Lamentations

Chapitre 4

Après la confession si complète du chapitre 3, et la confiance absolue que ce qui est arrivé au prophète (type de Christ) sera aussi la part de Jérusalem, mais avant que la réponse lui soit encore donnée, le chapitre 4 nous présente le tableau de sa complète déchéance; il est comme une récapitulation faite par l’Éternel de la perte des bénédictions premières. La ruine totale est décrite, et comme reconstituée et détaillée, en sorte qu’aucun trait ne manque au tableau. C’est alors que la parole de la délivrance retentit enfin aux oreilles de Jérusalem.

 

Première division — versets 1-6

«Comment l’or est-il devenu obscur, et l’or fin a-t-il été changé! Comment les pierres du lieu saint sont-elles répandues au coin de toutes les rues! Les fils de Sion, si précieux, estimés à l’égal de l’or fin, comment sont-ils réputés des vases de terre, ouvrage des mains d’un potier?» (v. 1, 2).

Ces versets mettent en contraste ce que Dieu avait établi au commencement avec la déchéance actuelle et les terribles conséquences qu’elle a entraînées. Dieu avait établi les fils de Sion comme l’or fin, comme les pierres précieuses du lieu saint. Qu’avaient-ils fait de ces dons divins, de ces privilèges élevés? L’or avait perdu son brillant, les pierres du temple étaient devenues des moellons vulgaires, les vases d’or étaient changés en vases de terre, en vases à déshonneur. Ce tableau n’est pas celui d’Israël seulement, mais celui de tout témoignage sorti de la main de Dieu et confié à la responsabilité de l’homme; toujours il aboutit à la ruine. L’histoire de la chrétienté en est la preuve.

La ruine de Jérusalem s’était fait sentir jusque dans les affections en apparence les plus indestructibles, dans l’amour des mères pour leurs enfants. Le plus cruel égoïsme s’était emparé d’elles; comme les autruches du désert, elles avaient abandonné leur progéniture (Job 39:16-19). Aussi la conséquence de cette iniquité ne se fait pas attendre; les nourrissons manquent de tout au jour de la famine. Cette dernière atteint les riches et ceux qui, habitués au luxe, ne se refusaient rien. La peine de l’iniquité de Jérusalem est plus grande que celle de Sodome.

On voit dans ces versets non pas le châtiment de Jérusalem, épouse infidèle, ni celui de sa conduite coupable envers l’Éternel et envers son prophète, mais celui d’un égoïsme qui n’observe plus les liens formés par Dieu et se complaît dans les jouissances du luxe et de la mollesse. Ne retrouvons-nous pas ici les principes actuels du monde chrétien, principes qui l’ont conduit aux catastrophes qui pèsent aujourd’hui sur lui? Le jugement de Dieu sur cet état de choses était juste, car toutes les bénédictions initiales avaient été méprisées pour la satisfaction des convoitises mondaines. Que reste-t-il maintenant à Jérusalem coupable? La ruine est complète. Notez qu’il n’est pas question ici de l’ennemi comme instrument du jugement, mais des conséquences nécessaires de l’abandon des bénédictions premières.

 

Seconde division — versets 7-10

Elle nous présente le contraste entre les Nazaréens d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. Au commencement l’on trouvait la sainteté et la consécration, la pureté pratique, établie par Dieu lui-même chez ceux dont il avait fait ses témoins au milieu du peuple. Les Nazaréens étaient plus purs que la neige, plus blancs que le lait. Tout était précieux en eux et les faisait remarquer par ceux en présence desquels ils marchaient. Maintenant la nuit s’est étendue sur eux, le monde ne les reconnaît plus, leur apparence est la sécheresse même. L’épreuve qui atteint Jérusalem met à nu leur misère, image même de la misère morale dans laquelle le nazaréat est tombé. C’est aussi l’image de la déchéance du témoignage chrétien, si brillant aux premiers jours de l’Église. La mort violente vaudrait mieux pour tous que la mort par un lent dépérissement (v. 9). La ruine va jusqu’à renier tout lien du sang, toute trace de pitié. La famine règne avec toutes ses horreurs. Aujourd’hui, toutes ces choses se voient dans les circonstances extérieures des nations, mais bien plus encore dans leur caractère moral.

 

Troisième division — versets 11-20

Depuis le premier verset nous avons trouvé une description de l’état du peuple, faite par Dieu lui-même, description qui continue jusqu’au verset 16. Contre l’attente des rois de la terre et des habitants du monde entier, Jérusalem qui appartenait à l’Éternel et dont ils pouvaient supposer que Dieu la garderait, a été dévorée jusque dans ses fondements par le feu de Sa colère. L’ennemi est entré dans ses portes (v. 11, 12), parce que l’iniquité avait atteint ceux même auxquels était confiée la garde morale du peuple. Prophètes et sacrificateurs s’étaient faits les instruments de la violence contre les justes dont ils avaient répandu le sang au milieu de Jérusalem. C’est aussi ce que disait le Seigneur: «Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés!» On leur crevait les yeux, on les couvrait de blessures, ils étaient souillés de sang et on les accusait d’impureté (v. 13, 14)! Retirez-vous, un impur! leur criait-on. Retirez-vous, retirez-vous, ne touchez personne! Les justes étaient considérés comme des lépreux en Israël, comme ayant «connu les profondeurs de Satan», eux qui avaient été souillés par le contact de leurs persécuteurs! Ainsi les rôles étaient intervertis. Ceux qui appartenaient à l’Éternel étaient exposés à l’opprobre, obligés de fuir, d’errer çà et là (verset 15). C’est à quoi Hébreux 11:37, 38 fait allusion: «Ils errèrent çà et là, vêtus de peaux de brebis, de peaux de chèvres, dans le besoin, affligés, maltraités, desquels le monde n’était pas digne, errant dans les déserts et les montagnes, et les cavernes et les trous de la terre». «On a dit parmi les nations: ils n’auront plus leur demeure» (v. 15). Cette scène se répétera aux jours de la fin, quand le Résidu fidèle sera persécuté et errera çà et là sans domicile.

Au verset 16, le jugement de l’Éternel tombe enfin sur les impies: «La face de l’Éternel les a coupés en deux; il ne veut plus les regarder. Ils n’ont pas respecté la face des sacrificateurs, ils n’ont pas usé de grâce envers les vieillards». Ils sont frappés au tranchant de l’épée, dispersés eux-mêmes! «Dieu ne veut plus les regarder»; terrible parole! Il leur tourne le dos, les considère comme un rebut dont il a horreur et qui ne l’intéresse plus en aucune manière! N’ont-ils pas méprisé ceux qui pouvaient les maintenir en relation avec l’Éternel? Ils n’ont pas usé de grâce envers les vieillards dont la sagesse aurait pu les diriger (v. 16).

Au verset 17, Jérusalem reprend la parole: «Pour nous, nos yeux se consumaient après un secours de vanité; nous avons attendu continuellement une nation qui ne sauvait pas». Lorsque le jugement de Dieu était déjà prononcé contre elle, elle cherchait un secours trompeur auprès de ses amants, se confiant en l’Assyrie et en Babylone qui ne pouvaient ni ne voulaient lui venir en aide. Ceux qui avaient banni les justes sont maintenant pourchassés jusque dans les places de la ville; il leur est défendu d’y marcher.

Alors Jérusalem s’écrie: «Notre fin est proche nos jours sont accomplis; notre fin est venue» Tout espoir de vivre a disparu; il n’y a plus que la mort devant les yeux du peuple coupable (v. 18)! Le jugement de soi-même ne peut aller plus loin. Poursuivis, traqués, pourchassés dans les airs, sur les montagnes, dans les solitudes désertes, il n’y a plus pour eux aucune issue (v. 19). La seule ressource qui leur restât, l’homme par lequel Israël aurait pu subsister encore, l’Oint de l’Éternel avait été pris dans leurs fosses, celui dont ils disaient: «Nous vivrons sous son ombre parmi les nations» (v. 20). Allusion, peut-être, à Josias, sur lequel le prophète avait jadis prononcé des Lamentations, car, le roi manquant, le peuple était désormais privé de son soutien. Allusion prophétique plus frappante encore, au Messie, Oint de l’Éternel, rejeté par son peuple et livré aux mains des nations, lui, leur seul protecteur qui aurait tant voulu les couvrir de ses plumes et les rassembler sous ses ailes!

Le dernier mot a été prononcé: Notre fin est venue! Le peuple repentant est couché dans le sépulcre, la nuit s’étend sur lui, le silence de la mort règne désormais...

 

Quatrième division — versets 21, 22

Mais voici qu’au milieu du silence une voix s’élève!... Qui parle? C’est Dieu lui-même!

«Sois dans l’allégresse et réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites dans le pays d’Uts! La coupe passera aussi vers toi; tu en seras enivrée et tu te mettras à nu.»

Le pays d’Uts est le territoire araméen, la Syrie située au nord de la Palestine (voyez Gen. 10:23; Job 1:1; Jér. 25:20). Édom lui-même occupait le pays situé à l’extrémité méridionale du peuple d’Israël. Des deux côtés ce misérable peuple avait été exposé à la haine irréconciliable de ces cruels ennemis. Maintenant c’était leur tour; l’heure de la délivrance avait sonné pour Jérusalem. Celui qui parle, avec une divine ironie, somme l’ennemie du peuple opprimé à se réjouir. La coupe de la colère allait enfin passer aussi vers elle; elle la boirait jusqu’à la lie et serait entièrement dépouillée; son iniquité et sa honte seraient découvertes aux yeux de tous. Il en sera de même de la fille d’Édom, au sud, en Idumée, comme les prophètes et ce passage aussi nous l’apprennent: «Il visitera ton iniquité, fille d’Édom; il découvrira tes péchés» (v. 22). Du nord au midi, le jugement tombera sur les ennemis de Jérusalem.

La réponse à l’appel du chapitre 3:64: «Rends-leur» est enfin venue, mais seulement après que tout l’état moral de Jérusalem a été complètement jugé et mis à nu au chapitre 4.

Mais ce n’est pas tout: Jérusalem avait dit: Notre fin est venue, l’Éternel lui répond au verset 22: «La peine de ton iniquité a pris fin, fille de Sion; il ne te mènera plus captive». Ô suprême et merveilleuse réponse; cette peine a pris fin, par l’œuvre du Rédempteur! Jérusalem a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés; son iniquité est acquittée et le Seigneur peut dire enfin: «Consolez, consolez mon peuple!» (És. 40:1, 2).

Comme nous allons le voir, ce n’est cependant encore ni la joie, ni la pleine délivrance, mais c’est l’assurance que la consolation est certaine, que le jugement tombe sur les nations, oppresseurs du peuple de Dieu, et qu’il ne tombera plus jamais sur le vrai Israël!