Lamentations

Chapitre 2

Ce chapitre contient la description détaillée, par la bouche du prophète, des jugements qui atteignent Juda et Jérusalem. L’énumération de ces jugements offre une certaine gradation, mais avant toute autre chose on rencontre le sentiment que Dieu est devenu l’ennemi de son peuple. Ce ne sont pas, comme au chapitre 1, les nations ennemies qui se sont élevées contre Jérusalem; il n’est plus question des instruments dont Dieu se sert pour exercer le jugement. C’est Lui seul qui a tout fait: les pensées se concentrent sur Lui. Aussi rencontrons-nous constamment dans ce chapitre ce terme: le Seigneur. Comme le premier chapitre, celui-ci se divise en trois parties.

 

Première division — versets 1-10

La voix du prophète s’élève pour constater la ruine et pour la détailler. Cela déjà est en quelque manière un soulagement. Le prophète ne dit pas comme Jérusalem au chapitre 1:22: «Que toute leur iniquité vienne devant toi», mais il reconnaît que tout vient de Lui, de Lui seul. Aussi rencontre-t-on dans ces versets le mot: Il. Ce qui pèse sur Jérusalem, c’est la colère de Dieu (v. 1, 3, 4, 6). C’est Lui qui détruit son propre ouvrage, temple, autel, ville, lieu de son trône, pouvoir civil et religieux, sabbats et fêtes solennelles, repos et joie de son peuple sur la tête duquel pèse la malédiction de la loi.

Considérons ce passage en détail.

Verset 1. Le Seigneur, dans sa colère, a couvert d’un nuage la fille de Sion de manière à ne plus l’apercevoir. Au chapitre 3:44, nous le verrons s’envelopper Lui-même d’un nuage, de sorte que la prière de Jérusalem ne puisse parvenir à ses oreilles. Ainsi Dieu se ferme, pour ainsi dire, l’accès de son peuple et lui ferme tout accès jusqu’à Lui. Il ne se souvient pas du marchepied de ses pieds, c’est-à-dire de l’arche (Psaume 132:7), de son propre trône qu’Il avait établi à Jérusalem dans son temple. Sous le poids de sa colère, la beauté d’Israël aux yeux de Dieu, beauté qu’Il contemplait dans ses conseils éternels, a été précipitée des cieux et Dieu a rejeté, même de sa mémoire, le siège de son gouvernement ici-bas. Le jour n’est pas encore venu où Il dira: «Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités».

Nous trouvons au verset 2 comment Dieu a traité tout le territoire de Juda. Ayant abattu son propre trône à Jérusalem, il devait profaner le royaume et les princes qui en étaient l’ornement. Au verset 3, la corne, la puissance royale, étant enlevée à Israël, Dieu laisse libre cours à la puissance de l’ennemi et son jugement s’abat sur le peuple tout entier, «brûlant en Jacob» comme un feu flamboyant qui dévore tout à l’entour (Jér. 15:14). Il a fait bien plus encore que de retirer sa protection en présence de l’ennemi; il est devenu lui-même un ennemi, semant la destruction dans tout Israël, quoiqu’il eût Juda particulièrement en vue (v. 4, 5). Jérusalem, lieu de son Assemblée, est détruite. Plus de fête solennelle, ni de sabbat. La royauté et la sacrificature, les deux colonnes sur lesquelles reposaient les relations de l’Éternel avec son peuple, sont renversées (v. 6). Le verset 7 passe de la ville et des autorités civile et religieuse à l’autel, au sanctuaire et à la maison, au lieu du rassemblement de son peuple. Les cris de désespoir y remplacent les clameurs des fêtes. La muraille, défense de Jérusalem, est renversée (v. 8). Nous trouvons en Néhémie la réédification de cette dernière, et en Esdras celle de l’autel et du temple en vue de la présentation du Messie à Israël, mais le Christ ayant été rejeté et mis à mort, le temple d’Esdras, restauré par Hérode, fut détruit de nouveau et ne sera reconstruit que pour y recevoir l’Antichrist. Pour voir l’édification d’un sanctuaire selon le cœur de Dieu, il faudra attendre le jour futur où le Seigneur sera reconnu de son peuple. Les portes sont brisées et enfoncées, le roi et ses princes sont captifs parmi les Gentils. La loi, règle de la nation, n’existe plus; il n’y a plus personne pour la suivre. Enfin les prophètes, par lesquels Dieu exhortait, reprenait et encourageait son peuple, ne reçoivent plus de communications divines. Toute relation matérielle, morale et spirituelle avec l’Éternel a disparu (v. 9). Les sages et les anciens se taisent, les vierges, parure de Jérusalem, honteuses maintenant, baissent la tête. Le jugement est accepté comme irrémédiable; il n’y a pas de retour possible vers des temps meilleurs!

 

Seconde division — versets 11-17

Après avoir décrit en détail cette ruine sans espoir, le prophète qui avait tant de fois appelé le peuple à la repentance en lui annonçant les jugements imminents, et dont la fidélité avait encouru la haine de tous — roi, sacrificateurs, prophètes et peuple — au lieu de triompher quand arrive le jugement qu’il avait prédit, mène deuil sur la ruine de Jérusalem. Quelle sympathie, quelle affliction, quel bouleversement de tout son être! «Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles sont agitées, mon foie s’est répandu sur la terre, à cause de la ruine de la fille de mon peuple!» Les petits, les innocents souffrent et meurent! Combien de fois ces choses ne se sont-elles pas reproduites dans les calamités présentes! Ah! comme on voudrait consoler ces affligés! (v. 13), mais non, c’est impossible, il n’y a pas de consolations! Aucune calamité n’égale la ruine de Jérusalem; même le cœur d’un Jérémie, de l’homme le plus tendre parmi les mortels, ne saurait offrir aucun soulagement!

Tous les prophètes de Juda lui avaient menti; Jérémie seul, lui avait dit la vérité, mais avait de ce fait subi la persécution et mainte fois affronté la mort; malgré tout il a compassion; il voudrait consoler, mais cela même lui est refusé. Un seul, Jésus, a réalisé toutes ces douleurs d’une manière bien autrement parfaite, Lui auquel toute consolation était refusée sur le chemin des souffrances et du témoignage, tandis que Jérémie personnellement avait été consolé. Aujourd’hui, il est vrai, les indifférents «battent des mains» sur Jérusalem, mais à la fin des temps elle trouvera un Consolateur dans Celui qui est venu se substituer au peuple coupable pour pouvoir le sauver. Nous le voyons subissant sur la croix ce qui est dit ici de Jérusalem: «Ils sifflent et branlent la tête sur elle» (Matt. 27:39). Mais quelle différence entre les deux! Jérusalem mérite ce jugement et ces outrages; Jésus en porte tout le poids en grâce pour la délivrer. Cela nous fait comprendre tout un côté des souffrances de Christ, se substituant à son peuple terrestre et prenant sur lui toutes les conséquences de la loi violée, afin de pouvoir se présenter à lui comme Libérateur.

 

Troisième division — versets 18-22

Or voici un fait nouveau et c’est le prophète qui le constate: «Leur cœur a crié au Seigneur» (v. 18). La fibre secrète des affections de Jérusalem s’émeut pour crier vers Celui qu’elle avait déshonoré. Dès lors Jérémie peut parler à la ville coupable en l’associant avec lui-même, car (v. 11) il avait pleuré pour elle: «Muraille de la fille de Sion, laisse couler des larmes jour et nuit, comme un torrent; ne te donne pas de relâche, que la prunelle de tes yeux ne cesse point!» (v. 18). «Répands», ajoute-t-il, «ton cœur comme de l’eau devant la face du Seigneur», en signe d’humiliation générale et profonde, comme nous voyons en 1 Samuel 7:6. «Lève tes mains vers Lui pour la vie de tes petits enfants qui défaillent de faim au coin de toutes les rues.» Il associe Jérusalem à ce qu’il avait senti lui-même devant Dieu pour les petits enfants qui rendaient l’âme sur le sein de leurs mères.

À cet appel, Jérusalem prend la parole pour la quatrième fois (voyez 1:9, 11, 20) et verse toutes les angoisses de son âme devant l’Éternel: «Regarde, Éternel, et considère à qui tu as fait ainsi!» Les femmes dévorant leurs enfants, les serviteurs de Dieu exterminés, l’enfant et le vieillard expirant dans les rues, les vierges et les jeunes hommes tombant par l’épée! C’est le jour de la colère; l’Éternel a égorgé et n’a point épargné! C’est le jour où il n’y a ni réchappé, ni reste (v. 21, 22).

Dans ces versets, Jérusalem comprend mieux qu’auparavant que son péché devait entraîner une telle ruine. Elle récapitule, mais devant Dieu, toutes les calamités qui l’atteignent; elle reconnaît pleinement avoir affaire à l’Éternel seul, et que, si l’ennemi l’a consumée, Dieu le voulait ainsi. On ne trouve plus ici l’appel à la vengeance du chapitre 1:21, 22; l’âme a beaucoup plus affaire à l’Éternel qu’aux instruments dont il se sert.

Cependant toujours même silence de la part de Dieu auquel Jérusalem s’adresse! Pour qu’Il réponde, il faut que l’humiliation soit définitive, mais surtout que Jérusalem ait appris à connaître Celui qui s’était mis à la brèche pour elle.