Job

Chapitres 38 et 39

«Et l’Éternel répondit à Job du milieu du tourbillon et dit: Qui est celui-ci qui obscurcit le conseil par des discours sans connaissance? Ceins tes reins comme un homme, et je t’interrogerai et tu m’instruiras». Il avait demandé de se trouver dans la présence de Dieu, le sommant pour ainsi dire de se rendre à son désir, et Dieu lui répond: «Ceins tes reins comme un homme». Le mot «homme» employé ici n’est pas le même que dans les passages où Job dit: «Qu’est-ce que l’homme mortel?» et: «Qu’est-ce que l’homme que tu fasses grand cas de lui?» (chap. 7:17). Dans ces derniers passages, le mot implique la faiblesse et la mortalité. Mais Dieu emploie un terme tout différent, et l’on pourrait traduire: «Ceins tes reins comme un héros», sens que ce mot peut avoir. Il signifie un homme fort. Job avait réclamé cette rencontre avec Dieu pour un examen judiciaire de ses voies en Sa présence et Dieu l’avait exaucé: «Où étais-tu quand j’ai fondé la terre? Déclare-le moi, si tu as de l’intelligence». Nulle part. «Qui lui a établi sa mesure, — si tu le sais? Ou qui a étendu le cordeau sur elle?» Job garde toujours le silence. Il n’avait pas une parole à dire. En outre, considérons le fait que la révélation qui nous est donnée ici date du commencement de l’histoire du monde, pas très longtemps après le déluge et après que les hommes commencèrent à se multiplier de nouveau sur la terre. Puisque l’homme se glorifie abondamment de ses progrès et de son habileté, ainsi que des lumières, de la science et de la civilisation qu’il a acquises depuis lors, pourquoi ne peut-il répondre maintenant aux questions que Dieu adresse à Job? Les plus sages sont ceux qui sont les plus disposés à confesser leur incompétence et leur ignorance. Ils savent du moins une chose, c’est qu’ils ne sont pas capables de répondre à Dieu. Je ne doute pas qu’il y ait des hommes assez prétentieux pour s’imaginer le contraire. C’est précisément en cela que se trahit l’ignorance. Un homme sans instruction ne pourra peut-être pas se flatter qu’il lui soit possible de le faire, mais ne connaissant pas les limites de la puissance et du savoir humains, il s’imagine qu’il y en a d’autres à ses côtés qui sont assez instruits pour répondre à tout. Plusieurs ne doutent nullement que ce doive être une tâche facile, en face des progrès actuels de l’intelligence et par-dessus tout des sciences naturelles, pour ceux qui sont plus avancés qu’eux dans ce domaine, de répondre à des questions relatives à la création posées il y a trois ou quatre mille ans.

À la vérité, Dieu apparaît donc ici sur la scène dans le but précis d’annuler les prétentions de l’homme. Dans le langage le plus magnifique qui ait jamais à ma connaissance été employé pour décrire de tels sujets, langage digne de Celui dont il nous est dit émaner, l’Éternel se manifeste pour mettre Job à sa vraie place, dans la poussière et dans la cendre, c’est-à-dire dans la mort moralement, afin que le moi soit anéanti devant Lui. Qui était Job et qu’était-il pour parler et murmurer contre Dieu? L’Éternel ne fait que toucher aux bords de sa puissance et au domaine extérieur de sa gloire, et pourtant qu’est-ce que l’homme peut en dire? Que pouvait répliquer Job? Pas une parole. Telle paraît être la force ou la substance de cet exposé. Or celui qui ne pouvait pas expliquer les plus petites manifestations de la puissance de Dieu, était-il à même de juger des parties les plus profondes de ses voies et de ses desseins? Y a-t-il, en effet, quoi que ce soit de plus insondable que ce qui a trait à ses conseils, à ses affections et à ses voies relativement aux saints qu’Il aime, et cela en dépit de leur faiblesse et de l’inimitié d’un adversaire puissant et rusé?

Vous connaissez peut-être une pensée qui a été exprimée par un homme de bien et qui n’est pas indigne de lui: «De tous les corps ensemble on ne saurait tirer la moindre pensée… ni un mouvement de vraie charité1». Dieu agissait ici selon le même principe, en exposant devant Job une petite partie seulement de sa sagesse et de sa puissance dans le monde extérieur, et cela précisément parce que ces manifestations ne sont qu’une chose insignifiante comparée aux voies de sa grâce. Elles ne sont, pour ainsi dire, que ce que ses doigts ont formé. Si je considère les cieux, le firmament annonce l’ouvrage de ses mains, comme David le dit au Ps. 19. Pensez-vous que ses voies envers nous ne soient que le fruit de la même sagesse? Elles proclament quelque chose d’infiniment plus grand. Elles manifestent son cœur, ses pensées, son plan d’amour et de bonté. Tout ce que Dieu est a été donné à connaître dans la bénédiction de ses saints, parce qu’Il est apparu lui-même en leur faveur en Christ, en Celui qui est non seulement la seule vraie, mais la complète expression de ce que Dieu est en lui-même et envers nous.

1 «Pensées» de Pascal.

Naturellement, nous ne trouvons pas ici, même par l’anticipation la plus éloignée, ce qui devait être développé dans le Nouveau Testament. Dieu fait allusion, comme nous l’avons dit, aux manifestations extérieures de sa puissance et de sa gloire. «Où étais-tu quand j’ai fondé la terre? Déclare-le-moi, si tu as de l’intelligence… Sur quoi ses bases sont-elles assises, ou qui a placé sa pierre angulaire, quand les étoiles du matin chantaient ensemble, et que tous les fils de Dieu éclataient de joie? Et qui a renfermé la mer dans des portes, quand elle rompit les bornes et sortit de la matrice?» Peu importait que Dieu dirigeât les regards de Job vers les cieux ou vers les profondeurs de la mer: dans toutes les parties de la création, l’ignorance et l’impuissance de l’homme sont évidentes. Aucune réponse ne pouvait être donnée à une seule question de l’Éternel. «Quand je fis de la nuée son vêtement, et de l’obscurité ses langes; quand je lui découpai ses limites et lui mis des barres et des portes, et que je dis: Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas plus loin, et ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots?» (v. 4-11).

Ainsi il est évident que Dieu réduit à néant tous les discours orgueilleux de Job. Mais Il ne se contente pas de démontrer la petitesse de l’homme en parlant de ce qui est grand. Il envisage aussi des choses que nous pourrions considérer comme étant comparativement petites. Après avoir traversé les cieux immenses et la mer indomptée et sondé les trésors de la neige et de la grêle, de l’éclair et des eaux, Il examine en détail divers corps célestes, puis, vers la fin du chapitre, Il s’arrête, en terminant, devant les petites choses de la nature, en présence desquelles l’homme est également réduit au silence. Ainsi: soit que nous considérions les plus grandes ou les plus petites des œuvres de Dieu, partout nous rencontrons ce qui dépasse l’intelligence de l’homme. «Qui a compté les nuages dans sa sagesse? et qui verse les outres des cieux, quand la poussière coule comme du métal en fusion et que les mottes se soudent entre elles? Est-ce toi qui chasses la proie pour la lionne, et qui rassasies l’appétit des lionceaux, quand ils sont couchés dans leurs tanières et se tiennent aux aguets dans leur fourré? Qui prépare au corbeau sa pâture quand ses petits crient à Dieu et qu’ils errent sans nourriture?» Qu’est-ce qui pouvait mieux que de telles paroles démontrer la folie de l’homme qui veut traduire Dieu à la barre de son tribunal? Job avait même émis la prétention de juger les profondeurs morales de Dieu, tandis qu’il ne pouvait pas même sonder ce qu’Il est dans la moindre partie de son univers, ni s’en faire une idée quelque peu complète.

Au chap. 39, l’Éternel continue à faire appel à Job, en plaçant devant lui, d’une manière plus complète, la nature animée. Que savait-il relativement aux bouquetins des rochers et aux biches? Quel contrôle exerçait-il sur les ânes sauvages et les buffles? Puis, qu’il veuille bien méditer la souveraineté de Dieu manifestée dans la création de l’autruche, du cheval de guerre, de l’épervier et de l’aigle. Nous ne pouvons nous étendre davantage sur ce sujet, quelque intéressants qu’en soient les détails.

Je voudrais encore attirer l’attention sur la question pressante que Dieu adresse au chap. 39 à Job lui-même: «Et l’Éternel répondit à Job et dit: Celui qui conteste avec le Tout-Puissant l’instruira-t-il?» Il devrait en être capable, puisqu’il juge Dieu. C’est précisément ce qui remplit Job de confusion. Il avait contesté avec le Tout-Puissant. «Celui qui reprend Dieu, qu’il réponde à cela». Maintenant Job répond. Ces paroles sont importantes, car elles se lient au dénouement de tout le débat à la fin du livre. Job fut complètement humilié dans sa propre estime et rendu honteux d’avoir murmuré contre Dieu et ses voies, sans comprendre celles-ci en aucune manière. Ayant accepté cette vérité et s’étant soumis entièrement à Dieu, et possédant dans son âme l’assurance que Dieu devait avoir un but des plus bénis et digne de lui-même dans toutes les épreuves qu’Il lui avait dispensées, Job ouvre maintenant la bouche. C’est un pas important. Il ne garde plus le silence comme ses amis. «Et Job répondit à l’Éternel et dit: Voici, je suis une créature de rien, que te répliquerai-je? Je mettrai ma main sur ma bouche». Pas un mot de plus au sujet de l’Éternel. «J’ai parlé une fois, et je ne répondrai plus; et deux fois, et je n’ajouterai rien».

C’est ainsi que Job a été réduit à néant devant Dieu et amené à cette humiliation quant à lui-même, avec une entière confiance dans le Seigneur. À lui seul, l’écrasement de l’homme conduirait presque au désespoir, à moins que le cœur ne puisse se tourner vers Dieu et se reposer sur lui. C’est un point d’une grande importance dans notre marche pratique. Prenez, par exemple, le principe de la séparation, sans laquelle il n’y a pas de vraie sainteté. Mais, frères, quelle en est la valeur si elle ne découle pas de la communion avec Dieu? Soyons assurés qu’il y a un grand danger dans l’habitude qu’ont certaines personnes d’insister sur la séparation, sans s’attacher à ce qui en fait l’unique puissance divine; car, séparée de ce ressort et de ce motif que donne la grâce, elle devient non seulement vide de sens, mais réellement repoussante. Ceux qui sont formés par un principe sans vie sont de simples pharisiens, au lieu de rendre témoignage à Christ, le Saint et le Véritable (Apoc. 3). Il est donc d’une grande importance que nous n’ayons pas seulement la manifestation extérieure de la mise à part pour Dieu, mais que nous en possédions le fondement qui seul lui donne la sève et la moelle divines.

Ainsi donc, dans le cas de Job, nous avons la réalisation de ces deux vérités: d’une part sa propre indignité, de l’autre sa confiance en Dieu, et c’est cette dernière, nous pouvons en être assurés, qui lui fit sentir et confesser qu’il était un homme vil. La grâce est la puissance nécessaire. La dernière chose à laquelle un homme arrive est de penser mal de lui-même.