Luc

Chapitre 3

Prédication de Jean le Baptiseur

(v. 1-20). — Trente ans environ s’étaient écoulés depuis la naissance de Jean le Baptiseur. Tibère avait succédé à Auguste comme empereur. Ponce Pilate gouvernait la Judée; Hérode, fils du roi du même nom, était tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, tétrarque de l’Iturée et de la contrée de Trachonite, et Lysanias tétrarque de l’Abilène1. Anne et Caïphe étaient souverains sacrificateurs. Par l’énumération des diverses contrées qui formaient autrefois le pays d’Israël, toutes gouvernées par des Gentils, l’Esprit de Dieu fait ressortir l’assujettissement de son peuple aux nations à cause de ses péchés et la nécessité du ministère qui va s’exercer au milieu de ce peuple en vue de le délivrer, de le ramener à Dieu pour l’accomplissement des promesses.

1 Ces trois contrées étaient situées au nord et à l’est de la Palestine. Le tétrarque était le gouverneur de la quatrième partie d’un état démembré.

La quinzième année du règne de Tibère, la parole de Dieu vint à Jean qui habitait dans le désert. Son ministère devait, selon la prophétie d’Ésaïe, précéder l’arrivée du Messie. Dans toute l’histoire d’Israël, on remarque que Dieu envoyait des prophètes au peuple quand il marchait mal, afin de le ramener à l’obéissance. En même temps, il le menaçait de jugements s’il ne se repentait pas, et lui annonçait sa restauration après les jugements, par la venue du Messie. Jean, un de ces prophètes, portait un caractère spécial. Il ne cherchait pas à ramener le peuple à la loi; c’était inutile. Il devait le préparer à recevoir le Seigneur. Il se tenait en dehors du peuple, dans le désert. «Comme il est écrit au livre des paroles d’Ésaïe le prophète: Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, faites droits ses sentiers. Toute vallée sera comblée, et toute montagne et toute colline sera abaissée, et les choses tortues seront rendues droites, et les sentiers raboteux deviendront des sentiers unis; et toute chair verra le salut de Dieu» (v. 4 à 6, citation d’Ésaïe 40:3-5). Ce langage figuré d’Ésaïe décrit l’œuvre qui doit s’accomplir dans les cœurs, non pour revenir à la loi, comme nous l’avons dit, mais afin de les amener à un état moral propre à recevoir le Seigneur. Il ne suffisait pas de dire, comme au v. 8: «Nous avons Abraham pour père», pour jouir des bienfaits qu’apportait le Seigneur; il fallait l’œuvre de la repentance dans chaque cœur individuellement. C’est cette œuvre que le ministère de Jean devait produire; il prêchait le baptême de la repentance, acte par lequel on reconnaissait publiquement sa culpabilité. À ces gens-là le Seigneur apporterait la rémission de leurs péchés. Le travail de Dieu s’opère de la même manière pour la conversion. Avant de recevoir le pardon de ses péchés, il faut qu’une œuvre profonde s’accomplisse, par la parole de Dieu, dans le cœur et la conscience, œuvre qui consiste à reconnaître son état de péché et à accepter le jugement que Dieu porte sur un tel état. Celui en qui ce travail s’accomplit, tremblant sous la menace de la juste colère de Dieu, accepte avec joie le Sauveur qui l’a subie à sa place.

Des foules venaient auprès de Jean afin d’être baptisées, mais sans que le travail de la repentance soit produit en elles. Il est facile d’accomplir un acte extérieur, grâce auquel on prétend avoir un droit à la bénédiction, tandis que le cœur demeure insensible à la vérité qui dévoile d’un côté le mal, de l’autre la sainteté de Dieu. On peut recevoir le baptême chrétien, prendre la cène et demeurer inconverti, par conséquent perdu. Jean discernait cette légèreté dans la foule; c’est pourquoi il disait: «Race de vipères, qui vous a avertis de fuir la colère qui vient? Produisez donc des fruits qui conviennent à la repentance; et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père; car je vous dis que Dieu peut, de ces pierres, susciter des enfants à Abraham» (v. 7-8). Dieu ne veut pas des formes, mais des fruits, des actes, un changement de conduite qui découle de l’action de la parole dans le cœur et la conscience. Plusieurs fois, jadis, le peuple revint à Dieu, mais d’une façon passagère seulement. Osée dit: «Votre piété est comme la nuée du matin et comme la rosée qui s’en va de bonne heure» (chap. 6:4). Et Ésaïe: «Ce peuple m’honore des lèvres, mais leur cœur est fort éloigné de moi; mais ils m’honorent en vain..» (Ésaïe 29:13, cité en Matthieu 15:8). Cette fois, Jean leur dit que la cognée est déjà mise à la racine de l’arbre, prête à l’abattre s’il ne produit pas de bons fruits; le jugement allait donc s’exécuter sur ceux qui ne répondaient pas à l’appel du prophète. Il frappa Israël après la mort de Jésus, mais il aura lieu définitivement sur le peuple apostat lorsque Jésus établira son règne, comme accomplissement de ce que Jean annonce au v. 17. «Les foules l’interrogèrent, disant: Que faut-il donc que nous fassions?» (v. 10). Jean leur recommande d’exercer la bonté les uns envers les autres. Aux publicains ou péagers1, qui s’enrichissaient aux dépens des contribuables, il dit de ne rien percevoir au delà de ce qui leur était ordonné. Aux gens de guerre, il prescrit de s’abstenir d’extorsions et de fausses accusations, en d’autres termes, de ne pas user de la force qu’ils représentent à leur avantage, mais de se contenter de leurs gages. En principe, ce que Jean réclamait, de la part de Dieu, c’était la pratique de l’amour et de la justice, qui doit caractériser tout croyant.

1 Percepteurs d’impôts.

En entendant le prophète, le peuple se demandait s’il ne serait point le Christ. Jean leur répondit: «Moi, je vous baptise avec de l’eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, duquel je ne suis pas digne de délier la courroie des sandales: lui vous baptisera de l’Esprit Saint et de feu. Il a son van dans sa main, et il nettoiera entièrement son aire et assemblera le froment dans son grenier, mais il brûlera la balle au feu inextinguible» (v. 16-17). Jésus venait; ceux qui le recevraient seraient baptisés de l’Esprit Saint; ils posséderaient la puissance d’une vie qui les rendrait capables d’accomplir le bien. Ceux qui resteraient indifférents à la prédication de Jean, qui demeureraient dans leurs péchés, en rejetant Jésus, seraient baptisés de feu, c’est-à-dire subiraient le jugement. C’est ce qui allait arriver à Israël comme peuple, appelé ici l’aire de Dieu. Le froment, ceux qui écouteraient et croiraient, seraient mis à part, tandis que les méchants, la balle, seraient l’objet du jugement final. Il importait donc d’écouter la prédication de Jean, car il faudrait avoir affaire, un jour ou l’autre, avec le Seigneur, comme Juge. S’il en était ainsi aux jours de Jean, à la fin de l’histoire d’Israël responsable, il en va de même maintenant, au terme de l’histoire de l’Église responsable. Nous arrivons au temps où le froment va être assemblé dans le grenier de Dieu, et l’ivraie jetée au feu (Matthieu 13:30 et 40-42).

Jean exhortait le peuple de diverses manières et évangélisait. Hérode même, dans son immoralité, n’échappa point aux reproches du prophète. Repris par lui au sujet de la femme qu’il avait, — c’était sa belle-sœur, — et à propos de toutes ses mauvaises actions, il n’accepta pas ces avertissements et fit jeter Jean en prison, d’où il ne sortit pas, comme nous l’apprenons ailleurs.

Luc termine le récit de l’activité de Jean, avant de parler de celle de Jésus, parce qu’il présente, avec Jean, la situation en rapport avec Israël: sa propre naissance, son ministère, dans le cadre de l’histoire d’Israël, ainsi que la naissance de Jésus. Cette histoire se termine moralement par le rejet de Jean; celle de la grâce, dans la personne de Jésus, le Fils de l’homme, va commencer.

Luc ne suit, en effet, pas toujours l’ordre chronologique des faits, mais bien l’ordre moral. Ainsi moralement, le ministère de Jésus suit celui de Jean, quoique historiquement celui de Jean se soit encore exercé quelque temps en même temps que celui de Christ commençait. Beaucoup de prétendues contradictions, dans les récits des divers évangélistes, trouvent leur explication lorsqu’on a compris cela.

 

Baptême de Jésus

(v. 21-38). — Avec le baptême de Jésus commence l’histoire de son activité. La grâce lui fait prendre place, comme homme, au milieu de ceux qui viennent à Jean. Il entre en scène d’une manière touchante en s’associant aux pécheurs repentants, leur montrant qu’il vient au milieu d’eux comme un vrai homme. Quoiqu’il n’ait aucun péché à confesser, il se fait baptiser comme eux, afin de les encourager dans le chemin qui aboutira pour eux, comme pour lui, à la gloire, avec cette différence pourtant que Jésus devra passer lui-même par le jugement que ces repentants avaient mérité. Il entrera de plein droit dans la gloire, et les rachetés par grâce.

La position que prend Jésus nous enseigne une vérité très encourageante: dès qu’une âme reconnaît sa culpabilité, le Seigneur se tient auprès d’elle pour l’encourager dans le chemin de la repentance qui aboutit à une pleine délivrance, tandis qu’il ne peut s’associer aux orgueilleux qui se justifient eux-mêmes; il leur résiste.

La manière dont Luc parle de Jésus au début de son ministère, s’accorde parfaitement avec le caractère de Fils de l’homme, homme dépendant, sous lequel l’Esprit de Dieu le présente tout au long de cet évangile. Seul Luc rapporte que Jésus priait à son baptême, lorsque le ciel s’ouvrit sur lui. Dieu reconnaît cet homme comme son Fils en qui il a trouvé son plaisir. Il peut le sceller du Saint Esprit en vertu de ses propres perfections. Dieu ne veut pas que son Fils se confonde avec les pécheurs qui l’entouraient, tout excellents que fussent les repentants pour son cœur. «Et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe; et il y eut une voix qui venait du ciel: Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j’ai trouvé mon plaisir» (v. 22). Non seulement Dieu trouvait ses délices de toute éternité en son Fils unique, mais maintenant il les trouvait en lui, l’Homme parfait, humble de cœur, venu dans ce monde pour accomplir ses conseils éternels.

En vertu de la perfection de l’œuvre de Christ, le croyant se trouve dans une position telle que Dieu peut aussi le sceller du Saint Esprit et le faire jouir de sa faveur. Jésus était oint du Saint Esprit parce qu’il était Fils de Dieu sans aucune trace de souillure; le croyant l’est parce que, devenu enfant de Dieu, le sang de Christ a effacé toutes ses souillures. Dieu peut prendre son plaisir en lui en vertu de l’œuvre de Christ: «Il nous a rendus agréables dans le Bien-aimé» (Éphésiens 1:6). «Nous avons trouvé accès... à cette faveur dans laquelle nous sommes» (Romains 5:2). «Comme il est, lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde» (1 Jean 4:17).

Nous comprenons un peu ce que le Seigneur, le Fils de Dieu, est pour son Père, et quelle gloire lui reviendra éternellement pour avoir accompli une œuvre semblable, qui a de si glorieux résultats. Et que ne doit-il pas être pour celui qui fait l’objet de son amour maintenant et pour l’éternité?

La généalogie de Jésus, du côté de sa mère, termine ce chapitre, tandis que Matthieu nous la donne du côté de Joseph, en partant d’Abraham, souche de la promesse, comme il convenait à l’Évangile qui présentait le Messie. La généalogie de Luc, celle du Fils de l’homme, part de Jésus par Marie pour arriver à Dieu par Adam. Si on enlève tous les noms de Joseph (v. 24) à Adam, il reste «Fils de... Dieu» (v. 38), ce qu’il était tout en étant Fils de l’homme.

«Et Jésus lui-même commençait d’avoir environ trente ans, étant, comme on l’estimait, fils de Joseph...» (v. 23). On l’estimait fils de Joseph, mais Joseph n’était que le mari de Marie, lui-même fils de Jacob, fils de Nathan, etc (Matthieu 1:15-16). Le père de Marie était Héli, fils de Matthat, de Lévi, de Melchi, etc (v. 24). La généalogie de Joseph arrive à David par Salomon, et celle de Marie par Nathan. Ces deux fils de David étaient fils de Bath-Shéba (1 Chroniques 3:5).