Luc

Chapitre 12

Le levain des pharisiens

(v. 1-12). — Malgré l’opposition des chefs du peuple, les foules se rassemblaient par milliers autour de Jésus, au point que les assistants s’écrasaient les uns les autres. Cependant c’est à ses disciples que Jésus s’adresse. Il leur donne les instructions nécessaires pour l’accomplissement de leur service après son départ. Il les met en garde contre le levain des pharisiens qui est l’hypocrisie, ce mal qui les caractérisait et à cause duquel il avait prononcé sur eux les «malheurs» du chapitre précédent. Il appelle l’hypocrisie un «levain» parce que ce principe du mal pénètre facilement ceux qui sont en contact avec lui, chose vraie aussi de tout péché.

Pour vivre dans l’hypocrisie, il faut oublier que Dieu voit tout, connaît tout, et qu’il faudra avoir affaire avec lui un jour, alors que tout ce qui a été caché, à soi et aux hommes, viendra en évidence devant la lumière éclatante du tribunal de Dieu. C’est pourquoi Jésus ajoute: «Il n’y a rien de couvert qui ne sera révélé, ni rien de secret qui ne sera connu. C’est pourquoi toutes les choses que vous avez dites dans les ténèbres seront entendues dans la lumière, et ce dont vous avez parlé à l’oreille dans les chambres sera publié sur les toits» (v. 2-3). Le croyant a le privilège de vivre dans la présence de Dieu, sachant qu’il connaît toutes les pensées secrètes de son cœur; aussi il ne cherche pas à lui cacher quoi que ce soit. L’œuvre de Christ l’a placé dans la lumière, et il doit y vivre pratiquement. Les disciples allaient avoir à souffrir pour le nom du Seigneur; tout croyant doit s’y attendre et cette part pourrait être la nôtre aussi. Quand sévissent persécutions et opprobre, on peut chercher à les éviter en ne rendant pas ouvertement témoignage. C’est pourquoi Jésus dit: «Mais je vous dis à vous, mes amis: Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui après cela ne peuvent rien faire de plus; mais je vous montrerai qui vous devez craindre: craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne: oui, vous dis-je, craignez celui-là» (v. 4, 5 ) Ce n’est pas avec les hommes que nous aurons affaire au dernier jour, en sorte que, maintenant comme alors, il s’agit d’avoir toujours Dieu devant soi et de ne pas craindre l’homme dont le pouvoir ne s’étend pas au delà de la mort.

Beaucoup de croyants, les «martyrs», mot qui signifie «témoins», ont reçu la grâce d’être fidèles. Craignant Dieu, ils n’ont pas redouté les hommes, malgré les tortures et les morts terribles qu’ils enduraient; aussi ils auront éternellement la couronne de vie promise à ceux qui donnent leur vie pour le Seigneur (Apocalypse 2:10). Ce Dieu, qu’il faut craindre plutôt que les hommes, veille avec bonté sur toutes ses créatures, même sur celles qui ont si peu de valeur aux yeux de leurs semblables, tels que les passereaux. On vendait cinq de ces oiseaux pour deux sous, ce qui faisait environ deux centimes pièce, et cependant, Jésus, qui rappelle cela, dit: «Pas un seul d’entre eux n’est oublié devant Dieu». Pour montrer la sollicitude infinie de Dieu envers ses bien-aimés, il dit: «Mais les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc pas: vous valez mieux que beaucoup de passereaux» (v. 6-7). Les rachetés ont été acquis au prix du sang du Fils de Dieu; c’est ce qui leur donne une si grande valeur, et Dieu s’occupe d’eux avec l’amour qu’il a pour son propre Fils, en qui il les voit toujours. C’est pourquoi ils n’ont rien à craindre.

En effet, cher lecteur, ne craignons pas de rendre témoignage franchement devant le monde. Le temps est court, profitons-en; craignons Dieu en pensant à son amour pour nous, au sacrifice de son propre Fils, aux souffrances que notre Sauveur a endurées pour expier nos péchés, et nous ne reculerons pas devant l’opprobre et la crainte des hommes; nous n’aurons pas toujours ceux-ci devant les yeux. Le moment s’approche où toutes les conséquences de notre marche ici-bas et de notre témoignage seront manifestées. Le Seigneur dit: «Quiconque m’aura confessé devant les hommes, le Fils de l’homme le confessera aussi devant les anges de Dieu; mais celui qui m’aura renié devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu» (v. 8-9). Dieu veut que la lumière qui manifestera tout au jour du jugement éclaire déjà les siens dans le chemin, afin qu’ils ne se laissent pas détourner par les pensées et l’appréciation des hommes, gouvernés par des considérations matérielles et visibles.

En pensant à l’opposition que les disciples rencontreraient dans l’accomplissement de leur service, Jésus dit qu’il sera pardonné à quiconque parlera contre le Fils de l’homme. C’était là le péché des Juifs qui rejetaient Jésus pendant qu’il était au milieu d’eux; mais, après le ministère de Jésus, il y aurait celui du Saint Esprit par les disciples. Si quelqu’un proférait des paroles injurieuses contre le Saint Esprit, venu dans ce monde pour rendre témoignage à Jésus ressuscité, il ne lui serait pas pardonné. Jésus dit de ceux qui le crucifiaient: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font» (chap. 23:34). En réponse à cette prière, Dieu prit patience envers les Juifs avant de les disperser parmi les nations et de détruire Jérusalem. Individuellement, tous ceux qui crurent pendant ce temps reçurent le pardon, il y en eut trois mille en un seul jour (Actes 2:41); tous ceux-là sortirent d’Israël et furent ajoutés à l’Assemblée. Le Saint Esprit étant venu rendre témoignage, par les disciples, à toutes les gloires de Jésus et aux effets de sa mort, personne ne pouvait prétexter son ignorance. C’est pourquoi le rejet du témoignage que le Saint Esprit rendait, par le moyen des apôtres, a déterminé le jugement tombé sur les Juifs comme nation.

Lorsque les disciples rendraient leur témoignage devant les synagogues, les magistrats et les autorités, c’était tellement le témoignage du Saint Esprit qu’ils n’avaient pas à être en souci de ce qu’ils auraient à dire, «car», dit Jésus, «le Saint Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faudra dire» (v. 11-12). L’opposition qu’ils rencontreraient serait réellement l’opposition au Saint Esprit.

 

Un homme insensé

(v. 13-21). — Quelqu’un vint prier Jésus d’intervenir entre lui et son frère pour partager leur héritage. Jésus lui répondit: «Homme, qui est-ce qui m’a établi sur vous pour être votre juge et pour faire vos partages?» (v. 14) Le Seigneur n’était pas dans ce monde pour favoriser les hommes dans leurs intérêts matériels. Il était venu ouvrir le chemin du ciel aux pécheurs, au travers d’un monde ruiné et perdu, dans lequel il faut détourner ses regards des choses matérielles, toutes précieuses et légitimes qu’elles soient à nos yeux. C’est ce que Jésus va montrer. Il dit tout d’abord: «Voyez, et gardez-vous de toute avarice; car encore que quelqu’un soit riche, sa vie n’est pas dans ses biens» (v. 15). Le Seigneur discernait que l’avarice gouvernait le cœur de ces hommes qui ne pouvaient partager seuls leur héritage; elle attache le cœur aux choses de la terre. Or nous devrons abandonner, tôt ou tard, les biens matériels, tandis que l’âme subsistera toujours sans eux. Donc la question importante pour tout homme ici-bas concerne la vie, cette vie qui n’est pas dans les biens et que l’on peut perdre pour l’éternité en s’attachant aux richesses de ce monde.

Jésus démontre le sérieux de cette vérité dans la parabole de l’homme riche dont les champs avaient rapporté en si grande abondance qu’il avait dû abattre ses greniers pour en bâtir de plus grands, afin d’y amonceler toutes ses récoltes. Une fois en possession de ces richesses, il avait pu dire: «Mon âme, tu as beaucoup de biens assemblés pour beaucoup d’années; repose-toi, mange, bois, fais grande chère. Mais Dieu lui dit: Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ces choses que tu as préparées, à qui seront-elles?» (v. 19-20). Le Seigneur qualifie d’insensé l’homme qui raisonne de la sorte, aveuglé par les richesses matérielles au point d’oser disposer de l’avenir en promettant à son âme des jouissances pour beaucoup d’années. Il ne tient aucun compte du fait que la durée de son existence ici-bas lui demeure inconnue. Puis il semble ignorer que son âme vivra éternellement; il ne lui faut donc pas des jouissances pour «beaucoup d’années», encore qu’elles lui seraient accordées, mais bien pour l’éternité, et elles ne se trouvent pas dans les biens matériels qu’on devra abandonner un jour. Le Seigneur Jésus était au milieu des hommes la source de la vie et du bonheur éternels, et non un juge pour partager des biens que l’on peut laisser d’un instant à l’autre. On comprend qu’il appelle «insensé» celui qui ne se préoccupe que des jouissances d’un instant, sans se mettre en souci de son avenir. Puisque l’homme a perdu la vie par le péché et que toute la création gémit sous les conséquences de sa chute; puisque cette terre, avec tout ce qu’elle contient, disparaîtra un jour, alors que l’homme existera encore, la grande préoccupation actuelle de chacun de nous doit être son avenir éternel, la situation qu’il aura, quand tout ce qu’il voit n’existera plus. Il est, en effet, insensé s’il se laisse détourner de cette question vitale, de toute importance, en ne se préoccupant que de son bien-être matériel durant les quelques années de son passage ici-bas, si même il a des années pour en jouir. Ce ne fut pas le cas pour l’homme de la parabole, puisque son âme lui fut redemandée la nuit même qui suivit le jour où il formait ses plans. Il avait préparé des richesses pour d’autres qui devraient aussi les laisser à leur tour, et continuer leur existence dans le lieu où elles n’ont aucune valeur, que ce soit celui des tourments ou celui du bonheur. Jésus ajoute: «Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n’est pas riche quant à Dieu» (v. 21). L’homme riche quant à Dieu se laisse enrichir, par Dieu, d’une vie éternelle et des biens qui lui appartiennent.

De nos jours, ces «insensés» sont nombreux. Ils oublient que le fil de leur vie peut être coupé d’un instant à l’autre; ils ne pensent pas que mourir n’est pas cesser d’exister, car l’âme provient du souffle de l’Éternel qui fit devenir Adam «âme vivante», tandis que les animaux arrivèrent à l’existence par la puissance de Dieu, sans qu’il ait soufflé en eux une respiration de vie; par conséquent, leur existence prend fin au moment où leur corps périt et ils n’ont aucune responsabilité envers Dieu leur Créateur, ce qui n’est pas le cas de l’homme. Ce dernier ayant failli à sa responsabilité, en porte les conséquences éternelles; mais Dieu, qui est amour, lui donne le temps qu’il passe dans ce monde pour songer à son avenir et accepter la grâce qui lui est offerte dans le don de la vie éternelle. Mais, au lieu d’accepter avec empressement ce don, il agit comme s’il devait toujours rester sur la terre, ou comme si, après la mort, tout était fini.

Les temps actuels sont excessivement sérieux, car nous approchons de la fin du temps de la patience de Dieu. C’est le moment, plus que jamais, de penser que Dieu accorde un délai précieux à quiconque n’a pas encore la vie éternelle, pour l’accepter. C’est pourquoi ce délai, très court, doit être mis à profit. Que tous nous y réfléchissions sérieusement, sans nous laisser distraire par les choses qui se voient, qui ne sont que pour un temps, tandis que celles qui ne se voient pas sont éternelles, que ce soit le malheur ou le bonheur!

 

La confiance en Dieu

(v. 22-31). — Si le cœur ne doit pas être détourné de Dieu par les richesses, il ne doit pas l’être non plus par les soucis pour la vie de chaque jour. Jésus dit à ses disciples: «À cause de cela, je vous dis: Ne soyez pas en souci pour la vie, de ce que vous mangerez; ni pour le corps, de quoi vous serez vêtus: la vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement» (v. 22-23). La confiance en Dieu le Père doit bannir du cœur toute inquiétude. Dieu a donné la vie; il a formé le corps, c’est lui qui se charge de leur entretien. Il ne s’agit pas de paresse, ni d’indifférence quant aux nécessités de la vie, mais de confiance en Dieu en pensant à l’avenir, afin que le cœur ne soit pas détourné des choses célestes, de nos vrais intérêts qui sont en rapport avec la gloire de Dieu.

Le Seigneur donne en exemple les corbeaux: «Ils n’ont pas de cellier ni de grenier; et Dieu les nourrit: combien valez-vous mieux que les oiseaux!» (voir Job 39:3 et Psaume 147:9, passages auxquels celui-ci fait allusion). Le corbeau n’a aucun souci pour la vie; il trouve chaque jour ce que Dieu lui a préparé. Pourquoi le croyant se mettrait-il en souci, puisqu’il est l’objet de l’amour de Dieu et qu’il connaît cet amour, ignoré d’un oiseau?

Personne ne saurait non plus, par le souci qu’il s’en ferait, ajouter une coudée à sa taille. C’est Dieu qui donne au corps humain son développement; personne ne peut y rien ajouter. Si quelqu’un l’allongeait d’une coudée (environ 45 centimètres), il croirait avoir fait une grande chose; Jésus dit au contraire: «Si donc vous ne pouvez pas même ce qui est très petit, pourquoi êtes-vous en souci du reste?» Il faut tout abandonner à Dieu. Que l’on soit de grande ou de petite taille, ce n’est pas là ce qui importe à Dieu, mais bien la vie. Pour l’entretenir, il a créé tout ce qu’il faut, tant à l’homme qu’à la bête. Dieu sait aussi que le corps n’a pas seulement besoin de nourriture, mais aussi de vêtements, nécessité qui provient du péché. C’est Dieu qui, après la chute, a revêtu lui-même Adam et Ève1, et il continue à y pourvoir pour nous. À cet égard, Dieu veut que les siens n’éprouvent pas plus de souci que les lis, vêtus, dit le Seigneur, plus magnifiquement que Salomon dans toute sa gloire, et il ajoute: «Et si Dieu revêt ainsi l’herbe qui est aujourd’hui au champ et qui demain est jetée dans le four, combien plus vous vêtira-t-il, gens de petite foi!» (v. 27-28). Les lis ne se préoccupent pas de leur parure, encore moins que les oiseaux. Si, en gens intelligents, nous avons conscience de notre existence, nous tracasserons-nous de toutes ces choses? L’intelligence devrait, au contraire, nous amener à une plus grande confiance en Dieu. Hélas! il n’en est rien pour l’homme naturel, parce que, à cause du péché, son intelligence l’élève au lieu de lui faire comprendre sa dépendance de Dieu, sentiment perdu par la chute et que seul peut éprouver, par la régénération, l’homme renouvelé. La foi compte sur Dieu et lui laisse le soin de pourvoir à tout. Le croyant sait que non seulement Dieu conserve tous les hommes, mais qu’il est son Père, dont l’amour a été manifesté, en rapport avec les besoins de la vie présente et avec ceux de la vie à venir; il lui ouvre un horizon qui dépasse tout ce qui tient à ce monde perdu et ruiné par le péché. C’est pourquoi le croyant doit se préoccuper du royaume de Dieu, devenu son affaire, et laisser à son Père le soin de tout ce qui le concerne quant aux choses matérielles. C’est pourquoi Jésus dit: «Et vous, ne recherchez pas ce que vous mangerez ou ce que vous boirez, et n’en soyez pas en peine; car les nations du monde recherchent toutes ces choses, et votre Père sait que vous avez besoin de ces choses; mais recherchez son royaume, et ces choses vous seront données par-dessus» (v. 29-31).

1 Nous savons que les vêtements de peau, dont Dieu couvrit nos premiers parents après leur péché, sont une figure du vêtement de justice dont le pécheur doit être revêtu par Dieu pour pouvoir se tenir dans sa présence. Nous ne citons le cas en rapport avec notre sujet que parce que c’est Dieu qui les revêtit.

Les nations du monde ont abandonné Dieu et le connaissent encore moins comme Père; c’est pourquoi leur cœur est tout entier aux choses de la vie présente. Mais ceux qui connaissent le Père peuvent se confier en lui et chercher les choses qui appartiennent à son royaume, ordre de choses où les droits de Dieu sont reconnus, en contraste avec le monde qui l’a rejeté dans la personne de Jésus. Que tout ce que fait le croyant en pensées, en paroles et en actions, soit accompli selon la volonté et la pensée de Dieu, et lui s’occupera de toutes les autres choses, afin qu’elles ne nous causent pas de distraction.

Ces enseignements du Seigneur font ressortir combien nous sommes souvent loin de les pratiquer Car n’est-ce pas la poursuite des choses matérielles, sous des formes diverses, qui occupe la plus grande place dans nos cœurs, au lieu de la recherche du royaume de notre Père, c’est-à-dire les choses de Dieu? Non que nous devions négliger le travail et les devoirs de la vie présente, au contraire; mais nous avons à les accomplir pour le Seigneur et non pour nous-mêmes, nos cœurs attachés aux choses célestes et éternelles que nous a données la grâce de Dieu, alors que nous nous mouvions dans le cercle étroit des choses visibles et périssables, sans espérance pour l’éternité.

 

Les serviteurs dans l’attente de leur Maître

(v. 32-40). — Ceux qui avaient reçu Jésus sont appelés «le petit troupeau». C’est en effet le petit nombre qui a caractérisé les fidèles dans tous les temps. Le Seigneur s’adresse à eux en disant: «Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume». Quel encouragement pour ces quelques gens faibles et méprisés par la masse. Ils peuvent bien ne pas être en souci pour la vie, puisque leur Père leur a donné le royaume, un royaume qui n’est pas de ce monde, il est vrai, puisqu’il fait d’eux des étrangers ici-bas. Leur conduite doit être en rapport avec leur position et leurs privilèges; c’est ce que le Seigneur leur enseigne. Non seulement il ne faut pas rechercher les richesses, ni être en souci pour la vie, mais il faut transformer les biens de cette terre, que l’on peut posséder, en trésors célestes, en faisant du bien à ceux qui sont dans le besoin. «Vendez ce que vous avez, et donnez l’aumône; faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor qui ne défaille pas, dans les cieux, d’où le voleur n’approche pas, et où la teigne ne détruit pas; car là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur» (v. 33-34). Le chrétien doit se gouverner en rapport avec le ciel; il n’appartient plus à la terre; aussi ses trésors ne sont-ils plus d’ici-bas; autrement son cœur y serait aussi. Ce n’est pas mauvais qu’un chrétien possède des biens de ce monde; mais il doit les utiliser en vue du ciel, se faire avec eux «des bourses qui ne vieillissent, pas».

Si le croyant n’est pas de ce monde, si ses biens sont dans le ciel, il doit attendre constamment le Seigneur qui va venir l’introduire là où est son trésor, et, en l’attendant, il doit le servir. Jésus dit: «Que vos reins soient ceints»: c’est l’attitude du serviteur. «Que vos lampes soient allumées»: c’est le témoignage, la manifestation de la vie de Dieu, lumière qui doit briller dans la nuit morale de ce monde en attendant le Seigneur. «Soyez vous-mêmes semblables à des hommes qui attendent leur maître, à quelque moment qu’il revienne des noces, afin que, quand il viendra et qu’il heurtera, ils lui ouvrent aussitôt» (v. 35-36). Le Maître dont l’exemple est donné ne disait pas à ses serviteurs à quelle heure il rentrerait; c’est pourquoi ils devaient veiller constamment, afin d’être prêts à lui ouvrir à n’importe quelle heure. Nous devons attendre ainsi le Seigneur. Le faisons-nous vraiment?

Le Seigneur appelle «bienheureux» les esclaves qu’il trouvera veillant. Il dit: «En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et, s’avançant, il les servira. Et s’il vient à la seconde veille, et s’il vient à la troisième, et qu’il les trouve ainsi, bienheureux sont ces esclaves-là» (v. 37-38). Quelle gloire, pour des esclaves d’être servis par leur Seigneur! Il vaut la peine de l’attendre fidèlement comme de véritables esclaves, ces serviteurs qui sont la propriété de leur maître, sans avoir le droit de disposer de leur personne, ni de leur temps, entièrement au service de celui qui les a achetés. Puissions-nous avoir ce caractère d’esclaves vigilants, l’oreille tendue pour entendre les premiers sons qui font connaître l’approche du Maître! Le Seigneur va venir; alors plus de service dans la nuit, plus de vigilance; ce sera le repos éternel et le Serviteur parfait et glorieux servira les siens à une table éternellement dressée, où ils jouiront de son amour et de tout ce qu’est Jésus lui-même. Avec une telle perspective devant nous, nous pouvons attendre le Seigneur à toute heure. «Vous donc aussi soyez prêts; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme vient» (v. 40). Il y a dans ces paroles un avertissement qui ne concerne pas seulement les serviteurs qui attendent leur Maître, mais chacun de ceux qui ne connaissent pas le Seigneur. Aujourd’hui plus que jamais, ces mots: «Soyez prêts» retentissent aux oreilles de tous, car c’est encore le jour de la grâce. C’est un grand privilège que le Seigneur accorde à tous d’entendre son appel. Ceux qui n’y prennent pas garde s’exposent à entendre ces autres mots: «Trop tard», lorsque le temps de la grâce sera passé et que le Seigneur aura fermé la porte.

 

Le service et ses conséquences

(v. 41-49). — Dans les versets qui précèdent, Jésus a montré à ses disciples de quelle manière ils ont à l’attendre. Dans ceux qui suivent, en réponse à la question de Pierre: «Seigneur, dis-tu cette parabole pour nous, ou aussi pour tous?» Jésus montre la responsabilité de ceux auxquels il a confié un service pendant son absence. Il les compare à un économe fidèle et prudent que son maître a établi sur ses domestiques pour leur donner leur nourriture au temps voulu. Ce service consiste à nourrir, par le ministère de la Parole, ceux qui appartiennent au Seigneur. Ceux qui seront trouvés fidèles dans ce service quand le Seigneur viendra, il les établira sur tous ses biens. Au v. 37, il est dit de ceux qui attendent fidèlement le Seigneur, qu’il «les fera mettre à table et les servira». C’est une récompense plus intime; tandis que le chrétien fidèle dans l’administration à lui confiée, aura une récompense en rapport avec elle: «Établi sur tous ses biens». Les personnes fidèles dans l’attente du Seigneur et dans son service auront part à ces deux récompenses, car l’attente du Seigneur se lie intimement au service, comme nous le voyons au v. 45.

Dans les versets 45 à 48, Jésus fait allusion aux personnes qui ont assumé elles-mêmes la responsabilité de serviteur, en s’établissant comme tels dans la maison de Dieu. Du moment qu’elles ont pris cette place, elles en portent la responsabilité et, quoi qu’il en soit, le Seigneur est leur Maître; mais ne possédant pas la vie, ces serviteurs ne l’attendent pas; ils disent: «Mon maître tarde à venir». Il leur manque ce qui peut les maintenir dans la conscience de leurs devoirs, savoir la pensée que d’un instant à l’autre le Maître va venir et qu’il se renseignera sur leur conduite pendant son absence. En perdant de vue le retour de leur Maître et le sentiment de leur responsabilité, ils s’élèvent au-dessus de leurs compagnons de travail, prétendant avoir des droits sur eux; ils les traitent violemment en cherchant leur satisfaction charnelle; ils battent les serviteurs et les servantes, mangent et s’enivrent (v. 45). Pierre dit à ceux qui paissent le troupeau de Dieu de ne pas le faire «pour un gain honteux, mais de bon gré, ni comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du troupeau» (1 Pierre 5:2-3). La conduite que le Seigneur signale ici a caractérisé le clergé dans l’histoire de l’Église romaine surtout. Pour les serviteurs infidèles, comme pour les fidèles, le Seigneur viendra. Comme les premiers ne l’attendent pas, il les surprendra, les coupera en deux et leur donnera leur part avec les infidèles. La récompense étant en rapport avec la fidélité, le jugement le sera avec l’infidélité, et cela, en proportion de la connaissance que l’on aura possédée de la volonté du Maître. Pensée bien solennelle pour ceux qui vivent dans la chrétienté en ayant la connaissance de la vérité telle que l’Évangile l’a révélée, et tout particulièrement ceux qui occupent la place de serviteurs du Seigneur, qu’ils l’aient prise eux-mêmes ou que le Seigneur la leur ait donnée. La responsabilité de tous est incomparablement plus grande que celle des païens. Le Seigneur dit: «Cet esclave qui a connu la volonté de son maître, et qui ne s’est pas préparé et n’a point fait selon sa volonté, sera battu de plusieurs coups; et celui qui ne l’a point connue, et qui a fait des choses qui méritent des coups, sera battu de peu de coups: car à quiconque il aura été beaucoup donné, il sera beaucoup redemandé; et à celui à qui il aura été beaucoup confié, il sera plus redemandé» (v. 17-48). Ici, comme dans beaucoup d’autres passages, nous voyons le jugement proportionné aux privilèges reçus et non pas uniforme, comme beaucoup le pensent, en accusant Dieu d’injustice. Dieu établira, selon sa justice parfaite et inflexible, le degré de responsabilité de chacun. Les païens, les sauvages, font des choses abominables, il est vrai; mais aux yeux de Dieu, ils sont infiniment moins coupables que ceux qui, en apparence, commettent moins de mal dans la chrétienté, mais qui sont loin de vivre à la lumière de la vérité qu’ils connaissent, tout en prétendant servir le Seigneur, sans se conformer à sa Parole et sans attendre son retour.

 

Effets de la présence de Jésus ici-bas

(v. 49-53). — Si Jésus avait été reçu lorsqu’il vint sur la terre, il aurait apporté la paix que les anges célébraient à sa naissance; mais la méchanceté des hommes amène l’effet contraire. Jésus dit: «Je suis venu jeter le feu sur la terre; et que veux-je, si déjà il est allumé?» Dès le moment du rejet de Jésus, le feu était allumé, c’est-à-dire que le jugement commençait; le feu en est toujours une figure. Mais le Seigneur vint pour faire connaître aux pécheurs l’amour de Dieu. Pour cela, il devait être baptisé du baptême de la mort, jugement que les coupables avaient mérité. Jésus était à l’étroit dans ses entrailles — figure des affections profondes — jusqu’à l’accomplissement de ce baptême (v. 50), parce qu’il désirait que tous connussent son amour plus pleinement que lorsqu’il se trouvait sur la terre; en effet, il ne pouvait le manifester comme son cœur le désirait. Par sa mort, Jésus permettait à la grâce d’être connue de tous et partout. Le jugement ayant eu lieu et la justice de Dieu étant satisfaite, sa grâce, son amour, dont Jésus était l’expression au milieu de son peuple qui le rejetait, auraient libre cours dans le monde entier; la grâce régnerait par la justice (Romains 5:21). Cependant, jusqu’au jour où les jugements délivreraient la terre de tous les méchants, pour établir le règne de paix du Fils de l’homme, il y aurait toujours conflit entre ceux qui recevraient le Seigneur et ceux qui le rejetteraient. «Pensez-vous», dit Jésus, «que je sois venu donner la paix sur la terre? Non, vous dis-je; mais plutôt la division. Car désormais ils seront cinq dans une maison, divisés: trois seront divisés contre deux, et deux contre trois; le père contre le fils, et le fils contre le père; la mère contre la fille, et la fille contre la mère; la belle-mère contre sa belle-fille, et la belle-fille contre sa belle-mère» (v. 51-53). C’est, hélas! le résumé de ce qui s’est passé depuis que l’Évangile a été prêché dans le monde, la division au sein même des familles, brisant les liens les plus étroits selon la nature. Cela résulte de la manifestation de la lumière au milieu des ténèbres; elle révèle tout, elle montre le mal dans lequel se trouve l’homme; celui-ci étant orgueilleux, ennemi de Dieu, devient immédiatement persécuteur. Nous voyons par cela combien est grande l’erreur de ceux qui pensent que l’Évangile doit pacifier le monde et que sa prédication doit amener tous les hommes sous le règne de Christ. L’Évangile fait sortir du monde celui qui le reçoit; la vérité sépare ce qui est de Dieu et de l’homme; tant que cette œuvre s’accomplira, l’opposition, la persécution auront lieu. Une fois le temps de la patience de Dieu expiré, les croyants seront retirés de ce monde et le jugement tombera sur ceux qui auront rejeté la lumière de l’Évangile. Alors le règne de Christ s’établira avec ceux des Juifs et des Gentils païens qui auront cru à l’Évangile du royaume, prêché après l’enlèvement de l’Église.

 

Avertissements aux foules

(v. 54-59). — Ces versets contiennent un avertissement solennel pour les Juifs et actuel aujourd’hui pour le monde. Les Juifs auraient dû comprendre ce que Dieu leur voulait en leur envoyant son Fils. Jésus, s’adressant aux foules, leur dit: «Quand vous voyez une nuée se lever de l’occident, aussitôt vous dites: Une ondée vient; et cela arrive ainsi. Et quand vous voyez souffler le vent du midi, vous dites: Il fera chaud; et cela arrive. Hypocrites! vous savez discerner les apparences de la terre et du ciel, et comment ne discernez-vous pas ce temps-ci? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste?» Puisqu’ils savaient interpréter les prévisions météorologiques, ils auraient dû connaître le caractère moral du temps où ils vivaient, car Jésus leur était présenté de manière à le leur faire comprendre. Ils auraient dû discerner que l’orage des jugements de Dieu allait éclater s’ils ne recevaient pas le Seigneur et ne profitaient pas de l’ondée de bénédiction qu' il leur apportait. Le temps où Dieu ne tolèrerait plus les Juifs s’approchait rapidement; mais, avant l’exécution des jugements, le peuple était comme un homme en chemin avec sa partie adverse pour comparaître devant le magistrat. Il devait, dit Jésus, s’efforcer d’y échapper, car, s’il entrait en jugement, il n’en sortirait pas qu’il n’eût payé la dernière pite (v. 58-59). Hélas! Dieu était la partie adverse de son peuple; au lieu de rejeter Jésus, ils auraient dû se réconcilier avec lui, car il était Dieu «réconciliant le monde avec lui-même, ne leur imputant pas leurs fautes» (2 Corinthiens 5:19). C’est ce qu’ils ne firent pas; comme nation, ils furent livrés aux Romains, qui dispersèrent dans le monde entier ceux qu’ils ne mirent pas à mort. Aujourd’hui encore, ils se trouvent sous les conséquences terribles du rejet de leur Messie, jusqu’au temps, que nous savons être prochain, où, selon Ésaïe 40:1-2, il sera dit: «Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée; qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés».

Israël, alors au terme de la patience de Dieu, a été mis de côté pour un temps et remplacé, comme témoignage sur la terre, par l’Église. Cette dernière, de même qu’Israël, a complètement manqué; au lieu de se séparer du monde en témoignage pour son Seigneur, elle s’est assimilée à lui. Aujourd’hui, la patience de Dieu arrive à sa fin, chose que tous devraient discerner. Le Seigneur Jésus va venir enlever les siens, pour les délivrer de la colère de Dieu qui fondra sur ce monde. Ceux qui croient la Parole de Dieu le savent et reconnaissent clairement les caractères solennels de nos temps. «Connaissant le temps, que c’est déjà l’heure de nous réveiller du sommeil, car maintenant le salut (la délivrance) est plus près de nous que lorsque nous avons cru: la nuit est fort avancée, et le jour s’est approché» (Romains 13:11-12). L’état moral de la chrétienté, plus encore que les événements politiques, fait constater que nous sommes à la fin de l’histoire du christianisme sur la terre, histoire qui se terminera par des jugements prochains (lire 2 Timothée 3:1-5, où sont décrits les caractères moraux des hommes d’aujourd’hui, ainsi que chap. 4:3-4). Nous savons que la chrétienté ne peut pas être restaurée; mais l’appel à se mettre en règle avec sa partie adverse, Dieu, s’adresse encore à chacun individuellement, pendant que dure le temps de la grâce; bientôt il faudra paraître devant le Juge pour entendre prononcer sa condamnation éternelle. Alors il sera trop tard pour échapper.

C’est pour rendre attentifs les indifférents et les incrédules, que Dieu a permis les terribles événements actuels. Beaucoup ont prêté l’oreille à la voix de la grâce en présence de la mort qui les guettait. Et c’est parce que le cœur naturel est tellement endurci que Dieu permet que le fléau se prolonge, afin de faire grâce à un plus grand nombre encore, non seulement sur les champs de bataille et dans les hôpitaux, mais partout; et particulièrement à ceux de nos lecteurs pour lesquels Dieu serait encore la partie adverse. Une voix solennelle leur dit: «Mets-toi promptement en règle avec lui, avant d’être traîné devant le Seigneur comme juge».