Josué

Chapitre 4

Les douze pierres en Guilgal

Nous avons vu dans le chapitre précédent, que la foi en Christ nous apprenait (après une expérience souvent aussi longue que les quarante années du désert pour Israël) la délivrance de notre ancien état et notre introduction dans un nouvel état en Christ. L’âme, depuis longtemps travaillée, apprend enfin, — et c’est Dieu qui le révèle à la foi, — que ce qu’elle cherchait inutilement à atteindre ne reste pas à faire, mais est un fait actuel, un fait accompli en Christ pour la foi.

Je me suis longtemps étonné de l’extrême simplicité d’expression que la découverte de ce fait capital produit en Rom. 7, tandis qu’il a fallu tout le cours du chapitre pour définir les expériences de l’âme avant la délivrance. De plus, l’expression désespérée d’une position sans issue fait place, sans transition, à celle de la reconnaissance et de la joie: «Je rends grâces à Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur». La raison maintenant m’en paraît bien simple. Quand l’âme fait cette découverte, elle apprend que la délivrance qu’elle était incapable d’atteindre, Dieu l’avait déjà opérée par Christ et en Lui. Ce n’est plus une chose à accomplir; c’est un fait accompli, que l’âme découvre et s’approprie, comme étant préparé depuis longtemps pour la foi. Alors, dans le calme et la paix qui remplissent son âme, le croyant peut dire: Désormais je suis mort, parce que je suis en Christ; mort avec Christ; mort au péché, à la loi, au monde; et je vis, non pas moi, mais Christ vit en moi (Gal. 2:19, 20; Rom. 6:10 , Col. 2:20; Gal. 6:14).

C’est une vérité qui n’est pas du domaine de l’intelligence, que le raisonnement n’explique pas, qui n’est pas retenue par la mémoire. Que de fois j’ai vu des âmes chercher à s’emparer, pour ainsi dire, de l’affranchissement par de tels efforts! Qu’arrivait-il? Lorsqu’après bien du travail d’esprit, elles croyaient s’être rendu compte de la portée de l’affranchissement, il suffisait d’une nuit pour dissiper ce qu’elles croyaient tenir, comme il arrive aux feuilles mortes qu’un souffle balaye du soir au matin.

Ah! c’est que l’affranchissement ne peut s’acquérir d’un bond. Nous ne le trouvons qu’à la suite de notre expérience en la chair, et sans cette expérience l’affranchissement n’est pas connu, pas plus qu’il n’y avait de Jourdain, pour Israël, avant le désert. L’affranchissement lui-même n’est pas une expérience, mais un état saisi par la foi. Il n’est expérimental que dans ce sens, que je me vois en Christ, au lieu de saisir, comme à la rédemption, une œuvre accomplie en dehors de moi.

Telle est la signification du Jourdain pour nous. Mais Dieu veut que nous ayons continuellement sous les yeux le mémorial de cette victoire. Josué commande aux représentants des douze tribus de prendre douze pierres au milieu du Jourdain, du lieu où les sacrificateurs s’arrêtèrent de pied ferme. Ces pierres devaient être un signe parmi les enfants d’Israël. Elles devaient être posées au lieu où le peuple passerait sa première nuit dans la terre de Canaan. Ce lieu fut Guilgal. Que signifiaient ces pierres? Elles représentaient les douze tribus, le peuple arraché de la mort, par l’arche qui s’était tenue au lieu même duquel il fallait être délivré, et qui avait «suspendu les eaux du Jourdain», pour qu’Israël franchît le fleuve. Mais elles devenaient un monument à l’entrée même de Canaan, en Guilgal, dans un endroit où (nous le verrons plus tard) le peuple avait à revenir toujours; elles étaient un signe destiné à être désormais constamment sous leurs yeux et sous les yeux de leurs enfants.

Chers lecteurs chrétiens, comme Israël, nous sommes ces trophées de la victoire remportée sur les eaux impétueuses du fleuve. Christ s’est placé dans la mort, parce que nous y étions. «Si un est mort pour tous, tous donc sont morts» (2 Cor. 5:14); mais c’est afin que nous fussions sortis de la mort et amenés à une vie nouvelle dans sa propre résurrection. Lorsque «nous étions morts dans nos fautes, il nous a vivifiés ensemble avec Christ... et nous a ressuscités ensemble» (Éph. 2:5).

Mais nous avons au delà du Jourdain, le monument de cette œuvre mémorable, établi là en permanence pour servir d’aliment à la foi d’Israël, monument que le peuple retrouvera toujours à l’entrée de Canaan. Pour nous, c’est Christ, objet de notre foi, le premier-né d’entre les morts, ressuscité et entré dans les lieux célestes, mais un Christ qui nous représente là et nous associe à lui, comme il s’est associé à nous dans la mort.

Or Dieu veut que le Christ, placé ainsi devant nos yeux, produise en nous un effet moral correspondant; que notre conscience soit engagée d’une manière durable par cette contemplation. «Ces pierres serviront de mémorial aux fils d’Israël pour toujours». C’est aussi cela pour nous avec un effet intérieur qui l’accompagne. Le croyant ressuscité avec Christ porte sur lui le caractère ineffaçable de sa mort. Si telle est ma place en Christ, puis-je vivre encore aux choses que j’ai délaissées, que Christ a laissées au fond du Jourdain? «En ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché; mais en ce qu’il vit, il vit à Dieu». Jusque-là, c’est le mémorial. «De même vous aussi, tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus» (Rom. 6:10, 11). Voilà l’effet moral.

Les douze pierres en Guilgal sont donc, non seulement notre mort et notre résurrection avec Christ, — le Jourdain signifiait cela; mais le mémorial de cette mort et de cette résurrection, vu en Christ ressuscité et entré dans la gloire. Ce monument nous rappelle ce que nous devons être désormais. Au Jourdain, Dieu nous déclare morts, et c’est la part de tout le peuple; tout chrétien est mort et ressuscité avec Christ. En Guilgal, c’en est la réalisation morale. Tous avaient passé le Jourdain, mais beaucoup d’entre eux étaient peut-être assez indifférents pour ne pas s’enquérir du monument de Guilgal, de ces pierres parlantes qui disaient au peuple: «Tenez-vous vous-mêmes pour morts au péché, mais pour vivants à Dieu dans le Christ Jésus

 

Les douze pierres au milieu du Jourdain

Si les douze pierres en Guilgal parlaient à la conscience d’Israël, un autre monument élevé au milieu du Jourdain parlait sérieusement à son cœur. Ces pierres, quels yeux pouvaient les voir, tandis que les eaux qui coulaient par-dessus tous les rivages les avaient recouvertes? Elles ne pouvaient être connues que de la foi. Elles n’étaient pas le symbole d’une vie de résurrection, qui avait traversé la mort et en portait les insignes et le caractère; elles étaient essentiellement le monument de la mort. Les pierres en Guilgal sont le monument de l’introduction par Christ dans nos privilèges, privilèges dans lesquels nous n’entrons qu’après avoir passé par la mort avec lui. Mais quand je pense aux pierres dans le Jourdain, mon cœur est en communion avec Lui dans la mort. Je retourne m’asseoir, pour ainsi dire, au bord du fleuve de la mort et je dis: Voilà ma place; c’est là que j’étais; c’est là qu’il est entré pour moi. Il m’a délivré du péché, de mon vieil homme; il l’a laissé avec sa vie au fond du Jourdain; les eaux profondes m’ont enseveli, mais dans la personne de Christ. Qu’est-ce qui t’obligeait, Sauveur bien-aimé, à prendre cette place? Toi seul avais le droit de ne jamais l’occuper; toi seul, ayant laissé ta vie, avais le droit de la reprendre. Mais ton amour pour moi t’a fait entrer dans la mort. Aucun autre motif, si ce n’est encore la gloire du Dieu que j’avais déshonoré, n’a pu t’y faire descendre. Tu as non seulement victorieusement arrêté pour moi les eaux du Jourdain, en livrant seul le combat, «jusqu’à ce que tout ce que l’Éternel avait commandé... fût exécuté» (v. 10) et que ton peuple tout entier fût passé; mais ces eaux elles-mêmes ont passé sur toi. Je vois dans ce monument ce que la mort a été pour ton âme sainte; j’y retrouve le souvenir de l’amertume intime de cette coupe que tu as bue! Les douze pierres «sont là jusqu’à ce jour» (v. 9). Le monument reste, la croix demeure, témoignage éternel d’un amour que j’ai appris à connaître là, témoignage aussi de la seule place où Dieu pût mettre tout ce qui est de mon vieil homme!

En rapport avec ces choses, remarquez encore ce qui nous est présenté au v. 18. «Il arriva que, comme les sacrificateurs qui portaient l’arche de l’alliance de l’Éternel montèrent du milieu du Jourdain, et que les plantes des pieds des sacrificateurs se retirèrent sur le sec, les eaux du Jourdain retournèrent en leur lieu, et coulèrent par-dessus tous ses bords comme auparavant». La sentence est exécutée, le vieil homme condamné, la condamnation passée, la mort vaincue — mais la mort reste. Ce qui était autrefois un obstacle pour entrer, obstacle annulé par l’arche qui nous a frayé le chemin, devient après notre passage ce qui nous sépare, non seulement de la lointaine Égypte et du désert de Sinaï, mais de nous-mêmes. Chers amis, sommes-nous satisfaits d’en avoir fini avec l’homme, avec nous-mêmes? S’il en est autrement, il n’y a pas pour nous de jouissance durable dans le pays de Canaan.

Les deux tribus et demie (v. 12-13) ont bien passé le Jourdain avec leurs frères, en équipage de guerre, pour combattre, mais deux choses leur restaient inconnues: la valeur du pays de Canaan et la valeur de la mort. Le fleuve ne les a pas arrêtées, lorsqu’elles rejoignirent leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux qui les attendaient à l’autre bord. Le pays «d’en deçà» avait une attraction pour elles, tandis que le peuple, jouissant en paix de Canaan, voyait avec joie, dans le Jourdain, la barrière qui le séparait de tout ce qui, désormais, n’avait aucune valeur à ses yeux.

«En ce jour-là, l’Éternel éleva Josué aux yeux de tout Israël, et ils le craignirent comme ils avaient craint Moïse, tous les jours de sa vie» (v. 14). Il en est ainsi de Christ. La gloire du Père l’a haut élevé comme Sauveur, devant nos yeux, en vertu de son œuvre accomplie. Le résultat de cette œuvre, c’est l’introduction des saints avec lui dans la jouissance actuelle et dans la possession future de la gloire. C’est son titre de gloire et son honneur à jamais!

Mais le Seigneur possédera d’autres couronnes encore. Il arrivera pour lui, le jour dont Salomon a joui en type, et dont il est dit: «Et Salomon s’assit sur le trône de l’Éternel, comme roi à la place de David, son père, et il prospéra; et tout Israël lui obéit. Et aussi tous les chefs et les hommes forts, et aussi tous les fils du roi David, se soumirent au roi Salomon. Et l’Éternel agrandit Salomon, à un très haut degré aux yeux de tout Israël, et lui donna une majesté royale, telle qu’aucun roi avant lui n’en avait eu en Israël» (1 Chron. 29:23-25). Il régnera; son peuple d’Israël lui sera soumis, et même ceux qu’il daigne appeler ses frères, courberont le genou devant lui, heureux et reconnaissant hautement, avec joie, dans la gloire, en sa présence, qu’il est le Seigneur, comme ils l’ont reconnu ici-bas, pendant les jours de son rejet et de son absence.

Nous trouvons en 2 Chron. 32:23, une autre gloire future de Christ. Sous Ézéchias, après la délivrance d’Israël par le jugement des nations, dans la personne de l’Assyrien, il est dit: «Et beaucoup de gens apportèrent des offrandes à l’Éternel, à Jérusalem, et des choses précieuses à Ézéchias, roi de Juda; et après cela, il fut élevé, aux yeux de toutes les nations». Les nations lui seront soumises.

Enfin, il est dit en Phil. 2:9-11: «C’est pourquoi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, se plie tout genou des êtres célestes et terrestres et infernaux, et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père». Le ciel, la terre et l’enfer se courberont devant Celui qui s’est abaissé jusqu’à la mort de la croix!