Marc

Chapitre 5

Le démoniaque Légion

(v. 1-20). — Ce chapitre nous offre un autre tableau du ministère de Jésus et de l’état dans lequel il a trouvé l’homme, non plus seulement incapable de porter du fruit, mais placé sous la puissance du diable.

Arrivé à l’autre rive, au pays des Gergéséniens, Jésus fit la rencontre d’un démoniaque extraordinaire, qui demeurait dans les sépulcres, si fort qu’il mettait en pièces les fers et les chaînes avec lesquels on avait essayé de le lier. De nuit et de jour, il errait dans les sépulcres et les montagnes, criant et se meurtrissant avec des pierres (v. 5). Dieu seul peut nous donner un tableau semblable de l’état de l’homme asservi à Satan, car Lui seul peut apprécier les effets de cette puissance sur sa créature. Il avait destiné l’homme à jouir librement de tout ce qu’il avait placé dans la riche et belle création pour son bonheur, là où il n’y avait qu’exubérance de vie, sans péché ni douleur. Aussi quelle différence, lorsque l’homme eut écouté la voix du séducteur! Quelle déchéance, quelle oppression, quelle ruine et quelles souffrances! La vie ne fut que peine et douleur, et cette terre, d’où devait jaillir l’abondance, s’ouvrit pour recevoir les morts; elle devint un cimetière. L’homme ne demeure pas au milieu d’un tel état sans chercher à y remédier. Il essaie d’enchaîner la puissance de Satan par la lutte contre les excès de tous genres: violence, ivrognerie, immoralité, mais les succès ne sont qu’apparents; les liens se rompent à mesure, et le même état subsiste. Voilà le milieu où le Fils de Dieu vint apporter le seul moyen efficace pour délivrer l’homme; aussi avec quelle joie et quelle reconnaissance n’aurait-on pas dû l’accueillir lorsqu’il apparut! Nous savons qu’il n’en fut rien, ce que montre, du reste, la fin de ce récit. De même que dans les cas précédents, ce démoniaque, qui se nommait Légion, car plusieurs démons le possédaient, reconnut Jésus comme le Fils de Dieu. Le voyant de loin « il courut et se prosterna devant lui; et, criant avec une voix forte, il dit: Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas. Car il lui disait: Sors de cet homme, esprit immonde!... Et il y avait là, vers la montagne, un grand troupeau de pourceaux qui paissait. Et ils le prièrent, disant: Envoie-nous dans les pourceaux ». Jésus le leur ayant permis, les démons entrèrent dans les pourceaux qui se ruèrent du haut de la côte dans la mer. Voyant ce qui avait eu lieu, les porchers s’enfuirent et le racontèrent dans la ville et les campagnes. Ceux qui vinrent voir ce qui était arrivé, trouvèrent le démoniaque, assis, vêtu et dans son bon sens. Loin de se réjouir de la délivrance de ce malheureux, ces gens eurent peur et prièrent Jésus de se retirer de leur territoire. Ils se trouvaient sous une autre forme de l’activité de Satan, qui agit subtilement dans les cœurs pour les empêcher de recevoir Jésus, seul capable de délivrer l’homme. Ainsi l’ennemi peut continuer son œuvre au milieu de ceux qui l’écoutent. La chair a toujours quelque chose à perdre en recevant Jésus; pour l’éviter, elle le renvoie. C’était honteux de trouver sur la terre de Canaan un troupeau de ces animaux impurs dont Moïse avait défendu l’usage, mais c’était bien pire de les préférer à Jésus. L’homme aime la désobéissance et le joug de Satan mieux que la présence du Fils de Dieu, présence qui délivre, mais qui apporte la lumière dans laquelle le mal ne peut s’accomplir. « Les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière: car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jean 3:19).

Comme Jésus montait dans la barque pour s’en aller, le démoniaque guéri lui demanda la permission de rester avec lui. Jésus ne la lui accorda pas, mais lui dit: « Va dans ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait, et comment il a usé de miséricorde envers toi ». Le désir de cet homme était bien compréhensible. Être avec le Seigneur est le souhait de tous ceux qu’il a sauvés. Mais il y a un témoignage à rendre au milieu de ceux qui l’ont rejeté, en attendant l’heureux moment d’être avec lui. Il faut faire connaître la grâce dont nous sommes les objets et commencer dans sa propre maison. « Va dans ta maison, vers les tiens », dit le Seigneur. C’est quelquefois difficile, parce que nous sentons que le témoignage que nous rendons n’est pas toujours conforme à nos paroles; mais laissons régler notre vie par la Bible et nous pourrons imiter cet homme, non seulement dans nos familles, mais partout. « Il s’en alla, et se mit à publier en Décapolis tout ce que Jésus lui avait fait; et tous s’en étonnaient ».

Ce démoniaque guéri représente ceux qui, en Israël, après avoir profité de la présence de Jésus, rendirent témoignage depuis son départ, tandis que le peuple qui l’a rejeté est resté sous la puissance de l’ennemi. Semblable au troupeau de pourceaux qui se rua dans la mer, il fut chassé parmi les nations et, pour ainsi dire, étouffé comme peuple, condition dans laquelle il demeurera jusqu’au moment où il regardera « vers Celui qu’ils ont percé », après un temps de terribles épreuves.

 

La fille de Jaïrus

(v. 21-43). — Chassé du pays des Gadaréniens, Jésus aborde à l’autre rive où une multitude nombreuse l’entoure aussitôt. Dès le début de son ministère dans cet évangile, nous le voyons constamment entouré par les foules, dont il est le serviteur dévoué, toujours prêt à répondre à l’appel de la foi.

Un chef de synagogue, nommé Jaïrus, vint à Jésus et, se jetant à ses pieds, le supplia instamment, disant: « Ma fille est à l’extrémité, je te prie de venir et de lui imposer les mains, afin qu’elle soit sauvée, et qu’elle vive ». Jésus s’en alla avec lui, accompagné d’une grande masse de gens qui le pressaient.

Dans la foule se trouvait une femme malade depuis douze ans, qui avait souffert de beaucoup de médecins, et dépensé en vain tout son bien, car son état allait en empirant. Ayant entendu parler de Jésus, elle vint par derrière et toucha son vêtement, car elle disait: « Si je touche, ne fût-ce que ses vêtements, je serai guérie ». La foi de cette femme ne resta pas sans réponse: elle s’aperçut aussitôt qu’elle était guérie. Jésus, sachant qu’une puissance était sortie de lui, demanda qui l’avait touché, et comme il regardait tout à l’entour pour voir qui avait fait cela, ses disciples lui dirent: « Tu vois la foule qui te presse, et tu dis: Qui m’a touché? » En effet, la foule le pressait; mais il y a une différence entre de vrais besoins que la foi met en contact avec le Seigneur, et la foule qui, tout en admirant Jésus et trouvant son plaisir à le suivre, n’était pas en rapport direct avec lui par la foi. La femme, se voyant découverte, vint en tremblant se jeter aux pieds de son Sauveur et lui déclara toute la vérité. Craignait-elle un reproche? Au lieu d’un reproche, elle entendit, de la bouche du Seigneur, la confirmation de ce qu’elle avait éprouvé, car il lui dit: « Ma fille, ta foi t’a guérie; va en paix, et sois guérie de ton fléau ».

Beaucoup de personnes ont eu la foi pour venir à Jésus, sachant que lui seul pouvait les sauver, mais se retirent, pour ainsi dire, après avoir eu la paix, sans se mettre en relation pratique avec le Seigneur et sans rendre témoignage devant le monde. Personne dans la foule ne les sait converties; elles ne jouissent pas des précieuses déclarations du Seigneur qui affermiraient leur foi, et elles le privent du témoignage qui lui est dû pour tout ce qu’il a fait pour elles. Aussi elles ne peuvent progresser dans la connaissance de son amour. Jésus voudrait les rendre heureuses; comme avec la femme qui nous occupe, il cherche ceux qu’il a sauvés, afin de leur mieux communiquer la connaissance de lui-même.

Souvenez-vous de cela, chers lecteurs; ne demeurez pas inconnus dans la foule, si vous possédez le pardon de vos péchés; vous devez au Seigneur une confession franche de ce qu’il a fait pour vous, et ce sera pour vous le moyen de progresser dans la jouissance de sa grâce.

Jésus parlait encore, que des gens de la maison de Jaïrus vinrent lui dire: « Ta fille est morte; pourquoi tourmentes-tu encore le maître? » Mais Jésus, ayant entendu cela, dit au chef de synagogue: « Ne crains pas, crois seulement ». L’amour et la puissance étaient là en Jésus: amour parfait que la misère de l’homme avait attiré ici-bas, et puissance à laquelle rien ne pouvait résister, qui attendaient le contact de la foi: « Crois seulement »: c’est tout ce que Dieu demande au pauvre pécheur; c’est ce qu’il demande aux siens dans toutes leurs difficultés.

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et ne permet à personne de le suivre, sinon au père et à la mère de l’enfant. Il met hors de la maison les pleureurs et ceux qui poussaient des cris de désolation, selon les coutumes orientales en cas de mort, en leur disant: « Pourquoi faites-vous ce tumulte, et pourquoi pleurez-vous? L’enfant n’est pas morte, mais elle dort. Et ils se riaient de lui ». Pour Dieu, la mort est un sommeil qui ne peut se prolonger en sa présence. Jésus prit la main de l’enfant et « lui dit: Talitha coumi »; ce qui, interprété, est: Jeune fille, je te dis, lève-toi. Et aussitôt la jeune fille se leva et marcha, car elle avait douze ans; et ils furent transportés d’une grande admiration. Et il leur enjoignit fort que personne ne le sût; et il dit qu’on lui donnât à manger ».

Dans cet évangile tout particulièrement, le Seigneur ne veut pas que ses œuvres alimentent la curiosité du monde. Il y a une différence entre rendre témoignage à la grâce de Dieu, après en avoir été l’objet, et rapporter des faits merveilleux et intéressants, tels que ceux que Jésus accomplissait, comme des nouvelles qui étonnent des gens sans besoins. Serait-on aussi pressé aujourd’hui de raconter au monde sa conversion, que de rapporter un miracle quelconque, s’il avait lieu? On comprend facilement pourquoi le Seigneur dit au démoniaque guéri d’aller raconter dans sa maison les grandes choses qu’il lui avait faites, et pourquoi ici il défend de parler de la résurrection de cette jeune fille.

Le divin Serviteur n’a pas besoin de la réputation du monde, pas plus que ceux qu’il emploie à son service. L’approbation du Maître suffit; il la donne dans le secret. Au jour où tout sera manifesté, cette approbation deviendra publique, et tout contribuera à la gloire de Dieu.

Ces deux récits exposent aussi au figuré le service de Jésus ici-bas. Il était venu pour guérir Israël mourant, tel qu’était la fille de Jaïrus, et qui, comme elle, mourut; mais si sa guérison était impossible dans l’état où il se trouvait, si la mort est la fin de l’homme et d’Israël selon la chair, Dieu possède la puissance pour ressusciter. C’est ce que le Seigneur accomplira pour son peuple à la fin, selon Ézéchiel 37. En attendant ce moment-là, tous ceux qui sentent leur état de perdition, comme la femme qui toucha Jésus, peuvent venir par la foi profiter individuellement des ressources de la grâce et être sauvés. Cette œuvre s’accomplit, depuis les jours où Jésus était ici-bas, jusqu’à son retour. Qu’il en soit mille fois loué, et qu’il veuille agir dans le cœur d’un plus grand nombre encore, afin que beaucoup soient sauvés pendant que dure le temps de la grâce et en attendant la résurrection d’Israël!