Nombres

C. H. Mackintosh

Chapitres 1 et 2

«Et il les fit marcher par les abîmes comme par le désert.» (Ps. 106:9)

Nous entreprenons maintenant l’étude de la quatrième grande division du Pentateuque, ou des cinq livres de Moïse. Nous trouverons le caractère essentiel de ce livre aussi fortement marqué que celui des trois précédents qui nous ont déjà occupés. Dans le livre de la Genèse, après le récit de la création, du déluge et de la dispersion de Babel, nous avons l’élection, selon Dieu, de la semence d’Abraham. Dans le livre de l’Exode, nous trouvons la rédemption. Le Lévitique nous parle de la communion par le moyen du culte sacerdotal. Dans les Nombres, nous voyons la marche et la lutte au milieu du désert. Tels sont, dans ces très précieuses parties de l’inspiration, les sujets principaux, à côté desquels, comme on pouvait s’y attendre, plusieurs autres points du plus profond intérêt sont présentés. Le Seigneur, dans sa grande miséricorde, nous a conduits dans l’étude de la Genèse, de l’Exode et du Lévitique; et nous pouvons compter sur Lui pour être guidé dans l’examen du livre des Nombres. Que son Esprit dirige les pensées et conduise la plume, afin que nous n’émettions aucune opinion qui ne soit en rigoureux accord avec sa divine pensée. Puissent chaque page et chaque paragraphe porter le sceau de son approbation et contribuer, tout d’abord, à sa gloire, puis au profit durable du lecteur!

«Et l’Éternel parla à Moïse, au désert de Sinaï, dans la tente d’assignation, le premier [jour] du second mois de la seconde année après leur sortie du pays d’Égypte, disant: Relevez la somme de toute l’assemblée des fils d’Israël, selon leurs familles, selon leurs maisons de pères, suivant le nombre des noms, tous les mâles, par tête: depuis l’âge de vingt, ans et au-dessus, tous ceux d’Israël qui sont propres au service militaire, vous les compterez selon leurs armées, toi et Aaron.» (Chap. 1:1-3.)

Ici, nous nous trouvons, dès le principe, «dans le désert», où l’on ne tient compte que de ceux qui «sont propres au service militaire». Cela est formellement signalé. Dans le livre de la Genèse, la semence d’Israël est présentée comme étant encore dans les reins de leur père Abraham. Dans le livre de l’Exode, les Israélites étaient auprès des fours à briques de l’Égypte. Dans le Lévitique, ils étaient assemblés autour du tabernacle d’assignation. Dans les Nombres, ils sont vus au désert. Ou bien encore, sous un autre point de vue en parfaite harmonie avec ce qui précède et le confirmant: dans la Genèse, nous entendons l’appel de Dieu en élection; dans l’Exode, nous contemplons le sang de l’Agneau versé pour la rédemption; dans le Lévitique, nous sommes presque exclusivement occupés du culte et du service du sanctuaire; mais à peine ouvrons-nous le livre des Nombres que nous y voyons figurer des hommes de guerre, des armées, dés étendards, des camps, des trompettes sonnant l’alarme.

Tout ceci est très caractéristique, et nous montre le livre que nous allons étudier comme ayant une valeur, une importance et un intérêt particuliers pour le chrétien. Chaque livre de la Bible, chaque division du canon inspiré a sa place propre et son objet distinct dans cette sainte galerie, chacun d’eux a, si j’ose m’exprimer ainsi, la niche qui lui, est assignée par son divin Auteur. Nous ne devons pas avoir un seul instant la pensée d’établir aucune comparaison entre ces diverses portions du Livre, sous le rapport de leur valeur intrinsèque, de leur intérêt et de leur importance. Tout est divin et par conséquent parfait. Le lecteur chrétien le croit pleinement et de tout son cœur. Il met avec révérence son sceau à la vérité de l’inspiration plénière des Saintes Écritures, de toute l’Écriture, et du Pentateuque entre autres, et il ne se laisse nullement ébranler sur ce sujet, par les attaques téméraires et impies des infidèles de l’antiquité, du moyen âge et des temps modernes. Les incrédules et les rationalistes peuvent mettre en avant leurs raisonnements profanes, montrant ainsi leur inimitié contre le Livre et contre son Auteur; mais le chrétien pieux se repose, en dépit de tout, dans l’assurance bienheureuse et simple «que toute écriture est inspirée de Dieu» (2 Tim. 3, 16).

Mais, tout en rejetant entièrement l’idée d’une comparaison entre les divers livres de la Bible, quant à leur autorité et à leur valeur, nous pouvons cependant, avec beaucoup de profit, comparer le contenu, le but et le plan de ces livres. Et plus nous méditerons profondément sur ces choses, plus nous serons fortement frappés de l’exquise beauté, de l’infinie sagesse et de la merveilleuse précision du volume entier et de chacune de ses divisions particulières. L’écrivain inspiré ne s’écarte jamais de l’objet direct du livre, quel que soit cet objet. On ne trouvera jamais, dans aucun livre de la Bible, rien qui ne soit dans la plus parfaite harmonie avec l’intention principale de ce livre. Si nous voulions développer et prouver cette assertion, il nous faudrait examiner tout le canon des Saintes Écritures; aussi ne l’essayerons-nous pas. Le chrétien intelligent n’a pas besoin de preuve, quelque intérêt qu’il pût y prendre. Il s’arrête au grand fait que le Livre est de Dieu, dans son entier et dans toutes ses parties; et son cœur est assuré qu’il n’y a pas, dans ce tout et dans chacune de ces parties, un seul iota ou un seul trait de lettre qui ne soit, à tous égards, digne du divin Auteur.

Écoutez les paroles suivantes de quelqu’un qui est profondément convaincu de la divine inspiration des Écritures que Dieu nous a données, qui est affermi dans cette conviction par les découvertes journalières et croissantes qu’il fait de leur plénitude, de leur profondeur et de leur perfection, et qui, par la grâce, est rendu toujours plus sensible, soit à l’admirable exactitude des parties, soit à la merveilleuse harmonie de l’ensemble: «Les Écritures ont une source vivante, dit cet écrivain, et une puissance vivante a présidé à leur composition; de là vient leur portée infinie et l’impossibilité d’y séparer une partie quelconque de sa relation avec le tout, parce qu’un seul Dieu est le centre vivant d’où tout découle; un seul Christ est le centre vivant autour duquel se groupent toutes ses vérités, et auquel elles se rapportent, quoique en des gloires variées; et un seul Esprit est la sève divine, qui porte son pouvoir de sa source en Dieu aux plus petites branches de la vérité qui unit tout, rendant témoignage à la gloire, à la grâce et à la vérité de Celui que Dieu présente comme le but, le centre et la tête de tout ce qui est en relation avec Lui-même; de Celui qui, en même temps, est Dieu sur toutes choses, béni éternellement… Plus nous avons suivi cette sève jusqu’à son centre, d’où nous avons abaissé nos regards vers son étendue et son rayonnement, à partir des dernières ramifications de cette révélation de Dieu, par laquelle nous avons été atteints lorsque nous étions éloignés de Lui, plus aussi nous en découvrons l’infini et notre propre faiblesse de conception. Nous apprenons, béni soit Dieu, que l’amour, qui en est la source, se trouve dans une perfection sans mélange et dans le plein développement de ses manifestations qui sont parvenues jusqu’à nous, même dans notre état de ruine. Le même Dieu parfait en amour s’y montre partout. Mais les révélations de la sagesse divine dans les conseils par lesquels Dieu s’est fait connaître, demeurent à jamais pour nous un sujet de recherches, où chaque nouvelle découverte, en augmentant notre intelligence spirituelle, fait que l’infinité du tout, et la manière dont cette infinité surpasse toutes nos pensées, sont de plus en plus évidentes pour nous.»

C’est vraiment rafraîchissant de transcrire de pareilles lignes de quelqu’un qui, pendant quarante ans, a profondément étudié l’Écriture. Elles sont d’une valeur inexprimable, dans un moment où tant d’hommes se montrent disposés à traiter avec dédain le volume sacré; non pas pourtant que nous fassions dépendre, en aucune manière, du témoignage humain, nos conclusions sur la divine origine de la Bible, car ces conclusions reposent sur un fondement que la Bible fournit elle-même. La Parole de Dieu, aussi bien que ses œuvres, parle pour elle-même; elle se recommande par elle-même; elle parle au cœur, elle atteint jusqu’aux grandes racines morales de notre être; elle pénètre les plus intimes profondeurs de notre âme, elle nous montre ce que nous sommes; elle parle comme aucun autre livre ne pourrait le faire; et comme la femme de Sichar concluait qu’il fallait que Jésus fût le Christ, parce qu’il lui avait dit tout ce qu’elle avait fait, de même nous pouvons dire, à l’égard de la Bible: Elle nous dit tout ce que nous avons fait, n’est-ce pas ici la Parole de Dieu? Sans doute, c’est par l’enseignement de l’Esprit que nous pouvons discerner et apprécier l’évidence et les lettres de créance avec lesquelles la Sainte Écriture se présente à nos yeux; néanmoins elle parle pour elle-même, et n’a pas besoin du témoignage de l’homme pour être rendue précieuse à l’âme. Nous ne devrions pas plus songer à fonder notre foi à la Bible sur un témoignage favorable de l’homme, que nous ne penserions à la voir ébranler par un témoignage humain qui lui serait contraire.

Il est de la plus haute importance en tous temps, mais plus spécialement de nos jours, d’avoir le cœur et l’esprit fermement établis dans la grande vérité de l’autorité divine de la Sainte Écriture, de son inspiration plénière, de sa complète suffisance pour tous les besoins, pour toutes les âmes et pour toutes les époques. Il y a au dehors deux influences hostiles: l’incrédulité d’une part et la superstition de l’autre. La première nie que Dieu nous ait parlé dans sa Parole; la seconde admet qu’il ait parlé, mais elle nie que nous puissions comprendre ce qu’il dit, à moins que ce ne soit par l’interprétation de l’église.

Or, tandis que plusieurs reculent avec horreur devant l’impiété et l’audace de l’incrédulité, ils ne voient pas que la superstition les prive tout aussi complètement des Écritures. Car, nous le demandons, en quoi consiste la différence entre nier que Dieu nous ait parlé, et nier que nous puissions comprendre ce qu’il dit? Dans l’un et l’autre cas, ne sommes-nous pas privés de la Parole de Dieu? Incontestablement. Si Dieu ne peut pas me faire comprendre ce qu’il dit, s’il ne peut pas me donner l’assurance que c’est lui-même qui parle, je ne suis nullement plus avancé que s’il n’avait point parlé du tout. Si la Parole de Dieu n’est pas suffisante sans l’interprétation de l’homme, alors elle ne peut nullement être la Parole de Dieu. De deux choses l’une: ou Dieu n’a pas parlé du tout; ou bien, s’il a parlé, sa parole est parfaite. Il n’y a pas d’autre alternative: il faut nécessairement se prononcer pour l’une ou l’autre de ces assertions. Dieu nous a-t-il donné une révélation? L’incrédulité dit: «Non». La superstition dit: «Oui, mais on ne peut la comprendre sans l’autorité humaine». Nous sommes donc, dans un cas comme dans l’autre, privés de l’inestimable trésor de la précieuse Parole de Dieu; et ainsi l’incrédulité et la superstition, si différentes en apparence, se rencontrent en ce seul point, pour nous ôter une révélation divine.

Mais, béni soit Dieu de ce qu’il nous a donné une révélation. Il a parlé, et sa parole peut atteindre et le cœur et l’entendement. Dieu peut donner la certitude que c’est lui qui parle, et nous avons besoin pour cela d’aucune intervention d’autorité humaine. Nous n’avons pas besoin d’un pauvre lumignon pour nous rendre capables de voir que le soleil resplendit. Les rayons de cet astre glorieux ont assez de lumière par eux-mêmes sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une autre misérable ressource. Tout ce qu’il nous faut, c’est de nous tenir au soleil, et nous serons convaincus qu’il brille. Si nous nous retirons sous une voûte ou dans un souterrain nous n’en sentirons pas l’influence. Il en est justement ainsi de l’Écriture. Si nous nous plaçons sous les influences glaciales et ténébreuses de la superstition ou de l’incrédulité, nous n’éprouverons pas le pouvoir lumineux et fécond de cette divine révélation.

Après ces quelques considérations sur l’ensemble du volume divin, nous en venons maintenant à l’étude du Livre particulier qui doit nous occuper. Dans le chapitre 1 des Nombres, nous avons la déclaration de la Généalogie; dans le chapitre 2, la reconnaissance de la Bannière. «Et Moise et Aaron prirent ces hommes-là, qui avaient été désignés par leurs noms, et ils réunirent toute l’assemblée, le premier [jour] du second mois; et chacun déclara sa filiation (ou généalogie), selon leurs familles, selon leurs maisons de pères, suivant le nombre des noms, depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, par tête. Comme l’Éternel l’avait commandé à Moïse, ainsi il les dénombra dans le désert de Sinaï.» (Chapitre 1:17-19.)

Y a-t-il là une voix pour nous, y a-t-il là quelque grande leçon spirituelle présentée à notre intelligence? Assurément. Et d’abord, ces lignes suggèrent au lecteur cette importante question: «Puis-je déclarer ma généalogie ou ma filiation?» Il est grandement à craindre qu’il n’y ait des centaines, sinon des milliers de chrétiens professants, incapables de le faire. Ils ne peuvent pas dire avec sincérité et d’une manière positive: «Nous sommes maintenant enfants de Dieu» (1 Jean 3, 2). «Vous êtes tous fils de Dieu par la foi dans le Christ Jésus.» «Or, si vous êtes de Christ, vous êtes donc la semence d’Abraham, héritiers selon la promesse» (Gal. 3, 26, 29). «Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu.» «L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu.» (Rom. 8, 14, 16.)

Voilà la «généalogie» du chrétien, et c’est son privilège de pouvoir la «déclarer». Il est né d’en haut, né de nouveau, né d’eau et d’Esprit, c’est-à-dire par la Parole et par le Saint Esprit (comparez avec soin Jean 3:5; Jacques 1:18; 1 Pierre 1:23; Éph. 5:26). Le chrétien fait remonter sa généalogie directement à un Christ ressuscité et élevé dans la gloire. C’est la généalogie chrétienne. Quand il s’agit de notre filiation naturelle, si nous remontons à sa source, et que nous la déclarions loyalement, il faut que nous voyions et que nous admettions que nous provenons d’une souche ruinée. Notre famille est déchue, nos biens sont perdus, notre sang même est corrompu, nous sommes irréparablement ruinés. Nous ne pourrons jamais regagner notre position originale; notre premier état et l’héritage qui s’y rattache sont perdus sans retour. Un homme peut tracer sa ligne généalogique à travers une race de nobles, de princes et de rois; mais s’il doit franchement «déclarer sa généalogie», il ne peut s’arrêter qu’à un chef tombé, ruiné, banni. Il faut aller à la source d’une chose pour savoir ce qu’elle est réellement. C’est ainsi que Dieu voit les choses et en juge; et il faut que nous pensions comme lui, si nous voulons penser droitement. Il faut que le jugement qu’il porte des hommes et des choses demeure éternellement. Le jugement de l’homme est éphémère, il n’est que d’un jour; et, par conséquent, selon l’appréciation de la foi et celle du bon sens, «il m’importe fort peu, à moi, que je sois jugé par vous ou de jugement [littéralement: d’un jour] d’homme» (1 Cor. 4:3). Oh! que c’est petit! Puissions-nous sentir plus profondément combien il est peu important être jugé de jugement d’homme! Puissions-nous toujours mieux comprendre quelle est la faiblesse de ce jugement! Cela nous donnerait une calme élévation et une sainte dignité, qui nous placeraient au-dessus de la scène que nous traversons. Qu’est-ce que le rang dans cette vie-ci? Quelle importance peut-on attacher à une généalogie qui, loyalement tracée et fidèlement déclarée, remonte à une souche ruinée? Un homme peut être fier de sa naissance s’il ne tient pas compte de son origine première: «Né dans le péché et conçu dans l’iniquité». Telle est l’origine de l’homme, telle est sa naissance. Qui peut songée à être fier d’une pareille naissance, d’une semblable origine; qui, sinon celui dont le dieu de ce monde a aveuglé l’esprit?

Mais comme il en est autrement du chrétien! Sa filiation est céleste. Son arbre généalogique pousse ses racines dans le sol de la nouvelle création. La mort ne peut jamais briser cette généalogie, car c’est la résurrection qui l’a formée. Nous ne pouvons pas être trop simples à cet égard, et il est de la dernière importance que le lecteur soit tout à fait au clair sur ce point fondamental. Nous pouvons voir aisément, par ce premier chapitre des Nombres, combien il était essentiel que chaque membre de l’assemblée d’Israël pût déclarer sa filiation. L’incertitude sur ce sujet aurait été funeste; elle aurait produit, une désespérante confusion, elle aurait exclu un fils d’Abraham de la république d’Israël. Nous pouvons difficilement nous représenter un Israélite qui, appelé à déclarer sa généalogie, s’exprimerait selon la manière douteuse de plusieurs chrétiens de nos jours. Nous ne pouvons pas nous le figurer, disant: «Eh bien! je n’en suis pas bien sûr. Quelquefois je nourris l’espoir d’être de la race d’Israël; mais d’autres fois je crains vivement de n’appartenir point à la congrégation du Seigneur. Je suis tout à fait dans l’incertitude et dans les ténèbres. Pouvons-nous concevoir un tel langage? Assurément non. Encore moins pourrait-on se figurer quelqu’un soutenant l’idée absurde, que personne ne pourrait être sûr d’être oui ou non un véritable Israélite, avant le jour du jugement.

Nous pouvons être assurés que de pareilles idées et de pareils raisonnements, que des craintes, des questions et des doutes semblables étaient étrangers aux Israélites. Chaque membre de la congrégation était appelé à déclarer sa généalogie, avant de prendre sa place dans les rangs comme homme de guerre. Chacun pouvait dire comme Saul de Tarse: «Circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, etc.» Tout était déterminé, certain et parfaitement établi, s’il devait y avoir une entrée réelle dans la marche et le combat au milieu du désert.

Or, ne pouvons-nous pas à bon droit demander: «Si un Juif pouvait être certain de sa généalogie, pourquoi un chrétien ne pourrait-il pas l’être de la sienne?» Lecteur, examinez cette question; et si vous faites partie de cette grande classe de personnes qui ne peuvent jamais arriver à la certitude bénie de leur lignée céleste, de leur naissance spirituelle, réfléchissez, nous vous en supplions, et laissez-nous vous parler de ce point important. Il se peut que vous soyez disposé à demander: «Comment puis-je être sûr que je sois réellement et vraiment un enfant de Dieu, un membre de Christ, né par la parole et par l’Esprit de Dieu? Je donnerais tout au monde pour être fixé sur cette grave question.»

Eh bien alors, nous désirons vivement vous aider à la résoudre, car le but spécial que nous nous sommes proposé en écrivant ces «Notes», c’est d’assister les âmes inquiètes, en répondant à leurs questions selon que le Seigneur nous en rendra capable, en résolvant leurs difficultés et en écartant de leur chemin les pierres d’achoppement.

Avant tout, signalons un trait caractéristique qui appartient à tous les enfants de Dieu, sans exception. C’est un trait fort simple, mais très précieux. Si nous ne le possédons pas, en quelque mesure, c’est la preuve certaine que nous ne sommes pas de la race du Ciel; mais si nous le possédons, il est évident que nous sommes de cette race, et que nous pouvons alors, sans aucune difficulté ou aucune réserve, «déclarer notre généalogie». Or, quel est ce trait? Quel est ce grand caractère de famille? Notre Seigneur Jésus Christ nous l’indique. Il nous dit que «la sagesse a été justifiée par tous ses enfants» (Luc 7:35; Matthieu 11:19). Tous les enfants de la Sagesse, depuis les jours d’Abel jusqu’au moment actuel, ont été distingués par ce grand trait de famille, et il n’y a pas même une seule exception. Tous les enfants de Dieu, tous les fils de la Sagesse, ont toujours fait voir, en quelque mesure, ce trait moral: ils ont justifié Dieu.

Que le lecteur pèse cette déclaration. Il se peut qu’il trouve difficile à comprendre ce que veut dire «justifier Dieu»; mais un passage ou deux de l’Écriture l’éclaireront parfaitement, nous l’espérons. Nous lisons, en Luc 7, que: «Tout le peuple qui entendait cela, et les publicains, justifiaient Dieu, ayant été baptisés du baptême de Jean; mais les pharisiens et les docteurs de la loi rejetaient contre eux-mêmes le conseil de Dieu, n’ayant pas été baptisés par lui» (vers. 29-30). Nous avons ici les deux générations placées, pour ainsi dire, face à face. Les publicains qui justifiaient Dieu et se condamnaient eux-mêmes; les pharisiens qui se justifiaient eux-mêmes et jugeaient Dieu. Les premiers se soumettaient au baptême de Jean, le baptême de la repentance; les seconds refusaient ce baptême, refusaient de se repentir, de s’humilier et de se juger eux-mêmes.

Nous avons donc ici les deux grandes classes entre lesquelles toute la famille humaine a été divisée, dès les jours d’Abel et de Caïn jusqu’au temps actuel. Nous avons aussi une pierre de touche fort simple pour éprouver notre généalogie. Avons-nous pris cette place où nous nous condamnons nous-mêmes; nous sommes-nous prosternés devant Dieu dans une vraie repentance? C’est cela qui justifie Dieu. Les deux faits vont ensemble, ils ne sont en vérité qu’une seule et même chose. L’homme qui se condamne lui-même justifie Dieu, et celui qui justifie Dieu se condamne lui-même. D’un autre côté, l’homme qui se justifie lui-même, juge Dieu, et celui qui juge Dieu se justifie lui-même.

Il en est ainsi dans tous les cas. De plus, observons que dès qu’on se place sur le terrain de la repentance et du jugement de soi-même, Dieu prend la place de Celui qui justifie. Dieu justifie toujours ceux qui se condamnent eux-mêmes. Tous ses enfants le justifient, et il justifie tous ses enfants. Dès l’instant que David eut dit «J’ai péché contre l’Éternel», il lui fut répondu: «Aussi l’Éternel a fait passer ton péché» (2 Sam. 12:13). Le pardon de Dieu suit très promptement la confession de l’homme.

Il résulte de là que rien ne peut être plus insensé de la part de quelqu’un, que de se justifier lui-même, vu qu’il faut que Dieu soit justifié en ses paroles et qu’il ait gain de cause quand il sera jugé. (Comp. Ps. 51:6; Rom. 3:4). Il faut que Dieu ait le dessus à la fin, et alors on verra dans son vrai jour ce que vaut toute justification personnelle. Par conséquent, ce qu’il y a de plus sage, c’est de se condamner soi-même; et c’est aussi ce que font tous les enfants de la Sagesse. Rien ne signale mieux le caractère des vrais membres de la famille de la Sagesse que l’habitude et l’esprit du jugement de soi-même. Tandis que, d’un autre côté, rien ne fait mieux connaître tous ceux qui n’appartiennent pas à cette famille qu’un esprit de propre justification.

Ces pensées sont dignes de la plus sérieuse attention. La nature blâmera tout et chacun, excepté elle-même. Mais quand la grâce est à l’œuvre, elle produit une disposition à juger le moi et à prendre une place humble. Là est le vrai secret de la bénédiction et de la paix. Tous les enfants de Dieu se sont tenus sur ce terrain béni, ont montré ce beau trait moral et ont atteint cet important résultat. Nous ne pouvons pas trouver même une seule exception sur ce point dans toute l’histoire de l’heureuse famille de la Sagesse, et nous pouvons en toute sûreté dire que si le lecteur a été, en vérité et en fidélité, conduit à se reconnaître perdu, à se condamner lui-même, à prendre la place de la vraie repentance, il est alors en réalité un des enfants de la Sagesse, et il peut désormais avec hardiesse et avec assurance «déclarer sa généalogie».

Nous voudrions, dès le début, insister là-dessus. Il est impossible, pour qui que ce soit, de reconnaître la véritable «bannière» et de s’y rallier, s’il ne peut déclarer sa «généalogie». En un mot, il est impossible de prendre une vraie position dans le désert, aussi longtemps qu’il y a quelque incertitude au sujet de cette grande question. Comment un Israélite d’autrefois aurait-il pu prendre sa place dans l’assemblée, comment aurait-il pu se tenir dans les rangs, comment aurait-il pu espérer de faire quelque progrès dans le désert, s’il n’avait pu déclarer distinctement sa généalogie? Cela eût été impossible. Il en est justement ainsi du chrétien de nos jours. Il ne peut pas être question de progrès dans la vie du désert, et de succès dans le combat spirituel, s’il reste en lui de l’incertitude sur sa généalogie spirituelle. Il faut que l’on puisse dire: «Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie». «Nous savons que nous sommes de Dieu.» «Nous croyons et nous savons» (1 Jean 3:14; 5:19; Jean 6:69), avant qu’il soit possible de faire des progrès réels dans la vie et dans la marche chrétiennes.

Lecteur, pouvez-vous déclarer votre généalogie? Est-ce là pour vous une chose parfaitement établie? Êtes-vous à cet égard convaincu jusque dans les profondeurs de votre âme? Lorsque vous êtes seul à seul avec Dieu, est-ce une question entièrement réglée entre vous et lui? Examinez et voyez. Assurez-vous-en. Ne passez pas légèrement sur ce sujet. Ne vous fondez pas sur une simple profession. Ne dites pas «Je suis membre de cette église; je prends la cène; j’admets telles et telles doctrines; j’ai été élevé dans la piété; je mène une vie morale; je n’ai fait aucun tort à personne; je lis la Bible et je dis mes prières; j’ai dans ma maison le culte de famille; je soutiens libéralement les œuvres philanthropiques et religieuses.» Tout cela peut être parfaitement vrai, et cependant vous pouvez n’avoir pas une seule pulsation de vie divine, un seul rayon de céleste lumière. Aucune de ces choses, même toutes ces choses réunies ne pourraient être acceptées comme une déclaration de généalogie spirituelle. Il faut que ce soit l’Esprit qui rende témoignage que vous êtes enfant de Dieu, et ce témoignage accompagne toujours la foi simple dans le Seigneur Jésus Christ. «Celui qui croit au Fils de Dieu, a le témoignage au-dedans de lui-même» (1 Jean 5:10). Il ne s’agit nullement de chercher des témoignages dans votre propre cœur.

Il ne s’agit pas de vous fonder sur des formes, sur des sentiments et sur des expériences. Rien de tout cela. Ce qu’il faut, c’est une foi enfantine en Christ; c’est de posséder la vie éternelle dans le Fils de Dieu, d’avoir le sceau impérissable du Saint Esprit, et de croire Dieu sur sa parole. «En vérité, en vérité, je vous dis que celui qui entend ma parole, et qui croit Celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement; mais il est passé de la mort à la vie» (Jean 5:24).

Voilà la véritable manière de déclarer votre généalogie; et soyez-en sûr, il faut que vous puissiez la déclarer avant que «d’aller à la guerre». Nous ne voulons pas dire que, vous ne puissiez être sauvé sans cela. Dieu nous garde d’une semblable pensée. Nous croyons qu’il y a des centaines de membres du vrai Israël spirituel, qui ne sont pas en état de déclarer leur généalogie. Mais nous demandons Sont-ils donc en état d’aller à la guerre, sont-ils de vaillants soldats de Christ? Bien loin de là. Ils ne savent pas même ce qu’est une véritable lutte; au contraire, les personnes de cette catégorie prennent leurs doutes et leurs craintes, leurs moments sombres et tristes, pour le vrai combat du chrétien. C’est une erreur des plus graves, mais, hélas! des plus communes. On rencontre souvent des gens dans un état d’âme chétif, ténébreux et légal, qui cherchent à se justifier en disant que c’est là le terrain de la lutte chrétienne; tandis que, selon le Nouveau Testament, la vraie lutte du chrétien, ou le combat, se soutient dans une région où les craintes et les doutes sont inconnus. C’est quand nous nous tenons dans le jour pur du plein salut de Dieu, en un Christ ressuscité, que nous entrons réellement dans le combat qui nous est propre comme chrétiens. Devons-nous un seul instant supposer que nos luttes sous la loi, notre coupable incrédulité, notre refus de nous soumettre à la justice de Dieu, nos questions et nos raisonnements puissent être regardés comme une lutte chrétienne? En aucune façon. Toutes ces choses doivent être considérées comme une lutte contre Dieu; tandis que la lutte du chrétien a lieu contre Satan. «Car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes» (Éph. 6:12).

Telle est la lutte chrétienne. Mais une semblable lutte peut-elle être soutenue par ceux qui doutent continuellement s’ils sont chrétiens ou non? Nous ne le croyons pas. Pourrions-nous nous représenter un Israélite en lutte avec Amalek dans le désert, ou avec les Cananéens dans la terre promise, tout en étant encore incapable de «déclarer sa généalogie» ou de reconnaître sa «bannière»? La chose est inconcevable. Non, non, chaque membre de la congrégation, qui pouvait aller à la guerre, était parfaitement éclairé et fixé sur ces deux points. D’ailleurs, il n’aurait pu sortir s’il ne l’avait pas été.

Pendant que nous nous occupons du sujet important de la lutte du chrétien, il peut être bon d’attirer l’attention du lecteur sur les trois portions du Nouveau Testament où le combat nous est présenté sous trois faces différentes, savoir Rom. 7:7-24; Gal. 5:17; Éph. 6:10-17. Si le lecteur veut jeter un moment les yeux sur ces passages, nous chercherons à lui en signaler le vrai caractère.

En Romains 7:7-24, nous avons la lutte d’une âme vivifiée, mais non affranchie; d’une âme régénérée, mais sous la loi. La preuve que nous avons là, devant nous, une âme vivifiée est établie sur des paroles comme celles-ci «Car ce que je fais, je ne le reconnais pas; — le vouloir est avec moi; — je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur». Nulle autre qu’une âme régénérée ne peut parler ainsi. La désapprobation du mal, la volonté de faire le bien, le plaisir intérieur que l’on prend à la loi de Dieu, toutes ces choses sont les marques distinctives de la nouvelle vie, les précieux fruits de la régénération. Aucune personne inconvertie ne pourrait en vérité tenir un pareil langage.

Mais, d’un autre côté, la preuve que nous avons, dans cette écriture, une âme qui n’est pas pleinement affranchie et qui n’a pas la joie d’une délivrance connue, la profonde conscience de la victoire et la possession certaine d’un pouvoir spirituel, la preuve évidente de tout cela, nous la trouvons dans les paroles suivantes: «Je suis charnel, vendu au péché. — Ce n’est pas ce que je veux, que je fais, mais ce que je hais, je le pratique. — Misérable homme que je suis, qui me délivrera?» Or nous savons qu’un chrétien n’est pas «charnel», mais spirituel; il n’est pas «vendu au péché», mais racheté de sa puissance; il n’est pas un «misérable homme» soupirant après la délivrance, mais un homme heureux qui a la conviction de sa délivrance. Il n’est pas un faible esclave, incapable de faire le bien, et toujours entraîné à faire le mal; il est un homme libre, doué de puissance par le Saint Esprit, et pouvant dire «Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie» (Phil. 4:13).

Nous ne pouvons essayer ici d’entrer dans une entière exposition de ce passage important de l’Écriture; nous nous bornerons à présenter une ou deux pensées qui pourront aider le lecteur à en saisir le but et la portée. Nous savons très bien que plusieurs chrétiens diffèrent beaucoup d’opinion sur le sens de ce chapitre. Quelques-uns nient qu’il représente les exercices d’une âme vivifiée; d’autres soutiennent qu’il expose les expériences propres à un chrétien. Nous ne pouvons admettre ni l’une ni l’autre de ces conclusions. Nous croyons que ce chapitre décrit les exercices d’une âme vraiment régénérée, mais qui n’est pas encore rendue libre, par la connaissance de son union avec un Christ ressuscité, et par la puissance du Saint Esprit. Des centaines de chrétiens sont actuellement dans la position que nous représente le chapitre 7 des Romains, mais leur place véritable est dans le 8. Ils sont sous la loi quant à leur expérience. Ils ne se voient pas scellés du Saint Esprit. Ils ne jouissent pas encore d’une pleine victoire dans un Christ ressuscité et glorifié. Ils ont des doutes et des craintes, et sont toujours disposés à s’écrier: «Misérable homme que je suis, qui me délivrera?» Mais un chrétien n’est-il pas délivré? N’est-il pas sauvé? N’est-il pas accepté dans le Bien-aimé? N’est-il pas scellé du Saint Esprit de la promesse? N’est-il pas uni à Christ? Ne devrait-il pas connaître tout cela, le confesser et en jouir? Incontestablement. Eh bien donc, il n’est plus dans la position de Romains 7. C’est son privilège d’entonner le chant de la victoire, regardant le ciel, à côté du sépulcre vide de Jésus, et de marcher dans la sainte liberté dans laquelle Christ nous a placés en nous affranchissant. Romains 7 ne parle nullement de la liberté, mais de l’esclavage; excepté, il est vrai, tout à la fin, où l’âme peut dire: «Je rends grâces à Dieu». Sans doute, ce peut être un exercice très utile de passer par tout ce qui est détaillé ici pour nous avec une si merveilleuse puissance; et, de plus, il faut que nous déclarions que nous préférerions de beaucoup être franchement dans le chapitre 7 des Romains, que faussement dans le 8. Mais tout cela laisse entièrement intacte la question de l’application particulière de ce passage profondément intéressant de l’Écriture.

Jetons maintenant un coup d’œil sur la lutte en Galates 5:17. Citons le passage: «Car la chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair; et ces choses sont opposées l’une à l’autre, afin que vous ne pratiquiez pas les choses que vous voudriez.» Ce passage est souvent cité comme présentant une continuelle défaite, tandis qu’il contient réellement le secret d’une perpétuelle victoire. Au verset 16, nous lisons: «Mais je dis: Marchez par l’Esprit, et vous n’accomplirez point la convoitise de la chair.» Cela rend tout très clair. La présence du Saint Esprit nous assure la puissance. Nous sommes convaincus que Dieu est plus fort que la chair; et, par conséquent, lorsqu’il combat avec nous, le triomphe est certain. Qu’on remarque soigneusement aussi que Galates 5:17, ne parle pas du combat entre les deux natures, la vieille et la nouvelle, mais entre le Saint Esprit et la chair; c’est pourquoi il est ajouté: «afin que vous ne pratiquiez pas les choses que vous voudriez». Si le Saint Esprit n’habitait pas en nous, nous serions sûrs d’accomplir la convoitise de la chair; mais comme il est en nous pour livrer le combat, nous ne sommes plus obligés de faire mal, mais nous sommes heureusement rendus capables de faire le bien.

Or, ceci montre précisément le point de différence entre Romains 7:14-15; et Galates 5:17. Dans le premier passage, nous avons la nouvelle nature, mais sans la puissance de l’Esprit habitant en nous; dans le second, nous avons, non seulement la nouvelle nature, mais aussi la puissance du Saint Esprit. Il ne faut pas que nous oubliions que la nouvelle nature dans le croyant est dans un état de dépendance. Elle est dépendante de l’Esprit pour la puissance, et dépendante de la Parole pour la direction. Mais évidemment il faut que la puissance se manifeste là où se trouve le Saint Esprit. Il peut être contristé et entravé; mais Gal. 5:16, enseigne clairement que, si nous marchons par l’Esprit, nous obtenons sur la chair une victoire sûre et constante. Par conséquent, ce serait une très grave erreur que de citer Gal. 5:17, à l’appui d’une marche faible et charnelle. Son enseignement est destiné à produire l’effet contraire.

Et maintenant un mot sur Éphésiens 6:10-17. Ici, nous avons la lutte entre le chrétien et les puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes. L’Église est du ciel et devrait toujours avoir une marche et une conversation célestes. Ce devrait être notre but constant de maintenir notre position céleste, de placer solidement et de garder nos pieds dans notre héritage du ciel. Le diable cherche à l’empêcher de toutes les manières; c’est ce qui produit la lutte, et ce qui fait que nous avons «l’armure complète de Dieu», par laquelle seule nous pouvons résister à notre puissant ennemi spirituel.

Nous n’avons pas l’intention de nous arrêter sur l’armure; nous avons voulu simplement attirer l’attention du lecteur sur ces trois passages de l’Écriture, afin qu’il pût envisager, sous toutes ses faces, le sujet de la lutte en rapport avec le commencement du livre des Nombres. Rien ne peut être plus intéressant; et nous ne pouvons trop apprécier l’importance qu’il y a d’être au clair quant à la vraie nature du combat chrétien, et au terrain où il se livre. Si nous allons à la guerre sans savoir ce que c’est, et n’étant pas sûrs que notre «généalogie» est en règle, nous ne ferons pas beaucoup de chemin contre l’ennemi. Mais, comme nous l’avons déjà fait remarquer, il y avait une autre chose tout aussi nécessaire pour l’homme de guerre que la déclaration exacte de sa généalogie; c’était la reconnaissance distincte de sa bannière. Les deux choses étaient essentielles pour la marche et le combat dans le désert. D’ailleurs elles étaient inséparables. Si un homme ne connaissait pas sa filiation, il ne pouvait pas reconnaître sa bannière, ce qui aurait produit sur tous une désespérante confusion. Au lieu de garder son rang et de marcher en avant, ils auraient été dans le chemin les uns des autres et, par conséquent, des obstacles sur ce chemin. Chacun devait connaître son poste et le garder, connaître sa bannière et s’y rallier. Ainsi ils avançaient ensemble; il y avait progrès, l’œuvre était faite, le combat était soutenu. Le Benjaminite avait son poste, l’Éphraïmite le sien. L’un n’avait pas à s’inquiéter du chemin de l’autre, ni à l’entraver. Il en était ainsi pour toutes les tribus dans tout le camp de l’Israël de Dieu. Chacun avait sa généalogie, sa bannière et son poste, et ni l’un ni l’autre ne dépendaient des propres pensées de l’individu; tout était de Dieu. Il donnait la généalogie et assignait la bannière; il n’y avait pas lieu à comparer un Israélite à un autre; il n’y avait rien là qui pût provoquer de la jalousie entre eux; chacun avait sa place à remplir et son œuvre à faire; et il y avait assez de travail et de place pour tous. C’était à la fois la plus grande variété possible et la plus parfaite unité. «Les fils d’Israël camperont chacun près de sa bannière, sous les enseignes de leurs maisons de pères.» «Et les fils d’Israël firent selon tout ce que l’Éternel avait commandé à Moïse: ainsi ils campèrent selon leurs bannières, et ainsi ils partirent, chacun selon leurs familles, selon leurs maisons de pères» (chap. 2:2, 34).

Ainsi, dans le camp de jadis aussi bien que dans l’Église de maintenant, nous apprenons que «Dieu n’est pas un Dieu de désordre». Rien ne pouvait être disposé avec plus d’exactitude que les quatre camps, composés chacun de trois tribus, et formant un carré parfait, dont chaque côté portait la bannière qui lui était propre. «Les fils d’Israël camperont chacun près de sa bannière, sous les enseignes de leurs maisons de pères; ils camperont autour de la tente d’assignation, à distance, vis-à-vis.» Le Dieu des armées d’Israël savait comment disposer ses troupes. Ce serait une grande erreur de supposer que les guerriers de Dieu n’étaient pas rangés selon le plus parfait système de tactique militaire. Nous pouvons nous glorifier de nos progrès dans les arts et les sciences, et nous imaginer que l’armée d’Israël, comparée avec ce que l’on peut voir de nos jours, présentait l’aspect d’un grossier désordre et d’une étrange confusion. Mais ce serait une pensée frivole. Nous pouvons être certains que le camp d’Israël était ordonné et pourvu de la manière la plus complète, et cela pour une raison des plus simples et des plus concluantes, c’est qu’il était ordonné et pourvu par la main de Dieu. Que l’on nous accorde seulement ceci, savoir que Dieu a fait toutes choses, et nous concluons, avec la plus grande assurance que tout a été fait parfaitement.

C’est là un principe très simple, mais très précieux. Naturellement il ne satisferait pas un incrédule ou un sceptique; qu’est-ce qui pourrait les satisfaire? L’affaire et la prérogative d’un sceptique, c’est de douter de tout, de ne rien croire. Il mesure tout à sa propre mesure, et rejette tout ce qu’il ne peut concilier avec ses propres idées. Il établit, avec un merveilleux sang-froid, ses prémisses et en tire ensuite ses conclusions. Mais si les prémisses sont fausses, les conclusions doivent l’être également. Voici un trait qui accompagne invariablement les prémisses de tous les sceptiques, de tous les rationalistes et de tous les incrédules, c’est qu’ils excluent toujours Dieu, d’où il s’ensuit que toutes leurs conclusions doivent être fatalement fausses. D’un autre côté, l’humble croyant prend comme point de départ ce grand et premier principe, que Dieu est, et non seulement qu’il est, mais qu’il a affaire avec ses créatures, qu’il s’intéresse aux transactions des hommes et s’en occupe.

Quelle consolation pour le chrétien! Mais l’incrédulité n’accepte pas du tout cela. Introduire Dieu, c’est renverser tous les raisonnements des sceptiques, car ils sont fondés sur la complète exclusion de Dieu. Quoi qu’il en soit nous écrivons maintenant, non point pour combattre les incrédules, mais pour l’édification des croyants. Cependant il est quelquefois bon d’attirer l’attention sur l’état de complète corruption de tout le système de l’incrédulité; ce que démontre, avec suffisamment de clarté et de force, le fait qu’il se base entièrement sur l’exclusion de Dieu. Si ce fait est bien compris, le système entier s’écroule. Si nous croyons que Dieu est, il faut alors assurément que chaque chose soit considérée en rapport avec lui. Il faut que nous voyions tout à son point de vue. Mais ce n’est pas tout. Si nous croyons que Dieu est, alors nous devons croire aussi que l’homme ne peut pas le juger. Dieu seul doit être le juge du bien et du mal, de ce qui est digne de lui ou de ce qui ne l’est pas. Il en est de même relativement à la Parole de Dieu. S’il est vrai que Dieu est, qu’il nous a parlé et nous a donné une révélation, alors certainement cette révélation ne doit pas être jugée par la raison humaine. Elle est en dehors et au-dessus des arrêts d’un pareil tribunal. Quelle prétention de vouloir juger la Parole de Dieu par les règles du calcul humain! Et pourtant c’est précisément ce que l’on a fait de nos jours avec ce précieux livre des Nombres, dont nous nous occupons maintenant, et dont nous allons poursuivre l’étude en laissant de côté l’incrédulité et son arithmétique.

Nous sentons qu’il est très nécessaire, dans nos notes et dans nos réflexions sur ce livre, aussi bien que sur les autres, de se rappeler deux choses, savoir d’abord le livre, et ensuite l’âme: le livre et son contenu, l’âme et ses besoins. Il est à craindre qu’étant préoccupé du premier, on n’oublie la seconde. D’un autre côté, il est à craindre aussi qu’étant absorbé par ce qui concerne l’âme, on n’oublie le livre. Il faut s’occuper des deux. Et nous pouvons dire que ce qui constitue un ministère efficace, soit écrit, soit oral, c’est l’accord judicieux de ces deux choses. Il y a des ministres qui étudient la Parole avec beaucoup de soin et peut-être très profondément. Ils sont très versés dans la connaissance de la Bible; ils ont amplement puisé à la source de l’inspiration. Tout cela est de la dernière importance et de la plus haute valeur. Sans cela un ministère sera tout à fait stérile. Si un homme n’étudie pas sa Bible avec soin et avec prière, il aura peu à donner à ses lecteurs ou à ses auditeurs, ou du moins peu qui soit digne d’être accepté. Ceux qui travaillent dans la Parole doivent creuser pour eux-mêmes, et «creuser profond».

Mais ensuite il faut prendre en considération l’âme, avoir égard à son état et satisfaire ses besoins. Si l’on perd cela de vue, l’enseignement manquera d’effet et de puissance. Il n’aura rien d’incisif, de pénétrant. Il sera insuffisant et sans fruit. Il faut, en un mot, que les deux choses soient réunies, combinées et bien proportionnées. Un homme qui se borne à étudier le livre ne sera point pratique; celui qui se borne à l’étude de l’âme sera au dépourvu; mais celui qui étudie dûment les deux sera un bon ministre de Jésus Christ.

Or nous désirons, selon notre capacité, être ce dernier pour le lecteur; et, par conséquent, à mesure que nous avancerons avec lui dans l’étude de ce livre admirable, qui est ouvert devant nous, nous voudrions non seulement en faire ressortir les beautés morales et en développer les saintes leçons, mais aussi nous sentir constamment pénétré de la pensée que c’est notre devoir positif de poser de temps en temps une question au lecteur quel qu’il soit, pour l’engager à examiner jusqu’à quel point il apprend ces leçons et apprécie ces beautés. Nous espérons que le lecteur n’aura pas d’objection contre cette intention, et, par conséquent, avant de terminer cette première section, nous voulons lui adresser une ou deux questions qui s’y rapportent.

Et d’abord, cher ami, êtes-vous au clair et fixé quant à votre «généalogie»? Êtes-vous bien certain que vous êtes du côté du Seigneur? Ne laissez pas, nous vous en supplions, cette grande question sans l’avoir résolue. Nous vous l’avons déjà demandé et nous vous le demandons encore: Connaissez-vous, pouvez-vous déclarer votre filiation spirituelle? C’est la première condition pour être soldat de Dieu. Il est inutile de penser à entrer dans l’armée militante, aussi longtemps que vous n’êtes pas fixé sur ce point. Nous ne disons pas qu’un homme ne puisse pas être sauvé sans cela. Loin de nous cette pensée. Mais il ne peut pas prendre son rang comme homme de guerre. Il ne peut combattre contre le monde, la chair et le diable, aussi longtemps qu’il est rempli de doutes et de craintes sur la question de savoir s’il appartient à la vraie famille spirituelle. Pour qu’il y ait quelque progrès, pour qu’il y ait cette décision si indispensable à un guerrier chrétien, il faut qu’on puisse dire: «Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie» — «nous savons que nous sommes de Dieu».

C’est là le langage convenable à un guerrier. Aucun homme de cette puissante armée, qui se rassemblait «autour de la tente d’assignation», n’aurait compris qu’on pût avoir un simple doute ou l’ombre d’un doute sur sa généalogie propre. Assurément il aurait souri, si quelqu’un eût soulevé une seule question à ce sujet. Chacun de ces six cent mille hommes savait bien d’où il provenait et, par conséquent, où il devait prendre sa place. Ainsi en est-il justement de l’armée militante de Dieu, de nos jours. Il est nécessaire que chaque membre de cette armée possède la plus entière certitude quant à sa relation, autrement il ne pourra pas tenir dans la bataille.

Voyons ensuite la «bannière». Qu’est-ce que c’est? Est-ce une doctrine? Non. Est-ce un système théologique? Non. Est-ce un règlement ecclésiastique? Non. Est-ce un système d’ordonnances, de rites ou de cérémonies? Rien de la sorte. Les soldats de Dieu ne combattent sous aucune bannière semblable. Quel est l’étendard de cette milice de Dieu? Écoutons et souvenons-nous-en: C’est Christ. C’est le seul étendard de Dieu, et le seul étendard de cette troupe guerrière qui campe dans le désert du monde, pour soutenir la lutte contre les armées du mal, et pour livrer les batailles du Seigneur. Christ est l’étendard pour toutes choses. Si nous en avions un autre, nous serions incapables de soutenir la lutte spirituelle à laquelle nous sommes appelés. Qu’avons-nous à faire, comme chrétiens, à nous disputer pour un système de théologie ou d’organisation ecclésiastique? De quelle importance sont, à nos yeux, les ordonnances, les cérémonies ou les observances ritualistes? Irons-nous combattre sous de pareilles bannières? À Dieu ne plaise! Notre théologie, c’est la Bible. Notre organisation ecclésiastique, c’est le seul Corps, formé par la présence du Saint Esprit, et uni à la Tête vivante et exaltée dans les cieux. Lutter, pour obtenir quelque chose de moins, c’est tout à fait au-dessous des attributs d’un guerrier chrétien.

Hélas! qu’il y ait tant de personnes qui professent d’appartenir à l’Église de Dieu, tout en oubliant ainsi leur propre bannière et en combattant sous un autre drapeau! Nous pouvons être certains que cela produit de la faiblesse, fausse le témoignage et arrête les progrès. Si nous voulons tenir ferme au jour de la bataille, il faut que nous ne connaissions d’autre étendard que Christ et sa Parole, la Parole vivante et la parole écrite. C’est en cela que consiste notre sécurité en face de tous nos ennemis spirituels. Plus nous nous tiendrons étroitement collés à Christ et à Lui seul, plus nous serons forts et en sûreté. L’avoir, comme une parfaite couverture à nos yeux, se tenir près de Lui, serrés contre Lui, voilà notre grande sauvegarde morale. «Les fils d’Israël camperont chacun dans son camp, et chacun près de sa bannière, selon leurs armées.»

Oh! qu’il en soit ainsi de toute l’armée de l’Église de Dieu! Que l’on puisse tout mettre de côté pour Christ! Qu’il suffise à nos cœurs! Comme nous faisons remonter notre «généalogie» jusqu’à Lui, que son nom soit écrit sur l’étendard, autour duquel nous nous rassemblons dans le désert que nous traversons pour nous rendre chez nous, dans notre repos éternel en haut. Lecteur, veillez-y, nous vous en supplions; qu’il n’y ait pas un seul iota où un seul trait de lettre inscrit sur votre bannière, si ce n’est le nom de Jésus Christ, ce nom qui est au-dessus de tout nom, et qui devra être encore à jamais exalté dans le vaste univers de Dieu.