Michée

Chapitre 6

Chapitres 6 et 7 — Le plaidoyer

Nous abordons ici la quatrième et dernière division du livre de Michée. Ces chap. 6 et 7 contiennent le plaidoyer de Dieu avec son peuple dans le but d’amener ce dernier à une entière délivrance morale; ce sont comme les questions du juge instructeur qui voudrait trouver l’accusé non coupable, et les réponses de ce dernier. Ses propres aveux le convainquent de péché, et cependant le débat se termine par l’acquittement du coupable et son entière justification! Ce n’est certes pas ainsi que finissent les débats devant les tribunaux humains.

Avec le chap. 5, les événements prophétiques proprement dits sont arrivés à leur terme. Ici le débat a pour but le travail de conscience, l’horreur du péché, la repentance, la restauration et la pleine connaissance de la grâce. Sous la puissante influence de l’Esprit de Dieu ce travail s’accomplit dans le cœur du Résidu, en sorte qu’il accepte le jugement de l’Éternel sur lui-même, sur son peuple, et s’en remet entièrement à la grâce (7:18) qu’il avait si outrageusement méconnue au commencement de sa carrière (6:1-5).

Il est à remarquer combien ces chapitres ont d’analogie avec le premier chapitre d’Ésaïe. Même plaidoyer, mêmes conclusions, avec cette différence toutefois que Michée continue, comme d’habitude, à donner la parole aux divers interlocuteurs qui sont en scène, et que le plaidoyer qui termine sa prophétie conclut par l’acquittement du coupable et non, comme en Ésaïe, par sa condamnation. Toute la suite de ce débat est pour nous d’un profond intérêt pratique: la grâce présentée avant les reproches, l’effet qu’elle produit dans un cœur amené à s’accuser, à se condamner lui-même, et à trouver la tribulation juste et méritée, tout cela conduit enfin à la pleine appréciation de l’amour de Dieu qui bannit à tout jamais le péché de sa présence!

 

Chapitre 6

«Écoutez, je vous prie, ce que dit l’Éternel» (v. 1). Le prophète est ici la bouche de Dieu; on sent dès le début que celui-ci a un but de grâce. Il s’adresse à son peuple et le prie d’écouter. Bien différent était l’appel à écouter du premier chapitre (v. 2). Là les royaumes d’Israël et de Juda, ainsi que les nations et les peuples (en Ésaïe 1 les cieux et la terre), étaient invités à entendre l’irrévocable sentence, prononcée sur eux par un Dieu juste et saint. Ici l’Éternel a les siens, le vrai Israël, le peuple de son choix, en vue, pour le purifier et l’introduire dans l’héritage qui lui avait été promis de tout temps. Il s’agit pour le Résidu (la chose importe, et qui ne le sentirait?) d’écouter ce que l’Éternel a à lui dire, car c’est pour lui le seul moyen de trouver la délivrance.

«Lève-toi, plaide devant les montagnes, et que les collines entendent ta voix! Écoutez, montagnes, le plaidoyer de l’Éternel, et vous, fondements immuables de la terre, car l’Éternel a un débat avec son peuple, et il conteste avec Israël» (v. 1, 2).

D’abord le coupable doit écouter devant les montagnes, devant les puissances fermement établies sur la terre, capables d’être des témoins sûrs et invariables, et devant les fondements immuables de la terre. Ces témoins sont appelés eux-mêmes à écouter la parole de l’Éternel et à juger ensuite de ce que le coupable peut dire pour sa défense. Ils sont comme le jury de cette cour d’assises appelés à apprécier les choses, non pas comme le ciel pourrait le faire, mais en les considérant selon la mesure de l’équité bien établie d’un jugement terrestre. Dieu appelle encore ici Israël son peuple, car Il ne l’a pas encore définitivement rejeté. Mais cela pourra-t-il durer à toujours?

«Mon peuple, que t’ai-je fait, et en quoi t’ai-je lassé? Réponds-moi! Car je t’ai fait monter du pays d’Égypte, et je t’ai racheté de la maison de servitude; et j’ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Marie. Mon peuple, souviens-toi, je te prie, du dessein que forma Balak, roi de Moab, et de ce que Balaam, fils de Béor, lui répondit, de Sittim jusqu’à Guilgal, afin que vous connaissiez la justice de l’Éternel» (v. 3-5).

Quelle douceur dans la répréhension! Ne sent-on pas que Dieu ne veut à Israël que du bien? Que t’ai-je fait? Et en quoi t’ai-je lassé? Réponds-moi. Ah! comme le Juge est prêt à trouver des circonstances atténuantes à leur conduite! Mais comment en trouver, quand, de Sa part, tout avait été grâce et miséricorde, avant que la loi fût intervenue pour leur montrer ce qu’il y avait dans leur cœur. C’est que la rédemption était à la base de toutes ses voies envers eux! «Je t’ai fait monter du pays d’Égypte, et je t’ai racheté de la maison de servitude». Les secours spirituels leur avaient-ils manqué, dès le commencement, dans le désert? Le conducteur et roi en Jeshurun, médiateur entre le peuple et l’Éternel, Moïse, — la sacrificature, Aaron, — la prophétie, Marie, — répondaient à tous leurs besoins, même matériels. Et au bout du désert, quand l’Ennemi voulait le maudire, ce peuple qui avait tant lassé la patience de Dieu, qu’avait-il trouvé? Un Dieu qui les bénissait par la bouche même de celui qui voulait les maudire, un Dieu qui déclarait n’avoir pas vu d’iniquité en Jacob, et qui trouvait sur la terre ses délices dans ce peuple qu’il avait choisi: «Que tes tentes sont belles, ô Jacob!» Et de quel côté avaient été les justes voies de l’Éternel, après qu’il leur avait révélé sa grâce? Pas plus à Sittim qu’à Guilgal il n’avait renié sa justice. Aurait-il été l’Éternel sans cela? À Sittim, il les avait châtiés pour leur fornication et leur oubli de sa sainteté. À Guilgal il leur avait enseigné que seul le retranchement de la chair pouvait les introduire dans la jouissance du pays de la promesse.

Aux v. 6, 7 nous trouvons la réponse des croyants d’entre le peuple, devant lesquels Dieu vient de faire passer toute sa bonté, mais une bonté qui ne peut faire abstraction de sa sainteté. «Avec quoi m’approcherai-je de l’Éternel, m’inclinerai-je devant le Dieu d’en haut? M’approcherai-je de lui avec des holocaustes, avec des veaux âgés d’un an? L’Éternel prendra-t-il plaisir à des milliers de béliers, à des myriades de torrents d’huile? Donnerai-je mon premier-né pour ma transgression, le fruit de mon ventre pour le péché de mon âme?»

Ainsi pris à partie, ils sentent que leur péché les sépare de Dieu. C’est le premier pas vers la conversion. Mais comment s’approcher de Lui? Tous les sacrifices de la loi ne peuvent en aucune manière le satisfaire, et le cœur convaincu de péché le sent fort bien. C’est ce que Dieu lui-même appelle de «vaines offrandes» dans le passage correspondant d’Ésaïe (1:11-15). Il en est de même de l’offrande des premiers-nés, instituée après la sortie d’Égypte. Cette offrande (Ex. 13:1-2, 10-13) était une consécration à Dieu, dans le sens du dévouement complet de l’homme tout entier à l’Éternel. Cela pouvait-il avoir lieu, de la part de l’homme pécheur? Pas plus que les sacrifices, l’offrande des premiers-nés ne pouvait les purifier. Par ce premier aveu, Dieu va pénétrer plus avant dans la conscience de son peuple, ou, pour mieux dire, dans la conscience du Résidu.

Au v. 8 le prophète répond au peuple selon les saintes exigences de Dieu et sur le pied de leur propre responsabilité individuelle «Il t’a déclaré, ô homme, ce qui est bon. Et qu’est-ce que l’Éternel recherche de ta part, sinon que tu fasses ce qui est droit, que tu aimes la bonté, et que tu marches humblement avec ton Dieu?» Dieu veut le cœur de l’homme et non des formes ou des cérémonies vaines. Nous trouvons la même pensée en Ésaïe 1:16, 17: «Lavez-vous, purifiez-vous; ôtez de devant mes yeux le mal de vos actions, cessez de mal faire; apprenez à bien faire; recherchez le juste jugement, rendez heureux l’opprimé; faites droit à l’orphelin, plaidez la cause de la veuve». Cela sépare l’âme de toutes ces formes vaines qui ne peuvent ôter les péchés, afin de l’amener à la conscience de son état devant Dieu. Pour être agréé par Lui, sur le pied de la responsabilité de l’homme, il ne faut que trois choses qui excluent toute apparence extérieure, et exigent un état réel du cœur, en accord avec le cœur de Dieu. Ces trois choses sont: 1° Faire ce qui est droit — l’activité dans les «œuvres de justice»; 2° Aimer la bonté — l’état d’un cœur qui prend plaisir au bien; 3° Une marche avec Dieu dans l’humilité, exempte de tout orgueil, car marcher avec Dieu, c’est être son compagnon, comme Énoch, dans une humble dépendance de Lui.

Tels sont les «préceptes», les règles et enseignements que Dieu nous recommande. Mais comment les suivre si ce n’est par la foi. Par elle nous faisons les œuvres; par elle nous aimons à reproduire le caractère du Dieu d’amour qui s’est révélé à nous en Christ; par elle nous marchons avec Dieu. La loi exige ces choses, mais ne peut les produire dans le cœur de l’homme; ce dernier ne se trouve, par là, que plus absolument condamné, car il est impuissant pour répondre aux exigences de la sainteté de Dieu. C’est ce que l’on voit en Ésaïe 1:16, 17, où il n’est pas question, comme dans les deux derniers chapitres de Michée, de la restauration du Résidu (quoiqu’il soit nommé au v. 9), mais du jugement absolu du peuple qui ne cesse pas de mal faire, qui «ne fait pas droit à l’orphelin et auprès duquel la cause de la veuve n’a pas d’accès» (v. 23; cf. v. 17). Il en est de même pour la purification de leurs péchés que Dieu leur offre au v. 18. Elle leur est présentée, mais ils refusent. — Toute autre est la prophétie de Michée, où, comme nous le voyons, Dieu poursuit son œuvre de grâce dans la conscience du Résidu, pour l’amener à une complète restauration.

Aux v. 9 à 11, l’Éternel reprend la parole par la bouche de son prophète. C’est pour se faire entendre que Dieu emploie la verge: «Écoutez la verge et Celui qui l’a décrétée», crie-t-il à la ville. Cette ville est Samarie où l’on observe «les statuts d’Omri et toutes les œuvres de la maison d’Achab» (v. 16). Le prophète revient à ce qu’il a annoncé au commencement «au sujet de Samarie et de Jérusalem» (1:1). Il s’adresse à la seconde de ces villes au chapitre suivant (7:11-17). Les avertissements de Dieu par ses prophètes ont-ils réussi à bannir des maisons de Samarie les faux poids et les fausses mesures, la violence et le mensonge? (voyez Amos 3:9, 10). À cause de cela le jugement l’atteindra. Tous ses efforts pour subsister, pour conserver, pour récolter du fruit, seront vains, car, au lieu d’observer les statuts de l’Éternel, il marche selon les conseils idolâtres d’Omri et d’Achab sous le règne duquel un autre Michée avait prophétisé (1 Rois 22). Ainsi Dieu répond au peuple sur le pied de sa responsabilité, quand il a été démontré à ce dernier qu’il lui est impossible d’y satisfaire.

Ce chapitre est très beau comme appel à la conscience. Dieu commence par parler de sa grâce. Le cœur est convaincu qu’il n’a aucun moyen d’y répondre, étant séparé de Dieu. Alors Dieu fait connaître l’état moral qu’il exige, et auquel, quelque désirable qu’il soit, l’homme ne peut répondre à cause de l’état de son cœur. La foi seule pourrait réaliser ces choses. Dès lors Dieu fait assister l’âme travaillée, à son juste jugement sur la ville et le peuple infidèle qui l’habite. Si Dieu en restait là, il n’y aurait plus aucune ressource pour le Résidu, mais nous allons voir au chap. 7 que tout ce travail a pour résultat d’amener l’âme des croyants à un entier jugement d’elle-même, de produire la repentance et enfin d’établir le cœur dans la pleine jouissance de la grâce.