Michée

Chapitre 3

Chapitres 3 à 4 (v. 8) — La ruine actuelle et le dessein de Dieu quant au Royaume futur

Chapitre 3 — Ruine morale de toutes les classes dirigeantes du peuple. Jugement des prophètes. Destruction de Jérusalem

«Et je dis: Écoutez, je vous prie, chefs de Jacob, et vous, princes de la maison d’Israël: N’est-ce pas à vous de connaître ce qui est juste? Vous qui haïssez le bien et qui aimez le mal, qui arrachez leur peau de dessus eux, et leur chair de dessus leurs os, qui mangez la chair de mon peuple et ôtez leur peau de dessus eux, et qui brisez leurs os et les mettez en morceaux comme dans une chaudière, et comme de la chair au milieu d’une marmite» (v. 1-3).

Nous trouvons ici une de ces transitions, si fréquentes dans le prophète Michée, d’un interlocuteur à l’autre. Après que l’Éternel a parlé (2:7-13), le prophète prend la parole, d’abord comme prophète (v. 1-4), puis comme étant la bouche de l’Éternel pour accuser les prophètes prévaricateurs.

Ces paroles s’adressent aux chefs et aux princes qui représentent l’ensemble du peuple, c’est-à-dire Juda et Israël. Ils haïssent le bien et aiment le mal, exactement le contraire d’une vraie repentance, comme il est dit en Ésaïe: «Ôtez de devant mes yeux le mal de vos actions; cessez de mal faire, apprenez à bien faire; recherchez le juste jugement; rendez heureux l’opprimé» (1:16, 17). Ces juges et ces nobles traitent le troupeau d’Israël, objet de tous les soins du bon Berger (Michée 2:12, 13), comme leur proie. Ils arrachent la peau pour manger la chair, acte violent, suivi d’un plan plus réfléchi: «Ils ôtent leur peau de dessus eux», ayant trouvé le moyen de l’utiliser; puis ils placent la chair et les os des brebis dans la chaudière pour les manger en détail et ne rien perdre de ce dont ils tirent profit, au détriment des brebis qu’ils oppriment.

«Alors ils crieront à l’Éternel, et il ne leur répondra pas, et il leur cachera sa face en ce temps-là, selon qu’ils ont agi méchamment» (v. 4).

Le jour de la rétribution arrivera; ils crieront mais sans que Dieu réponde. Peut-il y avoir un jugement plus terrible? Toujours le cri de l’âme vers l’Éternel a été entendu (Ps. 22:6); un seul juste n’a pas reçu de réponse, et cela, pour que nous puissions être sauvés (v. 2), mais, quand le temps de la grâce sera terminé, ce seront les méchants qui n’auront point de réponse. Nous figurons-nous l’horreur d’une telle situation? Le ciel vide! En effet, il sera vide pour eux; l’Éternel leur cachera sa face en ce jour-là. Il l’avait cachée à son Bien-aimé pour pouvoir nous sauver (Ps. 69:18); il la cachera au Résidu fidèle, mais pour un moment, afin d’avoir «compassion de lui avec une bonté éternelle» (Ésaïe 54:8); mais, aux méchants, il la cachera à toujours. De quels jours les mots: «En ce temps-là» nous parlent-ils? Nous voyons, au chap. 4, qu’il s’agit des jours glorieux et bénis du règne de Christ.

«Ainsi dit l’Éternel, touchant les prophètes qui font errer mon peuple; qui mordent avec leurs dents, et crient: Paix! et si quelqu’un ne met rien dans leur bouche, ils préparent la guerre contre lui. C’est pourquoi vous aurez la nuit sans vision, et vous aurez les ténèbres sans divination, et le soleil se couchera sur les prophètes, et le jour s’obscurcira sur eux. Et les voyants seront honteux, et les devins seront confondus, et ils se couvriront tous la barbe, parce qu’il n’y a pas de réponse de Dieu» (v. 5-7).

Après les princes, les prophètes. C’est maintenant l’Éternel lui-même qui parle contre eux par la bouche de Michée. Remarquez que ce ne sont pas de faux prophètes, mais des prophètes qui emploient leur don pour induire le peuple en erreur. Comme des chiens, ils s’élèvent contre les prophètes de Dieu pour les mordre (voyez pour la figure Hab. 2:7). Ceux-ci annoncent la guerre et les jugements, eux la paix, comme au temps de Jérémie. Ils endorment le peuple dans une confiance trompeuse. Ils seront honteux, parce que Dieu ne se servira point d’eux et ne leur confiera aucune révélation. Ils seront plongés dans les ténèbres et ne verront ni le jour de la visitation, ni le jour de la lumière, lorsque le soleil de justice se lèvera. Ils seront pour l’Éternel des lépreux selon Lév. 13:45, ou mèneront deuil inutilement, selon Ézéch. 24:17, car Dieu les aura abandonnés et rejetés. Ils n’auront aucune place parmi son peuple.

Ne peut-on pas dire les mêmes choses aujourd’hui? L’ignorance des pensées de Dieu est un jugement sur ceux qui, ayant reçu un don de Dieu, s’en servent pour leur propre profit. Le don est stérile; il ne s’y trouve ni puissance, ni édification. Ces hommes ignorent la sentence prononcée par Dieu sur l’homme; les vérités les plus évidentes révélées par Dieu dans sa Parole leur sont cachées; ils prophétisent de paix et de progrès quand déjà le jugement est suspendu sur les peuples et sur leur propre tête. Ils ne voient pas que «la fin des jours» (4:1) n’arrivera qu’après leur propre jugement.

«Mais moi, je suis plein de puissance par l’Esprit de l’Éternel, et de jugement et de force, pour déclarer à Jacob sa transgression et à Israël son péché» (v. 8).

Ici le prophète prend la parole et parle de lui-même, en contraste avec ces mauvais serviteurs. Le vrai envoyé de Dieu est sous la conduite de l’Esprit de Dieu qui est un Esprit de puissance, de jugement (ou de conseil), et de force. Cela rappelle 2 Tim. 1:7, seulement, si «l’Esprit d’amour» n’est pas mentionné ici, ce n’en est pas moins l’amour de Dieu qui annonce le jugement par ses prophètes, afin de ramener, si possible, le peuple à Lui. Cacher aux pécheurs leur état en leur criant: «paix» quand le courroux de Dieu se prépare, n’est jamais de l’amour. Le vrai prophète «déclare à Jacob sa transgression et à Israël son péché».

La puissance de l’homme de Dieu est toujours accompagnée d’un sentiment profond de faiblesse. Jérémie disait: «Ah Seigneur, Éternel! voici, je ne sais pas parler car je suis un enfant» (1:6); mais le Seigneur lui dit: «Je te ferai être, à l’égard de ce peuple, une muraille d’airain bien forte; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi» (15:20). Gédéon dit: «Je suis le plus petit dans la maison de mon père»; l’Éternel répond: «Mois, je serai avec toi»; «va avec cette force que tu as» (Juges 6:14-16). Daniel dit: «Aucune force ne subsiste en moi»; Dieu répond: «Ne crains pas... sois fort, oui, sois fort!» (Dan. 10:17-19). Paul dit: «Quand je suis faible, alors je suis fort» (2 Cor. 12:10). Que ce soit pour prophétiser, pour remporter la victoire dans les combats, pour avoir l’intelligence des pensées de Dieu, pour annoncer l’Évangile, la force ne peut sortir que du sein de la faiblesse, profondément réalisée dans l’âme devant Dieu; tandis que, partout où le croyant se confie en sa force et dit comme Samson: «Je m’en irai comme les autres fois», le Seigneur s’est déjà «retiré de lui» (Juges 16:20).

«Écoutez ceci, je vous prie, chefs de la maison de Jacob, et vous, princes de la maison d’Israël, qui abhorrez le jugement et pervertissez toute droiture, bâtissant Sion avec du sang, et Jérusalem avec l’iniquité. Ses chefs jugent pour des présents, et ses sacrificateurs enseignent pour un salaire, et ses prophètes devinent pour de l’argent et s’appuient sur l’Éternel, disant: L’Éternel n’est-il pas au milieu de nous? Il ne viendra point de mal sur nous!» (v. 9-11).

Après avoir montré le caractère du prophète selon les pensées de Dieu, Michée reprend la parole pour accuser l’ensemble des chefs et des princes de Juda, ainsi que les dix tribus, et prend Jérusalem à partie, de même qu’il l’avait fait au commencement à l’égard de Samarie. Toutes les classes de conducteurs défilent devant lui: chefs, Princes, sacrificateurs et prophètes, le pouvoir civil et le pouvoir religieux selon l’homme. À la liste, précédemment énumérée, le prophète ajoute les sacrificateurs, en leur qualité de docteurs qui enseignent le peuple. L’argent joue partout le rôle principal, les intérêts matériels dominent. Peut-on, revêtu de telles dignités, les rabaisser ainsi? Mais voit-on autre chose aujourd’hui? Sans doute les circonstances diffèrent, les dignités ont changé de caractère, mais les principes qui dirigent les diverses classes des hommes, politiques ou religieuses, sont les mêmes, parce que l’égoïsme de l’homme déchu est à la base de tous les motifs de son cœur. Chose affreuse! Tout cela se fait au nom de l’Éternel, et tous cherchent à se rassurer quand le mal les menace, en disant: «L’Éternel n’est-il pas au milieu de nous?» Dans le désert le péché d’Israël consistait à mettre en doute si Dieu était réellement au milieu de son peuple. Il est dit d’eux «qu’ils avaient tenté l’Éternel, en disant: L’Éternel est-il au milieu de nous ou n’y est-il pas?» (Ex. 17:7). Ils doutaient de sa présence au moment où, les ayant rachetés d’Égypte, il manifestait ouvertement qu’il était leur Dieu. Ici nous trouvons précisément le contraire. Au moment où Dieu prononçait le «Malheur» sur eux et les abandonnait entre les mains de l’ennemi, n’épargnant plus que la seule ville de Jérusalem, et à la veille du jour où les solennels Lo-Ammi et Lo-Rukhama allaient retentir, ils osaient dire: «L’Éternel n’est-il pas au milieu de nous?» Le péché peut varier suivant les temps. La défiance de Dieu, en un temps de grâce, est un grand péché. L’affirmation que l’on a Dieu avec soi et pour soi en un temps de jugement et de ruine est un péché plus grand encore. Aujourd’hui comme jadis, on entend dire ces choses; et les plus coupables, souverains et princes, docteurs, pasteurs et prophètes qui conduisent les nations aux abîmes, sont ceux qui crient le plus haut: «L’Éternel n’est-il pas au milieu de nous?» C’est là un effort positif de Satan pour égarer les hommes. Il voudrait leur persuader que le Seigneur peut être le protecteur et le soutien d’un état de choses parfaitement mauvais. Il cache ainsi le mal et le péché aux yeux de l’homme en lui faisant croire que Dieu peut s’y associer. Dieu est avec nous, crient-ils; il ne viendra pas de mal sur nous! Et à la veille d’une défaite, on affirme encore la certitude de la victoire!

Remarquez que, plus la connaissance des pensées de Dieu, renfermées dans la loi, plus la proximité de l’Éternel, étaient grandes, plus la responsabilité était effrayante, et le jugement sévère. Que les nations, ne connaissant pas Dieu, marchassent «chacune au nom de son dieu» (4:5), cela avait-il rien d’étonnant? Mais que le peuple de Dieu, tombé dans la désobéissance et dans l’ingratitude la plus noire envers l’Éternel, osât, dans son état d’infidélité, s’appuyer sur Son nom pour se rassurer, c’était là le comble de l’iniquité.

En Ésaïe 51:2 et en Ézéch. 33:24 nous rencontrons le même contraste. Dans le premier de ces passages, Dieu dit: «Regardez à Abraham, votre père, et à Sara qui vous a enfantés; car je l’ai appelé seul, et je l’ai béni, et je l’ai multiplié». Ceux qui cherchent l’Éternel sont encouragés et exhortés ici à regarder à Abraham que Dieu a béni et multiplié, quand même il était tout seul. Si les fidèles sont en petit nombre, ils peuvent compter sur la même grâce pour les multiplier et faire d’eux un grand peuple, dans l’avenir. Le second passage (Ézéch. 33:24) nous montre les quelques misérables qui étaient restés dans les lieux désolés de la Palestine pendant la captivité de Babylone, s’appuyant sur cette même parole qu’«Abraham était un seul et qu’il avait hérité du pays», pour proclamer qu’ils en hériteraient de même. Hériter du pays quand les transgressions, les idoles, la violence, une corruption honteuse, les caractérisaient? Non, le jugement allait les atteindre eux-mêmes dans la terre qu’ils prétendaient occuper. On n’hérite que par la foi du pays de la promesse. Il en est de même de la chrétienté professante. Tout est ruiné; elle le constate, mais au lieu de s’humilier de sa propre ruine, elle prétend hériter des bénédictions promises. Elle n’héritera que du jugement, tandis qu’au milieu de tout ce désordre un Résidu selon Dieu deviendra, par la foi, l’héritier des promesses.

«C’est pourquoi, à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, et Jérusalem sera des monceaux de pierres, et la montagne de la maison, les lieux hauts d’une forêt» (v. 12).

C’est à quoi aboutiront toutes ces vanteries. La preuve que l’Éternel n’est pas au milieu d’eux leur sera livrée. Le mal viendra sur eux. La montagne de Sion, où la grâce de Dieu avait établi la royauté, sera labourée comme un champ, la ville du grand Roi sera des monceaux de pierres; le siège même et l’habitation de l’Éternel, le temple, dont Dieu s’est retiré, sera détruit.

Il en sera de même, au moral, de l’Église responsable et de tout ce qui se rattache à une profession sans vie. Elle sera vomie de la bouche du Seigneur, puis livrée à une complète destruction et même, quant à sa prospérité extérieure, devenue la grande Babylone, elle sera brûlée au feu et engloutie dans la mer.

Cet important passage de la prophétie de Michée contre Jérusalem fut invoqué, nous l’avons vu plus haut, par les anciens aux jours de Jérémie pour le sauver en montrant qu’Ézéchias avait accepté cet arrêt et n’en avait pas voulu au prophète. Ésaïe, de son côté, avait annoncé, dans le même temps, les mêmes choses que Michée. Il avait prédit la ruine totale de Jérusalem, y ajoutant la promesse d’une restauration future quand «l’Esprit serait répandu d’en haut sur le peuple» (Ésaïe 32:12 -15). Nous allons voir ces mêmes promesses au chap. 4 de Michée, dont les v. 1-8 se relient intimement au chap. 3.