Jonas

G - Dieu

Dieu se manifeste dans le livre de Jonas sous deux caractères. S’il envoie la tempête comme un jugement sur son prophète infidèle et sur les nations, il a un but de grâce envers ces dernières. Elles étaient jusque-là complètement indifférentes et sans connaissance du vrai Dieu, mais Il amène les matelots aux portes du sépulcre pour les faire crier à l’Éternel (1:14; Ps. 107:23-32). Alors il se révèle à eux comme le Dieu Sauveur qui sacrifie son prophète en leur faveur. Il faut que le serviteur de Dieu soit livré à la mort pour que des âmes, étrangères à Dieu, apprennent à le connaître et soient amenées à le servir. Mais Dieu est aussi un Dieu Sauveur pour son peuple. Il ne peut supporter la désobéissance et il faut qu’il punisse les transgressions, car il ne peut abandonner sa justice et sa sainteté; mais le ventre du poisson qui engloutit Jonas recèle, pour ainsi dire, un autre Jonas obéissant et fidèle, qui souffre sans cause, mais qui ressuscite, afin que, pour Israël, «la délivrance soit de l’Éternel».

Le second caractère de Dieu, révélé dans ce livre, est: «Un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tout, et partout» (Éph. 4:6). Il est le Dieu créateur et conservateur de tous les hommes et de toute la création animale. Il dirige à son gré les éléments, les vents et la mer; il prépare un grand poisson, un kikajon, un ver, un vent d’orient, pour accomplir ses desseins. Sa Providence veille à tout; sa bonté universelle est partout. Ce «Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre» (1:9), les nations l’adoreront à la fin, quand elles reconnaîtront le «Père de tous» dans le Dieu qui, «sans acception de personnes, juge selon l’œuvre de chacun» (1 Pierre 1:17). L’amour de Dieu envers toutes ses créatures est universel, et les hommes d’aujourd’hui veulent bien le reconnaître, à condition que cela ne les oblige pas à se repentir. Tel ne fut pas le cas de Ninive: quand ces gens des nations apprirent que le Dieu de patience et de mansuétude allait les juger parce qu’ils l’avaient offensé, ils furent poussés à la repentance. Dieu ne se révéla pas à Ninive comme l’Éternel, le Dieu d’Israël, mais comme Dieu, Élohim, le Créateur (3:5, 8, 9, 10). Cette ville, dont la méchanceté était montée devant Dieu et qui se prosternait devant ses idoles, se repentit. Le jeûne fut proclamé, et ce ne fut pas le Dieu Sauveur, mais le Dieu créateur qui en tint compte et qui épargna Ninive pour un temps.

La conversion des nations, aux derniers jours, par l’Évangile éternel n’aura pas un autre caractère. L’ange qui l’annoncera dira à haute voix: «Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l’heure de son jugement est venue; et rendez hommage à Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les fontaines d’eau» (Apoc. 14:7). Les nations se repentiront et seront épargnées pendant mille ans, comme Ninive le fut pendant deux siècles.

Cette vérité élémentaire, l’amour universel de Dieu, la providence du «Père de tous», Jonas avait à l’apprendre. Il connaissait l’Éternel, le Dieu d’Israël, comme un Dieu miséricordieux sous la loi; il le connaissait comme un Dieu Sauveur qui l’avait délivré, mais son orgueil de Juif ne pouvait admettre que le cœur de Dieu fût également ouvert pour toutes ses créatures. Son égoïsme le portait à penser que les soins de Dieu devaient se porter exclusivement sur sa personne à lui. Que Jonas fût épargné, à la bonne heure; que la grande ville fût détruite, cela était nécessaire pour sauvegarder l’honneur du prophète! N’est-il pas vrai que notre amour-propre nous laisse souvent ignorer les vérités les plus élémentaires touchant le caractère de Dieu? Aussi la dernière leçon de ce livre est-elle destinée au prophète. La Providence de Dieu prépare un kikajon pour faire ombre sur la tête de Jonas et le «délivrer de sa misère». Il compte, plein de joie, sur la protection que lui offre une plante, créature infime de Dieu, au lieu de regarder à Celui qui l’a préparée. Dieu donne la plante en pâture à un ver qu’il a préparé de même. Ainsi tout s’enchaîne dans les voies de la Providence. Le Créateur pense à tout, à une plante, à un ver, à un Jonas (quelle humiliation pour le prophète!), à une grande ville avec sa population tout entière et son roi, aux petits enfants incapables de distinguer entre leur main droite et leur main gauche, au bétail nombreux qui remplit les étables. Où est donc ton cœur, dit à Jonas le Père de tous, en regard du mien? Ton égoïsme t’aveugle sur ce que je suis et tu t’irrites. Fais-tu bien de t’irriter? Et me suis-je irrité contre toi? Le cœur de Jonas est jugé, ou du moins convaincu d’égoïsme et d’orgueil. Le juste Job eut à faire une expérience semblable, mais dont la Parole nous fait connaître les résultats. Quand il rencontra le Dieu créateur, le Père de tous, face à face, il dit: «J’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre». Jonas, hélas! le rencontra et dit: «Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort». Tel est ici le dernier mot du prophète d’Israël! Les matelots naviguent heureux et remplis de joie sur la mer apaisée; Ninive repentante jouit de sa délivrance; les regards du Père de tous cherchent les plus ignorantes de ses créatures pour les bénir; un seul reste à l’écart, lui le dépositaire des secrets de Dieu, sombre et irrité, parce qu’étant occupé de lui-même il ignore le cœur de son Dieu!

Mais, nous l’avons déjà dit, cette bienveillance universelle du Père de tous n’est jamais de l’indifférence au mal. Ce même Père «juge selon l’œuvre de chacun». Il juge ceux qui s’aventurent sur la mer, confiants en la protection de leurs faux dieux; il juge ses témoins qui, dans un esprit de désobéissance, s’éloignent de Lui; il juge une nation pleine de «mauvaise voie et de violence»; il n’épargne personne afin de sauver tous ces hommes, et quand la volonté de l’homme, plus obstinée chez un saint que chez le plus misérable pécheur, persiste à s’opposer à Lui et à le contredire, lui, le Père de tous, ne s’irrite pas, use de patience, d’une patience dont nous ne voyons ni le résultat, ni la fin, dans cette histoire.

 

Ainsi nous avons passé en revue dans ce livre, si particulier parmi les écrits prophétiques, tout l’ensemble de l’histoire de l’homme du commencement à la fin: l’histoire de la créature déchue, mais pourvue d’une vie nouvelle, celle du rejet d’Israël, celle de la grâce faite aux nations, celle d’un Résidu préservé dans la détresse, celle des nations de la fin recevant l’Évangile du royaume; et, couronnant tout cet ensemble, le Christ se livrant lui-même et ressuscité d’entre les morts, le Dieu créateur dans lequel espéreront les nations, et le Dieu Sauveur dont il nous est dit: «C’est peu de chose que tu me sois serviteur... pour ramener les préservés d’Israël; je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre» (És. 49:6).