Osée

Henri Rossier

Introduction

Le prophète Osée s’adresse spécialement aux dix tribus, tout en mentionnant à diverses reprises les tribus de Juda et de Benjamin. Ne pas tenir compte de ce fait ajouterait de l’obscurité au langage souvent difficile de ce livre. C’est ainsi que, pour Osée, Israël signifie d’habitude les dix tribus, en contraste avec celle de Juda (par ex. 1:6, 11; 3:1; 4:15). Ce même nom s’applique aussi aux neuf tribus en rapport avec Éphraïm qui en est le chef (4:3), mais distinctes de Juda et de Benjamin (5:5). Ce n’est qu’occasionnellement que la réunion passée ou future des douze tribus prend le nom d’Israël (3:5; 9:10; 11:1). Le nom Éphraïm est continuellement employé pour désigner les dix tribus caractérisées par leur tribu dominante. Juda, comme nous l’avons dit, est en contraste avec Israël et comprend d’habitude Juda et Benjamin. Parfois ces deux tribus sont nommées séparément. Jacob est l’ensemble du peuple sous la conduite de Juda, sa tribu dominante. — Le rôle si important que jouent les dix tribus dans ce livre ressort du fait que le nom d’Israël (presque toujours les dix tribus) y est mentionné 43 fois, le nom d’Éphraïm (avec le même sens) 36 fois, enfin le nom de Juda seulement 15 fois.

Osée est donc essentiellement un prophète d’Israël, caractère que partagent, quoique à un moindre degré, les prophètes Amos et Michée.

Osée prophétisait sous les mêmes rois de Juda qu’Ésaïe et, par conséquent, sous la série des rois d’Israël qui commence à Jéroboam II et finit avec le roi Osée, dernier souverain des dix tribus avant leur captivité. En additionnant les années des rois d’Israël, de Jéroboam à Osée, y compris les interrègnes, on arriverait à la somme énorme de 82 ans 7 mois, comme durée de cette prophétie; en ajoutant, d’autre part, les années d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et les six années d’Ézéchias jusqu’à la captivité des dix tribus, on arriverait à la somme plus considérable encore de 90 ans. Un calcul pareil serait erroné. En étudiant la prophétie d’Osée, on s’aperçoit aisément que le règne de Jéroboam Il y joue un rôle très restreint; il faut donc retrancher ici le plus grand nombre des années de ce règne. D’autre part, le contenu du livre nous amène à la conclusion que notre prophète n’a pas vu l’ensemble des années de son homonyme, Osée, roi d’Israël. Par ces calculs approximatifs nous atteignons une durée, longue encore, de cette prophétie, mais qui se peut aisément concevoir.

Le contenu du livre nous fournit des indications nombreuses sur les circonstances traversées par notre prophète, ou qui deviennent la cause prochaine de ses oracles. Ces circonstances sont, d’un côté, l’interrègne de 11 ans qui sépare le long règne de Jéroboam de celui, si court, de Zacharie — de l’autre, l’anarchie de 9 ans qui précéda l’avènement d’Osée, dernier roi d’Israël. Ces événements divers sont mentionnés par notre prophète, soit comme accomplis, soit comme prêts à l’être, et figurant des événements prophétiques futurs (3:4; 10:3). Osée fait, en outre, allusion à un bon nombre d’autres circonstances: les violences et les meurtres successifs des rois d’Israël (4:1-3; 7:7; cf. 2 Rois 15:8, 16, 25, 30); la recherche de l’Assyrie ou de l’Égypte, comme protecteurs (5:10, 13; 7:11; 8:9, 13; 10:6; 12:2; cf. 2 Rois 15:19, 20; 17:3, 4). Les chapitres 10:7, 15; 13:16, nous montrent, d’autre part, que si le prophète a pu voir le commencement du règne d’Osée, il n’a pas atteint les jours où les dix tribus furent emmenées captives par l’Assyrien. Ces nombreuses citations expliquent en même temps comment l’Esprit prophétique relie à des circonstances présentes la révélation des événements futurs.

En ces jours tragiques, où tout se précipite vers une issue fatale, le style du prophète est haché, abrupt, par conséquent obscur et sans transitions; il semble souvent que le temps lui manque pour relier ses pensées entre elles. Cette hâte se marque de plus en plus, à mesure qu’on avance dans la seconde partie de la prophétie. Osée passe, sans nous en avertir, des menaces aux promesses; d’une échappée sur la bénédiction à une vue sur une scène de carnage; du tableau des gratuités passées, à celui des douleurs d’enfantement qui viendront subitement sur Éphraïm. C’est que le jugement est à la porte. Tout se mêle et se confond pour le prophète, dans sa précipitation à tout dire. Ah! qu’au moins une parole de grâce ou de jugement atteigne les oreilles de ce peuple! Hélas! il n’écoute pas! Et cependant, jusqu’au style obscur doit le forcer à la réflexion! Malheur à lui! — Mais voici que soudain Dieu revient à ses promesses d’ancienneté. Aussitôt le style se calme et se repose enfin, au dernier chapitre, sur le tableau d’Israël repentant qui retrouve la jouissance de la faveur divine. La colère n’est plus; seule la bénédiction subsiste, dans une parfaite paix.

C’est ainsi que, dans la Parole, Dieu approprie même le style de ses serviteurs à l’expression de ses pensées. Nous nous verrons obligés, à cause des difficultés et du décousu apparent de ce style, de donner parfois une paraphrase, c’est-à-dire un développement explicatif du texte. Tout notre désir est que cette méthode ne fatigue pas le lecteur, mais lui fournisse une intelligence plus claire de la Parole inspirée et ne nuise en aucune manière à l’édification, but unique de ces pages.

En étudiant Osée, il faut que nous soyons saisis nous-mêmes des angoisses tumultueuses qui remplissent le cœur de cet homme de Dieu: Indignation de la conduite d’Israël envers son Dieu et annonce des jugements prochains; amour pour ce peuple auquel il tient par toutes les fibres de son cœur, d’un cœur douloureux qui saigne, s’indigne, chérit, espère; qui appelle, crie, rugit, supplie; qui, de sa haute tour, signale la tempête et retombe accablé quand son cri n’a point trouvé d’écho; — mais qui, au milieu de tant de vains appels, a la consolation suprême de se reposer sur la grâce, espérant invariablement dans les promesses confirmées à Christ, et dont Dieu ne se repentira jamais.

Un mot encore sur le plan, très simple du reste, de la prophétie d’Osée. Elle se divise en quatre parties de longueur très inégale, dont nous marquerons en leur lieu les subdivisions:

  • Les chap. 1 à 3 nous présentent l’état moral d’Israël et les conseils de Dieu à son égard. Chacun de ces trois chapitres se termine par la restauration finale du peuple comme ensemble.
  • Les chap. 4 à 10 contiennent le débat de l’Éternel avec Israël et l’énumération de ses voies à l’égard du peuple. C’est là surtout que nous assistons aux angoisses du prophète.
  • La troisième division comprend les chap. 11 à 13. Ici le débat continue, mais entremêlé d’échappées sur les desseins de la grâce de Dieu à l’égard d’Éphraïm et de Juda.
  • La quatrième division contient le chap. 14 seul. Il fournit une expression à la repentance définitive aux derniers jours et décrit la restauration finale d’Éphraïm sous le règne millénaire du Messie. Les dix tribus retrouvent ainsi la communion avec l’Éternel qu’elles avaient perdue et qui devient leur partage à toujours.