Job

Chapitre 33

Nous trouvons dans ce chapitre le premier grand principe introduit pour répondre à la question de Job. Élihu commence par développer la raison morale des voies de Dieu et des épreuves sous le poids desquelles Job gémissait. Il dit: «Mais toutefois, Job, écoute ce que je dis, et prête l’oreille à toutes mes paroles. Voici, j’ai ouvert ma bouche, ma langue parle dans mon palais. Mes paroles seront selon la droiture de mon cœur, et ce que je sais mes lèvres le diront avec pureté. L’Esprit de Dieu m’a fait, et le souffle du Tout-Puissant m’a donné la vie».

Il déclare ensuite la vérité à laquelle nous avons déjà fait allusion: «Voici, je suis comme toi quant à Dieu, je suis fait d’argile, moi aussi». C’est exactement ce que Job avait désiré, et maintenant, au-delà de toute attente, lorsque ses amis l’avaient complètement désappointé, Dieu lui fournit le secours qui lui était nécessaire, à savoir une considération patiente des circonstances terriblement éprouvantes par lesquelles il passait, jointe à une sainte jalousie pour la gloire de Dieu, au moment convenable; cette intervention a lieu d’un côté qui était sans nul doute le dernier d’où Job l’eût attendue. «Voici, ma terreur ne te troublera pas, et mon poids ne t’accablera pas». Il s’était plaint de ce que Dieu agissait ainsi envers lui, soit à l’égard de son âme, soit à l’égard de son corps. Il avait demandé s’il était un monstre de la terre ou des eaux que Dieu le traitât ainsi. Job avait donc proféré des paroles tout à fait inconvenantes. Mais n’y avait-il pas lieu de tenir compte des provocations de ses amis et de son extrême souffrance d’âme et de corps? C’était la main de Dieu que Job avait cherché à détourner avec tant de persistance. «Certainement tu as dit à mes propres oreilles, et j’ai entendu le son de tes discours: Moi, je suis net, sans transgression; je suis pur, et il n’y a pas d’iniquité en moi». Sans nul doute Job était allé trop loin. Il était tout à fait vrai qu’il n’y avait pas en lui d’iniquité cachée comme celle dont ses amis le soupçonnaient, mais il était absolument faux que Dieu n’eût pas les raisons les plus sages pour humilier le moi de Job à ses yeux.

En se complaisant dans les fruits que la grâce avait produits en lui et par lui en abondance, Job avait perdu de vue la source même de cette grâce. Il avait été occupé de ses effets; aussi les doutes de ses amis, ajoutés aux voies de Dieu à son égard, l’avaient presque mis hors de lui. Au lieu de diriger ses regards vers la grâce qui est en Dieu, Éliphaz l’avait rejeté de plus en plus sur lui-même et ses voies, ce qui était précisément l’erreur dans laquelle Job était tombé. En d’autres termes, Éliphaz pensait que si Job avait mis sa confiance en la justice et s’il y avait eu un vrai fondement de piété pratique dans sa vie, il était impossible qu’il fût affligé de Dieu comme il l’avait été. Tout au contraire, c’était justement parce que Job était tombé dans l’erreur de se complaire beaucoup trop dans sa propre justice, ce qui entretenait dans son âme une dangereuse satisfaction de lui-même, que Dieu devait le faire passer par cette discipline salutaire pour l’humilier. Pour être pleinement béni, il fallait qu’il eût un jugement sain relativement à lui-même, ainsi qu’une appréciation plus juste relativement à Dieu, et c’est là ce que la grâce voulait lui donner.

Or nous avons besoin de la justice pratique et d’une bonne conscience, aussi bien que de la foi, pour résister à l’Ennemi, comme nous le voyons en Éph. 6. Mais il nous faut quelque chose de beaucoup plus précieux encore que cette armure comme vêtement devant Dieu; là nous avons besoin de la justice divine, et c’est ce que Job devait apprendre. Il avait confondu ces deux points, comme cela arrive à plus d’un croyant aujourd’hui, à son propre dommage et au déshonneur de Dieu.

Élihu déclare ensuite clairement à Job qu’il avait mal parlé de Dieu, tandis qu’il s’était trop glorifié de lui-même: «Voici, il trouve des occasions d’inimitié contre moi, il me considère comme son ennemi». Était-il convenable de parler ainsi de Dieu? Élihu condamne à juste titre un tel langage. Un saint devrait se montrer plein de révérence à l’égard de Dieu. «Il a mis mes pieds dans les ceps, il observe toutes mes voies. Voici, je te répondrai qu’en cela tu n’as pas été juste, car Dieu est plus grand que l’homme. Pourquoi contestes-tu avec lui?» Est-il possible qu’un homme pieux se permette d’accuser Dieu d’injustice? Les trois amis n’avaient pas réussi à convaincre Job selon la vérité, tout en le soupçonnant à tort. Non seulement il jugeait Dieu, mais il ne lui était pas soumis. Il y avait de la rébellion dans son cœur. Si Dieu avait à le reprendre, il aurait dû rechercher sa face, au lieu de murmurer contre Lui. «Pourquoi contestes-tu avec lui? car d’aucune de ses actions il ne rend compte. Car Dieu parle une fois, et deux fois, — et l’on n’y prend pas garde, — dans un songe, dans une vision de nuit, quand un profond sommeil tombe sur les hommes, quand ils dorment sur leurs lits: alors il ouvre l’oreille aux hommes et scelle l’instruction qu’il leur donne».

Ainsi, dans ce chapitre, Élihu signale à Job une des dispensations habituelles des voies de Dieu bien que ce ne soit nullement toujours ainsi qu’il agisse. Dieu n’est pas du tout limité dans ses méthodes pour atteindre l’homme, mais il peut opérer de diverses manières dans l’âme. Ici, Élihu commence par les vérités fondamentales qu’il expose avec la plus grande intelligence. Il parle d’abord de la première œuvre de Dieu chez un homme qui ne le connaît pas. C’est la grâce qui opère pour réveiller une âme inconvertie. La raison pour laquelle est faite cette remarque deviendra claire par la suite. Telle est la première partie de la solution donnée à la difficulté que tous avaient éprouvée, mais qui, jusqu’alors, était demeurée entièrement inexpliquée: «Pour détourner l’homme de ce qu’il fait; et il cache l’orgueil à l’homme». C’est exactement ce qui caractérise la miséricorde divine dans les appels qu’elle adresse à l’homme inconverti. Celui-ci est emporté par sa propre volonté, mais Dieu sait comment la faire plier ou la briser. «Il préserve son âme de la fosse, et sa vie de se jeter sur l’épée». Tel est le but miséricordieux de l’intervention divine. Il y a en cela autre chose qu’un songe de la nuit ou une vision passagère. C’étaient des voies disciplinaires, aussi bien que des reflets de la lumière de Dieu et de ses jugements que Job méconnaissait. «Il est châtié aussi sur son lit par la douleur, et la lutte de ses os est continuelle, et sa vie prend en dégoût le pain, et son âme l’aliment qu’il aimait. Sa chair est consumée et ne se voit plus, et ses os, qu’on ne voyait pas, sont mis à nu; et son âme s’approche de la fosse, et sa vie, de ceux qui font mourir. S’il y a pour lui un messager, un interprète, un entre mille, pour montrer à l’homme ce qui, pour lui, est la droiture, il lui fera grâce» (v. 19-23).

Ainsi il en était autrefois comme aujourd’hui. Dieu, qui emploie ces moyens extérieurs pour s’adresser à l’homme, opère par sa parole et, en règle générale, par le moyen d’un messager dont Il se sert, «un interprète, un entre mille» comme nous lisons: «Il lui fera grâce, et il dira: Délivre-le pour qu’il ne descende pas dans la fosse: j’ai trouvé une propitiation». C’est là un tableau particulièrement saisissant de ce que Dieu devait accomplir au temps convenable; cette vérité ne nous est pas présentée ici seulement sous la forme typique d’une promesse, mais dans un langage très clair; de fait, ce sont peut-être les termes les plus explicites que nous donne l’Ancien Testament pour nous faire connaître par anticipation cette œuvre infinie qui a été, comme nous le savons maintenant, accomplie à la croix de Christ.

Or qu’est-ce qui résulte du fait que l’âme s’incline ainsi devant Dieu, en écoutant un interprète tel qu’Élihu? «Alors sa chair aura plus de fraîcheur que dans l’enfance; il reviendra aux jours de sa jeunesse. Il suppliera Dieu, et Dieu l’aura pour agréable; et il verra sa face avec des chants de triomphe, et Dieu rendra à l’homme sa justice. Il chantera devant les hommes, et dira: J’ai péché et j’ai perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu».

En résumé, nous trouvons ici non seulement la grâce de la part de Dieu, mais du côté de l’homme la repentance qui est un don de Dieu tout autant que la foi. Cette œuvre dans l’âme est le fruit de la grâce qui amène le pécheur à se confier en Dieu, tandis que Dieu ne peut avoir aucune confiance en lui. La grâce met Dieu et l’homme à leur vraie place respective. La grande question dans la conversion est que l’homme soit amené à abandonner toute confiance en lui-même et à recevoir avec reconnaissance le témoignage de Dieu. Pour le pécheur réveillé, c’est la seule manière vraie de se confier en Dieu. Or c’est ce que fait la foi et elle en donne la preuve, lorsque le témoignage pénètre réellement dans l’âme, par la repentance. Alors le langage du cœur est celui-ci: «J’ai péché et j’ai perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu». Et que fait Dieu en pareil cas? «Il a délivré mon âme pour qu’elle n’allât pas dans la fosse, et ma vie verra la lumière. Voilà, Dieu opère toutes ces choses deux fois, trois fois, avec l’homme».

Nous n’avons pas ici une explication doctrinale de la manière dont la grâce réveille les pécheurs du sommeil de la mort, mais une esquisse des voies de Dieu dans leur application détaillée à la vie de l’homme et l’emploi de la maladie et de la douleur, aussi bien que des songes et des visions. Puis, nous voyons comment Dieu se sert particulièrement de ceux qui viennent avec la lumière d’En-Haut pour agir sur la conscience de l’homme. Toutes ces vérités sont présentées d’une façon saisissante, ainsi que les effets qu’elles produisent. Le fruit en sera de «détourner son âme de la fosse, pour qu’il soit illuminé de la lumière des vivants». De fait, ces paroles sont si frappantes qu’elles sont devenues, comme nous le savons, un thème favori pour ceux qui, jusqu’à ce jour, prêchent l’Évangile aux inconvertis. Nous ne voulons nullement dire que les paroles d’Élihu fournissent les matériaux les plus complets et le terrain le plus profond que présente l’Écriture à l’évangéliste. Néanmoins, elles sont un exemple frappant de la puissance vivante qui s’attache aux moindres détails des voies les plus anciennes de Dieu à l’égard d’un pécheur qu’Il réveille de son sommeil. C’est ainsi que, bien des centaines d’années, et de fait environ deux mille ans avant que l’Évangile de la grâce de Dieu fut proclamé, nous en avons une anticipation complète par le moyen d’Élihu l’interprète, qui intervient pour éclairer Job, bien qu’il fût déjà converti.

Élihu commence donc par établir que Dieu se sert des songes, des visions, des peines et de la maladie, aussi bien que de moyens spirituels plus directs pour la bénédiction des âmes. Mais il s’agit de quelqu’un qui n’a aucune connaissance de Dieu, afin qu’il puisse être amené à la jouissance de son amour. Assurément c’était sa miséricorde qui se plaisait à agir ainsi dans l’homme, afin qu’il jouît de sa faveur selon la mesure de la révélation que Dieu donnait de lui-même. Ainsi, bien que le monde fût ruiné devant Dieu et qu’il ne fût que trop évident que Satan était l’agent infatigable du mal ici-bas (fait qui est placé devant nous de la manière la plus claire dans ce livre), Dieu qui est au-dessus de tout cela, et qui semble ne prendre aucune part dans tout ce qui arrive, accomplit ses voies de grâce, afin de convertir et de délivrer ceux qui étaient misérables, vils et rebelles.

Ce n’est pas là ce gouvernement rétributif auquel le cœur de l’homme voudrait sans cesse limiter Dieu, mais celui qui s’exerce sur les âmes, pendant que le monde continue à marcher dans l’orgueil. On aime que ceux qui méritent d’être punis le soient; c’est naturel au cœur humain. Il y a dans notre nature une disposition qui se donne carrière lorsqu’on ne souffre pas soi-même, ou qu’on n’a pas la perspective de traverser des peines, et qui nous fait désirer trouver quelque raison, bonne ou mauvaise, pourrait-on dire, pour laquelle un autre doit être sous l’effet d’une punition, quand il est dans la souffrance. C’était ce qui caractérisait les trois amis de Job. Mais ce livre a pour but de nous montrer qu’ils se trompaient entièrement dans l’application qu’ils faisaient de cette vérité. Ce n’est pas à dire qu’il n’y aura pas une rétribution parfaite quand le temps en sera venu; elle sera exercée par Celui qui seul est capable de l’accomplir, mais elle n’est que partielle maintenant. Christ seul agira en perfection à cet égard dans un jour à venir, mais cela n’aura lieu qu’à son apparition en gloire. Il n’y aura point de gouvernement rétributif complet tant que le Seigneur Jésus n’aura pas pris les rênes de son royaume. Il a été Lui-même, comme nous le savons, Celui qui a le plus souffert ici-bas; de même les saints ont eu à souffrir avant qu’Il vînt, et encore davantage depuis qu’Il est venu. De plus, la grâce manifestée aujourd’hui est si grande que Dieu nous présente la souffrance pour son nom comme un privilège qui nous est accordé. Aussi nous devrions assurément pouvoir bénir Dieu pour cette souffrance, de telle sorte que Job ni aucun autre des saints de cette économie n’aurait pu le faire, parce que nous avons une pleine révélation de Christ. Job ne savait pas pourquoi son Maître miséricordieux l’avait livré à des épreuves aussi terribles et aussi réitérées. Il devait apprendre cette leçon et l’apprendre lentement et douloureusement, mais d’une façon bénie à la fin. Nous commençons au point où Job a fini. Ayant en Christ la vraie lumière de Dieu, nous ne connaissons pas seulement son amour parfait, mais nous apprenons aussi qu’il y a une forme de gouvernement qu’Il exerce ici-bas et qui est tout à fait différente de la rétribution. De plus, nous savons que Dieu agit en grâce pour le bien des âmes en ajoutant à ses voies ce gouvernement moral ignoré du monde et qui, en dépit de toutes les apparences contraires, ne manque jamais d’atteindre son but. Il ne consiste pas en manifestations publiques et ne peut être discerné par l’homme naturel. Néanmoins, Dieu agit dans les âmes et apporte une bénédiction ineffable à tous ceux qui se soumettent à sa parole et à Lui-même. La discipline peut être douloureuse; nous pourrions même ajouter qu’il faut qu’il en soit ainsi. Quelle bénédiction pourrait-il y avoir pour nous sans cela, dans notre condition présente et dans un tel monde? La croix nous enseigne ce qu’il en a coûté au Seigneur lui-même pour que notre bénédiction repose sur un fondement de justice, et nous avons dans cette croix la manifestation de la même vérité de la manière la plus riche et la plus profonde. Y a-t-il une seule joie pour nous qui étions autrefois morts dans nos péchés, mais qui sommes maintenant sauvés par grâce, laquelle n’ait pas son fondement dans les douleurs et les souffrances de Celui qui a porté notre jugement? Telle est la leçon nécessaire pour ceux qui apprennent ce qu’est le péché en la présence de Dieu.

Toutefois ce n’est là que la première partie du gouvernement de Dieu dans ses voies envers le pécheur pour l’amener à la connaissance de sa propre culpabilité et de sa misère, aussi bien que de la bonté de Dieu. C’est ainsi qu’il est gardé de descendre dans la fosse.