Joël

Chapitre 4

Le jour de l’Éternel ou le jugement des nations

Le chap. 3 nous montre un nouvel aspect du jour de l’Éternel. Ce jour était déjà signalé par anticipation comme étant proche, lors de l’invasion des sauterelles (1:15). Le chap. 2 nous l’a montré comme venant et étant proche lors de l’invasion de l’Assyrien, dont l’armée des sauterelles au chap. 1 n’était qu’une figure (2:1), et comme précédé par des signes au v. 31 du même chapitre; puis enfin comme étant , lorsque l’attaque de l’Assyrien s’effectue (2:11).

Nous avons vu qu’à la suite de la repentance de Juda et de Jérusalem, l’Assyrien sera anéanti et que l’Esprit Saint sera répandu sur le Résidu et sur toute chair, mais il reste encore à nous présenter d’autres ennemis, qui devront être détruits, c’est-à-dire toutes les nations assemblées contre Jérusalem. Le jour de leur jugement est le jour de l’Éternel, tout comme celui de la défaite de l’Assyrien. En effet, les événements des chap. 2 et 4 ont lieu concurremment et ne sont séparés, dans Joël, que pour faire ressortir le sujet principal de ce prophète, l’attaque et l’anéantissement de l’Assyrien. De fait l’Assyrien, j’ai lieu de le croire, est compris au chap. 3 dans le jugement de toutes les nations, mais il n’y est pas mentionné, son sort particulier ayant été traité en détail au chap. 2. Nous savons même d’après Daniel et l’Apocalypse que son jugement ne précédera pas celui des nations apostates représentées par la Bête romaine et le faux prophète, mais le suivra de très près, ce qui, chronologiquement, placerait en quelque manière le chap. 4 avant le chap. 2. Les mêmes termes sont employés dans ces deux chapitres pour définir le jour de l’Éternel, montrant qu’il s’agit bien du même jour: «Le jour de l’Éternel est proche dans la vallée de jugement» (4:14; cf. 2:1). Ce que nous venons de présenter quant à la concordance de ces événements est confirmé par le fait que la bénédiction millénaire est aussi bien mentionnée après la vallée de Josaphat qu’après la défaite de l’Assyrien (2:23-27; 4:4-7).

Les différents actes du drame final sont donc appelés de ce nom: le jour de l’Éternel, mais le chap. 3 nous entretient de l’ensemble du dernier acte.

Un Résidu s’est formé à la suite de la repentance de Juda et de Jérusalem, et le Saint Esprit est tombé sur lui. Il y a délivrance pour les réchappés que l’Éternel a appelés. Ce sont les jours où Dieu rétablit les captifs de Juda et de Jérusalem (3:1), car, comme nous l’avons fait observer plus haut, il ne s’agit dans Joël que du Résidu vu sous cet angle restreint, et non pas de la «captivité» tout entière, c’est-à-dire du Résidu d’Israël et de Juda. Pour procurer à son peuple une entière délivrance, il faut que, dans le jour de l’Éternel, toutes les nations (goïm) qui ont «foulé aux pieds» Juda et Jérusalem tombent sous le même jugement que l’Assyrien: «Je rassemblerai toutes les nations, et je les ferai descendre dans la vallée de Josaphat» (4:2).

On a beaucoup écrit et discuté sur la «vallée de Josaphat». Une tradition, sans aucune racine dans la parole de Dieu, la localise dans la vallée du Cédron qui sépare Jérusalem de la montagne des Oliviers. Cette tradition qui subsiste encore de nos jours parmi les juifs et les mahométans, ne date guère que des premiers siècles de notre ère. Tous y placent le lieu du jugement dernier, car ils ignorent le jugement des nations vivantes dont la prophétie nous entretient si souvent et ici en particulier. Cette légende peut être née du fait que Jérusalem (3:16; Zacharie 14:4) est en rapport avec la scène du jugement. Mais la scène elle-même ne doit ni ne peut être localisée. Même le mot employé pour «vallée» (Emeq en hébreu) ne s’applique jamais à une vallée resserrée comme celle qui sépare Jérusalem de la montagne des Oliviers.

En tout premier lieu il faut se rappeler que le mot Josaphat, signifiant: l’Éternel juge, a un rapport direct avec notre chapitre qui nous présente le jugement de l’Éternel sur les nations, et le lieu où il aura lieu comme la vallée de jugement (ou plutôt de «ce qui est décrété», comp. Ésaïe 10:22). Ce nom a donc un sens symbolique. D’autre part je ne doute pas, Pour mon compte, qu’il fasse allusion à l’histoire du roi Josaphat, rapportée en 2 Chron. 20, car, il ne faut pas l’oublier, il s’agit dans notre chapitre du jugement des nations pour introduire la bénédiction du Résidu de Juda repentant. Or, l’histoire de Josaphat nous donne précisément l’histoire de la délivrance du Résidu amenée par le jugement de Dieu sur ses ennemis. Ce fut au bout de la montée de Tsits et de la vallée (vallée encaissée, hébreu Nachal) qui s’ouvre sur le désert de Jeruel et vers celui de Thekoa, que fut remportée la victoire de Josaphat sur la grande multitude des nations montées contre Jérusalem (v. 12, 15).

Josaphat avait été infidèle à son Dieu, en s’alliant avec l’impie Achab, roi d’Israël (2 Chron. 18). Pressé par l’ennemi, il avait crié au milieu de la bataille et l’Éternel l’avait secouru (18:31). Infidèle une seconde fois, il s’était allié avec Joram, fils d’Achab, et avec le roi d’Édom contre Moab. C’était une honte pour son témoignage comme serviteur de l’Éternel (2 Rois 3). La défaite de Moab suscita chez ce peuple orgueilleux une haine violente contre Juda. En compagnie des fils d’Ammon et des Maonites de Séhir (Édom) il envahit le territoire du peuple de Dieu, en contournant la mer Morte et campa à En-Guédi. Tout cela, conséquence de l’infidélité du roi, est aussi en petit l’histoire de l’infidélité de Juda et de Jérusalem. Josaphat en convient; avant d’aborder l’ennemi, il proclame un jeûne et assemble le peuple, et «tout Juda se tenait devant l’Éternel, avec leurs petits enfants, leurs femmes et leurs fils» (2 Chron. 20:3, 13). Ce jeûne rappelle forcément celui de Joël 2:15. Puis, dans son extrême faiblesse, Josaphat invoque le nom de l’Éternel afin d’être sauvé: «Ô notre Dieu, ne les jugeras-tu pas? car il n’y a point de force en nous devant cette grande multitude... mais nos Yeux sont sur toi» (2 Chron. 20:9 12). On assiste à la même demande, du sein de l’humiliation en Joël 2:17. Alors l’Éternel déclare que cette guerre n’est pas la leur, mais celle de Dieu (2 Chron. 20:15). L’Esprit de l’Éternel se tient au milieu de cette congrégation (v. 14), comme il est en Joël la part bénie du Résidu (Joël 3:1). Les hommes de Josaphat descendent au-devant de ces multitudes, vers le désert de Thekoa, en troupes équipées, non pour combattre, mais pour voir la délivrance de l’Éternel qui est avec eux (v. 17, 21). Ils rencontrent l’ennemi dans la vallée (hébreu Emeq, le même mot qu’en Joël 4:2, 12, 14). Cette vallée de jugement devient pour Josaphat et son peuple la vallée de Beraca, c’est-à-dire la vallée de bénédiction. Après la victoire, ils entonnent le célèbre cantique millénaire: «Célébrez l’Éternel, car sa bonté demeure à toujours» (20:21).

Tout ceci, répétons-le, nous reporte d’une manière frappante à la scène décrite en Joël. À la suite de l’infidélité d’Israël et en présence des jugements qui en sont la conséquence, la congrégation est rassemblée, le jeûne et la repentance proclamés, Juda et Jérusalem rendus attentifs, le Saint Esprit donné. Les nations montent en grande multitude contre Jérusalem dans la vallée où le jugement est décrété, et elles y sont anéanties. Le jugement est exécuté par l’Éternel lui-même et non par ceux qui l’accompagnent. Il en sera de même lorsque le Roi des rois sortira du ciel avec ses armées et qu’il frappera les nations avec l’épée à deux tranchants qui sort de sa bouche (Apoc. 19). En ce jour-là, et à la suite de cette scène, considérée ici en Joël au point de vue juif, la vallée de Josaphat deviendra la vallée de Beraca, c’est-à-dire de la bénédiction millénaire sous le règne de Christ (Joël 4:18-21).

Quoique l’allusion à la victoire de Josaphat nous semble claire, il n’est du reste nullement besoin de localiser cette scène. Le sens de la vallée de Josaphat, c’est, nous l’avons dit, que «l’Éternel juge» comme il le fit en 2 Chron. 20. Que le lieu soit le même en Joël et dans les Chroniques, cela n’importe en aucune manière, bien que cela soit possible; mais il est souvent dangereux de vouloir localiser les événements prophétiques quand leur sens symbolique est évident.

La vallée de Josaphat fait partie d’un ensemble d’événements qui se rapportent tous au «jour grand et terrible de l’Éternel», et se relient à un fait capital: l’apparition du Seigneur. Cette apparition aura lieu lorsque les cieux seront ouverts et que le Christ, comme nous venons de le voir, en sortira avec ses armées célestes. À ce grand fait se rattachent les différents actes de sa venue en jugement pour établir son royaume. Ces actes, comme nous l’avons montré ailleurs1, ne se passent pas simultanément, c’est-à-dire n’ont pas lieu au même moment, chose impossible, mais forment un événement ininterrompu avec ses manifestations diverses. Ils appartiennent tous à son «apparition» et font partie du jour de l’Éternel.

1 Voyez le livre de Zacharie le Prophète. par H. R.

L’apparition du Seigneur ou «apparition de sa venue» est le second acte de sa venue. Au premier acte, invisible au monde, il viendra chercher les saints pour les introduire avec Lui, dans la gloire. Au second acte, accompagné de ses saints pour exercer le jugement sur les nations, il sera visible à tous, car il est dit: «Voici, il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé». C’est de ce second acte, jamais du premier, que nous parle la prophétie de l’Ancien Testament, car sa venue pour les saints est un mystère qui n’est révélé que dans le Nouveau.

Mais ce second acte, l’apparition du Seigneur, a lui-même deux caractères, l’un céleste et l’autre terrestre. Le céleste appartient au Nouveau Testament, le terrestre à l’Ancien. En faisant cette remarque, nous ne pouvons assez insister sur la différence entre les points de vue de l’Ancien et du Nouveau Testament qui, sans toutefois jamais se contredire, ne doivent pas être mélangés l’un avec l’autre. Cette remarque est très importante dans le cas qui nous occupe. Dans le Nouveau Testament les passages prophétiques au sujet de l’apparition du Seigneur nous montrent, en 2 Thess. 1 et Apoc. 19, sa révélation du ciel avec les anges de sa puissance et tous les saints célestes pour exercer la vengeance sur les nations christianisées faisant partie du domaine occidental de la Bête, c’est-à-dire de l’empire romain qui sera ressuscité au temps de la fin. Aussi le jugement de l’Assyrien n’y est-il pas mentionné. C’est la Bête et le faux prophète qui sont jugés et jetés dans l’étang de feu. La prophétie de l’Ancien Testament ne nous présente pas les choses sous cet aspect. Le Seigneur y est révélé sur la terre. Sans doute, il vient du ciel, mais de la même manière que jadis ses disciples l’ont vu s’en allant au ciel (Actes 1:11), ses pieds se poseront sur la montagne des Oliviers. Il ne vient pas, comme dans l’Apocalypse, revendiquer ses droits au royaume universel et prendre possession de la terre en anéantissant tous ses ennemis; il vient établir son royaume sur Israël, être oint Roi sur Sion, la montagne sainte de l’Éternel (Ps. 2:6). Mais pour que cela puisse avoir lieu, le jugement doit être exécuté sur toutes les nations qui ont asservi Israël. L’Éternel les rassemble et les fait descendre dans la vallée de Josaphat. Il entre en jugement avec elles au sujet de son peuple, de son héritage qu’elles ont dispersé parmi les nations. Le sujet du jugement est uniquement le traitement qu’elles ont fait subir à Israël, au peuple de Dieu. «Elles ont partagé mon pays, et elles ont jeté le sort sur mon peuple, et ont donné le jeune garçon pour une prostituée, et ont vendu la jeune fille pour du vin, et elles l’ont bu» (v. 2, 3). Tyr, Sidon et la Philistie (plus tard l’Égypte et Édom, v. 19) sont distinguées dans le jugement, car nous avons ici le jugement général de toutes les nations qui se sont partagé le pays et ont «foulé Jérusalem aux pieds» (Luc 21:24). «Et vous aussi, que me voulez-vous, Tyr et Sidon, et tous les districts de la Philistie? Est-ce une récompense que vous me donnez? Et si vous me récompensez, je ferai retomber votre récompense vite et promptement sur votre tête; parce que vous avez pris mon argent et mon or, et que vous avez porté dans vos temples mes belles choses désirables, et que vous avez vendu aux fils de Javan les fils de Juda et les fils de Jérusalem, afin de les éloigner de leurs confins» (v. 4-6).

Les peuples susnommés avaient pillé, volé l’héritage de Dieu, vendu les fils de Juda à la Grèce1, pour s’emparer de leur pays, de ce qui appartenait à l’Éternel. Ils subiront un sort différent des autres peuples: les fils de Juda les vendront aux Sabéens.

1 Voyez aussi la vente des fils d’Israël à Édom, par Tyr et les Philistins (Amos 1:6, 9).

Il est intéressant de rapprocher de ce passage celui d’un livre qui n’a rien à faire avec les écrits inspirés, quoiqu’il ait la valeur d’un document historique. On lit au premier livre des Macchabées (3:38-41): «Lysias choisit Ptolémée, fils de Dorimène, Nicanor et Gorgias, habiles capitaines et amis du roi; et il envoya avec eux 40 000 hommes de pied et 7000 cavaliers, pour envahir le pays de Juda et le ruiner selon l’ordre du roi. lis se mirent en marche avec toutes leurs troupes, et étant entrés en Judée, ils campèrent près d’Emmaüs, dans la plaine. Quand les marchands du pays apprirent leur arrivée, ils prirent avec eux beaucoup d’argent et d’or, ainsi que des entraves, et vinrent au camp des Syriens pour acheter comme esclaves les enfants d’Israël. À cette armée se joignirent les troupes de Syrie et celles du pays des Philistins.»

Le jugement est un jugement guerrier d’un caractère particulier et rappelle, comme nous l’avons dit plus haut, la victoire de Josaphat. Comme l’Éternel avait fait entendre sa voix devant son armée, devant l’Assyrien quand il s’agissait de châtier son peuple (2:11), il fait maintenant entendre sa voix aux oreilles des nations pour anéantir toute leur puissance. Il oblige les nations à se présenter en armes. Elles croient poursuivre leurs desseins et leurs buts politiques et ne soupçonnent pas qu’elles courent au-devant du jugement final. Tous les travaux de la paix sont abandonnés et les instruments aratoires sont convertis en armes de guerre: «Proclamez ceci parmi les nations, préparez la guerre, réveillez les hommes forts; qu’ils approchent, qu’ils montent, tous les hommes de guerre! De vos socs, forgez des épées, et de vos serpes, des javelines. Que le faible dise: Je suis fort! Accourez et venez, vous, toutes les nations, de toute part, et rassemblez-vous!» (v. 9-11.) Elles montent pour le combat, pour se disputer le faible Résidu de Juda et, de fait, contre son Roi qui a manifesté sa gloire à ses saints en se montrant à eux sur la montagne des Oliviers. C’est, en effet, la scène finale. Quels que soient les motifs politiques des peuples, tous, les armées de l’empire romain d’Occident et les armées du Nord et de l’Orient se rassemblent pour la possession de Jérusalem. C’est le conflit suprême produit par la «Question d’Orient». Que va-t-il en résulter? «Là, Éternel, fais descendre tes hommes forts!» (v. 11.) On a voulu voir dans ces hommes forts de l’Éternel, les armées célestes. Encore une fois, c’est introduire les scènes de l’Apocalypse (chapitre 19) dans la prophétie de l’Ancien Testament, tandis qu’il s’agit ici, je n’en doute pas, du faible Résidu de Juda entourant son roi, comme jadis les «hommes forts» de David, ou comme la poignée d’hommes forts qui entourait Josaphat au jour de la bataille. Ésaïe 13, 3, nous renseigne sur ce qu’ils sont et sur leur caractère. «J’ai donné commandement à mes saints, j’ai appelé aussi pour ma colère mes hommes forts, ceux qui se réjouissent en ma grandeur». Mais, pas plus que Josaphat et les siens, ils ne sont appelés à combattre. Ils assistent au jugement que l’Éternel va accomplir. Il en sera de même en Apoc. 19 pour les armées célestes; cependant les hommes forts du Fils de David pilleront les nations et leur enlèveront leur butin (2 Chron. 20:25), ou, selon Ésaïe 11:14: «Ils voleront sur l’épaule des Philistins vers l’ouest, ils pilleront ensemble les fils de l’orient: Édom et Moab seront la proie de leurs mains, et les fils d’Ammon leur obéiront.» Ces nations avaient échappé à l’Assyrien en Dan. 11:11. La même chose est dite d’Édom en Ézéchiel 25:14: «J’exercerai ma vengeance sur Édom par la main de mon peuple Israël.» Et encore, en Abdias, v. 15: «Car le jour de l’Éternel est proche, contre toutes les nations: comme tu (Édom) as fait, il te sera fait; ta récompense retombera sur ta tête.»

Le jugement, s’il a un caractère guerrier, n’est pas proprement un combat: «Que les nations se réveillent et montent à la vallée de Josaphat, car là je m’assiérai pour juger toutes les nations, de toute part» (v. 12); cette scène est bien différente comme aspect de la sortie du Seigneur, sur un cheval blanc, avec les armées qui sont dans le ciel, jugeant et combattant en justice (Apoc. 19:11-14).

Le siège de ce jugement, le lieu où l’Éternel est assis, c’est Jérusalem et Sion: «L’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix, et les cieux et la terre trembleront» (v. 16).

Malgré certaines analogies, le tableau qui nous est fait ici n’a rien de commun avec celui du jugement de Matt. 25:31-46 qui lui est postérieur. Là «le fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui alors il s’assiéra sur le trône de sa gloire, et toutes les nations seront assemblées devant lui.» Il fera comparaître et assemblera toutes les nations, mais non pas pour exécuter sur elles un jugement national. Ce sera un jugement individuel, séparant parmi les nations les bons d’avec les méchants. Ils seront déclarés bons ou méchants selon la manière dont ils auront reçu et traité les frères du Fils de l’homme, les messagers juifs envoyés par lui pour proclamer l’Évangile du royaume et engager les nations à se soumettre au sceptre du vrai David. À la suite de la sentence prononcée, les uns s’en iront dans les tourments éternels, les autres dans la vie éternelle.

Tout autre est la scène de Joël. Elle se termine par la moisson et la vendange: «Mettez la faucille, car la moisson est mûre; venez, descendez, car le pressoir est plein, les cuves regorgent; car leur iniquité est grande» (v. 13). Ces images sont employées en beaucoup d’autres endroits des Écritures. Le chap. 14:14-20 de l’Apocalypse a beaucoup d’analogie avec ce qui nous est dit ici, mais a une portée beaucoup plus vaste. Nous y voyons quelqu’un de semblable au fils de l’homme, assis, mais sur la nuée, et faisant la moisson au moment voulu de Dieu, seulement la moisson comprend la population de la terre tout entière. Ici, nous le voyons assis à Jérusalem où il a son trône et faisant affluer les multitudes dans la vallée de jugement (hébreu: Charuts), dans la vallée, dont la sentence était décrétée d’avance. Les nations viennent combattre et montrent ainsi ce qu’il y a dans leurs cœurs contre Christ et contre son peuple, car ce qui touche à son peuple touche à Lui-même. Il faut, pour qu’elles soient saisies sur le fait, qu’elles soient trouvées en armes devant le jugement inexorable, elles qui ont employé tous les outils de la paix, de la prospérité des peuples, pour préparer la guerre. N’assistons-nous pas déjà de nos jours, à ce gaspillage effréné qui sacrifie tout à l’équipement guerrier des multitudes?

En Apoc. 14 la moisson et la vendange sont très distinctes l’une de l’autre; la première a les nations, la seconde Israël apostat pour objet. Ici rien de semblable, quoique je ne doute pas que les juifs apostats, le peuple de l’Antichrist, s’étant solidarisé avec les nations, ne soit compris dans leur jugement. La moisson et la vendange sont réunies dans notre passage («la moisson est mûre.... les cuves regorgent») parce que cette scène s’occupe non pas du rapport des peuples avec les juifs incrédules, mais avec le Résidu de Juda et de Jérusalem quand leurs captifs sont rétablis. La moisson devient ici le jugement des ennemis d’Israël, séparant l’ivraie du bon grain, la vendange leur extermination sans merci.

Ajoutons encore deux ou trois passages qui ont trait au même événement. Le Ps. 18:31-46 célèbre le jugement des nations confié au Fils de l’homme. Il se termine par leur soumission apparente à l’autorité de son sceptre de fer. Le Ps. 78:65, 66 décrit aussi cette scène: Celui qui a choisi la tribu de Juda et la montagne de Sion comme siège de sa puissance, y «frappa ses ennemis par derrière, il les livra à un opprobre éternel», Zach. 14:3, semble comprendre, outre le jugement de l’Assyrien, celui des nations qui ont été de connivence pour opprimer Israël, car le combat y est différencié du «jour de la bataille». On pourrait multiplier ces citations; nous nous bornerons à celles-ci.

En résumant tous les passages dont nous venons de nous occuper, nous pouvons noter quatre événements faisant partie de ce grand tout: le jour de l’Éternel et l’apparition du Seigneur, ou l’apparition de sa venue. Ces événements sont:

1° La destruction des armées de la Bête et du faux prophète par l’apparition du Fils de l’homme, sortant du ciel avec ses armées (Apoc. 19).

2° Comme conséquence du n° 1, l’apparition du Christ à Jérusalem, sur la montagne des Oliviers pour délivrer le Résidu juif et anéantir l’Assyrien (Ésaïe 31:4-9; Zach. 14:3, 4).

3° Le jugement guerrier et collectif des nations qui, environnant le territoire d’Israël, ont été les oppresseurs du peuple de Dieu. Le Résidu de Juda est associé à ce jugement guerrier. (Étant général, il englobe aussi toutes les nations mentionnées sous les n° 1 et 2, mais le tout est considéré au point de vue juif.) (Joël 3, Abdias, etc.)

4° Le jugement des nations, ayant un caractère individuel, quand le Fils de l’homme, entouré de ses anges, vient s’asseoir sur le trône de sa gloire. Ce jugement n’atteint parmi les nations que ceux qui ont rejeté les messages du Seigneur, quand ils leur annonçaient l’Évangile du royaume.

Comme le jour de l’Éternel était précédé de signes terribles (3:3, 4), des signes semblables accompagnent ce jour dans la vallée de Josaphat. «Le soleil et la lune seront obscurcis, et les étoiles retireront leur splendeur» (v. 15).

Après le jugement, «l’Éternel sera l’abri de son peuple et le refuge des fils d’Israël». Alors ils le connaîtront selon les bénédictions de la nouvelle alliance: «Vous saurez que moi, l’Éternel, je suis votre Dieu.» Il demeurera désormais au milieu d’eux: Je «demeure en Sion, ma montagne sainte». «Jérusalem sera sainte», purifiée désormais de toute souillure et consacrée à l’Éternel, et les étrangers qui avaient été les instruments du jugement de Dieu contre son peuple infidèle ne fouleront plus aux pieds la cité bien-aimée (v. 16, 17).

«Et il arrivera, en ce jour-là, que les montagnes ruisselleront de moût, et les collines découleront de lait, et tous les torrents de Juda découleront d’eau» (v. 18). Maintenant un libre cours peut être donné à la bénédiction. La vallée de Josaphat est devenue la vallée de Beraca (2 Chroniques 20:26). Partout, dans le pays d’Israël, la joie, le rassasiement, les bénédictions spirituelles sont répandues. Désormais rien ne manque au peuple de l’Éternel. Le pays est redevenu ce qu’il devait être dans les pensées de Dieu au moment où la grâce en ouvrait les frontières aux douze tribus (Deut. 8:7-10).

«Une source sortira de la maison de l’Éternel, et arrosera la vallée de Sittim» (v. 18). C’est un fait naturel, en même temps qu’un symbole. (Voyez Ézéch. 47:1-12; Zach. 14:8; Apoc. 22:1, 2.) La bénédiction divine répand la vie partout où elle passe. Sittim est situé près du Jourdain de Jéricho dans les plaines de Moab (Nombres 26:3; 31:12; 33:48, 49). C’est là qu’Israël habitait quand il commit fornication avec les filles de Moab (Nombres 25:1). C’est de là que Josué envoya des espions pour reconnaître Jéricho (Josué 2:1); de là aussi que le peuple partit pour passer le Jourdain. Les eaux descendront de Jérusalem dans l’Arabah, ou vallée de Sittim où coule aussi le Jourdain, et parviendront jusqu’à la mer Morte. En Zacharie, la source sort de Jérusalem pour aller à la Méditerranée d’un côté, à la mer Morte de l’autre. Ici, elle sort du temple, établi sur la montagne de Sion et arrose la vallée qui s’étend au-delà du Jourdain. En Ézéchiel, les eaux descendent dans la plaine (de Sittim) vers l’Orient, et parviennent jusqu’à la mer Morte pour la rendre saine. Le territoire d’Édom, la montagne de Séhir qui domine toute cette scène autrefois désolée, sera le témoin de l’abondance des bénédictions répandues sur ce peuple dont Édom a versé le sang dans sa haine violente et sa rage de destruction. Tous les prophètes nous annoncent qu’Édom n’obtiendra aucune rémission au jour de la vengeance (voyez Abdias).

Désormais, la scène de la bénédiction est établie pour toujours, mais n’embrasse, dans notre prophète, comme nous l’avons maintes fois remarqué au cours de cette étude, que Juda et Jérusalem. «Juda (en contraste avec Édom qui sera «un désert désolé») sera habité à toujours, et Jérusalem de génération en génération.» Et Dieu ajoute: «Je les purifierai du sang dont je ne les avais pas purifiés: et l’Éternel demeure en Sion» (v. 21).

C’est sans doute parce que cette scène est restreinte à Juda et à Jérusalem que la «purification du sang» est mentionnée, car je pense qu’il s’agit ici du sang du Christ, dont la coulpe tombe sur Jérusalem et Juda, comme le sang innocent du peuple tombait sur Édom qui l’avait versé (v. 19). Le peuple de Dieu en est désormais purifié et l’Éternel peut demeurer en paix au milieu d’eux sur la montagne de la grâce royale. Le sang dont Jérusalem S’est rendue coupable en immolant le Saint et le Juste est devenu le sang de propitiation par lequel leur faute est expiée à toujours, par lequel ils sont réconciliés avec Dieu, en vertu duquel ils habiteront de génération en génération autour de leur Roi glorieux qui, Lui-même, a choisi Sion, et l’a désirée pour être son habitation. «C’est ici, dira-t-il, mon repos à perpétuité; ici j’habiterai, car je l’ai désirée!» (Ps. 132:13, 14).

N’est-il pas remarquable de voir comment, au dernier mot du livre, le motif de toutes les voies de Dieu envers son peuple se dévoile? L’outrage à son Fils unique, descendu ici-bas pour ôter le péché du monde, la crucifixion de leur Roi, a été la cause des terribles jugements que Dieu leur a infligés — mais leur péché même, le crime par lequel ils ont répandu le sang de l’Agneau de Dieu, est le moyen employé pour les purifier et les racheter, pour réconcilier toutes choses avec Dieu et pour établir sur la terre un règne de justice et de paix. Merveilleuse grâce! Dieu se sert de la haine de Satan et du crime de l’homme pour introduire le règne de Christ et notre bénédiction éternelle! À Lui la gloire aux siècles des siècles!