Josué

Chapitre 6

Jéricho

Le peuple est enfin arrivé en présence de l’obstacle terrible, dressé devant lui pour l’empêcher de prendre possession de Canaan. Il n’est rien que l’ennemi haïsse davantage que de nous voir entrer dans nos privilèges et prendre une position céleste. Il sait bien que des êtres célestes lui échappent et lui ravissent ses biens. Aussi son premier effort est-il de mettre obstacle à notre marche en avant. Vous trouvez cela dans l’histoire de chaque chrétien. Je ne dis pas que la chose arrive toujours lors de la conversion, mais elle a toujours lieu lorsqu’il s’agit d’entrer dans le chemin du combat pour réaliser notre vocation céleste. Le premier objet que nous rencontrons, c’est l’obstacle dressé par Satan, une forteresse en apparence imprenable. Impossible d’y entrer, impossible d’en sortir (v. 1). Il y a bien là de quoi nous effrayer et nous faire retourner en arrière; et c’est précisément la visée de l’adversaire, ce à quoi, hélas! il réussit trop souvent. Aucun de nous, dis-je, ne peut éviter de rencontrer une fois sa forteresse de Jéricho. Il n’est pas besoin d’énumérer ici les difficultés de chaque âme; elles sont très diverses; mais elles se résument toutes dans ce mot: l’obstacle. Si je vais de l’avant, qu’arrivera-t-il? Je perdrai ma position; ma carrière sera brisée; mes amis m’abandonneront; mes parents ne le supporteront jamais; il me faudra quitter tous ceux que j’aime, me séparer de chrétiens au milieu desquels j’ai trouvé de la bénédiction... Tel est l’aspect fréquent que revêtent pour l’âme les hautes murailles de Jéricho. Ah! combien de chrétiens perdent courage avant de combattre, et s’en retournent.

Mais l’âme préparée par Dieu ne recule pas devant les difficultés. Elle sait qu’elle possède un moyen de les vaincre, et en use. Moyen tout simple, moyen unique, car il n’y en a pas d’autre: c’est la foi. «Par la foi, les murs de Jéricho tombèrent, après qu’on en eut fait le tour sept jours durant» (Héb. 11:30). La foi, c’est la simple confiance en un autre, dans le Seigneur; c’est en même temps l’absence complète de confiance en nous-mêmes, car ces deux choses sont inséparables. La foi suffit pour faire tomber l’obstacle. Qu’importe si les murailles s’élèvent jusqu’au ciel? Que sont-elles pour la foi? La foi compte sur la puissance de Dieu. C’est là, chers amis, le premier grand caractère de la foi. «Afin», dit l’apôtre, «que votre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu» (1 Cor. 2:5). La chose nécessaire pour le combat, c’est une puissance absolument divine; elle seule peut renverser l’obstacle, c’est sur elle uniquement que la foi repose.

Voyez maintenant comment cette puissance, quand elle fait appel à la foi, est jalouse de ne rien laisser subsister qui puisse avoir l’apparence de la sagesse humaine. Le choix des armes ou des moyens de combattre ne leur est pas donné par le chef de l’armée de l’Éternel qui parle avec Josué. Ils n’ont à faire aucun plan, aucun arrangement; ils n’ont pas à se concerter pour trouver les moyens de remporter la victoire. Dieu lui-même a tout ordonné. Or la foi se soumet à l’ordre établi de Dieu, se sert des moyens qu’il indique, n’en invente pas. Il faut des sociétés, des comités, des synodes, de l’argent, etc., etc., dit-on. Il les faut à l’homme; il ne faut rien de semblable à la foi. Dieu a des moyens à lui... Mais pourquoi, dira-t-on, ne simplifie-t-il pas le chemin? Pourquoi toutes ces complications? pourquoi faire chaque jour le tour de la ville, et sept fois le septième jour, et ce cortège, et l’arche, et les trompettes... pourquoi? Chers lecteurs, la foi ne demande pas pourquoi. Elle ne raisonne pas sur les moyens de Dieu; elle les accepte, y entre, et remporte la victoire au lieu d’être battue par l’ennemi. Il en fut ainsi à la Pâque; il en fut de même à la mer Rouge. Direz-vous: la foi est donc stupide? Non; elle se soumet d’abord et comprend ensuite. La foi vous dira pourquoi les sept jours, et l’arche, et le cortège, et les trompettes, et les cris de joie, mais elle ne vous le dira qu’après s’être soumise. Si elle voulait comprendre avant de se soumettre, elle serait l’intelligence et non la foi.

Mais encore: la foi marche en avant, dans la dépendance de Dieu qui dit: «J’ai livré en ta main Jéricho, et son roi et ses hommes vaillants». Puis elle est mise à l’épreuve. Il faut de la patience; le peuple doit marcher ainsi pendant six jours. Il faut ensuite que la patience ait son œuvre parfaite: «Le septième jour, vous ferez le tour de la ville sept fois».

Remarquez ensuite d’autres caractères bénis de cette foi de grand prix. Elle nous associe avec Christ, nous donne part et communion avec lui. Dieu range son peuple autour de l’arche dans le combat. Ce n’était plus, comme au Jourdain, l’arche précédant le peuple, mais ici les hommes armés vont devant l’arche avec les sacrificateurs; et l’arrière-garde ferme la marche.

Mais cette association avec Christ n’a jamais pour but, ni pour résultat, d’exalter l’homme ou de lui donner de l’importance; elle exalte Christ et le met en avant. L’arche elle-même formait le corps d’armée proprement dit, le centre indispensable, la force de résistance; et toute l’attitude du peuple autour d’elle le proclamait hautement. Sans elle, ni combat, ni victoire.

La foi rend toujours témoignage à Christ. «Les sept sacrificateurs qui portaient les sept trompettes retentissantes devant l’arche de l’Éternel,... sonnaient des trompettes». C’était un parfait témoignage rendu à la puissance de l’arche en présence de l’ennemi.

La foi est zélée pour exalter Christ et lui rendre témoignage, zélée pour le service qui est en même temps le combat. «Josué se leva de bonne heure le matin» (v. 12); «ils se levèrent de bonne heure au lever de l’aurore» (v. 15). Remarquons ici comment le zèle de l’un provoque et encourage le zèle des autres. Nous y reviendrons. Mais en somme, nous voyons que Dieu, tout en nous associant avec Christ, est Celui seul qui remporte la victoire. À quoi auraient servi des armes ou des machines de guerre contre la forteresse de Jéricho? À rien. C’est Dieu qui fait tout. Il veut que la puissance et la victoire soient entièrement de lui, et sans mélange de l’importance de l’homme. Généralement, quand il s’agit de livrer bataille, les chrétiens admettent bien que la puissance soit de Dieu, mais ils ne consentent pas à ne pas y mêler quelque chose de «soi»; et le résultat, c’est que le succès n’est pas la victoire complète, comme à Jéricho. Dieu revendiquait cet honneur pour lui; non qu’il refusât d’employer des instruments humains, mais il fallait que ce fût lui qui les employât, afin que l’homme ne pût s’élever à ses propres yeux. Considérez la manière d’agir de Dieu! Il choisit des instruments sans force et sans valeur en eux-mêmes, ou bien, s’ils ont quelque valeur aux yeux des hommes, il commence par les briser, comme il le fit pour Saul de Tarse; puis il dit: Cet homme m’est un vase d’élection. Maintenant tu peux m’être utile!

Nous l’avons remarqué plus haut: le procédé des chrétiens dans le combat est trop souvent l’opposé de celui de Dieu. Ils mettent en avant leurs moyens et leurs ressources: «Nous avons trouvé une excellente méthode; nous nous sommes organisés d’une bonne manière; nous avons formé un corps remarquable d’évangélistes; nous expédions nos émissaires dans les cinq parties du monde». Chers amis, je n’invente pas; ces choses, vous pouvez les entendre et les lire tous les jours; vous, moi, nous les avons peut-être dites autrefois nous-mêmes. Si nous considérons l’œuvre humaine, nous y trouverons toujours ce déplorable mélange.

Quand Israël aurait dit: «Fort bien; que la puissance soit de Dieu; mais concertons-nous pour trouver les moyens de renverser les murs de Jéricho», qu’auraient-ils vu le septième jour? Qu’il ne tombait pas une seule pierre de la muraille!

Mais ici, la puissance de l’ennemi croule; le peuple met à l’interdit la ville maudite. De plus, sa foi, son activité en témoignage et sa victoire, mettent en liberté d’autres âmes. Tel sera toujours le résultat, lorsque nous serons engagés dans le combat de l’Éternel. Rahab, encore prisonnière, est délivrée, introduite au milieu du peuple de Dieu, et peut désormais jouir des mêmes privilèges que les vainqueurs.

Remarquez encore un détail. La foi ne fait aucun compromis avec le monde, n’en reçoit et n’en prend rien. Dieu défend au peuple de toucher aux choses de Jéricho; ce serait de l’interdit. L’Éternel, lui, peut revendiquer ces choses pour se glorifier par elles; elles lui appartiennent, mais non pas aux enfants d’Israël, qui ne peuvent y toucher que pour les mettre «dans le trésor de l’Éternel».

Tel est, chers lecteurs, le combat de la foi. Que Dieu nous donne de repasser ces choses dans nos cœurs, afin que nous ne soyons pas vaincus dans notre lutte avec l’Ennemi!