branchue. Elle nous est montrée sous la figure d’un grand arbre issu d’une petite semence, assez puissant pour offrir un abri aux oiseaux des cieux et de l’ombre aux bêtes des champs, mais où est son fruit pour Dieu? (Matthieu 13:32). Éphraïm avait employé toute sa prospérité matérielle à multiplier ses autels. Planté dans une campagne agréable (9:13), à quoi a-t-il fait servir «la beauté de son pays? à rendre belles ses statues!» (v. 1). Aussi Dieu, dans son indignation, abattra tout cet appareil de l’idolâtrie, «et maintenant», au moment où le prophète parle, «ils diront: nous n’avons pas de roi». Nous savons, en effet, qu’avant l’avènement d’Osée, leur dernier roi, une période d’anarchie eut lieu, pendant laquelle le peuple coupable, se voyant abandonné de Dieu, disait: «Un roi, que ferait-il pour nous?» (v. 3).

(v. 4-6.) — «Ils prononcent des paroles, ils jurent faussement, et ils concluent une alliance». Cela arriva littéralement à leur dernier roi, Osée. Tout en concluant une alliance avec Shalmanéser, roi d’Assyrie, auquel il prêtait un faux serment, il recherchait traîtreusement l’appui de Sô, roi d’Égypte (2 Rois 17:4-6). Une scène semblable se renouvela beaucoup plus tard sous Sédécias, roi de Juda, à l’égard du roi de Babylone (2 Chron. 36:13). — Aussi le jugement, comme une «plante vénéneuse», croîtra dans les sillons de ses champs, détruisant tout espoir de moisson. Shalmanéser se vengea de la trahison d’Osée, monta contre les dix tribus et assiégea Samarie, leur capitale. Que fait le peuple de Samarie en présence du jugement qui fond sur lui? Il tremble «pour son veau», pour l’idole de Béthel, lieu que dans son indignation le prophète appelle Beth-Aven (comme en 4:15; 5:8; 10:8), maison de vanité ou d’iniquité. Un Beth-Aven existait, de fait, du temps de Josué. Dans la délimitation des frontières assez restreintes de Benjamin, il est mentionné comme un lieu désert peu éloigné de Béthel (Josué 18:12, 13). Mais le prophète emploie ce terme que l’on peut aussi traduire: «maison d’idoles» pour caractériser ce que Béthel, la maison de Dieu, était devenue. C’était à Dan et à Béthel que Jéroboam I avait établi les veaux d’or (1 Rois 12:29). Béthel était désormais un véritable désert, une maison d’idoles, une vanité, une abomination pour le Dieu qui en avait fait sa maison et y avait confirmé solennellement ses promesses de grâce à Jacob (Gen. 28:19; 35:15). Le veau d’or avait ses Camarim, ses sacrificateurs qui tremblaient pour lui. Comme plus tard, lors de l’émeute au sujet de la grande Diane des Éphésiens, si le veau d’or disparaissait, tout l’espoir de leur gain était anéanti. La valeur monétaire de l’idole jouait aussi un rôle dans le deuil du peuple. Son trésor, le témoin de sa prospérité matérielle, en même temps que son dieu, lui était enlevé pour être porté à Shalmanéser, le roi Jareb de ce jour-là, l’ennemi d’Éphraïm.

«Samarie est détruite, son roi a péri, comme un fétu sur la face des eaux; et les hauts lieux d’Aven, le péché d’Israël, seront détruits. L’épine et la ronce monteront sur leurs autels; et ils diront aux montagnes: Couvrez-nous! et aux collines: Tombez sur nous» (v. 7, 8). Ces versets correspondent à 2 Rois 17:4-6. Le prophète nous apprend qu’Osée devait périr après avoir été mis en prison et lié de chaînes par Shalmanéser. Tout cela était proche, mais encore à venir au temps du prophète. L’idolâtrie d’Éphraïm devait disparaître de dessous la face des cieux; l’épine et la ronce devaient recouvrir ses autels, Béthel redevenir le désert de Beth-Aven. Il en est encore ainsi aujourd’hui.

Cependant, comme toujours, la prophétie ne s’arrête pas à une interprétation prochaine, mais nous reporte vers un temps futur, où, non plus à la suite de l’idolâtrie, mais après le rejet du Christ, le jugement atteindra ce peuple coupable. C’est ce qu’annonçait le Seigneur aux filles de Jérusalem, quand il se rendait au Calvaire: «Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants; car voici, des jours viennent, dans lesquels on dira: Bienheureuses les stériles, et les ventres qui n’ont pas enfanté, et les mamelles qui n’ont pas nourri (cf. Osée 9:11, 14). Alors ils se mettront à dire aux montagnes: Tombez sur nous; et aux coteaux: Couvrez-nous; car s’ils font ces choses au bois vert, que sera-t-il fait au bois sec?» (Luc 23:28-31). Tel sera aussi le cri des hommes, depuis les rois jusqu’aux esclaves, sous le sixième sceau de l’Apocalypse, quand ils se cacheront devant la colère de l’Agneau (Apoc. 6:16, 17).

Dans les v. 9 à 15 le prophète enveloppe de nouveau Juda avec Israël dans le même jugement. Guibha, comme nous l’avons vu plus haut (9:9), parle du péché de Benjamin, mais le prophète fait ressortir que «la guerre contre les fils d’iniquité» n’avait pas atteint à Guibha ceux d’Israël qui se posaient en champions de la justice (v. 9). Aussi arriverait-il un temps où Dieu châtierait ceux qui avaient été les instruments du châtiment de Benjamin. Juda et les dix tribus seraient «liés pour leurs deux iniquités». Tous deux, nous dit le prophète, seront asservis au joug des nations: «Éphraïm est une génisse dressée, qui aime à fouler le blé; et j’ai passé sur son beau cou: je ferai tirer le chariot à Éphraïm; Juda labourera, et Jacob hersera». Ils seront esclaves, chacun d’eux dans des circonstances et à des époques diverses, pour faire lever et prospérer les moissons des étrangers!

Ah! n’était-il pas temps encore de semer en justice pour moissonner selon la piété, de défricher un terrain neuf, de recommencer une vie, produit d’une nouvelle naissance, et de chercher l’Éternel? (v. 12). Dès qu’Israël suivra cette voie le Seigneur viendra, comme la pluie, apporter la justice au terrain ainsi préparé (cf. 6:3). Mais il est impossible qu’une telle bénédiction se produise sans la repentance et la conversion «qui cherche l’Éternel».

Pourquoi et pour qui Éphraïm et Juda avaient-ils travaillé jusque-là? «Vous avez labouré la méchanceté, moissonné l’iniquité, mangé le fruit du mensonge» (v. 13). Ainsi, comme toujours en Osée, les images produisent pour ainsi dire les pensées, et nous voyons le labourage signifier à la fois le joug des nations, l’iniquité du peuple et le retour du cœur à l’Éternel.

Mais bientôt toutes les forteresses d’Éphraïm seront détruites «comme Shalman détruisit Beth-Arbel au jour de la guerre», c’est-à-dire comme Shalmanéser, dont l’armée fit le siège de Samarie, détruisit sans doute, d’une manière terrible, Beth-Arbel, une de ces forteresses qui n’est nommée que dans ce passage.

Enfin ce chapitre se termine par ces mots prophétiques: «À l’aube du jour, le roi d’Israël aura entièrement cessé d’être» (v. 15). Avec le roi Osée, la royauté sur les dix tribus va prendre fin, rentrer dans le néant, et il n’en sera plus jamais question.