Luc

Chapitre 8

Jésus et les siens

(v. 1-3). — Les faits rapportés dans ces trois versets ne se trouvent que dans l’évangile selon Luc. Nous y voyons Jésus prêcher et annoncer le royaume de Dieu dans les villes et les villages de la Galilée, entouré de ses disciples. Fils de l’homme, il réalisait une dépendance complète vis-à-vis de Dieu dans une humilité qui touche le cœur. Il dépendait de Dieu, non seulement pour accomplir son service, mais pour ses besoins de chaque jour, jusque dans les moindres détails. Plusieurs femmes qui, par sa grâce, avaient été guéries et délivrées, le suivaient et l’assistaient de leurs biens: Marie Magdeleine, de laquelle étaient sortis sept démons — celle que l’on retrouve au tombeau de Jésus en Jean 20, — Jeanne, femme de Chuzas, intendant d’Hérode, une autre femme nommée Suzanne, et plusieurs autres. Ces femmes pieuses éprouvaient du bonheur à manifester leur reconnaissance envers Jésus, en le suivant pour écouter ses enseignements, sans doute, et pour le servir. Combien l’abaissement de Jésus met en relief la grâce qui l’a fait descendre dans ce monde, lui, Dieu, le Créateur, celui qui soutient toutes choses par la parole de sa puissance, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, devant lequel, un jour, tout genou se ploiera. Il n’avait ici-bas aucune volonté, sinon celle d’obéir à son Père, dans un abaissement profond, dans une dépendance absolue de Dieu qui employait quelques femmes pour l’assister de leurs biens, ne se servant jamais de sa puissance divine en sa faveur, mais toujours pour le bien des autres: tout cela, cher lecteur, pour apporter à vous et à moi, comme à tous, la grâce dont nous avions besoin, sans laquelle nous périssions éternellement loin de Dieu. Nous avons besoin de méditer attentivement tous les détails de la vie de Jésus; ils nous parlent, de façon touchante, de la manière dont l’amour de Dieu est venu jusqu’à nous, car nous nous habituons facilement à lire les récits des évangiles en considérant le service de Jésus comme une chose naturelle à un homme dévoué, sans songer à la gloire de sa personne, sans penser qu’il était Dieu, toujours conscient de sa gloire quoique anéanti comme tel, pour prendre la forme d’esclave et venir jusqu’à nous afin de nous délivrer de l’esclavage de Satan et nous ouvrir le ciel en portant le jugement que nous avions mérité.

Dans ce récit, nous voyons aussi comment Dieu répond à la confiance de ceux qui s’attendent à lui. Nous sommes exhortés à ne pas nous mettre en souci de ce que nous mangerons ou boirons: «Votre Père sait que vous avez besoin de ces choses», dit Jésus (chap. 12:29-30). Lui a réalisé cela d’une manière parfaite, s’en remettant à son Père quant aux moyens par lesquels il subvenait à ses besoins. En général, Dieu y pourvoit par le produit de notre travail; mais souvent nous pouvons en être privés, soit par la maladie, soit par d’autres circonstances. Puis il y a les pauvres dont le Seigneur dit: «Vous avez les pauvres toujours avec vous» (Jean 12:8). Tous doivent se confier en leur Père céleste qui est fidèle à ses promesses; mais c’est un grand privilège et une source de richesses éternelles que de mettre, à l’exemple de ces femmes de Galilée, ses biens à la disposition du Seigneur, d’être comme sa main pour y puiser afin d’aider à ceux qui sont dans le besoin. C’est le moyen de se faire des trésors dans le ciel (Luc 12:33). Il faut, pour cela, que nos cœurs aient été touchés par la grâce dont nous sommes les objets de la part du Seigneur; alors nous éprouverons le besoin de lui manifester notre reconnaissance, non seulement par des sacrifices de louanges, mais aussi par la bienfaisance en faisant part de nos biens: «car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices» (Hébreux 13:15-16). Si nous jouissons de l’amour de Dieu, sachant que tout est grâce envers nous, aussi bien les choses matérielles que les biens spirituels, nos cœurs seront toujours disposés à user de grâce envers tous et de toutes manières.

 

Parabole du Semeur

(v. 4-18). — Dans cet évangile, la parabole du semeur est rapportée dans les mêmes termes que dans celui de Marc, mais elle n’est pas suivie des paraboles du royaume comme en Matthieu. Dans les trois évangiles, elle présente la manière nouvelle dont Dieu agit dans ce monde depuis qu’a été démontrée l’incapacité de l’homme de porter du fruit pour Dieu, d’accomplir la loi donnée à Israël et de profiter de la présence de Jésus, qu’il rejeta à sa venue. En présence de cette incapacité, Dieu agit et, au lieu d’attendre du fruit de sa vigne, il sème dans les cœurs au moyen de sa Parole qui produira des effets en ceux qui la recevront, savoir les fruits d’une vie nouvelle.

Cette semence, la parole de Dieu, tombe dans quatre terrains divers, images des dispositions de ceux qui l’entendent. Une partie tombe le long du chemin; ce sont ceux qui entendent la Parole d’un cœur distrait, rempli de préoccupations qui durcissent la conscience comme un grand chemin. Ne pouvant pénétrer, la semence est aussitôt enlevée par le diable. Luc explique les motifs de Satan en disant (v. 12): «Ensuite vient le diable, et il ôte de leur cœur la parole, de peur qu’en croyant, ils ne soient sauvés». Satan sait que la foi «est de ce qu’on entend, et ce qu’on entend par la parole de Dieu» (Rom. 10:17). C’est pourquoi il enlève la parole avant qu’elle ait produit la foi par un travail de conscience. Ce «meurtrier» souhaite le malheur éternel des hommes; il les voudrait tous dans le lieu préparé pour lui et ses anges; c’est pourquoi il déploie une grande activité pour offrir à tous les choses qui remplissent le cœur, le distraient et l’endurcissent; il sait occuper le temps qui passe si rapidement, afin de légitimer le prétexte que l’on donne souvent que le loisir manque pour s’occuper de la Parole. Si quelqu’un ne peut faire autrement que de l’entendre, Satan veille à ce que les pensées, les préoccupations, les distractions reprennent rapidement leur cours, afin de neutraliser l’effet produit, et d’entraîner sa victime insouciante dans le malheur éternel. Satan ne désire pas le salut des hommes; mais Dieu «veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité» (1 Timothée 2:4). Pour cela il fait proclamer sa Parole en tous lieux.

La semence tombée sur le roc forme la seconde catégorie des auditeurs de la Parole. Ils la reçoivent aussitôt avec joie; elle les a impressionnés, mais ne les a pas atteints profondément; sans cela ils n’eussent pas éprouvé de joie, car lorsque la parole de Dieu commence à agir dans une âme, en vue du salut, elle dévoile la culpabilité, la souillure du péché en présence de la sainteté et de la justice de Dieu, l’impossibilité d’y satisfaire, en un mot tout ce qui peut rendre perplexe et angoissé. Voilà le labourage qui prépare la bonne terre que l’on trouve dans la quatrième catégorie. Si, dans ce travail, il y a de la joie à entendre la Parole, c’est que l’âme ne s’est pas trouvée dans la présence de Dieu; il n’y a pas de fondement, pas de racines, et l’on est incapable de soutenir les assauts que l’ennemi livre à ceux qui lui ont échappé, car il suscite immédiatement l’opposition, la persécution, dès qu’il y a le moindre témoignage rendu au Seigneur. Devant cette opposition, appelée «tentation», on se retire (v. 13) quand on voit que la Parole suscite de la peine au lieu de produire de la joie. Il n’y a aucun résultat.

Dans le troisième cas: la semence tombée dans les épines, la Parole a pénétré plus profondément; elle a produit quelques résultats, mais il manque la puissance pour surmonter les désirs du cœur, les soucis, l’amour des richesses, les jouissances de la vie. Toutes ces choses étouffent la Parole; malgré certains effets manifestés, il n’y a pas la vie, par conséquent point de fruit. La vie de Dieu a une énergie qui lui est propre, que l’apôtre Pierre appelle «la vertu» (2 Pierre 1:4-5), et qui, sous la dépendance de Dieu, permet au croyant de surmonter les influences de la vie présente, non que ces influences cessent d’exister, mais, quand la vie de Dieu est active, il n’y a pas de place pour ces préoccupations.

La semence tombée dans une bonne terre représente ceux qui, ayant entendu la Parole, la retiennent avec un cœur honnête et bon. Ce n’est pas qu’il y ait des cœurs naturellement meilleurs que d’autres; ces cœurs-là avaient été rendus aptes à recevoir la Parole par une œuvre de Dieu dont il n’est pas parlé ici.

Tout auditoire auquel on annonce l’Évangile peut comprendre ces quatre catégories de personnes. Le Seigneur décrit leur état à ce moment-là. Les personnes de la première catégorie peuvent être atteintes plus tard, s’il y a du temps; celle de la seconde et de la troisième peuvent l’être plus profondément ensuite; mais ici il est question de leur état à toutes à un moment donné.

Ceux qui ont reçu la semence dans une bonne terre «portent du fruit avec patience»; Luc seul mentionne cela; Matthieu dit qu’ils portent du fruit, l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente; en Marc, c’est: l’un trente, l’autre soixante, l’autre cent. La patience avait manqué à la seconde et à la troisième classe de personnes. Elles n’avaient pas pu supporter avec patience les difficultés que rencontre le croyant dans son chemin; sans la vie, c’est impossible. Si l’on a la vie, il faut constamment recourir à la grâce et à la puissance de Dieu pour persévérer et porter du fruit avec patience jusqu’au bout.

Les v. 16 à 18 s’adressent à la conscience de ceux qui ont reçu la Parole. Dieu a allumé en eux la lumière qui doit éclairer la nuit de ce monde. À chacun de nous de veiller à ne pas cacher notre lumière qui doit éclairer la nuit de ce monde. À chacun de nous de veiller à ne pas cacher notre lumière, car nous ne répondrions pas au but pour lequel Dieu nous a fait être «lumière dans le Seigneur» (Éphésiens 5:8). Il vient un moment où le jour se fera sur tout ce qui aura empêché la lumière de briller; «car il n’y a rien de secret qui ne deviendra manifeste, ni rien de caché qui ne se connaîtra et ne vienne en évidence» (v. 17). Il faut donc prendre garde comment l’on entend, car Dieu ne parle pas en vain; il faut que sa Parole porte des fruits, et plus le croyant en portera, plus il recevra: car «à quiconque a, il sera donné». Pour recevoir de la bénédiction, il faut pratiquer ce que l’on connaît. Mais quiconque paraît avoir quelque chose, comme les gens de la seconde et troisième catégorie, cela leur sera ôté, parce qu’ils n’ont pas la vie. C’est ce qui arrivera à la chrétienté après l’enlèvement de l’Église: ce qu’elle paraît avoir, ses formes, ses prétentions, lui seront ôtées, et on la verra dans son état véritable, prête à recevoir le jugement qui l’atteindra.

Souvenons-nous que le Seigneur dit à chacun «Prenez garde comment vous entendez», car le jour approche où tout sera manifesté; alors que personne ne pourra recommencer pour faire mieux.

 

La mère et les frères de Jésus

(v. 19-21). — La mère et les frères de Jésus, selon la chair, sont une figure du peuple Juif avec lequel le Seigneur ne pouvait plus avoir de relation. Dans les versets qui précèdent, Jésus a montré comment il agissait pour obtenir un peuple qui porte du fruit. Maintenant il ne reconnaît plus pour sa famille que ceux qui écoutent sa Parole et la mettent en pratique. La mère de Jésus était de ce nombre et ses frères le devinrent aussi (voir 1 Corinthiens 9:5; Galates 1:19), de même que tous ceux qui croient et qui le prouvent en portant du fruit, car c’est ce que Dieu demande.

 

Jésus dormant pendant l’orage

(v. 22-25). — «Jésus monta dans une nacelle, et ses disciples avec lui. Et il leur dit: Passons à l’autre rive du lac. Et ils prirent le large. Et comme ils voguaient, il s’endormit; et un vent impétueux fondit sur le lac, et la nacelle s’emplissait, et ils étaient en péril». Ceux dont le Seigneur s’est entouré dans ce monde, comme tous ceux qui ont cru en lui en recevant sa Parole, ont à rencontrer beaucoup de difficultés en se rendant à l’autre rive, c’est-à-dire au rivage céleste et éternel, but de tout croyant dans ce monde. C’est ce voyage que nous avons en figure dans la traversée orageuse où les disciples paraissaient en péril. L’Église a connu des temps plus mauvais encore que ceux que nous traversons, lorsqu’elle avait affaire avec le terrible orage des persécutions, ce vent de l’opposition du monde que l’ennemi soulève contre les fidèles. Mais quelles que soient l’intensité de la souffrance et la violence de l’orage, Jésus est avec les siens. Il avait dit aux disciples: «Passons à l’autre rive». Cette parole aurait dû leur suffire et les assurer qu’ils ne périraient pas en route. Mais Jésus dormait; il ne manifestait aucune activité en leur faveur; cependant il était là. Ils auraient dû comprendre que, malgré son inaction, sa présence les garantissait entièrement, car il ne pouvait périr dans les eaux que lui-même avait créées. Il manquait aux disciples la foi en lui et la connaissance de la gloire de sa personne, car, pour se confier en quelqu’un, il faut le connaître. Il était leur Messie, leur Sauveur, le Créateur, Dieu lui-même, quoique sous la forme d’un homme, et d’un homme fatigué au point que l’orage ne l’empêchait pas de dormir. Dans leur angoisse, ses disciples le réveillèrent en lui disant: «Maître, maître, nous périssons! Et lui, s’étant levé, reprit le vent et les flots; et ils s’apaisèrent, et il se fit un calme. Et il leur dit: Où est votre foi?» Pas de foi en sa parole qui leur avait dit: «Passons»; et pas de foi en sa personne qu’ils connaissaient si imparfaitement; car, saisis de crainte et dans l’étonnement, ils disent: «Qui donc est celui-ci, qui commande même aux vents et à l’eau, et ils lui obéissent?»

Nous avons le privilège de connaître le Seigneur et toutes ses gloires beaucoup mieux que les disciples. Nous le connaissons comme notre Sauveur et notre Seigneur; nous savons qu’après avoir accompli l’œuvre de la croix, par laquelle il a expié nos péchés, vaincu la mort et vaincu l’ennemi, il est assis à la droite de Dieu, et que toute puissance lui a été donnée dans les cieux et sur la terre. Nous savons aussi que ses yeux ne se retirent jamais de dessus les siens, que rien ne peut les séparer de son amour, qu’il compatit avec eux dans toutes leurs peines, car il est homme dans le ciel, quoique glorifié. Cependant, malgré cette connaissance, nous manquons facilement de foi en ses paroles comme en sa personne. Si nous passons par l’épreuve, nous aimerions le voir agir pour modifier nos circonstances et mettre fin à nos difficultés. Il ne nous suffit pas de savoir que rien ne peut nous séparer de son amour, qu’il connaît nos circonstances, qu’il est avec nous pour les traverser, et que, s’il ne les change pas comme nous l’aimerions, il veut les employer pour nous apprendre à le connaître toujours mieux, avantage plus grand que celui d’éviter les épreuves, car nous savons que toutes choses travaillent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu. Nous sommes donc infiniment plus coupables que les disciples dans la tempête, lorsque nous manquons de foi dans nos difficultés, car tout ce qu’est Jésus pour nous, nous a été pleinement manifesté, mais ne l’avait pas été au même degré, aux disciples, avant la glorification du Seigneur.

 

Le démoniaque de Gadara

(v. 26-39) — Jésus et ses disciples abordèrent dans le pays des Gadaréniens, contrée située sur la rive gauche du Jourdain, au sud du lac de Génésareth. Ils y rencontrèrent un démoniaque qui était possédé depuis longtemps. Ce malheureux ne portait pas de vêtements et demeurait dans les sépulcres1. En voyant Jésus il se jeta devant lui en s’écriant: «Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus, Fils du Dieu Très-haut? Je te supplie, ne me tourmente pas. Car Jésus avait commandé à l’esprit immonde de sortir de l’homme» (v. 28-29). Mieux que les hommes, qui ne veulent voir en Jésus qu’un de leurs semblables, les démons savent qu’il est le Fils de Dieu, le juge qui les condamnera aux tourments éternels. Jésus demanda au possédé: «Quel est ton nom? Et il dit: Légion2; car beaucoup de démons étaient entrés en lui. Et ils le priaient pour qu’il ne leur commandât pas de s’en aller dans l’abîme (c’est-à-dire dans les tourments). Et il y avait là un grand troupeau de pourceaux paissant sur la montagne, et ils le priaient de leur permettre d’entrer en eux; et il le leur permit... Et le troupeau se rua du haut de la côte dans le lac, et fut étouffé. Et ceux qui le paissaient, voyant ce qui était arrivé, s’enfuirent, et le racontèrent dans la ville et dans les campagnes. Et ils sortirent pour voir ce qui était arrivé, et vinrent vers Jésus, et trouvèrent assis, vêtu et dans son bon sens, aux pieds de Jésus, l’homme duquel les démons étaient sortis» (v. 30-35). Au lieu de se réjouir et d’être dans l’admiration, ils eurent peur, et après avoir entendu le récit de cette merveilleuse délivrance, toute la multitude qui était accourue, «pria Jésus de s’en aller de chez eux, car ils étaient saisis d’une grande frayeur». Voyant Jésus partir, l’homme qui était guéri le supplia de lui permettre de l’accompagner, mais Jésus le renvoya en lui disant: «Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu t’a fait. Et il s’en alla, publiant par toute la ville ce que Jésus lui avait fait» (v. 39).

1 On aménageait souvent des sépulcres dans des cavernes artificielles, taillées dans le roc au flanc des montagnes.

2 La légion romaine comptait environ 6 000 soldats, au temps où vivait le Seigneur.

Ce récit illustre beaucoup de choses. Le démoniaque représente l’homme tombé sous la puissance de Satan. La Parole dit à deux reprises qu’il était possédé «depuis longtemps» (v. 27, 29). En effet, l’homme se trouve sous le pouvoir de Satan depuis la chute d’Adam; le péché a transformé cette terre, demeure de l’homme, en un vaste cimetière, alors que Dieu en avait fait un lieu de délices, comme le jardin d’Éden. «Le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort» (Romains 5:12). Les hommes se rendent peu compte que, semblablement au démoniaque de Gadara, ils vivent dans le lieu de la mort, où ils cherchent leurs plaisirs, leurs distractions, car Satan a su embellir ce cimetière de manière à détourner les regards des tombes qui rappellent la fin de tout ici-bas, et le jugement qui doit suivre.

Ce démoniaque ne portait pas de vêtement pour cacher sa nudité (Genèse 3:7 et 20), figure de l’état réel de l’homme depuis la chute, aux yeux de Dieu, devant lequel «toutes choses sont nues et découvertes» (Hébreux 4:13). L’homme peut chercher à cacher son état à ses propres yeux et aux yeux de ses semblables, mais pas à Dieu. On a cru, par exemple, avoir obtenu un grand changement, de grands progrès en bien dans le monde, par la civilisation chrétienne dans le 19° siècle. Lorsqu’on présentait le tableau que Dieu fait de l’homme en Romains 3:9-20, par exemple, tableau qui se termine par ces mots: «Leurs pieds sont rapides pour verser le sang; la destruction et la misère sont dans leurs voies, et ils n’ont point connu la voie de la paix; il n’y a point de crainte de Dieu devant leurs yeux», — on refusait de reconnaître là son portrait, en disant que ces choses se rapportent à l’homme dans le passé ou aux peuples non civilisés. Si l’on voulait prouver la chose par les préparatifs de guerre qui se faisaient, on répondait que c’était le grand moyen de maintenir la paix. Tout cela n’était qu’un mince vêtement, bientôt déchiré par la terrible guerre [de 1914], pour laisser apparaître, dans toute son horreur, la vérité de ce que Dieu dit de l’homme dans sa Parole.

La corruption et la violence ont toujours caractérisé l’état de péché de l’homme. On a fait, à vrai dire, des efforts très louables pour lutter contre ces manifestations humiliantes de notre mauvais cœur, efforts mentionnés dans notre récit, puisqu’on avait voulu lier le possédé avec des chaînes et des fers aux pieds, qui se brisaient sous la puissance du démon. Aucune force humaine ne peut résister aux efforts de l’ennemi. Malgré tous les moyens par lesquels on cherche à réprimer les passions et les vices, ceux-ci demeurent et brisent les efforts humains. Le seul moyen d’être délivré de la puissance de Satan qui agit sur la mauvaise nature de l’homme, c’est de recevoir Jésus; mais c’est précisément ce que l’on se refuse à faire. Jésus a été rejeté; on ne veut pas plus de lui aujourd’hui que les Gadaréniens autrefois, et le monde demeure gouverné par son prince qui est le diable.

Ce récit nous présente aussi l’état d’Israël. Jésus, au milieu de son peuple, délivre un petit résidu, tandis que la nation tout entière le rejette et préfère la puissance de Satan à celle de Jésus en grâce. Alors, semblable au troupeau de pourceaux envahi par les démons, elle se précipite dans la mer des peuples, qui l’étouffe. On ne la voit plus distincte des autres nations et privilégiée de Dieu. De même que l’homme guéri, ceux qui reçurent Jésus, au lieu de s’en aller avec lui lorsqu’il quitta ce monde, furent envoyés vers les leurs et dans le monde entier pour annoncer les merveilles de la grâce (voir Luc 24:47 et Actes 1:8). Les disciples évangélisèrent le monde lorsque Jésus eut accompli l’œuvre de la croix et qu’il fut monté au ciel.

Quel livre, sinon la Bible, le livre inspiré de Dieu, pourrait donner, dans un simple récit, l’illustration fidèle d’une histoire qui fournirait assez de matière pour un volume tout entier? Quel privilège de posséder un tel Livre et surtout quel bonheur de recevoir avec foi ce qu’il contient comme étant la «parole de Dieu»!

 

À l’autre rive du lac

(v. 40-56). — De l’autre côté du lac, Jésus fut accueilli par une foule qui l’attendait. Un chef de synagogue, nommé Jaïrus, vint à lui et se jeta à ses pieds, le suppliant de venir dans sa maison, car sa fille unique, âgée d’environ douze ans, se mourait. Jésus se rendit aux vœux de ce père affligé et partit, accompagné de la foule qui le serrait de tous côtés. Au milieu de ceux qui l’entouraient se trouvait une femme affligée d’une maladie à laquelle aucun médecin n’avait pu porter remède, quoiqu’elle eût dépensé tout son bien à les consulter. La pauvre femme reconnaissait en Jésus celui qui avait le pouvoir de la guérir; elle s’approcha de lui par derrière et toucha le bord de son vêtement. À l’instant même elle fut guérie. Jésus dit: «Qui est-ce qui m’a touché? Et comme tous niaient, Pierre dit, et ceux qui étaient avec lui: Maître, les foules te serrent et te pressent, et tu dis: Qui est-ce qui m’a touché? Et Jésus dit: Quelqu’un m’a touché, car je sais qu’il est sorti de moi de la puissance. Et la femme, voyant qu’elle n’était pas cachée, vint en tremblant, et, se jetant devant lui, déclara devant tout le peuple pour quelle raison elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie instantanément. Et il lui dit: Aie bon courage, ma fille; ta foi t’a guérie; va-t’en en paix» (v. 45-48).

Beaucoup de personnes touchaient Jésus, mais sans se trouver au bénéfice de la puissance qui se trouvait en lui à la disposition de chacun; seule la foi en profite. Aujourd’hui beaucoup de gens, pareils à la foule qui suivait le Sauveur, sans foi et sans conscience de ses besoins, admettent qu’il est le Sauveur des pécheurs; ils ne le repoussent pas, mais ne sont pas sauvés pour cela, parce que, personnellement, ils ne viennent pas à lui avec la conviction de leur état de péché pour trouver le salut. Aussi ils ne peuvent pas rendre témoignage devant tous comme cette femme ou l’aveugle-né qui disait aux pharisiens: «Je sais une chose, c’est que j’étais aveugle, et que maintenant je vois» (Jean 9:25). Une froide connaissance de Jésus, par l’intelligence seulement, ne sert à rien, sinon à augmenter sa culpabilité; il faut venir à lui avec foi et avec le désir ardent d’obtenir le salut, si l’on veut recevoir certainement cette réponse de l’amour parfait qui chasse la crainte: «Aie bon courage, ma fille; ta foi t’a guérie: va-t’en en paix».

Comme Jésus parlait encore, quelqu’un vint dire à Jaïrus: «Ta fille est morte, ne tourmente pas le Maître». Mais Jésus lui dit: «Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée» (v. 49-50). Arrivé à la maison, Jésus ne permit à personne d’entrer, sinon à Pierre, à Jacques et à Jean, et aux parents de la jeune fille. Voyant pleurer les assistants, il leur dit: «Ne pleurez pas, car elle n’est pas morte, mais elle dort». Tous se riaient de lui; mais il les mit tous dehors, prit la jeune fille par la main et cria: «Jeune fille, lève-toi. Et son esprit retourna en elle, et elle se leva immédiatement; et il commanda qu’on lui donnât à manger. Et ses parents étaient hors d’eux; et il leur enjoignit de ne dire à personne ce qui était arrivé» (v. 54-56).

La guérison de la femme et la résurrection de la fille de Jaïrus nous offrent aussi un tableau de l’œuvre de Jésus à l’égard du peuple d’Israël. Il était venu pour rappeler à la vie ce peuple qui était mort pour Dieu; c’est ce qui aura lieu lorsque le Seigneur s’occupera à nouveau de lui. En attendant qu’il le fasse, au moment de sa venue en gloire, tous ceux qui s’adressent à lui avec foi sont sauvés. C’est ce qui est arrivé à cette femme, aux disciples, et à tous ceux qui croient en Jésus actuellement; car toutes les ressources de sa grâce restent à la disposition de la foi, en attendant qu’il tire Israël de la mort morale dans laquelle il se trouve depuis qu’il a rejeté Jésus, comme il réveilla la fille de Jaïrus.