Juges

Chapitre 6

La parole de Dieu frappant la conscience (v. 1-10)

En dépit de toutes les bénédictions énumérées au chap. 5, Israël ne tarde pas à retomber dans le mal et à abandonner l’Éternel. Comme châtiment de cette infidélité, Dieu le livre entre les mains des Madianites. Le peuple passe à travers toutes les phases des misères matérielles (morales pour l’Église) qui suivent la recherche du monde et l’abandon de Dieu. Sous Jabin, Israël manquait d’armes (5:8), sous le joug de Madian, il est affamé; deux conséquences de notre infidélité que nous subissons toujours, quand nous cherchons notre part avec le monde. Il s’empare de nous et nous enlève nos armes; notre force nous abandonne et nous perdons tout moyen de combattre; mais les vivres aussi nous manquent, car le monde n’a jamais nourri personne, et nous le sentons à la sécheresse qui envahit nos âmes quand, dans notre folie, nous avons abandonné la moelle et la graisse de la maison de Dieu pour des moissons qui sont un pur mirage du désert. Ce fut l’expérience d’Israël; Madian ne lui «laissait point de vivres».

Alors, dans sa misère, il crie à l’Éternel. Celui-ci répond et produit un nouveau réveil, dans lequel il cherche à atteindre, plus profondément que par le passé, la conscience de ce pauvre peuple. Il est intéressant de voir comment le Seigneur s’y prend pour amener ce résultat. «L’Éternel envoya aux fils d’Israël un prophète». Son nom n’est pas mentionné et n’importe point, car cet homme est simplement le porteur de la parole de Dieu pour placer le peuple en Sa présence. Dieu a un moyen de nous bénir: sa Parole qui répond à tout et doit nous suffire parfaitement. Le Ps. 119 nous présente le rôle merveilleux que la Parole joue dans la vie du fidèle. Ce Psaume dépasse en longueur tous les autres. La parole de Dieu devrait occuper la même place dans notre vie. Avons-nous le sentiment de sa valeur? Remplit-elle nos jours et nos nuits, nos pensées tout au moins, quand le temps nous manque pour nous asseoir et la méditer?

Dieu applique d’une manière pleine de grâce (v. 8-10) cette Parole à la conscience des Israélites, leur disant tout ce qu’il a fait pour eux, comment il leur donna la sortie, la délivrance, la victoire et l’entrée, et après avoir déployé devant eux toute sa bonté, il ajoute une seule parole: «Et vous n’avez pas écouté ma voix». Pas un mot du «comment» ils peuvent être délivrés; il ne leur ouvre pas encore le chemin pour revenir à lui. Le prophète disparaît, les laissant sous le poids de leur responsabilité en présence de la grâce. Dieu les avait portés dans ses bras et sur son cœur; il avait été leur nuée de feu et d’obscurité; il avait combattu pour eux. Ai-je manqué, dit-il, à votre égard? Qu’avez-vous fait? Bien plus que tous les reproches, ce silence est calculé pour atteindre la conscience! Elle est frappée, sinon atteinte; mais la parole de grâce ne donne pas encore au peuple infidèle ce dont il a besoin. Israël reste sans force en présence de l’ennemi.

 

Gédéon formé pour le service (v. 11-40)

Tout le reste de ce chapitre nous montre comment Dieu opère pour susciter un serviteur en ces temps de ruine, et façonner un instrument puissant qui accomplisse son œuvre de délivrance.

Avant d’aborder ce sujet, insistons sur une vérité générale. Lorsque le peuple de Dieu, comme tel, a perdu toute force, l’âme peut trouver individuellement une force aussi grande, aussi merveilleuse, qu’aux temps les plus prospères d’Israël. Si cela est vrai, combien nos cœurs devraient désirer ardemment de posséder cette force! Sommes-nous de ceux qui s’établissent dans leur faiblesse, se mettant au niveau de ce qui les entoure, acceptant la mondanité de la famille de Dieu comme une chose inévitable ou nécessaire? Ou bien, avons-nous les oreilles de Gédéon, lorsque Dieu nous dit: J’ai à la disposition une force sans limites?

Passons à l’histoire de cet homme de Dieu. Il était personnellement plus faible encore que son peuple: sans assurance devant l’ennemi, car il se cachait pour battre son blé dans le pressoir (v. 11); sans ressources dans ses relations, car son millier était le plus pauvre en Manassé; sans force en lui-même, car il était le plus petit dans la maison de son père (v. 15); c’est un tel homme que Dieu visite et se choisit pour serviteur, un homme ayant la conscience de son manque absolu de force et qui dit: Je n’ai rien, Seigneur Éternel! «Avec quoi sauverai-je Israël?» Quand il s’agit de l’œuvre de Dieu dans ce monde, nous trouvons donc un premier grand principe, c’est que Dieu ne demande pas ce que l’homme pourrait lui offrir et n’en fait aucun cas. Il prend pour se glorifier des instruments faibles, ayant conscience de leur infirmité.

Mais il est un autre principe de la dernière importance: cette œuvre exige que tout soit de Dieu. Avant que l’ange de l’Éternel s’assît sous le térébinthe, Gédéon avait déjà la foi. Quelque vérité qu’il eût encore à apprendre, il croyait à la parole de Dieu qui lui avait été transmise par ses pères (v. 13); de plus, il prenait parti avec le peuple de Dieu: «Si l’Éternel est avec nous»; «l’Éternel nous a abandonnés», dit-il. Il ne suivait pas le chemin de Héber, et portait avec les Israélites les conséquences de leur culpabilité. Le respect pour Sa parole et l’affection pour Son peuple sont deux marques de la vie de Dieu en tout temps et chez tous les fidèles. Cependant Gédéon a beaucoup à apprendre. Sa foi est très faible, car il ignore la bonté de Dieu. Humble, sans doute, mais regardant à lui-même, il conclut de ce qu’il est à ce que Dieu doit être pour lui. «Maintenant», dit-il, «l’Éternel nous a abandonnés». La conséquence de notre infidélité, c’est qu’il n’y a plus d’espoir. Ainsi raisonne Gédéon, mais Dieu raisonne-t-il ainsi? «L’Éternel est avec toi, fort et vaillant homme!» Ah! qu’il connaît encore peu ce qu’il y a dans le cœur de Dieu, et combien d’âmes raisonnent comme lui! De plus, malgré son humilité, Gédéon n’a pas encore passé condamnation sur lui-même. Il désire offrir quelque chose, «apporter son présent» à l’Éternel (v. 18). Ce n’est sans doute pas avec la pensée de faire quelque grande chose pour Dieu, mais tout ira bien, pense-t-il, si Dieu accepte mon présent. Nous verrons la réponse de l’Éternel, mais revenons d’abord au principe énoncé plus haut, que Dieu seul entre en scène dans l’œuvre de délivrance de son peuple. En premier lieu, «l’Ange de l’Éternel lui apparut». Comme à Saul sur le chemin de Damas, c’est Dieu qui commence par se révéler lui-même à l’âme de tous ses serviteurs dans la personne de Jésus. En second lieu, l’Éternel se révèle à Gédéon, comme s’associant à lui: «L’Éternel est avec toi»; en troisième lieu, c’est Lui qui donne un caractère à Gédéon, — «fort et vaillant homme», — caractère que Gédéon lui-même, faible et se cachant dans son pressoir, n’eût jamais rêvé d’obtenir. Quatrièmement, l’Éternel le regarde «en grâce» pour se révéler, non plus à lui, mais en lui, comme le Dieu de puissance. Si Gédéon n’a pas de force, l’Éternel en a pour lui; c’est le secret qu’il lui fait connaître, car il lui dit: «Cette force que tu as». Cinquièmement, c’est Lui qui l’envoie: «Va avec cette force», comme Paul, serviteur de Dieu, fut envoyé «non de la part des hommes, ni par l’homme».

Enfin, Dieu lui donne la preuve de l’intérêt qu’il lui porte. Gédéon, nous l’avons vu, voudrait offrir quelque chose à l’Éternel, mais celui-ci ne peut rien accepter de l’homme comme tel. «Prends», dit-il, «la chair et les pains sans levain, et pose-les sur ce rocher-là, et verse le bouillon» (v. 20). La seule offrande que Dieu puisse accepter, c’est Christ. S’il ne reçoit pas telle quelle l’offrande de Gédéon, il accepte ce qui représente Christ dans cette offrande. Cet homme de Dieu a une intelligence bien incomplète de la valeur des sacrifices que l’Éternel avait ordonnés aux fils d’Israël; «la chair bouillie», «le bouillon dans le pot», étaient des témoins de son ignorance, mais Dieu distingue la réalité que cette faible foi recouvre et accepte l’offrande, quand Gédéon la pose «sur le rocher». Le feu du jugement monte du rocher, consumant la chair et les pains sans levain. La preuve de l’intérêt que Dieu lui porte, est en figure le jugement tombé sur Christ!

Il faut encore que le serviteur apprenne à connaître la valeur de cette œuvre pour lui-même. D’abord il est rempli de frayeur: «Ah! Seigneur Éternel, si c’est pour cela que j’ai vu l’Ange de l’Éternel face à face», mais «l’Éternel lui dit: Paix te soit; ne crains point, tu ne mourras pas!». La conséquence du jugement de l’offrande consumée, c’est la paix pour Gédéon. Pour être un serviteur de Dieu, il faut avoir reçu pour soi-même la connaissance de l’œuvre de Christ et la paix qui en résulte, l’assurance d’une paix accomplie en vertu de ce qui s’est passé entre Dieu et Christ, la certitude de ce que Dieu, et non pas Gédéon, pense du sacrifice. Telle est la base de tout service chrétien, (hélas! comme les hommes l’ont oublié!) car, ne possédant pas la paix pour nous-mêmes, comment pourrions-nous aller la proclamer à d’autres?

Le premier résultat de ce que Gédéon vient d’apprendre, n’est pas de le pousser dans le service (encore un fait complètement oublié des chrétiens de nos jours), mais d’en faire un adorateur. «Et Gédéon bâtit là un autel à l’Éternel, et l’appela Jéhovah-shalom (l’Éternel de paix)». Il faut, avant de servir, que le croyant soit entré comme adorateur en la présence de Dieu. La Parole illustre ce fait dans une multitude de cas, celui d’Abraham et de l’aveugle-né, entre autres. Gédéon loue le Dieu de paix et peut désormais offrir sur l’autel de l’adorateur un sacrifice que l’Éternel accepte.

C’est seulement après l’autel du culte que Dieu appelle Gédéon comme serviteur à rendre un témoignage public. Ce dernier commence par la maison paternelle. Il consiste à détruire «l’autel de Baal et l’idole qui est auprès», et à leur substituer l’autel du témoignage, l’autel du Dieu connu de Gédéon. Le devoir positif du témoin de Dieu est avant tout de jeter bas ses idoles. Pourquoi trouve-t-on parmi les chrétiens si peu de serviteurs véritables, marchant dans la puissance du témoignage pour Christ? C’est qu’ils n’ont pas les deux autels. Et pourquoi n’ont-ils pas le second? C’est qu’ils ne se sont pas munis de bois pour le sacrifice. Ce bois, ce sont les idoles (v. 26). Renversons-les, n’en laissons rien subsister; commençons dans le cercle étroit de la famille. Si nous ne le faisons pas, où sera notre témoignage? Le renversement des idoles est le secret de la puissance; l’Esprit de l’Éternel ne revêt Gédéon que lorsqu’il a accompli cet acte. Nous n’avons plus comme lui des Baals de pierre et des ashères de bois, mais nous avons bien d’autres idoles et, peu semblables à lui, nous les préférons souvent à la puissance d’une marche fidèle avec Dieu. Gédéon obéit sans hésiter, sans compromis ni restriction. Pour lui, les idoles ne sont rien, comparées à ce Dieu qu’il connaît. Ce «fort et vaillant homme» n’avait aucun courage naturel. La peur de l’ennemi (v. 11), la frayeur de Dieu (v. 23), la crainte de la maison de son père (v. 27), le caractérisent. Il fait son œuvre de nuit, craignant de la faire le jour; il la fait, néanmoins, car Dieu le lui a commandé. Ce n’est qu’au matin que les gens de la ville s’en aperçoivent. Mais celui qui connaissait le caractère de Gédéon, ne lui avait pas dit: Fais cette œuvre de jour. Nous aussi, faibles que nous sommes, ah! détruisons nos idoles en silence, quand nul œil ne nous observe. Ne proclamons pas la chose très haut; accomplissons ce travail difficile avec crainte et tremblement, regardant à Dieu seul dans le silence de la nuit. Le monde s’apercevra bientôt que nous avons un nouvel autel qu’il ne connaît pas, et que l’ashère n’a de valeur pour nous que comme bois à brûler. Alors le monde qui nous avait supportés jusque-là, nous haïra. C’est l’autel du témoignage qui attire sur Gédéon l’animosité de tous. Haï, mais qu’importe? car il reçoit le nom de Jerubbaal (que Baal plaide), et devient, en présence de tous, le représentant personnel de l’inanité des choses qu’il adorait autrefois.

Le témoignage de Gédéon a pour effet de convaincre son père du néant de Baal. La foi du père est moindre que celle du fils. Gédéon détruit Baal, parce qu’il a connu Dieu; Joas reçoit Dieu, parce qu’il ne reconnaît plus Baal. C’est bien peu, mais c’est quelque chose.

Mes frères, sommes-nous, devant le monde, les témoins de la folie de tout ce qui l’intéresse? Si nous n’avons pas gardé l’autel de Baal, peut-être avons-nous négligé de détruire «l’ashère qui est à côté?» Le chemin de la puissance est celui d’une obéissance sans restriction à la parole de Dieu. À certains moments de nos vies, la puissance a caractérisé notre service, à d’autres elle nous a manqué. Demandons-nous alors si nous n’avons pas réédifié quelque idole détruite. Il n’est pas d’action publique qui ne commence, pour le chrétien, par la fidélité dans le petit cercle où il est appelé à vivre.

Gédéon éprouve d’abord l’inimitié de ceux qui portent le nom de peuple de Dieu, contenue toutefois pour le moment par la sincérité de son témoignage. Madian et Amalek (v. 33) ne l’entendent pas ainsi. Si, dans leur folie, les gens de la ville cherchent à faire obstacle à leur propre délivrance, le monde s’efforce d’étouffer ce réveil qui sortirait Israël de l’esclavage.

Jusqu’ici, Gédéon ne faisait qu’acte d’obéissance; maintenant, l’Esprit de l’Éternel le revêt. Son premier acte de puissance est de sonner de la trompette pour réunir les tribus à sa suite. La force d’Israël est dans son rassemblement; c’est ce que Satan et le monde craignent le plus.

Toutefois, Gédéon, malgré sa force, ne montre pas beaucoup de confiance en Dieu. Il demande des signes pour connaître si l’Éternel veut sauver le peuple de sa main. Tous les ordres de Dieu à Gédéon sont simples et clairs, mais lorsque Gédéon demande des signes à Dieu, tout devient obscur et compliqué. Nous avons de la peine à comprendre sa pensée. Je suppose que la toison représente Israël béni de Dieu, quand la sécheresse reste sur les nations, et vice versa, car, ayant éprouvé Dieu, Gédéon le soumet à une contre-épreuve. Pauvre foi, faible confiance en Lui! Mais le Dieu de grâce, sans se rebuter, fait ce que son serviteur demande. Il veut délivrer son peuple, il veut, par tous les moyens, soutenir le faible cœur de son témoin, afin de l’engager dans son service et d’en faire un instrument à sa gloire.