Job

Chapitre 19

Comme ce discours était le pire de tous ceux qui avaient été prononcés jusque-là, Job étant sous la main de Dieu, est entraîné bien loin et hors de lui-même. Ce peut être lentement et seulement pour un peu de temps, mais le fait est là. Toutefois, après cet écart, apparaît une brillante lueur concernant Celui qui doit venir, la semence de la femme, que les saints ont attendu dès le commencement. «Jusques à quand affligerez-vous mon âme, et m’accablerez-vous de paroles?» Job savait que, dans leurs reproches, il n’y avait point de fondement, rien que des paroles. Considérons maintenant ce qu’il dit, en réponse à Bildad. «Mais si vraiment j’ai erré, mon erreur demeure avec moi». Il sentait que ses amis ne l’avaient nullement corrigé. «Si réellement vous voulez vous élever contre moi et faire valoir mon opprobre contre moi» (car ils étaient trop précipités en prenant occasion de ses afflictions profondes et multipliées), «sachez donc que c’est Dieu qui me renverse et qui m’entoure de son filet». Avec quelle hardiesse il parle maintenant. Et ce langage n’aurait pu, dans un certain sens, être tenu sans une foi réelle, quoiqu’elle fût bien au-dessous de l’humble soumission de notre précieux Sauveur. Ses amis disaient que Dieu était contre Job. Il le reconnaît: «C’est Dieu qui me renverse». Si c’était une consolation pour eux de le savoir, il confesse que son épreuve venait de Sa main et déclare: Il «m’entoure de son filet. Voici, je crie à la violence, et je ne suis pas exaucé; je pousse des cris, et il n’y a pas de jugement. Il a fermé mon chemin et je ne puis passer, et il a mis des ténèbres sur mes sentiers. Il m’a dépouillé de ma gloire, et a ôté la couronne de dessus ma tête. Il m’a détruit de tous côtés, et je m’en vais; il a arraché mon espérance comme un arbre». Ce ne sont pas eux, mais c’est Job qui signale l’abandon général dont il est l’objet, celui de sa femme, de ses frères, de ses serviteurs, de sa maison: en un mot, même des jeunes gens agissent avec mépris à son égard. Ceux qui le révéraient autrefois l’avaient tous abandonné! «J’ai appelé mon serviteur, et il n’a pas répondu; de ma bouche je l’ai supplié. Mon haleine est étrangère à ma femme, et ma supplication, aux fils du sein de ma mère: Même les petits enfants me méprisent». Ces paroles nous disent combien l’abaissement de Job avait été profond autant que rapide. «Tous les hommes de mon intimité m’ont en horreur, et ceux que j’aimais se sont tournés contre moi». Telle était la douloureuse vérité, et il la déclare tout entière.

«Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous mes amis! car la main de Dieu m’a atteint». Ceci paraît excellent jusqu’à un certain point de la part de Job. Ce n’était pas la vérité entière, mais c’était réel, et le fait qu’il tenait ferme l’assurance que ce n’était pas pour quelque iniquité qui se fût attachée à lui qu’il était frappé, n’affaiblissait pas cette vérité. Il n’avait pas caressé consciemment un mal quelconque, et cependant il était manifeste à tous que Dieu le frappait. Il ne rejetait pas la faute sur d’autres; il ne cherchait pas à l’expliquer par des raisonnements humains. Précisément parce qu’il sentait que l’épreuve venait de Dieu, elle lui paraissait d’autant plus douloureuse. Quels qu’en fussent les instruments, c’est Dieu qui l’avait permise, Celui qui jusque-là l’avait entouré d’une haie de protection et l’avait continuellement béni. Aussi il ne savait comment concilier le présent avec le passé; pour cela il devait attendre. La réponse vint à la fin, lorsque la patience avait eu son œuvre parfaite.

Pour le moment, Job n’épargne pas les remontrances et les répréhensions à ses amis: «Pourquoi, comme Dieu, me poursuivez-vous et n’êtes-vous pas rassasiés de ma chair?» La détresse amenée par une telle souffrance était suffisante, sans les reproches de ses amis. Étaient-ils dans le vrai en détruisant sa confiance en Dieu? Le résultat de leur démarche était de l’amener à douter de la sincérité de sa propre foi, ce qui était manifestement l’œuvre de l’Ennemi. L’Esprit de Dieu ne nous conduit jamais au doute: «Oh! si seulement mes paroles étaient écrites! si seulement elles étaient inscrites dans un livre, avec un style de fer et du plomb, et gravées dans le roc pour toujours! Et moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, et que, le dernier, il sera debout sur la terre». Nous arrivons ici à la confiance très formelle de sa foi. Combien elle est touchante dans un moment pareil, dans la désolation et la détresse la plus profonde, lorsque Job n’avait pas un seul ami parmi les hommes et que Dieu lui-même le frappait! Quelle ressemblance avec Christ jusqu’à un certain point dans les circonstances qu’Il a traversées! Mais aussi quelle différence entre la confession inébranlable de la sainteté de Dieu faite par l’Homme de douleurs, aussi étrangère à tout sentiment d’indifférence que de plainte, et les lamentations de Job! Toutefois nous avons eu une déclaration bénie, d’autant plus belle qu’elle fut faite au sein de la tristesse, de la souffrance et de l’abandon. «Et après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu» (19:26).

Quelques lecteurs savent peut-être que le sens de ces paroles a été l’objet de contestations pour diverses raisons. Certains commentateurs affirment que les mots: «de ma chair» signifient «hors de ma chair». Mais toutefois il faut se rappeler que l’expression: «hors de ma chair» peut avoir le sens de: «du dedans d’elle», comme quelqu’un qui regarderait au dehors par la fenêtre. Il n’est pas question ici de l’âme séparée du corps. Il ne faut pas confondre l’expression: «hors de ma chair» avec celle de «sans ma chair», laquelle n’est pas nécessairement le sens de la première. C’est la déclaration de sa foi en la vérité que tout croyant (plus particulièrement dans l’Ancien Testament) doit maintenir, à savoir le fait que l’homme aura affaire personnellement avec Dieu. Dans la pensée des saints d’autrefois, la personnalité comprenait la personne tout entière, non seulement l’âme et l’esprit séparément, mais le corps aussi. Il en était ainsi pour Job, et c’est ce qui donne tant de poids à ses paroles. Il pouvait considérer la dissolution prochaine de son corps, voir toutes les choses visibles s’écrouler dans la poussière et sa chair devenir la proie des vers. Néanmoins, il tient ferme sa confiance que non seulement, il verra Dieu, mais qu’il le verra «de sa chair». Ainsi la résurrection est clairement sous-entendue dans ces paroles, et tous les efforts des hommes pour détruire la force de ce passage sont complètement vains.

Il est assurément remarquable que nous entendions l’expression de telles pensées en dehors d’Israël et dans ces jours reculés. Comment cela se peut-il? Il est de toute évidence, après tout, que, si Dieu donnait alors une connaissance restreinte de ses pensées, si la somme de la révélation divine était comparativement petite, l’Esprit de Dieu lui donnait une grande puissance dans l’âme de ceux qui la recevaient par la foi. Ainsi nous sommes constamment frappés de trouver dans la Genèse les sentiments avancés de ceux que Dieu enseignait par son Esprit. Je suis loin de dire qu’ils parlaient selon la connaissance que donne la pleine lumière par laquelle un chrétien doit juger maintenant de toutes choses. Toutefois, de temps en temps, nous les voyons manifester une connaissance remarquable de la pensée de Dieu. Considérez ce que disent Abraham et Isaac, ce que Jacob lui-même exprime parfois, bien que nous reconnaissions qu’il n’avait pas du tout la même élévation morale qu’Abraham. En résumé, nous apprenons par tout ce qui nous est révélé à leur sujet, qu’ils connaissaient beaucoup plus et pouvaient rendre un témoignage plus positif que nous ne l’aurions pensé en tenant compte de leurs circonstances. Cela me rappelle ce passage des Proverbes: «Il y a beaucoup à manger dans le défrichement des pauvres» (Prov. 13:23). Ainsi, là où il y a peu de ressources, Dieu sait comment les faire fructifier pour qu’elles rapportent beaucoup. Il semble que c’est là ce qu’Il fit pour les patriarches. Notre danger se trouve dans une direction toute différente. La grâce nous a révélé maintenant la plénitude de la vérité en Christ, mais, bien-aimés frères, jusqu’à quel point savons-nous la faire valoir à sa gloire? Comment apparaît notre abondance, quand nous la comparons à ce que faisaient ces saints avec leurs «petites» ressources? Si elles étaient telles en effet, il est certain que Dieu les rendait puissantes, comme nous devons le reconnaître, en force morale et en résultats.

En résumé donc, Job dit: «De ma chair je verrai Dieu, que je verrai, moi, pour moi-même». Ce n’est pas seulement l’espérance de la bénédiction pour lui-même, mais une jouissance réelle et personnelle de Dieu, et cela sans la moindre crainte ni aucune arrière-pensée. «Et mes yeux le verront, et non un autre; mes reins se consument dans mon sein». En attendant, il peut être réduit à rien, mais dans ce jour-là, Dieu sera tout, et Il en donnera la preuve, en établissant les siens devant Lui dans leur personnalité entière. «Si vous dites: Comment le poursuivrons-nous? et que la racine de la chose se trouve en moi, tremblez pour vous-mêmes devant l’épée!» Job voit aussi que, dans ce jour-là, le jugement divin sera exécuté. Non seulement il y a la perspective de la manifestation du Rédempteur, du «Proche parent» qui prendra la défense de son peuple, mais, comme toute l’Écriture le déclare, il y aura à ce moment-là un temps de jugement: «Car l’épée est l’instrument de la fureur contre les iniquités; afin que vous sachiez qu’il y a un jugement!».