Jacques

Chapitre 3

V. 1

Avec le chapitre 3 commence une nouvelle série d’exhortations. Jacques passe du sujet des œuvres de foi à une exhortation à ses frères contre la faute si commune de vouloir être maître des autres quand on n’a appris en aucune manière à être maître de soi-même. Le mot traduit dans la version autorisée (anglaise) du roi Jacques par «maître» signifie «enseignant» [la version J. N. Darby traduit ici par «docteur» et en Rom. 2:20 par «maître»], et si nous comparons avec Rom. 2:17-21, nous verrons que les Juifs étaient particulièrement enclins à s’imaginer être tels, et s’ils se convertissaient, il ne fait pas de doute que la même tendance subsistait chez eux. Ils étaient encore enclins à se placer en docteur enseignant, et parallèlement ils étaient réticents à se laisser enseigner et à recevoir avec douceur la Parole implantée.

D’autres passages de l’Écriture montrent très clairement que Dieu s’est plu à susciter des docteurs [«enseignants»] dans l’église, entre autres dons, et que tous ces dons ont à être reçus avec reconnaissance. Les versets placés devant nous ne militent pas le moins du monde contre cela, mais ils sont un avertissement contre le désir si naturel de la chair de continuellement instruire et légiférer pour autrui. Le fait que ceux qui enseignent recevront un jugement plus sévère que ceux qui sont enseignés, mérite qu’on s’arrête un peu.

Jacques ne fait que renforcer ici ce que le Seigneur Jésus Lui-même enseignait en Matt. 23:14 quand Il s’adressait aux scribes et aux pharisiens qui étaient les docteurs-enseignants autoproclamés de son temps. Au vu de ces passages, il est évident qu’il y a différents degrés de sévérité dans le jugement divin, et que ceux qui ont plus de lumière et d’intelligence auront plus à s’attendre à ces jugements, et seront jugés selon des critères plus rigoureux. Il est aussi évident que nous serons jugés selon la place que nous prenons, que nous y ayons été appelés par Dieu ou non. À la lumière de ceci, qu’aucun de nous ne se précipite dans la position de maître-enseignant. D’un autre côté, si Dieu a réellement appelé quelqu’un à être un docteur-enseignant, ou à se charger de n’importe quel autre service, malheur à celui qui se soustrait à sa responsabilité et qui cache sa mine dans un linge.

 

V. 2

La vérité toute simple est que «nous faillissons tous à plusieurs égards», c’est-à-dire nous faillissons tous souvent. De plus nos offenses les plus fréquentes sont celles en rapport avec nos paroles, et offenser Dieu dans nos paroles est spécialement grave si nous sommes docteurs-enseignants, puisque c’est par des paroles que nous enseignons. Ceci est illustré par le cas de Moïse. Il était un docteur-enseignant divinement suscité et doué; ses paroles devaient donc être les paroles de Dieu. Quand il faillit en paroles, il subit un jugement plus sévère que celui qu’aurait subi un Israélite ordinaire ayant fauté de la même manière.

Combien les fautes en paroles sont terriblement courantes! Il est bien vrai que nous faillissons souvent, et quant à nos paroles, nous faillissons très souvent. Ceci est tellement vrai que si un homme ne faillit pas en paroles, on peut dire de lui qu’il est un homme parfait — un objet d’art accompli pour ainsi dire. En outre, il est capable de se contrôler lui-même en toutes choses. Quant à ce que nous pensons de nous-mêmes et quant à ce que les autres voient de nous, nous pouvons bien nous demander où trouver un homme parfait et quelqu’un se contrôlant parfaitement? Oui, où est-ce? nous n’en connaissons pas. Mais cela devrait nous enseigner à être lents à prendre la place de maître-enseignant, car il est absolument vrai que celui qui aspire à être maître-enseignant des autres, doit d’abord être maître de lui-même.

 

V. 3-6

L’apôtre va nous parler très clairement sur la langue, et il se sert de deux figures expressives: d’abord la bride ou le mors pour diriger les chevaux; ensuite le gouvernail pour diriger les navires.

Le mors est un appareil tout petit par rapport à la grande masse d’un cheval, et pourtant cette simple contrainte permet à l’homme d’en avoir le contrôle complet, et une fois l’animal maté et docile, il suffit pour faire tourner son corps tout entier.

Les navires sont grands et poussés par des vents violents, ou de nos jours, ils sont poussés par la force de la vapeur ou des hélices tournant par un moteur. Pourtant, on les fait tourner au moyen d’un gouvernail tout petit par rapport à la masse du navire.

Ainsi aussi, la langue est un petit membre. Pourtant elle peut être un instrument de grandes choses, soit pour le bien soit pour le mal. Si les langues des hommes étaient utilisées pour la proclamation de la bonne nouvelle, leurs pieds mêmes ne seraient-ils pas beaux sur les montagnes (És. 52:7). Hélas! vu la manière dont la langue est utilisée ordinairement parmi les hommes, Jacques a bien raison de déclarer qu’elle «est un feu, un monde d’iniquité». Bien qu’elle soit petite, elle se vante de grandes choses. Elle peut être comme une petite étincelle de feu, mais quelle déflagration destructrice peut être déclenchée par une petite étincelle!

L’apôtre avait fait une première allusion à la langue au ch. 1:26. Au ch. 2 il met en contraste les œuvres de foi avec ce qui n’est qu’une affirmation de la langue prétendant avoir la foi. Dans le chapitre qui est devant nous, aux versets 6 et 8, il use d’un langage très dur à son égard. Pourtant celui qui connaît les dégâts terribles engendrés par la langue, dira-t-il que son langage est trop fort? Quels dommages ont été causés parmi les chrétiens par un usage rude, insensé et méchant de la langue! Quand nous lisons: «la langue … est établie parmi nos membres; c’est elle qui souille tout le corps» (3:6), le contexte indique que Jacques se réfère au corps humain, et pourtant il serait tout autant vrai si nous le lisions comme se rapportant à l’église corps de Christ, dont nous sommes tous membres. Il a été introduit plus de souillure dans l’église de Dieu par la langue que par tout autre moyen.

Et puis, il n’y a pas seulement les dégâts directs produits par la langue, mais pensez aux dégâts indirects! Le cours de la nature tout entier peut être enflammé par elle. Tous les instincts et les facultés des hommes peuvent être déchaînés par elle; les passions les plus basses et les plus profondes peuvent être mises en action. Et quand la langue est utilisée de cette manière, nous pouvons être sûr que la langue elle-même a été enflammée par le feu de la géhenne. Le diable en a fait un esclave pour s’en servir à ses fins. C’est lui qui jette l’étincelle qui, au moyen de la langue, enflamme tout le train du mal.

 

V. 7-8

Un autre caractère marque la langue selon les v. 7 et 8: elle est rebelle. L’homme peut dompter toutes sortes d’animaux, mais non pas la langue. La raison en est bien évidente. La parole est le grand boulevard par lequel le cœur de l’homme s’exprime, et par conséquent, le seul moyen de dompter la langue, c’est de dompter le cœur. Mais c’est impossible pour l’homme; il faut la grâce et la puissance de Dieu pour cela. En elle-même, la langue ne fait qu’exprimer le poison mortel caché dans le cœur humain.

 

V. 9-12

Au v. 9 et suivants, il est mentionné encore un autre aspect de ce sujet. Il y a une incohérence étrange de la langue quand il s’agit du peuple de Dieu. Les inconvertis ne bénissent pas Dieu, même pas le Père. Ils ne connaissent pas Dieu du tout, et encore moins le connaissent-ils comme Père. Les chrétiens Le connaissent et Le bénissent sous ce caractère, et pourtant il arrive des moments où des expressions tout à fait contraires sortent de leurs lèvres. Quelquefois ils vont jusqu’à maudire les hommes faits à la ressemblance de Dieu, de sorte que, de la même bouche, il sort de la bénédiction et de la malédiction. Il ne faut pas s’étonner que Jacques dise de façon si solennelle: «mes frères, il ne devrait pas en être ainsi».

La nature nous l’enseigne. On peut trouver des fontaines d’eau douce, et des fontaines d’eau salée ou amère. Mais jamais ces deux sortes d’eau ne sortent par le même goulot d’une fontaine. On trouve toutes sortes d’arbre à fruits, chacun produisant sa propre sorte de fruit, mais jamais un arbre ne viole ces lois fondamentales de la nature en produisant un fruit qui n’est pas de sa nature. Pourquoi donc voit-on ce phénomène étrange chez les chrétiens?

La réponse est double, bien sûr. D’abord, ils étaient, pour commencer, des créatures pécheresses, possédant une nature mauvaise, tout comme les autres. En second lieu, ils sont nés de nouveau, et par conséquent ils possèdent maintenant une nature nouvelle, sans que la vieille nature ait été éradiquée d’eux. Il s’ensuit donc qu’à l’intérieur d’eux-mêmes, il y a pour ainsi dire deux fontaines: l’une n’est capable que de produire du mal, l’autre n’est capable que de produire du bien. D’où ce mélange étrange que l’apôtre condamne si vigoureusement.

Certains peuvent se sentir pousser à remarquer que, si le croyant est tel, il ne faudrait pas le condamner si sévèrement puisque la langue agit comme le goulot d’où coulent les eaux amères de la vieille nature. Mais ceux qui pensent ainsi oublient que la chair, notre vieille nature, a été jugée et condamnée à la croix. Le «péché dans la chair», selon la formule de Rom. 8:3, a été condamné, et le croyant, le sachant, est responsable de le traiter comme une chose jugée et condamnée, à laquelle il n’est par conséquent pas permis d’agir. Le croyant DOIT donc être réprimandé si sa langue agit comme un exutoire pour le mal de la chair.

 

V. 13-14

L’apôtre Jacques ne déploie pas devant nous la vérité concernant la croix de Christ. Ce ministère a été confié non pas à lui, mais à l’apôtre Paul. Ce qu’il dit concorde pourtant pleinement avec ce que nous dit l’épître aux Romains. L’homme sage doit manifester sa sagesse dans la douceur qui doit contrôler à la fois ses œuvres et sa manière de vivre. Si c’est le contraire qui est manifesté — une jalousie amère et un esprit de querelle, d’où jaillissent les maux en relation avec la langue — un tel homme est en voie de se vanter et de mentir contre la vérité.

Qu’est-ce que la vérité, contre laquelle nous sommes trop souvent trouvés en train de mentir? Toute manifestation de la chair, soit de la langue, soit d’une autre manière, est la négation pratique du fait que le péché dans la chair a été condamné à la croix de Christ. Quelle est la vérité? — la croix de Christ, ou mon esprit de querelle amer et ma langue brûlante? Ils ne peuvent pas être tous les deux la vérité. La croix de Christ est Vérité, et le mal chez moi est un mensonge contre la vérité.

C’est aussi un mensonge contre la vérité que nous sommes nés de Dieu, et qu’Il nous reconnaît maintenant comme identifiés avec la nouvelle nature qui est nôtre en tant que nés de Lui, et non pas avec la vieille nature que nous tirons d’Adam par descendance naturelle.

 

V. 15

Au v. 15 les deux sagesses sont clairement distinguées. Si nous voulons trouver les deux natures clairement distinguées, il nous faut lire attentivement Rom. 7. Les deux natures sont à la racine respectivement de deux sagesses. La sagesse qui est de Dieu manifeste les caractéristiques de la nouvelle nature, et elle est d’en haut comme la nature qu’elle manifeste. L’autre sagesse manifeste les caractéristiques de la vieille nature, et comme la nature qu’elle manifeste, elle est de la terre; elle est sensuelle ou naturelle, elle est même diabolique, car, hélas! la pauvre nature humaine est tombée sous le pouvoir du diable, et a revêtu les caractéristiques qui sont les siennes.

 

V. 16

Son caractère est résumé au v. 16. À la racine il y a la jalousie ou l’envie. C’est le péché originel du diable. En aspirant à s’exalter, en enviant ce qui était au-dessus de lui, il est tombé. Quand il y a cet état d’esprit, la querelle est inévitable, et de celle-ci à son tour, il résulte du désordre et toutes sortes de mauvaises actions. Beaucoup de ces choses, peut-être toutes, sont considérées comme étant de la sagesse par l’homme déchu. L’homme moyen considère comme assez sage de faire des projets et de lutter pour soi-même — d’être toujours le «numéro un» comme on dit.

 

V. 17

Combien le contraste est grand avec la sagesse d’en haut, selon les détails du v. 17! Ses caractéristiques ne sont pas forcément du genre à amener une grande réussite dans ce monde, mais elles font les délices de Dieu et du cœur renouvelé; et celui qui les manifeste peut compter avoir Dieu de son côté. Notez que la pureté vient en premier dans la liste, avant même la paix. Si nous réfléchissons, nous réaliserons tout de suite qu’il doit en être ainsi, car tout est de Dieu. Il ne fait jamais de compromis avec le mal, et il ne peut donc pas y avoir de paix, sinon dans la pureté. Cela a été à tant de reprises le refrain des prophètes. Voir par exemple És. 48:22; 57:21; Jér. 6:14; 8:11; Éz. 13:10, 16.

La paix et la modération, être traitable et miséricordieux devraient effectivement nous marquer, mais toujours comme auxiliaires de la pureté, et jamais pour faire des compromis avec le mal.

 

V. 18

Il y a toutefois un autre côté à la question, même sur ce sujet. Bien que la sagesse d’en haut soir premièrement pure, et seulement après, paisible et modérée, elle avance toujours selon les directions génératrices de paix. Elle n’est jamais marquée par un esprit batailleur. Le dernier verset de ce chapitre l’exprime clairement. Ceux qui procurent la paix sèment fidèlement ce qui procurera une moisson du fruit de justice. La paix et la justice ne sont pas dissociées dans le christianisme, et elles sont encore moins antagonistes. Elles vont plutôt la main dans la main.

Un prophète d’autrefois déclare que «l’œuvre de la justice sera la paix, et le travail de la justice, repos et sécurité à toujours» (Ésaïe 32:17). Cela s’accomplira au jour du royaume de Christ, mais déjà aujourd’hui l’évangile apporte la paix exactement sur le même principe. Romains 3 parle de justice manifestée, et établie dans la mort de Christ. Rom. 4 parle de justice imputée, ou comptée, au croyant; en conséquence Rom. 5 s’ouvre par ces mots: «Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre seigneur Jésus Christ».

Ceci étant, procurer la paix est, de la part du chrétien, simplement de la justice pratique qui produira le fruit de la justice en sa saison. La pureté doit toujours venir en premier, mais même la pureté doit être poursuivie dans un esprit non pas batailleur, mais générateur de paix.