Luc

Chapitre 22

Judas s’engage à livrer son Maître

(v. 1-6). — La Pâque, appelée aussi «fête des pains sans levain» (v. 1, 7), approchait; les deux fêtes se suivaient immédiatement et n’en formaient qu’une, celle des pains sans levain étant la conséquence de la Pâque. Cette fête, type de la mort de Christ, était la dernière qui eût lieu selon la pensée de Dieu, puisque le sacrifice qu’elle typifiait allait s’accomplir immédiatement après.

À l’approche de ce jour solennel, les principaux sacrificateurs et les scribes cherchaient comment faire mourir Jésus, en évitant l’opposition qu’ils redoutaient de la part du peuple. Ils avaient tâché, mais sans succès, de le prendre en défaut par ses paroles (chap. 19:47; 20:26, 40), il fallait donc trouver un autre moyen. Hélas! c’est un des douze apôtres qui le leur fournit.

Pour que ce misérable Judas ait pu accomplir un tel acte, il devait être entièrement sous la puissance de Satan, et non seulement sous son influence; c’est ce qui arrive chaque fois que l’on se détourne de l’obéissance à la parole de Dieu. Il est dit: «Satan entra dans Judas, surnommé Iscariote, qui était du nombre des douze» (v. 3). On pourrait se demander pourquoi Satan n’entra pas dans un autre apôtre pour le rendre capable d’accomplir un forfait pareil. Quant à leur nature, les autres apôtres ne valaient pas mieux que Judas; mais ce qui donne à Satan la prise sur ce dernier, c’est que la voix du tentateur lui était devenue familière. Il avait écouté ses suggestions, tout en vivant avec Jésus et ses compagnons. La présence du Seigneur, les caractères divins qu’il avait manifestés, dont les autres disciples avaient profité, n’avaient eu aucune influence sur le cœur de Judas, rempli de l’amour de l’argent et du désir d’en obtenir. Ainsi il était tout préparé pour l’heure fatale qui le conduirait à la mort qu’il se donna lui-même et au malheur éternel. Après avoir prudemment apprêté sa demeure, Satan allait l’occuper. «Satan entra dans Judas» et le malheureux ne fut plus maître de lui-même. «Il s’en alla et parla avec les principaux sacrificateurs et les capitaines sur la manière dont il le leur livrerait. Et ils se réjouirent, et convinrent de lui donner de l’argent. Et il s’engagea; et il cherchait une bonne occasion pour le leur livrer sans que la foule y fût» (v. 3-6). Pour «de l’argent» Judas vendit son Maître, celui dont il avait reçu tant de bienfaits. Luc ne dit pas que c’est pour trente pièces; il juge des choses selon leur valeur morale; que ce soit pour trente ou pour mille pièces, c’est pour de l’argent qu’il vendit Jésus. Que ne fait-on pas dans ce monde pour de l’argent? Prenons-y garde!

Une leçon solennelle se dégage de la conduite et de la fin de Judas et s’adresse à tous, mais particulièrement à la jeunesse, parce que la conduite dans la jeunesse décide souvent de ce que sera la vie tout entière. C’est pourquoi la Parole dit: «Élève le jeune garçon selon la règle de sa voie; même lorsqu’il vieillira, il ne s’en détournera point» (Proverbes 22:6). Et: «Comment un jeune homme rendra-t-il pure sa voie? Ce sera en y prenant garde selon ta parole» (Psaume 119:9). C’est de bonne heure qu’il faut juger les mauvaises dispositions de notre cœur naturel. Si on ne le fait pas, si on ne lutte pas contre elles avec le secours que Dieu accorde à ceux qui le lui demandent, elles peuvent arriver à l’état de passion. Or la passion est un tyran sans miséricorde qui maîtrise entièrement sa victime et la conduit à la dégradation et à la honte, par le vol, le meurtre, l’immoralité, etc., alors que Satan, suffisamment écouté, s’est acquis tout pouvoir sur sa malheureuse victime. Le moyen d’échapper à une telle fin, c’est de prêter une oreille attentive aux enseignements de la Parole de Dieu. Heureux les enfants dont les parents ont à cœur de les élever dans la crainte du Seigneur et sous ses avertissements! Que tous ceux qui ont ce privilège ne s’en détournent pas, ne cherchent pas à échapper à son influence! Pendant un temps la conduite de ceux qui ne se plient pas facilement à la voix de la sagesse peut paraître assez réglée; mais laissés à eux-mêmes, sous l’effet des circonstances, les pieds dégagés de toute entrave, courant dans la voie de la volonté propre, ils finissent par tomber dans le déshonneur et la ruine, si le Seigneur n’intervient pas dans sa miséricorde. Dans les jours où nous vivons, où l’indépendance caractérise fort la génération actuelle, il faut beaucoup lire et méditer les Proverbes, surtout les neuf premiers chapitres, en demandant à Dieu la force de mettre en pratique ses précieux enseignements, pour jouir d’une vie heureuse et qui honore le Seigneur.

 

La Pâque

(v. 7-18). — Le moment d’apprêter la pâque était venu; mais comme Jésus n’avait pas dans la ville de demeure où cette cérémonie pût avoir lieu, sa toute-connaissance lui fit désigner aux siens la maison où il la mangerait pour la dernière fois avec eux. À l’entrée de Jérusalem, ils devaient trouver un homme portant une cruche; ils n’avaient qu’à le suivre dans la maison où il entrerait et à dire «au maître de la maison: Le maître te dit: Où est le logis où je mangerai la pâque avec mes disciples?» (v. 11). Tout se passa comme Jésus le leur avait dit; l’homme leur montra une grande chambre garnie, et ils apprêtèrent là la pâque.

L’heure venue, Jésus se mit à table avec les douze apôtres et leur dit: «J’ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, avant que je souffre; car je vous dis que je n’en mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu» (v. 14-16). Le Seigneur avait des raisons aussi touchantes qu’importantes pour souhaiter de manger cette pâque avec ses disciples. C’était une sorte de cène d’adieux, le dernier moment d’intimité entre lui et ses disciples, après un temps passé dans une activité commune, période d’une importance incalculable, mais avec laquelle se terminaient à tout jamais les relations entre le Seigneur et son peuple selon la chair, dont les disciples avaient fait partie jusque-là. Quant à Israël, tout prenait fin, moment solennel pour les disciples, comme pour le peuple. Cette pâque était le dernier acte que Jésus accomplissait avec les siens sous le régime de la loi. Il allait souffrir, ainsi qu’il les en avait prévenus plusieurs fois, et sa mort les introduirait dans un nouvel état de choses céleste, dans une position toute différente de celle qu’ils avaient eue avec lui durant son ministère. Tous les entretiens du Seigneur à table et jusqu’au moment où il fut livré, sont empreints de ce changement, ainsi que beaucoup de ses discours pendant son ministère.

Jésus ne devait plus manger la pâque jusqu’à ce qu’elle fût accomplie dans le royaume de Dieu, immédiatement après, par sa mort. Puis il prit la coupe qui accompagnait la pâque, rendit grâce et dit: «Prenez ceci et le distribuez entre vous, car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu» (v. 17-18). Le Seigneur ne but pas à cette coupe de la pâque; il la donna aux disciples. Il ne pourrait participer avec les siens au vin, emblème de la joie en Israël, la vigne de Dieu, que lorsque serait venu le royaume de Dieu. Celui-ci, nous l’avons déjà dit plusieurs fois, est un état de choses marqué par la connaissance et la réalisation des caractères de Dieu; c’est pourquoi il était présent dans la personne de Christ sur la terre (voir chap. 17:21). Puis il se continue par ceux qui sont au bénéfice de sa mort, dans l’économie actuelle. Après cette économie, ce royaume sera établi en gloire par le règne du Fils de l’homme; alors le Seigneur boira du fruit de la vigne d’un Israël renouvelé en vertu de l’œuvre de la croix. Il aura sa joie accomplie, quant à son peuple terrestre. C’est à cela que fait allusion Sophonie: «L’Éternel, ton Dieu, au milieu de toi, est puissant; il sauvera; il se réjouira avec joie à ton sujet: il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe» (chap. 3:17). Quel contraste avec le moment dans lequel le Seigneur se trouvait, à la veille de sa mort, nécessaire pourtant pour que cette joie pût avoir lieu!

 

La Cène

(v. 19-23). — Puisque la fête de pâque, avec l’état de choses auquel elle appartenait, prenait fin par la mort de Christ, Jésus introduit ce qui, non pas typifiera cette mort, comme la pâque le faisait, mais la rappellera aux siens en attendant son retour. Tout ce qui concernait la pâque étant terminé, «Jésus ayant pris un pain, et ayant rendu grâces, le rompit, et le leur donna, en disant: Ceci est mon corps, qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi; — de même la coupe aussi, après le souper, en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est versé pour vous» (v. 19-20). La pâque parlait d’une œuvre qui devait s’accomplir; la cène parle d’une œuvre accomplie; mais le trait capital présenté dans la cène est la personne du Seigneur mort pour les siens: «Ceci est mon corps qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi». Le pain rompu et le vin symbolisent la mort du Seigneur. Le sang séparé de la chair est la mort. Jésus a voulu que les siens aient, durant tout le temps de son absence, un témoignage spécial, appuyé par des signes visibles, de ce qu’il fut pour eux lorsqu’il endura la mort à leur place. On ne peut donc approcher de la cène sans avoir présent au cœur tout l’amour du Seigneur pour les siens au moment où il se rendait à la croix pour eux, amour que ne purent éteindre les terreurs d’une mort pareille. Aussi, ce mémorial institué au moment où Jésus allait donner sa vie est propre à réveiller et à maintenir en activité les affections pour sa personne. Si elles sont actives, la vie tout entière s’en ressentira; elle s’écoulera dans des sentiments de reconnaissance qui se traduiront par l’obéissance, la fidélité, le dévouement à celui qui nous a tant aimés. Si, au contraire, on reste indifférent au désir exprimé par le Seigneur la nuit qu’il fut livré, on sera indifférent quant à ce qu’on lui doit dans la vie entière. C’est cette indifférence que l’Ennemi a favorisée, de très bonne heure, dans l’Église, en suggérant qu’il n’était pas nécessaire de rompre le pain chaque premier jour de la semaine. Cet acte accompli rarement a été entouré, il est vrai, d’une solennité exceptionnelle, mais dont les effets passagers ne sont pas suivis de résultats pratiques dans la vie habituelle: elle doit être consacrée au Seigneur, parce qu’elle lui appartient. Le croyant est sa propriété; il l’a racheté.

Si l’Ennemi a su rendre la chrétienté indifférente à ce mémorial, sauf en ce qui est un acte de dévotion, considéré le plus souvent comme méritoire, que dire de tant de vrais croyants, parmi lesquels beaucoup de jeunes gens, instruits des vérités de l’Évangile, témoins de la célébration de la cène chaque premier jour de la semaine, et qui demeurent indifférents au désir exprimé par leur Sauveur et Seigneur, le soir qu’il se livra pour eux? Que chacun de ceux qui pourraient se trouver dans ce cas, en lisant ces lignes, se donnent la réponse en se demandant si le Seigneur l’admettrait! Quoi de plus touchant que ces paroles du Seigneur, rappelant son désir qui se perpétue à travers les âges jusqu’à son retour: «Ceci est mon corps qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi».

Si la coupe rappelle le sang de Christ qui efface le péché, elle le présente aussi comme le sang de la nouvelle alliance. Celle-ci concerne le peuple d’Israël. Il y avait une première alliance établie entre l’Éternel et le peuple, fondée aussi sur le sang de victimes (Exode 24:8), mais à laquelle Israël fut infidèle. Voulant accomplir ses bonnes pensées envers lui, Dieu pourra le faire en vertu du sang de Christ, fondement d’une nouvelle alliance. Nous lisons en Jérémie 31:31-32: «Voici, des jours viennent, dit l’Éternel, et j’établirai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une nouvelle alliance, non selon l’alliance que je fis avec leurs pères, au jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte, mon alliance qu’ils ont rompue». En cas d’alliance, les deux parties s’engagent à observer les conditions stipulées; celle des deux qui les enfreint rompt l’alliance, délie l’autre de ses engagements. C’est ce qui eut lieu avec Israël. Il avait promis d’exécuter tout ce que l’Éternel avait commandé; il ne l’a pas fait; il ne le pouvait pas; il s’était engagé sans reconnaître son incapacité. Sur ce pied-là, il n’y eut que ruine pour lui et déshonneur pour Dieu. Mais Dieu voulait bénir son peuple selon les promesses faites aux pères et fonda, sur la mort de son Fils à la croix, une nouvelle alliance. Ainsi Israël renouvelé jouira d’une manière glorieuse de tout ce qui n’a pu lui être accordé sous la première alliance à cause de son infidélité.

Le sang de Christ est donc le moyen qui purifie tous les croyants de leurs péchés; ils possèdent de la sorte une part céleste et éternelle avec Christ, et Israël et les nations jouiront des bénédictions millénaires. En prenant la cène, les disciples et tous les Juifs croyants jouissaient des bénédictions qui appartiennent à l’Église, tout en ayant l’assurance que le peuple terrestre jouirait en son temps des bénédictions promises.

En instituant le mémorial de sa mort, Jésus ressentait douloureusement le fait qu’il serait livré par un de ceux qui étaient à table avec lui. «Mais voici, la main de celui qui me livre est avec moi à table. Et le Fils de l’homme s’en va bien, selon ce qui est déterminé; mais malheur à cet homme par qui il est livré!» (v. 21-22). Selon les conseils de Dieu, le Fils de l’homme devait accomplir l’œuvre de la rédemption par sa mort; mais l’homme est responsable d’avoir mis à mort le Seigneur, et Judas, qui l’a livré, plus que tous; la perdition est sa part, à cause de sa grande responsabilité. Mais lorsque les soldats romains mettaient en croix l’innocente victime livrée entre leurs mains par les Juifs, Jésus s’écria: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font».

La mort de Christ met en évidence deux grands principes qui ne sauraient être plus opposés l’un à l’autre: l’amour et la haine. Dieu donne son Fils, et ce Fils, expression de l’amour divin, endure tout pour accomplir les pensées de grâce de son Père en faveur des pécheurs que Dieu voulait sauver. La haine contre Dieu, manifestée envers Jésus tout le long de son ministère, arriva à son apogée à la croix, quand les hommes mirent à mort celui dont ils n’avaient reçu que bienfait sur bienfait. À la croix donc, Dieu a manifesté ce qu’il est et l’homme aussi; c’est pourquoi, cette expérience concluante terminée, Dieu n’attend plus rien de l’homme. En vertu de la mort de son Fils, il lui offre la grâce durant le temps, bientôt terminé, de sa patience.

En entendant dire à Jésus que l’un d’eux le livrerait, les disciples se demandèrent entre eux lequel ferait cela (v. 23). On voit à quel point ils croyaient ce que leur Maître leur disait. Luc ne donne pas la réponse comme les autres évangélistes. Leur conscience demeura exercée par cette terrible déclaration.

 

Les disciples occupés de leur grandeur

(v. 24-30). — Au moment même où Jésus dit aux siens qu’un d’eux le livrerait, parole qui les attrista évidemment, ils contestaient entre eux pour savoir lequel serait le plus grand. Seule la Parole peut nous présenter un tableau aussi fidèle du cœur humain, et quel triste tableau! Puis, en regard d’une pareille réalité, nous voyons la grâce et la patience du Seigneur avec ses pauvres disciples. Au lieu de les censurer fortement, il leur montre que la vraie grandeur consiste à s’abaisser pour servir comme il l’a fait; il présente ainsi un contraste absolu avec la grandeur du monde qui se recherche dans l’élévation de l’homme. Les rois dominent; ils sont au-dessus de tout. Ceux qui exercent l’autorité peuvent le faire avec le caractère de bienfaiteurs, mais ils conservent soigneusement leur suprématie. Dans l’état créé par la mort du Seigneur, où ce qui est grand selon Dieu n’a pas de valeur pour les hommes, il n’en sera pas ainsi des disciples de Christ. «Que le plus grand parmi vous», dit le Seigneur, «soit comme le plus jeune, et celui qui conduit comme celui qui sert». Selon l’ordre de choses naturel, le convive a le pas sur le serviteur, mais le Seigneur de tout, le plus grand de tous, dit: «Or moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert». Voudrait-on une autre grandeur que la sienne, caractérisée par l’abaissement le plus profond? Venu pour nous sauver, il s’est fait le serviteur de tous; il s’abaissa jusqu’à la mort et à la mort de la croix. Au lieu de reprocher aux disciples leurs pensées si déplacées et si contraires aux siennes, Jésus leur dit: «Mais vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations». Il appréciait la fidélité de ses disciples au milieu du monde où tout s’opposait à lui. Sa bonté savait discerner, au travers de leurs inconséquences, ce qu’il y avait eu pour lui chez les siens. Il agissait selon ce que nous lisons au Psaume 62:13: «Et à toi, Seigneur, est la bonté; car toi tu rends à chacun selon son œuvre».

Quel enseignement ce cœur parfait du Seigneur ne nous donne-t-il pas ici! Si facilement disposés à ne relever que les mauvais côtés de ceux à qui nous avons affaire, nos cœurs naturels, dépourvus de cette bonté divine, tiennent peu compte du bien qu’il y a chez eux. Si nous savions mieux la réaliser, nous éviterions mainte chose pénible dans nos rapports mutuels. Au lieu de nous plaindre, nous chercherions les bons côtés que notre malveillance se plaît à ignorer; nous nous considérerions alors comme les débiteurs de notre entourage, au lieu d’exiger sans cesse sa faveur. Étudions le Modèle parfait, et nous pourrons l’imiter! Comme conséquence de leur persévérance avec le Seigneur dans ses tentations, alors qu’il avait pris la place de celui qui sert, Jésus dit à ses disciples: «Et moi, je vous confère un royaume comme mon Père m’en a conféré un, afin que vous mangiez et que vous buviez à ma table dans mon royaume; et que vous soyez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël» (v. 28-30). Il y aura communion et joie avec le Seigneur dans la gloire, après la communion, si faible qu’elle ait pu être, dans la souffrance. Elle s’exprime par les mots: «manger et boire» à la table du Seigneur dans son royaume. Puis les disciples auront, dans le royaume du Fils de l’homme, une place spéciale en rapport avec Israël au milieu duquel ils ont été méprisés et ont dû prendre la dernière place: ils seront assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël, selon le principe exprimé en 2 Timothée 2:12: «Si nous souffrons, nous régnerons aussi avec lui». Ainsi, acceptons de souffrir et de servir dans le monde où Christ a souffert et a servi, et quand arrivera le moment de sa gloire, nous la partagerons avec lui. Mais la part la plus heureuse à l’heure de sa domination sera d’être avec lui à sa table, jouissant de sa communion; de cette part nous pouvons déjà en jouir ici-bas par la foi.

 

Pierre averti de son reniement

(v. 31-34). — Jésus prévient Simon Pierre que Satan a demandé de pouvoir cribler les disciples comme on crible le blé. Ce langage figuré signifie faire passer par une épreuve pénible. Jésus s’adresse à Pierre, parce qu’il savait que, de tous, il courait le plus de dangers à cause de sa confiance en lui-même. «Mais j’ai prié pour toi», lui dit-il, «afin que ta foi ne défaille pas; et toi, quand une fois tu seras revenu, fortifie tes frères» (v. 31-32). Les disciples allaient passer par une épreuve terrible. Ils avaient entouré Jésus qu’ils reconnaissaient comme le Messie. Ils fondaient sur lui toute leur espérance pour l’établissement du règne glorieux. Mais la mort s’approchait; elle allait enlever leur Maître et mettre fin, en apparence, à tout ce qu’ils avaient espéré. Comment leur foi supporterait-elle une pareille épreuve? Croiraient-ils toujours en lui? Satan allait se servir de cela pour renverser leur foi et, si possible, les détourner à jamais du Seigneur. Pierre, avec sa nature bouillante, se proposait d’affronter la tentation en comptant sur son grand amour pour son Maître, mais avec la force de sa nature, car il aimait Jésus ardemment. Il avait à constater que, malgré les meilleures intentions, la chair ne peut soutenir l’épreuve, et surtout celle de la mort, dans l’ombre de laquelle ils seraient tous enveloppés, quand ils verraient leur Maître livré pour être crucifié; ils traverseraient ce que Jésus appelle, en s’adressant à ceux qui viennent le prendre: «Votre heure et le pouvoir des ténèbres» (v. 53). Pierre réplique: «Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller et en prison et à la mort». Jésus lui répondit: «Pierre, je te dis: le coq ne chantera point aujourd’hui, que premièrement tu n’aies nié trois fois de me connaître» (v. 33-34).

Le Seigneur voulait confier à Pierre un service important après sa résurrection; mais pour qu’il puisse l’accomplir, il devait apprendre à se connaître et perdre toute confiance en lui, malgré son zèle et son grand amour, afin que toute la puissance nécessaire à son activité vienne du Seigneur. Il aurait dû s’en rendre compte quand il entendait les avertissements de Jésus; mais ce moyen ne suffisait pas; il avait à passer par une leçon douloureuse. Une fois qu’il l’aurait apprise, Pierre pourrait être utile à ses frères, les fortifier, en leur montrant, d’après sa propre expérience, qu’avec les meilleures intentions on ne peut s’engager dans le service de Christ, ni faire face à la puissance de l’Ennemi, si l’on ne se défie pas entièrement de soi pour rechercher la force et la sagesse dans le Seigneur. Il serait lui-même un exemple de la grâce merveilleuse qui le releva et lui confia une tâche, alors qu’il aurait mérité d’être repoussé. C’est aussi cette même grâce qui lui permit de dire aux Juifs: «Vous, vous avez renié le saint et le juste, et vous avez demandé qu’on vous accordât un meurtrier; et vous avez mis à mort le prince de la vie» (Actes 3:14). Et plus loin: «Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés» (v. 19). Il pouvait parler ainsi, puisqu’il était lui-même un exemple de la grâce qui pardonne.

Tous, petits et grands, nous avons à apprendre la leçon de Pierre. Nous ne pouvons accomplir quoi que ce soit en nous appuyant sur nos propres forces, ni sur nos bonnes intentions. Nous trouvons en Dieu tout ce dont nous avons besoin; pour en profiter, soyons convaincus de notre propre incapacité. Si nous ne le sommes pas, nous nous exposons, comme Pierre, à l’apprendre par des chutes qui déshonorent le Seigneur. Écoutons toujours les enseignements de la Parole de Dieu; nous pourrons ainsi le servir et nous éviterons l’amertume qui fut la part de Pierre (v. 62), et celle de quiconque déshonore le Seigneur.

 

Dernières instructions aux disciples

(v. 35-38). — Pendant le temps que Jésus passa au milieu des siens comme Messie présenté à son peuple, il s’était occupé d’eux, les avait protégés, gardés, avait pourvu à leurs besoins. Maintenant tout devait changer pour eux; le Seigneur allait les quitter, les laisser seuls dans le monde qui l’a mis à mort. Dans ce milieu, ils devraient faire face eux-mêmes aux difficultés du chemin. C’est ce dont Jésus les avertit en ces termes: «Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac et sans sandales, avez-vous manqué de quelque chose? Et ils dirent: De rien. Il leur dit donc: Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, et de même celui qui a un sac, et que celui qui n’a pas d’épée vende son vêtement et achète une épée. Car je vous dis, qu’il faut encore que ceci qui est écrit, soit accompli en moi: Et il a été compté parmi les iniques. Car aussi les choses qui me concernent vont avoir leur fin» (v. 36-37). Lorsque Jésus envoya ses disciples, la seconde fois, il leur dit: «Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales» (chap. 10:4). En annonçant l’approche du royaume de Dieu, ils marchaient sous la protection de celui qui les envoyait, son rejet n’étant pas un fait accompli. Maintenant que ce message est demeuré sans effet, les choses qui concernent Jésus présenté à son peuple allaient avoir leur fin; tout changeait pour les disciples. Ils resteraient seuls pour s’acquitter d’une mission, non de la part du roi présenté à son peuple selon le témoignage des prophètes, mais d’un Christ rejeté, «compté parmi les iniques», et mis à mort. Dans ces conditions, ils auraient à pourvoir eux-mêmes à leurs besoins; non que les ressources fussent en eux, nous venons de voir le contraire; mais ils devraient s’attendre au Seigneur invisible et rejeté, au lieu d’être sous la protection d’un Messie présent et visible. C’est précisément en vue de ce temps que le Seigneur enseigne à Pierre, et à nous tous, à ne pas compter sur nos propres forces, mais sur les ressources d’en haut.

Les disciples comprirent cette instruction sous une forme concrète; ils crurent qu’il s’agissait littéralement d’une épée et en présentèrent deux en disant: «Seigneur, voici ici deux épées. Et il leur dit: C’est assez» (v. 38). Jésus ne voulait pas donner alors des explications; le temps viendrait où le Saint Esprit leur ferait comprendre les choses qu’il leur avait dites (Jean 14:26); ils sauraient alors de quelle épée il était question. En attendant, une de ces épées servit à couper l’oreille de l’esclave du souverain sacrificateur (v. 49) Le Seigneur ne leur avait pas dit de prendre l’épée pour le défendre. On voit que pour faire un bon usage de la Parole, il faut premièrement la comprendre.

 

Jésus dans l’angoisse

(v. 39-46). — Jésus s’en alla selon sa coutume à la montagne des Oliviers. Ses disciples le suivirent, loin de penser à quelle scène ils allaient assister cette nuit même. Mais le Seigneur le savait; il savait pourquoi il était venu dans ce monde; il se trouvait à Jérusalem, car il avait dressé résolument sa face pour y arriver (chap. 9:51). Son service public terminé, il voyait la mort devant lui, et quelle mort! Arrivé au lieu où il se rendait, Jésus dit à ses disciples: «Priez que vous n’entriez pas en tentation». Il désire qu’ils aient conscience de la solennité de l’heure terrible qu’ils vont traverser et des dangers qu’ils y rencontreront, afin de chercher le secours en Dieu, car, avec la force seule de la chair, ils succomberaient; c’est ce qui arriva à Pierre.

Jésus s’éloigna d’eux à la distance d’un jet de pierre, et il priait à genoux, disant: «Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi! Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui soit faite» (v. 41-42). Dans ce moment solennel, Jésus sentait la mort peser de tout son poids et avec toute son horreur sur son âme pure et sainte. Les souffrances physiques, quoique réelles, ne constituaient qu’une bien faible part de ce qu’il avait devant lui. Il allait affronter la mort, jugement de Dieu, la séparation de son Dieu par le péché qu’il prenait sur lui, l’abandon de Dieu, que son âme pressentait dans son affreuse réalité. Satan, après la tentation au désert (chap. 4), s’était retiré de Jésus «pour un temps», est-il dit au v. 13, contraint de lui laisser accomplir son œuvre en vertu de la victoire remportée sur lui. Cette œuvre achevée, il restait encore à remporter la victoire sur la mort, à désarmer le Diable qui avait le pouvoir de la mort, en la subissant comme jugement de Dieu, ce jugement que l’homme avait mérité. C’est pourquoi Satan se présenta de nouveau; il cherchait à empêcher Jésus d’entrer dans sa forteresse; il voulait l’effrayer en lui représentant les affres de la mort. Dans ses perfections infinies, Jésus ne pouvait désirer boire cette coupe de la colère de Dieu; il ne pouvait désirer être séparé de son Dieu par cette chose horrible qu’est le péché pour sa nature sainte. Mais, parfait dans son obéissance et son dévouement pour son Dieu et Père, il ne pouvait que vouloir accomplir sa volonté. C’est pourquoi, après avoir dit: «Si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi», il ajoute: «Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui soit faite». En réponse à cette soumission, «un ange du ciel lui apparut, le fortifiant» (v. 43). Quel tableau, lecteurs! Un ange appelé à fortifier un homme dans une souffrance telle que jamais personne ne traversa, et cet homme était Dieu, le créateur des anges et de toutes choses, venu dans ce monde pour nous sauver! Mais si ce cher Sauveur recevait de la force, ce n’était que pour pénétrer plus avant dans la réalité des ombres effroyables de la mort que le diable amoncelait devant lui. «Et étant dans l’angoisse du combat, il priait plus instamment; et sa sueur devint comme des grumeaux de sang découlant sur la terre» (v. 44). Puisque Luc présente l’humanité du Seigneur, il fait ressortir l’intensité de ses souffrances en Gethsémané. Comme homme, il éprouva dans son corps les effets des souffrances morales qu’il traversait, au point que sa sueur devint comme des grumeaux de sang, et cela tout en adressant ses supplications à son Dieu, avec instance, dans une dépendance parfaite. Dans des moments de grandes douleurs ou à l’approche de la mort, il arrive souvent que le corps se couvre de sueur, mais les souffrances morales de Jésus étaient si terribles que sa sueur était du sang. Ceci fait comprendre toute la réalité de l’humanité du Seigneur qui sentait divinement toutes choses. Sa divinité ne l’a jamais mis à l’abri de la souffrance, au contraire; c’est parce qu’il sentait divinement les choses dans un cœur et dans un corps humains, qu’il souffrit comme aucun homme n’est capable de souffrir, et cela, ne craignons pas de le répéter, à cause de nous, et pour nous.

«S’étant levé de sa prière, Jésus vint vers les disciples, qu’il trouva endormis de tristesse; et il leur dit: Pourquoi dormez-vous? Levez-vous, et priez afin que vous n’entriez pas en tentation» (v. 45-46). Pour les disciples, cette heure impressionnante ne produisait sur eux d’autre effet que de les endormir de tristesse, alors que leur Maître traversait les angoisses de la mort dans la pleine conscience de tout et en communion avec son Père. Incapables de comprendre la solennité du moment, ni le danger auquel ils étaient exposés, Jésus leur répète: «Priez afin que vous n’entriez pas en tentation». Il pense toujours à eux, ne leur fait aucun reproche; il leur dit simplement: «Pourquoi dormez-vous?» Il savait que ses disciples ne pouvaient entrer dans ses souffrances; mais ils auraient dû veiller pour leur propre compte, ce qui ne l’empêche pas d’être plein de miséricorde et de bonté envers eux. Toutes les circonstances que Jésus traverse font ressortir jusqu’au bout ses propres perfections.

 

Trahison de Judas

(v. 47-53). — Les événements se succèdent rapidement. Comme Jésus parle encore, Judas s’avance à la tête d’une foule et s’approche de lui pour le baiser. Jésus lui dit: «Judas, tu livres le Fils de l’homme par un baiser?» Ah! si Judas ne s’était pas livré à Satan, combien ces paroles sans amertume eussent dû le faire reculer! Mais c’était trop tard. Les disciples, voyant ce qui allait arriver, veulent défendre leur Maître qui se livrait volontairement et lui disent: «Seigneur, frapperons-nous de l’épée?» L’un d’eux, prompt à l’action, — on reconnaît Pierre avec son zèle habituel (voir Jean 18:10), — frappe l’esclave du souverain sacrificateur et lui emporte l’oreille droite. «Mais Jésus, répondant, dit: Laissez faire jusqu’ici; et lui ayant touché l’oreille, il le guérit» (v. 49-51). Les circonstances que Jésus traverse ne l’empêchent pas de manifester toujours la même grâce, dont la vue laisse pourtant insensibles ceux qui en sont témoins.

Jésus s’adresse ensuite aux principaux sacrificateurs, aux capitaines du temple et aux anciens, et leur dit: «Êtes-vous sortis comme contre un brigand avec des épées et des bâtons? Lorsque j’étais tous les jours avec vous, dans le temple, vous n’avez pas étendu vos mains contre moi». Puis il leur en donne la raison simple et solennelle: «Mais c’est ici votre heure, et le pouvoir des ténèbres». L’heure dans laquelle Jésus accomplissait son ministère de grâce et d’amour envers le peuple avait passé; elle était remplacée par «leur heure», où ils se trouvaient sous le pouvoir de Satan. Durant le ministère public de Jésus, ils avaient constamment nourri des pensées de haine contre lui; ils avaient voulu maintes fois le faire mourir; ils n’y avaient pas réussi, parce que son travail n’était pas achevé; maintenant Satan les conduisait à satisfaire aveuglément leur haine contre celui qui n’avait manifesté envers tous que grâce et miséricorde. La guérison de l’esclave du souverain sacrificateur ne les touchait nullement, c’était «leur heure, et le pouvoir des ténèbres». Rien ne pouvait les faire reculer. Mais, grâces à Dieu, rien n’a fait reculer Jésus dans ce moment terrible: il voulait glorifier son Dieu et Père et sauver le pécheur!

 

Reniement de Pierre

(v. 54-62). — Jésus fut emmené par ceux qui s’étaient saisis de lui dans la maison du souverain sacrificateur. Pierre suivait de loin; il voulait tenir la promesse qu’il avait faite au v. 33. Mais, pauvre Pierre! il aurait mieux fait de se cacher et de prier, comme Jésus le lui avait dit. Un feu brûlait dans la cour; il faisait froid (Jean 18:18), Pierre se trouve parmi les gens qui se chauffent. Au lieu de suivre Jésus comme il l’avait dit, il se mêle à cette inique compagnie. Là il sent à quel point son maître est haï; cette inimitié si forte l’effraie. Il n’a d’autre ressource que son courage naturel pour traverser cette heure critique; mais que vaut le courage d’un homme en présence du pouvoir de Satan? Tremblant de peur, au milieu de ces méchants, une servante le remarque, le reconnaît pour être disciple de celui que l’on insulte et que l’on frappe à cette heure même. Elle le regarde fixement et dit: «Celui-ci aussi était avec lui. Mais il le renia, disant: Femme, je ne le connais pas. Et peu après, un autre le voyant, dit: Et toi, tu es de ces gens-là. Mais Pierre dit: Ô homme, je n’en suis point». Tout courage lui manque pour s’identifier avec son Maître maltraité et honni des hommes; il ne pense qu’à lui-même; il veut s’épargner, et malgré sa triste situation, au lieu de fuir, il reste encore une heure environ au milieu de ces gens. Au bout de ce temps, quelqu’un d’autre affirme: «En vérité, celui-ci aussi était avec lui; car aussi il est Galiléen. Et Pierre dit: Ô homme, je ne sais ce que tu dis. Et à l’instant, comme il parlait encore, le coq chanta. Et le Seigneur, se tournant, regarda Pierre; et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur, comme il lui avait dit: Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. Et Pierre, étant sorti dehors, pleura amèrement» (v. 59-62).

L’heure de la tentation venait de se terminer pour Pierre; il s’y était engagé aveuglément, le Seigneur l’ayant permis pour son instruction; mais il avait prié pour lui afin que sa foi ne défaille point, lorsqu’il se rendrait compte de l’énormité de sa faute. Il est facile de se représenter la douleur de Pierre une fois réveillé à la conscience de ce qu’il était et de ce qu’il avait fait; car il aimait Jésus avec toute l’ardeur de sa nature impressionnable. Aussi le regard du Seigneur, en pénétrant au fond de son cœur, mettait tout en lumière devant lui. Il lui rappelait ce dont il l’avait averti; il lui disait que son amour était toujours le même, en lui faisant sentir dans quel abîme il venait de se plonger, par sa propre faute. Les pleurs de Pierre étaient produits par ce regard de lumière et d’amour. Soutenu par la prière de Jésus, il fut gardé du désespoir au cours d’un travail de cœur et de conscience dont nous ne savons rien jusqu’au moment où le Seigneur lui apparut personnellement après sa résurrection.

On comprend l’empressement de Pierre à courir au sépulcre en apprenant que Jésus était ressuscité (chap. 24:12) et l’empressement, plus grand encore, que mit Jésus à le rencontrer (v. 34), afin de l’assurer qu’il était toujours le même pour lui, en attendant l’heure de sa pleine restauration rapportée en Jean 21:15-23.

De l’histoire du reniement de Pierre, il se dégage une leçon, entre autres, à laquelle nous avons à prêter attention tant jeunes que vieux, afin d’éviter de pénibles expériences qui déshonorent le Seigneur. C’est qu’il faut fuir les lieux où nous ne pouvons pas rendre témoignage. Où que le Seigneur nous appelle, nous devons rendre témoignage en comptant sur lui et non sur nos propres forces. Mais ne nous hasardons pas là où nous ne nous sentons pas approuvés de lui, car Dieu n’a pas promis de nous garder dans le chemin de notre propre volonté. Il peut nous apprendre de salutaires, mais humiliantes leçons, en nous laissant tomber en tentation; mais il a d’autres moyens pour nous enseigner; il le fait par sa Parole, à la condition que nous y croyions, que nous l’écoutions et la mettions en pratique.

Nous ne pouvons éviter le contact avec le monde au milieu duquel nous sommes appelés à vivre; mais ne nous exposons pas à déshonorer le Seigneur en affrontant des circonstances où, en présence de l’inimitié qui existe contre lui, nous n’aurons aucune force pour lui être fidèles. Abstenons-nous des compagnies mondaines tant que nous ne pouvons pas rester avec elles sur le terrain chrétien, où alors nous chercherons à leur faire du bien. Dans les cas où il n’est pas possible d’éviter le contact du monde: à l’école, au travail, dans l’armée, ou partout ailleurs, il faut, comme Daniel, «arrêter dans son cœur» de ne pas se souiller, de rester fidèle (Daniel 1:8). Alors le Seigneur donnera la force nécessaire pour ne pas le renier. Souvenons-nous que, dans le chemin de la propre volonté, malgré toutes nos bonnes intentions, nous sommes sans garanties en présence de l’Ennemi qui, «comme un lion rugissant, rôde autour de nous, cherchant qui il pourra dévorer» (1 Pierre 5:8). Si Pierre ne s’était pas trouvé avec les gens qui se chauffaient dans la cour du souverain sacrificateur, il n’aurait pas eu l’occasion de renier le Seigneur. S’il s’était mieux connu, c’est-à-dire s’il avait connu sa faiblesse, ou bien, il aurait fui cette compagnie, sachant qu’il ne pouvait pas lui faire face, ou bien il aurait compté sur le Seigneur pour lui être fidèle.

 

Jésus devant le Sanhédrin

(v. 63-71). — Dans la maison du souverain sacrificateur, Jésus fut le jouet de la méchanceté des hommes qui profitaient de ce qu’il se livrait volontairement pour se moquer de lui, l’injurier et le frapper. Il supportait ces traitements avec le calme et la dignité que lui donnait la conscience de ce qu’il était, de ce qu’il accomplissait; il sentait divinement tous ces outrages avec un cœur humain, dans une parfaite communion avec son Père (v. 63-65).

Il ne nous est pas dit où et comment se passa pour Jésus le reste de cette nuit mémorable. Au matin, on le conduisit au sanhédrin qui comprenait les anciens, les principaux sacrificateurs et les scribes, afin de donner une forme légale à son procès; mais on l’avait condamné d’avance. Ses juges veulent que Jésus leur dise s’il est le Christ. Il leur répond: «Si je vous le disais, vous ne le croiriez point; et si je vous interroge, vous ne me répondrez point ou ne me laisserez point aller» (v. 67-68). Le temps de son témoignage avait pris fin. Tout ce qui devait être fait afin que les Juifs croient que Jésus était le Christ avait eu lieu avec évidence selon les Écritures. Le leur dire encore eût été inutile, au moment où son rejet allait être consommé. Rejeté comme le Christ, il allait prendre place dans la gloire comme Fils de l’homme: «Désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu» (v. 69). Comme le Messie, ou Christ, Jésus aurait dû s’asseoir sur le trône de David, à Jérusalem; mais puisque les Juifs le rejetaient, il allait s’asseoir comme Fils de l’homme à la droite de Dieu, dans le ciel, en attendant de prendre en main le gouvernement universel comme nous le voyons en Daniel 7:13-14. De la déclaration du glorieux accusé, ses juges tirent la conclusion qu’il est Fils de Dieu: «Toi, tu es donc le Fils de Dieu? Et il leur dit: Vous dites vous-mêmes que je le suis» (v. 70). Tout ce que Jésus avait dit et fait avait démontré à leur conscience qu’il était le Fils de Dieu aussi bien que le Christ; et ce que leur conscience ne pouvait que reconnaître, servait, hélas! de motif pour le condamner. Quel endurcissement! «Ils dirent: Qu’avons-nous encore besoin de témoignage? Car nous-mêmes nous l’avons entendu de sa bouche» (v. 71). Ils ont maintenant un motif, ou plutôt un prétexte, pour livrer Jésus à Pilate dont ils avaient besoin pour accomplir leur criminel dessein, car, selon les lois romaines, les Juifs ne possédaient pas le droit de faire mourir.