Lévitique

Chapitres 18 à 20

Cette portion du Lévitique nous montre, d’une manière fort remarquable, ce que l’Éternel attendait, en fait de sainteté personnelle et de pureté morale, de la part de ceux qu’il avait bien voulu mettre en rapport avec lui-même; et en même temps, ces chapitres offrent un tableau des plus humiliantes des énormités dont la nature humaine est capable.

«L’Éternel parla à Moïse, disant: Parle aux fils d’Israël, et dis-leur: Moi, je suis l’Éternel, votre Dieu». Nous avons ici la base de tout l’édifice de conduite morale que présentent ces chapitres. Les œuvres des Israélites devaient se régler sur le fait que l’Éternel était leur Dieu. Ils étaient appelés à se comporter d’une manière digne d’une si haute et si sainte position. Dieu avait le droit de prescrire le caractère spécial et la ligne de conduite qui convenait à un peuple auquel il avait daigné associer son nom. De là la répétition de ces expressions: «Je suis l’Éternel». «Je suis l’Éternel, votre Dieu». «Moi, l’Éternel votre Dieu, je suis saint». L’Éternel était leur Dieu, et il était saint, par conséquent ils étaient aussi appelés à être saints. Son nom était impliqué dans leur caractère et dans leur conduite.

C’est là le vrai principe de la sainteté pour les enfants de Dieu, dans tous les temps. Ils doivent être gouvernés et caractérisés par la révélation qu’il a faite de lui-même. Leur conduite doit dépendre de ce qu’il est, et non de ce qu’ils sont par eux-mêmes. Cela laisse entièrement de côté le principe exprimé par ces paroles: «Retire-toi, je suis plus saint que toi»; principe si justement répudié par toute âme délicate. Ce n’est pas la comparaison d’un homme avec un autre, mais un simple exposé de la ligne de conduite que Dieu attend de ceux qui lui appartiennent. «Vous ne ferez pas ce qui se fait dans le pays d’Égypte où vous avez habité, et vous ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Canaan où je vous fais entrer, et vous ne marcherez pas selon leurs coutumes». Les Égyptiens et les Cananéens étaient plongés dans le mal. Comment Israël devait-il le savoir? Qui le leur dit? Et comment pouvaient-ils avoir raison, et tous les autres tort? Ce sont là des questions intéressantes; et la réponse est aussi simple que les questions sont importantes. La parole de l’Éternel était la règle par laquelle toutes les questions de bien et de mal devaient être définitivement résolues au jugement de tout membre de l’Israël de Dieu. Ce n’était nullement le jugement d’un Israélite, mis en opposition avec le jugement d’un Égyptien ou d’un Cananéen; mais c’était le jugement de Dieu avant tout. L’Égypte et Canaan pouvaient avoir leurs pratiques et leurs opinions, mais Israël devait avoir les opinions et les pratiques prescrites dans la parole de Dieu. «Vous pratiquerez mes ordonnances, et vous garderez mes statuts pour y marcher. Moi je suis l’Éternel, votre Dieu. Et vous garderez mes statuts et mes ordonnances, par lesquels, s’il les pratique, un homme vivra. Moi, je suis l’Éternel».

Il est à désirer que mon lecteur ait une intelligence claire, profonde, pleine et pratique de cette vérité. C’est à la parole de Dieu à décider toute question morale et à gouverner chaque conscience. Ses décisions solennelles doivent être sans appel. Quand Dieu parle, tous les cœurs doivent plier. Les hommes peuvent former et soutenir leurs opinions; ils peuvent adopter et défendre leurs pratiques; mais l’un des plus beaux traits du caractère de «l’Israël de Dieu», c’est un profond respect et une soumission implicite pour «toute parole qui sort de la bouche du Seigneur». La manifestation de ce trait précieux les exposera peut-être à être accusés de dogmatisme, de présomption, de suffisance, de la part de ceux qui n’ont jamais sérieusement pesé ce sujet; mais, en vérité, rien ne ressemble moins au dogmatisme que la simple sujétion à la claire vérité de Dieu; rien ne ressemble moins à la présomption que le respect pour les enseignements de la Parole; rien ne ressemble moins à la suffisance que la soumission à l’autorité divine des Saintes Écritures.

Il est vrai qu’il y aura toujours besoin de précautions quant à la manière et au ton dont nous rendons raison de nos convictions et de notre conduite. Il faut qu’il soit, autant que possible, évident que nous sommes entièrement dirigés, non par nos propres opinions, mais par la parole de Dieu. Il y a un grand danger à attacher de l’importance à une opinion, uniquement parce que nous l’avons adoptée. Il faut prendre bien garde à cela. Le moi peut se glisser et déployer sa laideur dans la défense de nos opinions, aussi bien que dans toute autre chose; mais nous devons le rejeter sous toutes ses formes et, en toutes choses, être gouvernés par: «Ainsi a dit l’Éternel».

D’un autre côté, nous ne devons pas nous attendre à ce que chacun soit prêt à admettre toute l’autorité des statuts et jugements divins. C’est en proportion que l’on marche dans l’intégrité et dans l’énergie de la nature divine, que la parole de Dieu sera reconnue, appréciée et révérée. Un Égyptien ou un Cananéen aurait été tout à fait incapable de comprendre le sens ou d’apprécier la valeur des statuts et des ordonnances qui devaient diriger la conduite du peuple circoncis de Dieu, mais cela n’affectait en rien la question de l’obéissance d’Israël. Ils avaient été amenés dans de certaines relations avec l’Éternel, et ces relations avaient leurs privilèges et leurs responsabilités respectifs. «Je suis l’Éternel votre Dieu». Ce devait être là la base de leur conduite. Ils devaient marcher d’une manière digne de Celui qui était devenu leur Dieu et qui les avait faits son peuple Ce n’est pas qu’ils fussent en rien meilleurs que les autres peuples. Nullement. Les Égyptiens et les Cananéens auraient pu croire que les Israélites se posaient comme leur étant supérieurs, en refusant d’adopter les coutumes de l’une ou de l’autre nation. Mais non; la raison de leur ligne de conduite et le principe de leur moralité particulière étaient posés par ces mots: «Je suis l’Éternel votre Dieu».

Dans ce grand fait, d’une importance si pratique, l’Éternel plaçait devant son peuple une base de conduite qui était inébranlable, et une règle de moralité qui était aussi élevée et aussi durable que le trône éternel lui-même. Du moment qu’il entrait en relations avec son peuple, il fallait que leurs mœurs revêtissent un caractère et un ton dignes de lui. Il ne s’agissait plus de ce qu’ils étaient, soit en eux-mêmes, soit relativement à d’autres, mais de ce que Dieu était en comparaison de tous. Cela fait une différence essentielle. Faire du moi le principe d’action ou la règle de la morale, c’est non seulement une présomptueuse folie, mais le sûr moyen de faire descendre un homme sur l’échelle morale. Si j’ai le moi pour objet, je descendrai, nécessairement, chaque jour de plus bas en plus bas; mais, d’un autre côté, si je place le Seigneur devant moi, je m’élèverai de plus en plus haut, à mesure que, par la puissance du Saint Esprit, je croîtrai en conformité avec ce modèle parfait qui se montre aux yeux de la foi dans les pages sacrées. Je devrai, sans doute, me prosterner dans la poussière, en sentant à quelle immense distance je suis encore du modèle qui m’est proposé; mais cependant je ne saurais jamais consentir à accepter une règle moins élevée, et je ne serai jamais satisfait jusqu’à ce que je sois rendu conforme, en toutes choses, à Celui qui a été mon Substitut sur la croix, et qui est mon Modèle dans la gloire.

Tel est le grand principe de la section qui nous occupe, — principe d’une importance ineffable pour les chrétiens, au point de vue pratique. Il est inutile d’entrer dans un exposé détaillé de statuts qui s’expliquent eux-mêmes dans les termes les plus clairs. Je ferai seulement remarquer que ces statuts se rangent sous deux classes distinctes: ceux qui montrent jusqu’à quelles honteuses énormités le cœur humain peut se laisser aller, et ceux qui témoignent de l’exquise tendresse et des soins prévenants du Dieu d’Israël.

Quant aux premiers, il est évident que l’Esprit de Dieu n’aurait jamais donné des lois dans le but de prévenir des crimes qui n’existent pas. Il ne construit pas une digue là où il n’y a pas d’inondation à craindre ou à combattre. Il n’a pas affaire avec des idées abstraites, mais avec de positives réalités. L’homme est, en effet, capable de commettre chacun des crimes honteux mentionnés dans cette partie fidèle du Livre du Lévitique. S’il ne l’était pas, pourquoi lui serait-il dit de s’en garder? Un code semblable ne conviendrait nullement aux anges, puisqu’ils sont incapables de commettre de tels péchés, mais il convient à l’homme parce qu’il a, dans sa nature, le germe de ces péchés. C’est profondément humiliant. C’est une nouvelle déclaration de cette vérité, que l’homme est dans une complète ruine. Du sommet de sa tête, à la plante de ses pieds, il n’y a pas même une seule petite place moralement saine, lorsqu’on le considère à la lumière de la présence divine. L’être pour lequel l’Éternel a jugé nécessaire de faire écrire les chapitres 18-28 du Lévitique, doit être un abominable pécheur; mais cet être c’est l’homme — celui qui écrit et celui qui lit ces lignes. Comme il est donc évident que «ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu!» (Rom. 8). Grâces à Dieu, le croyant n’est «pas dans la chair, mais dans l’Esprit». Il a été complètement sorti de son état dans la vieille création, et introduit dans la nouvelle création, où les péchés moraux, dont il est parlé dans nos chapitres, ne sauraient exister. Il a toujours, il est vrai, la vieille nature, mais il a l’heureux privilège de la compter comme une chose morte et de marcher dans la puissance constante de la nouvelle création, où «toutes choses sont de Dieu». C’est ici la liberté chrétienne — liberté de marcher en tous sens dans cette belle création, où aucune trace de mal ne saurait se trouver; liberté sacrée de marcher en sainteté et en pureté devant Dieu et les hommes; liberté de fouler ces sentiers élevés de la sainteté personnelle, sur lesquels les rayons de la face divine versent leur brillant éclat. Voilà, lecteur, ce qu’est la liberté chrétienne. C’est la liberté, non pas de commettre le péché, mais de goûter les douceurs célestes d’une vie de véritable sainteté et d’élévation morale. Puissions-nous apprécier, mieux que nous ne l’avons jamais fait, cette précieuse grâce du ciel — la liberté chrétienne!

Un mot, maintenant, sur la seconde classe de statuts contenus dans notre section, savoir ceux qui témoignent, d’une manière si touchante, de la tendresse et de la sollicitude de Dieu. Prenez les suivants: «Et quand vous ferez la moisson de votre terre, tu n’achèveras pas de moissonner les coins de ton champ et tu ne glaneras pas la glanure de ta moisson. Et tu ne grappilleras pas ta vigne, ni ne recueilleras les grains tombés de ta vigne; tu les laisseras pour le pauvre et pour l’étranger. Moi, je suis l’Éternel, votre Dieu» (Chap. 19:9, 10). Nous retrouverons cette ordonnance au chapitre 23; mais là, nous la verrons sous son point de vue dispensationnel. Ici, nous la contemplons au moral, manifestant la grâce précieuse du Dieu d’Israël. Il pensait au «pauvre et à l’étranger», et il voulait que son peuple y pensât également. Quand les gerbes dorées étaient récoltées et les grappes mûres recueillies, l’Israël de Dieu devait se souvenir «du pauvre et de l’étranger» parce que l’Éternel était le Dieu d’Israël. Le moissonneur et le vendangeur ne devaient pas être dominés par un esprit d’avare cupidité, qui aurait dépouillé les coins du champ et les sarments de la vigne, mais plutôt par un esprit de large et sincère bienfaisance, qui laissait une gerbe et des grappes «pour le pauvre et pour l’étranger», afin qu’eux aussi pussent se réjouir de la bonté sans bornes de Celui dont les sentiers distillent la graisse, et sur la main ouverte duquel tous les pauvres peuvent regarder avec confiance.

Nous trouvons, dans le livre de Ruth, un bel exemple d’un homme qui pratiquait à la lettre cette clémente ordonnance. «Et, au temps du repas, Boaz lui dit (à Ruth): Approche-toi ici, et mange du pain, et trempe ton morceau dans le vinaigre. Et elle s’assit à côté des moissonneurs, et il lui tendit du grain rôti; et elle mangea, et fut rassasiée, et en laissa de reste. Et elle se leva pour glaner; et Boaz commanda à ses jeunes hommes, disant: Qu’elle glane même entre les gerbes, et ne lui en faites pas de reproche; et vous tirerez aussi pour elle quelques épis des poignées, et vous les laisserez; et elle les glanera, et vous ne l’en reprendrez pas». (Ruth 2:14-16). Quelle grâce touchante! Il est bon, pour nos pauvres cœurs égoïstes, d’être mis en contact avec de tels principes et de telles pratiques. C’était bien le désir de ce noble Israélite, que «l’étrangère» trouvât abondance de grain, et cela, plutôt comme le fruit de son travail en glanant que comme résultat de sa bienfaisance à lui. C’était vraiment de la délicatesse. C’était la mettre en rapport immédiat avec le Dieu d’Israël, et la faire dépendre de Celui qui avait pourvu aux besoins du «glaneur». Boaz accomplissait cette loi de miséricorde, dont Ruth recueillait les avantages. La même grâce qui avait donné le champ à Boaz, donnait les glanures à la jeune étrangère. Ils étaient, l’un et l’autre, les débiteurs de la grâce. Elle était l’heureux objet de la bonté de l’Éternel. Il était le très honoré administrateur de la belle institution de l’Éternel. Tout était dans l’ordre moral le plus admirable. La créature était bénie et Dieu était glorifié. Qui ne reconnaîtra qu’il est bon pour nous de pouvoir respirer une semblable atmosphère?

Voyons, maintenant, une autre des lois de notre section: «Tu n’opprimeras pas ton prochain, et tu ne le pilleras pas. Le salaire de ton homme à gages ne passera pas la nuit chez toi jusqu’au matin». (Chap. 19:13). Quelle tendre sollicitude nous trouvons ici! Le Seigneur Tout-Puissant qui habite l’Éternité peut prendre connaissance des pensées et des sentiments qui s’élèvent dans le cœur d’un pauvre ouvrier. Il tient compte des espérances d’un tel homme à l’égard du fruit de sa journée de travail. Il est naturel qu’il attende son salaire. Le cœur de l’ouvrier y compte; le repas de la famille en dépend! Oh! qu’on ne le lui retienne pas! Ne renvoyez pas l’ouvrier chez lui le cœur oppressé, pour assombrir aussi le cœur de sa femme et de ses enfants. En tous cas, donnez-lui donc ce pour quoi il a travaillé, ce à quoi il a droit, et à quoi son cœur tient. Il est mari, il est père, et il a supporté le faix et la chaleur du jour pour que sa femme et ses enfants n’aillent pas se coucher à jeun. Ne le désappointez pas. Donnez-lui ce qui lui est dû. C’est ainsi que notre Dieu fait attention même aux battements du cœur du travailleur, et pourvoit à ce que son attente ne soit point trompée. Quelle grâce! quel amour tendre, attentif et touchant! La seule contemplation de telles lois suffit pour nous pousser à la bienveillance. Quelqu’un pourrait-il lire ces passages et ne pas être touché? Quelqu’un pourrait-il les lire et renvoyer légèrement un pauvre ouvrier, sans savoir si lui et sa famille ont de quoi satisfaire leur faim?

Rien ne saurait être plus pénible à un cœur tendre, que le manque de considération affectueuse envers les pauvres, qui se rencontre si souvent chez les riches. Ces derniers peuvent s’asseoir, pour prendre leurs somptueux repas, après avoir repoussé de leur porte quelque pauvre laborieux qui était venu demander le juste paiement de son honnête travail. Ils ne pensent pas au cœur blessé que cet homme remporte dans sa famille, pour raconter aux siens son mécompte et le leur. Oh! c’est terrible. Une telle manière de faire est abominable aux yeux de Dieu et de tous ceux qui se sont, en quelque mesure, abreuvés de sa grâce. Si nous voulons savoir ce que Dieu en pense, nous n’avons qu’à prêter l’oreille à ces accents de sainte indignation: «Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs et duquel ils ont été frustrés par vous, crie, et les cris de ceux qui ont moissonné sont parvenus aux oreilles du Seigneur Sabaoth» (Jacq. 5:4). «Le Seigneur Sabaoth» entend le cri de l’ouvrier affligé et déçu dans son attente. Son tendre amour se manifeste dans les institutions de son gouvernement moral, et lors même que le cœur ne serait pas fondu par la grâce de ces institutions, leur justice devrait, au moins, diriger la conduite. Dieu ne veut pas souffrir que les droits des pauvres soient cruellement jetés de côté par ceux qui sont endurcis par l’influence des richesses, au point d’être insensibles aux appels de la compassion, étant eux-mêmes tellement au-dessus du besoin, qu’ils sont incapables de sympathiser avec ceux qui doivent passer leurs jours au milieu de travaux fatigants et dans la pauvreté. Les pauvres sont l’objet spécial de la sollicitude de Dieu. Il s’occupe d’eux maintes et maintes fois, dans les statuts de son administration morale, et voici ce qui est dit expressément de Celui qui prendra, avant qu’il soit longtemps, les rênes du gouvernement dans sa gloire manifestée: «Il délivrera le pauvre qui crie à lui, et l’affligé qui n’a pas de secours. Il aura compassion du misérable et du pauvre, et il sauvera les âmes des pauvres, Il rachètera leur âme de l’oppression et de la violence, et leur sang sera précieux à ses yeux» (Ps. 72:12-14).

Puissions-nous retirer quelque profit de la considération de ces vérités précieuses et profondément pratiques! Puissent nos cœurs en être touchés et notre conduite influencée! Nous vivons dans un monde sans cœur, et il y a en nous beaucoup d’égoïsme. Nous ne sommes pas assez sensibles aux besoins des autres. Nous sommes enclins à négliger les pauvres au milieu de notre abondance. Nous oublions souvent que ceux-là mêmes dont le travail contribue à notre bien-être vivent, peut-être, dans la plus grande pauvreté. Pensons à ces choses. Prenons garde «de broyer la face des pauvres» (És. 3:15). Si les lois et les ordonnances de l’économie mosaïque enseignaient aux Juifs à nourrir des sentiments affectueux envers les pauvres, et à traiter les fils du travail avec affection et bienveillance, combien plus la morale, bien plus élevée et plus spirituelle, de la dispensation évangélique devrait-elle produire, dans le cœur et dans la vie de chaque chrétien, des sentiments de large bienfaisance envers l’indigence sous toutes ses formes.

Il est vrai qu’il faut beaucoup de prudence et de précaution, de peur que nous ne fassions sortir un homme de la position honorable qui lui fut assignée et qui lui convient — position de dépendance du fruit précieux et positif d’un honnête travail. Ce serait un tort grave, au lieu d’un bienfait. L’exemple de Boaz devrait nous servir à cet égard. Il permit à Ruth de glaner, mais il prit soin que son travail lui fût profitable. C’est là un principe très utile et très simple. Dieu veut que l’homme travaille, d’une manière ou d’une autre, et nous allons contre sa volonté lorsque nous faisons sortir un de nos semblables de la dépendance des résultats de son travail, pour le mettre dans celle des résultats d’une fausse bienveillance. La première est aussi honorable et élevée que la seconde est démoralisante et méprisable. Il n’y a pas de pain aussi doux que celui qui est noblement gagné; mais il faudrait que ceux qui gagnent leur pain en eussent suffisamment. Un homme nourrit et soigne ses chevaux; à combien plus forte raison devra-t-il faire de même pour son semblable, qui travaille pour lui depuis le lundi matin jusqu’au samedi soir!

Mais, dira quelqu’un: «Il y a deux côtés à cette question». Sans doute, et il est vrai qu’on rencontre, parmi les pauvres, beaucoup de choses qui tendent à endurcir le cœur et à fermer la main; mais une chose est certaine — c’est qu’il vaut mieux être trompé quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, que de refuser sa compassion à un seul malheureux qui en serait digne. Notre Père céleste fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il envoie sa pluie sur les justes et sur les injustes. Les mêmes rayons, qui réjouissent le cœur de quelque serviteur dévoué de Christ, sont versés aussi sur le sentier de quelque impie pécheur; et la même ondée, qui tombe sur le champ d’un vrai croyant, enrichit aussi les sillons de quelque infidèle blasphémateur. Voici quel doit être notre modèle: «Vous, soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait» (Matt. 5:48). Ce n’est qu’en plaçant le Seigneur devant nous, et en marchant dans la force de sa grâce, que nous pouvons cheminer, de jour en jour, et rencontrer, avec un cœur compatissant et une main ouverte, toutes les formes de la misère humaine. Ce n’est que quand nous nous abreuvons nous-mêmes à la fontaine inépuisable de l’amour et de la bonté divine, que nous pouvons continuer à soulager les besoins de nos semblables, sans nous laisser rebuter par les fréquentes manifestations de la dépravation humaine. Nos pauvres petites sources seraient bientôt taries, si elles n’étaient maintenues, en rapport non interrompu, avec la source toujours jaillissante.

Le statut, qui se présente ensuite à notre examen, témoigne encore, d’une manière touchante, de la tendre sollicitude du Dieu d’Israël. «Tu ne maudiras pas le sourd, et tu ne mettras pas d’achoppement devant l’aveugle; mais tu craindras ton Dieu. Moi, je suis l’Éternel» (Vers. 14). Une barrière est élevée ici, pour arrêter les flots d’impatience qu’une nature indisciplinée ne manquerait pas d’éprouver pour l’infirmité de la surdité. Comme nous pouvons bien comprendre cela! L’homme naturel n’aime pas à être appelé à répéter ses paroles, comme le demande l’infirmité du sourd. L’Éternel avait pensé à cela et y avait pourvu. Et par quel moyen? «Tu craindras ton Dieu». Quand ta patience sera mise à l’épreuve par une personne sourde, souviens-toi du Seigneur, et regarde à lui pour avoir la grâce de pouvoir surmonter ton tempérament.

La seconde partie de ce verset révèle un humiliant degré de méchanceté dans la nature humaine. Mettre une pierre d’achoppement sur le chemin de l’aveugle est presque la cruauté la plus lâche qu’on puisse imaginer, et pourtant l’homme en est capable; sans cela il ne serait pas exhorté de cette sorte. Sans doute que ceci, de même que beaucoup d’autres statuts, est susceptible d’une application spirituelle, mais cela n’ôte rien au sens littéral du principe exposé. L’homme est capable de mettre une pierre d’achoppement devant un de ses semblables, affligé de cécité. Tel est l’homme! Assurément, le Seigneur savait ce qui était en l’homme, quand il écrivit les statuts et les jugements du Livre du Lévitique.

Je laisserai mon lecteur méditer seul sur la fin de notre section. Il verra que chaque ordonnance enseigne une double leçon — leçon sur les mauvaises tendances de nôtre nature, et aussi leçon sur la tendre sollicitude de l’Éternel1.

1 Les versets 16 et 17 demandent une attention spéciale: «Tu n’iras point çà et là médisant parmi ton peuple». C’est une recommandation qui convient aux enfants de Dieu de tous les temps. Un médisant fait un mal incalculable. On a dit, avec raison, qu’il fait tort à trois personnes — à lui-même, à celui qui écoute et à celui dont il dit du mal. C’est ce qu’il fait d’une manière directe; et, quant aux conséquences indirectes, qui pourra les énumérer? Gardons-nous soigneusement de cet affreux péché. Ne laissons jamais une médisance s’échapper de nos lèvres, et ne nous arrêtons jamais pour écouter un médisant. Puissions-nous toujours savoir repousser avec un visage sévère la langue qui médit en secret, comme le vent du nord enfante les averses (Prov. 25:23).

Au verset 17, nous voyons ce qui doit prendre la place de la médisance: «Tu ne manqueras pas à reprendre ton prochain et tu ne porteras pas de péché à cause de lui». Au lieu de dire du mal de mon prochain à un autre, je suis appelé à aller à lui directement et à le reprendre, s’il y a lieu. C’est la méthode divine. La méthode de Satan est d’aller médisant.