Marc

Chapitre 7

Les Juifs et la tradition

(v. 1-23). — Nous voyons ici Jésus entouré, non par des personnes venues à lui avec leurs besoins, mais par des hommes religieux remplis d’eux-mêmes, qui trouvaient en défaut les disciples parce qu’ils ne se conformaient pas aux usages traditionnels des Juifs. Quel contraste entre la manifestation de l’amour de Christ, tel que nous l’avons vu s’exercer envers tous au chapitre précédent, et ces hommes qui préfèrent les vaines formes d’une religion charnelle à la grâce apportée par Jésus!

Les pharisiens et les scribes viennent dire à Jésus: « Pourquoi tes disciples ne marchent-ils pas selon la tradition des anciens, mais mangent-ils du pain avec des mains souillées? » Les Juifs, surtout les pharisiens et les scribes, observaient très scrupuleusement beaucoup de choses reçues par la tradition; ainsi ils se lavaient en revenant du marché, croyant, par ce moyen, se purifier des fautes commises dans leurs transactions; ils lavaient les coupes, les pots, les vases d’airain, les lits, et cela leur donnait une apparence de grande sainteté devant les hommes, mais ce n’était que de l’hypocrisie. Ces malheureux ne pensaient pas que, s’ils adressaient des reproches aux disciples, ils les apportaient devant celui qui sonde les cœurs et les reins. Jésus leur répond: « Ésaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites; comme il est écrit: « Ce peuple-ci m’honore des lèvres, mais leur cœur est fort éloigné de moi; mais ils m’honorent en vain, enseignant, comme doctrines, des commandements d’hommes » (voir Ésaïe 29:13). Il leur montre ensuite comment l’observation des traditions humaines annulait les commandements de Dieu, car ce qui vient de l’homme ne saurait s’accorder avec ce qui vient de Dieu. Ils ne pouvaient accomplir la loi; ils la remplaçaient donc par des règles qui avaient quelque ressemblance avec certaines ordonnances de Moïse, dont ils ne comprenaient pas la signification typique. Car les ablutions qui faisaient partie du culte juif n’étaient que des lavages extérieurs qui parlaient des exigences de Dieu au sujet de la pureté du cœur, mais celle-ci ne peut se réaliser que par le sacrifice de Christ. Toutes ces pratiques religieuses charnelles, qui semblaient justifier ces hommes aux yeux de leurs semblables, provenaient de la source impure de leur propre cœur que ne pouvaient atteindre les lavages de la tradition. Bien au contraire: l’observation de ces ordonnances détournait les enfants de l’accomplissement de leurs devoirs les plus légitimes vis-à-vis de leurs parents; en effet, les dons faits pour le temple comptaient pour ce qui était dû aux parents, alors que la loi disait: « Honore ton père et ta mère » (Exode 20:12). Ainsi, par une religion dont l’homme se glorifiait, Dieu n’était pas honoré, ni ceux auxquels, après Dieu, revient le plus grand honneur, savoir les pères et les mères. La religion de la chair prive toujours Dieu de ce qui lui est dû; elle nourrit l’orgueil de l’homme, même par le moyen de choses pénibles à accomplir. Paul dit, en parlant des commandements des hommes, qu’ils « ont bien une apparence de sagesse en dévotion volontaire et en humilité, et en ce qu’elles n’épargnent pas le corps, ne lui rendant pas un certain honneur, pour la satisfaction de la chair » (Colossiens 2:23). Parlant de la religion qui est le fruit de la vie de Dieu, Jacques dit: « Le service religieux pur et sans tache devant Dieu le Père, est celui-ci de visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction, de se conserver pur du monde » (Jacques 1:27), c’est-à-dire la pratique de l’amour selon Dieu et de la pureté, qui permet de maintenir des rapports pratiques avec Dieu.

Jésus appelle la foule pour la mettre en garde contre la nullité d’une religion de formes. « Il leur dit: Écoutez-moi, vous tous, et comprenez: Il n’y a rien en dehors de l’homme, qui, entrant au-dedans de lui, puisse le souiller; mais les choses qui sortent de lui, ce sont celles qui souillent l’homme. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ». Le cœur doit être purifié, non les mains; et il faut veiller sur ce qui sort du cœur et non sur ce qui entre dans la bouche.

C’est la troisième fois que nous trouvons dans cet évangile l’avertissement: Qui a « des oreilles pour entendre, qu’il entende ». Cela fait comprendre l’importance qu’il y avait à écouter celui qui accomplissait au milieu de son peuple le service du Prophète. C’est lui que l’Esprit de Dieu nous exhorte à considérer et à écouter dans les chapitres 3 et 4 de l’épître aux Hébreux, qui nous le présentent apôtre — celui qui enseigne — et souverain sacrificateur de notre profession. Trois fois aussi, il est dit dans ces deux chapitres: « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs ». Dans le chapitre 12 de la même épître nous lisons encore: « Prenez garde que vous ne refusiez pas celui qui parle: car si ceux-là n’ont pas échappé qui refusèrent celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux » (v. 25). Ce n’est qu’en écoutant et en croyant la Parole que nous pouvons être sauvés et gardés du mal jusqu’au bout.

Lorsque Jésus se fut retiré de la foule dans la maison, ses disciples l’interrogèrent au sujet de ce qu’il avait dit touchant la souillure venant du dedans. Eux aussi étaient tellement habitués aux formes extérieures du culte juif qu’ils ne comprenaient guère la souillure que dans sa forme extérieure. Jésus leur dit: « Vous aussi, êtes-vous ainsi sans intelligence? » Puis il leur énumère les choses qui souillent l’homme, disant: « Ce qui sort de l’homme, c’est là ce qui souille l’homme; car du dedans, du cœur des hommes, sortent les mauvaises pensées, les adultères, les fornications, les meurtres, les vols, la cupidité, les méchancetés, la fraude, l’impudicité, 1’œil méchant, les injures, l’orgueil, la folie. Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme ». En présence d’une telle source de corruption, de quelle valeur sont les formes d’une religion charnelle, qui ne peuvent changer la nature? On comprend que la nécessité d’une nouvelle naissance s’impose, ainsi que la purification, par le sang de Christ, de tous les péchés, fruits du vieil homme.

C’est très humiliant de découvrir que notre cœur naturel si mauvais est la source de tout le mal qui s’accomplit dans le monde. Voilà pourquoi l’homme, dans son orgueil, hait la lumière que la parole de Dieu apporte sur son état; il se croit bon, ou tout au moins susceptible d’amélioration, quoique Dieu dise le contraire. Nous lisons en Jérémie 17:9, 10: « Le cœur est trompeur par-dessus tout, et incurable; qui le connaît? Moi, l’Éternel, je sonde le cœur, j’éprouve les reins ». Après le déluge, l’Éternel dit qu’il ne maudira plus le sol à cause de l’homme, et qu’il ne frappera plus tout être vivant. Est-ce peut-être parce que Dieu pensait que le jugement du déluge aurait donné une salutaire leçon aux hommes et qu’ils deviendraient meilleurs? Au contraire, l’Éternel dit: « Car l’imagination... de l’homme est mauvaise dès sa jeunesse ». C’est donc parce que c’était inutile de renouveler un jugement semblable, car le cœur de l’homme, source de tout mal, n’en serait pas changé; Dieu allait opérer autrement. Il avait par-devers lui les ressources nécessaires. Après un temps de patience, qui dura encore plus de vingt-trois siècles depuis le déluge, le Fils de Dieu vint dans ce monde pour subir le jugement dû à l’homme incorrigible et pécheur, afin que Dieu puisse offrir au coupable le pardon de ses péchés et lui communiquer une nature nouvelle qui lui permette d’accomplir le bien. Mais alors, si le déluge ne doit plus venir pour faire périr les méchants sur la terre, nous apprenons en 2 Pierre 3:7, que « les cieux et la terre de maintenant sont réservés par sa Parole pour le feu, gardés pour le jour du jugement et de la destruction des hommes impies ». Le feu, symbole du jugement total et final, consume tout, tandis que le déluge n’était qu’un jugement partiel, puisque huit personnes furent épargnées. Dieu ne présente le jugement final qu’après avoir offert aux hommes le moyen d’y échapper.

Puissent tous ceux de nos lecteurs qui ne sont pas encore nés de nouveau accepter ce que Jésus dit de leur cœur naturel dans les passages qui nous occupent et comprendre qu’avec une telle nature, il n’y a point d’amélioration à espérer! Alors ils seront heureux d’accepter le don de Dieu, la vie éternelle, au lieu de recevoir le salaire du péché, qui est la mort (Romains 6:23).

 

La femme Syrophénicienne1

1 Les Romains appelaient Syrophénicie la Phénicie pour la distinguer de la Syrie à laquelle ils l’avaient réunie.

(v. 24-30). — Jésus s’en alla vers les contrées de Tyr et de Sidon et entra dans une maison; il voulait que personne ne le sache. Mais dans ce pays, habité par des étrangers aux promesses faites à Israël, il trouva la foi chez une femme dont la fille avait un esprit immonde. Entendant parler de Jésus, cette femme vint se jeter à ses pieds, le priant de délivrer sa fille. Jésus lui répondit: « Laisse premièrement rassasier les enfants; car il ne convient pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens. Et elle répondit et lui dit: Oui, Seigneur; car même les chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants ». Nos lecteurs remarqueront encore ici que la différence entre ce récit et celui de Matthieu tient au caractère de l’Évangile. En Matthieu, où Jésus est présenté comme Messie, il maintient devant cette femme le caractère de Fils de David sous lequel elle l’avait interpellé, jusqu’au moment où sa foi lui fait prendre humblement sa place et trouve le cœur du Dieu de grâce, qui, sous ce rapport, est aussi bien le Dieu des nations que le Dieu des Juifs (voir Romains 3:29). Dans notre évangile, Jésus agit simplement comme le serviteur, envoyé aux Juifs premièrement. « Laisse premièrement rassasier les enfants; car il ne convient pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ». Et lorsque cette femme a pris sa place relativement aux Juifs, elle peut largement profiter des miettes que les Juifs foulaient à leurs pieds en méconnaissant Jésus. C’est parce qu’ils le rejetaient qu’il se trouvait dans ces confins. Jésus peut lui dire: « À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille ». La grâce de Dieu ne peut se limiter à un peuple; elle est pour tous, là où la foi se trouve, en dehors de toute question de dispensation. Pierre, l’apôtre des Juifs, est obligé de dire dans le cas de Corneille: « En vérité, je comprends que Dieu ne fait pas acception de personnes, mais qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice, lui est agréable » (Actes 10:34, 35).

 

Guérison d’un homme sourd

(v. 31-37). — Jésus revient vers la mer de Galilée en passant par le pays de Décapolis, contrée située au nord-est de la Palestine et habitée aussi par des Gentils. On lui amène un sourd qui parlait avec peine, et on le prie de lui imposer la main. « Et l’ayant tiré à l’écart, hors de la foule, il lui mit les doigts dans les oreilles; et ayant craché, il lui toucha la langue, et regardant vers le ciel, il soupira, et lui dit: Éphphatha, c’est-à-dire, ouvre-toi. Et aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, et le lien de sa langue se délia, et il parlait distinctement ». Cet homme est une image du résidu d’Israël que Jésus sépare de la nation incrédule, afin de le rendre capable d’entendre la voix de Dieu en Jésus et de pouvoir parler de lui, œuvre qui doit s’accomplir en tous, car, par nature, nous n’entendons pas le langage divin et ne pouvons parler de Dieu, ni le louer.

Jésus éprouvait profondément dans son âme à quel degré de misère son peuple était tombé, de même que tout homme. De son cœur, oppressé par un tel état, monte vers le ciel ce soupir humain autant que divin, soupir du Serviteur qui n’était rien moins que le Fils de Dieu, expression de l’amour de Dieu au milieu des ravages que le péché avait exercés sur sa créature. Il n’y a aucune ressource pour la misère de l’homme. Aussi Jésus regarde vers le ciel, d’où viennent les ressources divines. Son cœur n’a pas changé. Jésus connaît nos maux, nos peines; il s’y intéresse avec le même amour que celui qui l’a fait descendre ici-bas. C’est toujours en haut que nous devons regarder et faire monter nos requêtes; là montent ces soupirs inexprimables pour nous-mêmes, mais compris par celui qui connaît ce qui se passe dans nos faibles cœurs, étreints par les souffrances de tous genres.

Jésus ne voulait pas que ce miracle soit connu, mais plus il défendait de le dire, plus on le divulguait. « Ils étaient extrêmement étonnés, disant: il fait toutes choses bien; il fait entendre les sourds et parler les muets ». Tous doivent reconnaître la perfection des œuvres de Jésus. Ces paroles expriment sommairement le service tout entier que le Seigneur accomplissait ici-bas et ce qu’il fait encore: par la conversion, les oreilles s’ouvrent à la parole de Dieu et la langue se délie pour le louer et lui rendre témoignage. Et au travers de nos circonstances diverses souvent pénibles, nous pouvons aussi dire que Dieu fait toutes choses bien, lors même que nous ne le comprendrions pas, nous le savons. « Nous savons que toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu » (Romains 8:28).