Juges

Chapitre 20

Brèche et relèvement

À la suite du crime de Guibha, de l’extrême nord à l’extrême sud, toutes les tribus se rassemblent «comme un seul homme, vers l’Éternel, à Mitspa» (v. 1). Il semble manquer bien peu à cette unanime protestation contre le mal. Nous trouvons du zèle pour s’en enquérir et s’en purifier, et le sentiment de la solidarité d’Israël qui, plus tard, sous Debora, Gédéon et Jephthé, fera défaut. La réunion, l’action et les sentiments des onze tribus offrent surtout une belle apparence d’unité (v. 1, 8, 11), car la plus petite tribu, et bien plus une tribu coupable, seule manquait. Le centre de l’unité du peuple était reconnu, car c’est «vers l’Éternel» qu’ils se rassemblent à Mitspa, «devant l’Éternel» qu’ils montent à Béthel. Que manquait-il donc à Israël? Une chose, «le premier amour». Le premier amour s’adresse à la fois à Dieu et aux frères. Envers Dieu, cet amour s’était refroidi. Israël écoute, délibère, décide, puis consulte Dieu (v. 18). Au lieu de commencer par la parole de Dieu, il finit par elle. Elle n’est pas absente, mais n’occupe plus la première place. C’est une marque de l’abandon du premier amour. «Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime». «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole» (Jean 14:21, 23). «C’est ici l’amour de Dieu, que nous gardions ses commandements» (1 Jean 5:3). Une autre marque, c’est que la honte infligée à Israël (v. 6, 10, 13) touche plus les cœurs que le déshonneur fait à Dieu. Combien souvent, dans toute discipline d’assemblée, une telle tendance se fait jour! C’est que Dieu n’a plus, dans nos cœurs, la place qu’il devrait occuper.

L’abandon du premier amour se montre aussi dans notre manière d’agir envers nos frères. Les rapports avec Dieu et avec les frères sont, du reste, intimement liés. «Celui qui aime Dieu, aime aussi son frère» (1 Jean 4:21). Israël voit en Benjamin un ennemi, et, malgré la belle apparence d’unité, ne considère pas le péché d’une tribu comme celui de tout le peuple. Ils disent: «Quel est ce mal qui est arrivé au milieu de vous?» (v. 12,) non pas de nous. Quelle différence entre cet amour et celui qui nous est décrit en 1 Cor. 13:4-7! Le zèle ne manquait pas, mais ne remédie jamais à l’abandon du premier amour. «Tu ne peux supporter les méchants» d’Apoc. 2:2, se retrouve ici, mais comme plus tard à Éphèse, le Seigneur pouvait dire à son peuple: «J’ai quelque chose contre toi». Ils ajoutent: «Que nous ôtions le mal du milieu d’Israël» (v. 13), mais où étaient les affections fraternelles? C’est toujours, du reste, en tout temps, le danger de la discipline, aussi les Corinthiens sont-ils exhortés à ratifier leur amour envers celui qui était tombé, après que la discipline avait eu son cours. Si le peuple, s’adressant à Benjamin, dit «vous» au lieu de «nous», le «nous» d’autre part usurpe la place: «Livrez-nous ces hommes... afin que nous les fassions mourir et que nous ôtions le mal du milieu d’Israël» (v. 13). L’abandon du premier amour ouvre la porte à l’importance personnelle.

Que dirons-nous de Benjamin? Il avait gravement péché en supportant le mal dans son sein. La remontrance d’Israël, au lieu de l’humilier, le pousse à un acte des plus graves: Il sort «en guerre contre les fils d’Israël» (v. 14), puis à un acte plus grave encore: il s’allie avec le mal. Benjamin se rassemble à Guibha, dénombre Guibha, se range en bataille devant Guibha, sort de Guibha (v. 14, 15, 20, 21). Son manque d’humiliation a une terrible conséquence; non seulement il ne juge pas le mal, mais arrive nécessairement, fatalement, à l’excuser, en prenant parti avec le méchant contre le peuple de Dieu. Il se donne bien, il est vrai, l’apparence d’être «sans les hommes de Guibha» (v. 15), mais il les dénombre et profite de leurs 700 guerriers d’élite. Dans cette armée, les «gauchers» sont aussi nombreux que l’élite de Guibha, faiblesse qui devient force au service de l’Éternel, quand c’est un Éhud qui combat. Ici, les gauchers sont habiles contre l’Éternel; leur main qui devrait être apte à la défense, se trouve forte à l’attaque et trompe ceux qui leur font face.

Tous les préliminaires épuisés, Israël interroge Dieu (v. 18). Que Juda monte le premier, répond Celui qui veut discipliner Israël. Vingt-deux mille hommes de Juda mordent la poussière. Quelle grâce de Dieu dans cette défaite! Israël doit apprendre qu’il ne peut y avoir de vainqueur, ni de vaincu, dans les combats entre frères, mais que tous doivent être vaincus pour que l’Éternel triomphe à la fin. Dieu se sert aussi de la défaite pour restaurer son peuple bien-aimé. Israël sort fortifié d’un combat qui lui a coûté ses forces vives, car il en sort jugé à fond par Dieu lui-même. Lorsque leurs vingt-deux mille sont tombés, les fils d’Israël se fortifient (v. 22). Voyez quels fruits porte pour eux le châtiment: 1° Il les fait rechercher la présence de l’Éternel à Béthel. 2° Au lieu de l’indignation humaine, les voici maintenant affligés d’une affliction selon Dieu, et leurs pleurs en sont la preuve. 3° L’affliction n’est point passagère, car ils pleurent jusqu’au soir. 4° Ils apprennent à dépendre plus réellement de la parole de Dieu, et ne disent plus: «Qui de nous montera le premier?» mais: «M’approcherai-je de nouveau?» 5° Enfin l’affection renaît pour le frère en chute, car ils disent: «les fils de Benjamin, mon frère» (v. 23). Résultat digne de Dieu! Ce n’est pas la victoire, c’est la défaite qui produit ces choses, fruits bénis de la discipline, et cependant d’autres fruits restent encore à produire. «Montez contre lui», dit l’Éternel.

Une seconde défaite étend morts 18.000 hommes d’Israël. Alors 1° «Tous les fils d’Israël et tout le peuple montèrent et vinrent à Béthel». Aucun ne manque: ils sont unanimes pour chercher l’Éternel. 2° Au lieu de pleurer jusqu’au soir, «ils pleurèrent et demeurèrent là devant l’Éternel». L’affliction s’approfondit et s’exprime d’une manière plus durable devant Dieu. 3° Et ils «jeûnèrent ce jour-là jusqu’au soir». C’est plus que l’affliction; c’est l’humiliation, le jugement de la chair et la repentance. 4° «Et ils offrirent des holocaustes et des sacrifices de prospérités devant l’Éternel». Ils retrouvent ces deux choses d’une valeur infinie, l’appréciation du sacrifice et la communion. La dépendance de la parole de Dieu et la réalisation de sa présence acquièrent, sous la discipline de Dieu, une tout autre valeur. Le peuple a conscience de se trouver devant Dieu lui-même assis sur l’arche entre les chérubins, et s’approche de lui par un sacrificateur vivant qui intercède pour Israël. 6° Enfin la volonté propre est complètement brisée: «Sortirai-je... ou cesserai-je?» (v. 26-28). Quelle restauration! Et ce qui l’a amenée, c’est un mal horrible; non pas que Dieu abaisse le niveau du mal, mais l’intérêt qu’il porte à son peuple se sert même du mal pour le bénir. Désormais, Dieu peut bénir et promettre la victoire.

Alors a lieu la bataille où Israël restauré, faisant encore l’expérience de sa faiblesse et de son incapacité, remporte la victoire, mais perd une tribu presque entière. Benjamin est défait par le peuple humilié qui se montre plus faible que lui. C’est le principe de toute discipline dans l’assemblée. Sans amour, sans dépendance de Dieu et de sa Parole, sans jugement de soi-même, la discipline sera toujours fautive. Ce n’est qu’à de telles conditions que l’assemblée pourra se purifier du vieux levain.