Job

Chapitre 34

Élihu ne s’arrête pas à ce qu’il vient d’exposer. Au chapitre 34, il va plus loin dans le développement de la vérité. Nous pouvons supposer qu’il y eut une pause à ce point de l’entretien. Job avait-il quelque réponse à faire à ce qu’il venait d’entendre? Ses amis et lui avaient-ils acquis une connaissance plus exacte de la vérité? Il faut attendre encore pour que ce résultat soit atteint. Ce n’est pas que Job n’eût un peu profité des paroles d’Élihu, mais nous pouvons craindre qu’il n’en fût pas ainsi de ses amis. Tant que la conscience n’a pas jugé le moi devant Dieu, l’esprit travaille en vain dans le domaine divin. Soyons assurés qu’il ne peut jamais y avoir de bénédiction réelle et durable pour nous sans le brisement de nous-mêmes.

«Et Élihu reprit la parole et dit: Sages, écoutez mes paroles, et vous qui avez de la connaissance, prêtez-moi l’oreille. Car l’oreille éprouve les discours, comme le palais goûte les aliments». Il blâme Job en toute fidélité, entremêlant la répréhension avec toutes les paroles de grâce qu’il lui adresse. N’est-ce pas là une leçon salutaire et bénie pour nos âmes? C’est exactement ainsi que l’apôtre s’adresse aux Colossiens, en plaçant la vérité devant eux. Le discours d’Élihu était toujours, nous pouvons le dire, «dans un esprit de grâce, assaisonné de sel» (Col. 4:6). En effet, le sel ne manque pas dans cet exposé. «Car Job a dit: Je suis juste, et Dieu a écarté mon droit. Mentirai-je contre ma droiture?» En vérité, Job avait montré une absence complète de brisement d’esprit. «Ma blessure est incurable, sans qu’il y ait de transgression. Qui est l’homme qui soit comme Job? Il boit la moquerie comme l’eau». Il ne dit pas que Job boit «l’iniquité» comme Éliphaz l’en avait accusé, mais il lui impute «la moquerie». Ses paroles avaient été inconvenantes et irrévérencieuses. Élihu ne lui attribue pas quelque crime secret que Dieu doive punir sévèrement. Mais Job, dans l’assurance de son intégrité, se complaisait à tort dans ce que, par grâce, il était pour Dieu, et c’est ce dont Dieu devra l’amener à ne faire aucun cas. «Il marche dans la compagnie des ouvriers d’iniquité». Élihu ne veut pas dire: «dans ses voies», mais «dans ses paroles», car Job s’était permis de s’exprimer sans retenue, ayant été provoqué par Éliphaz et ses compagnons. Ceux-ci prétendaient que les hommes méchants sont invariablement punis et que les bons prospèrent toujours dans ce monde, ce qui était propre à renverser la foi de l’affligé, si Dieu l’eût permis. Job avait répondu à ces arguments, mais avec une grande intempérance de langage, selon l’aversion justifiée que lui inspiraient ces principes erronés. Toutefois, dans ses répliques, Job donnait l’impression que non seulement il maintenait sa justice, mais qu’il accusait Dieu de n’en pas tenir compte, vu qu’il n’y avait aucune raison quelconque pour qu’il dût être éprouvé. Or ce langage était éminemment propre à encourager ceux qui pratiquent l’iniquité. Et que voulait-il dire en affirmant qu’il est sans aucun profit de trouver ses délices dans la compagnie de Dieu ou dans la communion avec Lui? Il est tout à fait évident que ni lui ni ses amis n’avaient appris la leçon divine. Le Juge de toute la terre ne pouvait être injuste; et Job avait-il le droit d’entretenir de telles pensées et de parler comme il l’avait fait?

Ainsi Élihu condamne sévèrement les discours de Job, puis il s’arrête. Ce n’était pas encore le moment où Dieu appellerait son peuple Israël, comme ensemble, à traverser l’épreuve spéciale par laquelle Il avait fait passer Job. Le chrétien est maintenant appelé à porter toujours dans son corps la mort du Seigneur Jésus, et je ne puis m’empêcher de penser que cet exercice est plus profond qu’aucune des épreuves des saints d’autrefois, mais Christ n’en avait pas encore frayé le chemin.

En attendant, Job fut choisi pour traverser la fournaise, non parce qu’il y avait quelque mal caché derrière son apparente intégrité, mais parce qu’il était l’homme le plus droit de toute la terre. L’Éternel déclare clairement que telle était la raison formelle de l’épreuve inouïe qui l’atteignit. Il fut ainsi prouvé devant les saints anges et devant les anges rebelles, ainsi que devant Dieu et les hommes, que, loin de servir Dieu pour son profit ou sa propre satisfaction, il s’attachait à Lui lors que tout était perdu, sans qu’il y trouvât aucun avantage. Il le faisait dans la souffrance la plus intense de l’âme et du corps, parce qu’il recevait tout de Dieu, sans savoir aucunement pourquoi le Dieu qui aime à bénir livrait à une telle détresse celui qu’Il aimait. Devant l’assemblée complète des créatures célestes, Satan avait mis en doute la réalité du désintéressement absolu de Job dans son service envers Dieu. Mais, comme nous le savons, il fut entièrement battu. Il fut démontré que Dieu était incomparablement plus cher à Job, lorsqu’il fut soudain réduit à la misère et à la souffrance après toute la prospérité que Dieu lui avait accordée jusqu’alors. Mais Dieu fit ensuite sortir du cœur de Job ce dont ni lui ni d’autres hommes, ni même Satan, n’avaient soupçonné l’existence, et cela par la présence et la sympathie de ses trois amis. Qui se serait attendu à cela?

Cet homme patient tomba dans l’impatience et, provoqué par les faux jugements de ses amis, il donna libre cours à l’amertume de son âme, comme si Dieu était devenu son ennemi, car il ne pouvait s’approcher de Lui. L’épais nuage qui se trouvait entre son âme et Dieu était précisément la cause de sa douleur, la raison pour laquelle il était par moments tout près du désespoir. Ce n’était pas la mort qui l’effrayait, car il savait qu’elle serait la fin de ses calamités; mais pourquoi un tel Dieu agissait-il ainsi envers son serviteur Job?

Ainsi, d’une part, il avait parlé d’une manière si inconvenante de Dieu, et de l’autre avec tant de légèreté de la façon dont les méchants prospèrent dans le monde, qu’Élihu pouvait dire justement: «Il marche dans la compagnie des ouvriers d’iniquité, et il chemine avec les hommes méchants», car c’était précisément un tel langage qui aurait plu à ces derniers. C’étaient des paroles propres à obscurcir la conscience et à encourager les pécheurs dans leur mauvaise voie, tout en affligeant les âmes fidèles. «Car il a dit: Il ne profite de rien à l’homme de trouver son plaisir en Dieu. C’est pourquoi, hommes de sens, écoutez-moi: Loin de Dieu la méchanceté, et loin du Tout-Puissant l’iniquité! Car il rendra à l’homme ce qu’il aura fait, et il fera trouver à chacun selon sa voie».

C’est tout à fait vrai, mais Dieu a son temps à lui, et ses moyens propres pour l’accomplissement de ses voies, indépendamment même de cette rétribution finale qui attend les ouvriers d’iniquité. «Certainement Dieu n’agit pas injustement, et le Tout-Puissant ne pervertit pas le droit». Élihu maintient fermement cette vérité, comme nous l’avons déjà vu, et proclame la grandeur de Dieu qui s’abaisse dans une miséricordieuse condescendance à bénir l’homme au milieu même des douleurs de ce monde. Il rend à Dieu l’honneur qui lui est dû et demeure assuré de sa justice inflexible. «S’il ne pensait qu’à lui-même et retirait à lui son esprit et son souffle, toute chair expirerait ensemble et l’homme retournerait à la poussière. Si tu as de l’intelligence, écoute ceci; prête l’oreille à la voix de mes paroles». Élihu montre ensuite combien Job était loin de la vérité, car non seulement Dieu agit envers l’homme, mais Il exécute le jugement sur la méchanceté, même ici-bas, selon et quand il lui plaît dans sa souveraine sagesse. Ce n’est cependant pas une règle ou un fait invariable, comme les trois amis l’avaient prétendu. D’un autre côté, Job ne pouvait pas affirmer avec raison que Dieu fût indifférent au mal, comme ses discours semblaient le dire. En d’autres termes, Élihu corrige les pensées des deux parties jusqu’à la fin du chapitre.