Job

Chapitres 3 à 5

Nous entendons maintenant les éclats passionnés de la douleur de Job. Il ne peut supporter la présence de ses amis. Il avait traversé beaucoup d’afflictions et des épreuves amères, mais ces amis étaient venus contempler sa misère sans lui adresser une parole. C’était trop pour lui. Le soupçonnaient-ils? Il ne pouvait supporter des doutes relativement à ses rapports avec Dieu, surtout de leur part. N’étaient-ils pas ses amis? S’ils l’aimaient, pourquoi ce silence de mauvais augure de sept jours et sept nuits? Il se pouvait qu’il eût tout d’abord pour cause leur profonde sympathie pour lui, mais pourquoi n’avaient-ils pas une parole à lui dire? Pourquoi pas une consolation comme une goutte d’eau pour ses lèvres desséchées? Ils commençaient à réfléchir et c’est là une chose dangereuse. Dans la présence de Dieu, nous jugeons le moi et nous écoutons sa Parole. Combien souvent nos propres pensées nous fourvoient! Ce dont nous avons besoin c’est de prier et d’écouter, afin que nous puissions recevoir la Parole de la part de Dieu lui-même. Combien cela est différent, combien cela correspond exactement à ce dont nous avons besoin! Les oreilles des amis de Job n’étaient pas ouvertes. Il y eut ici-bas un Homme que Dieu réveillait chaque matin, et dont Il réveillait l’oreille pour qu’il écoutât «comme ceux qu’on enseigne» (Ésaïe 50:4). Il ne connut jamais notre lenteur à écouter la parole de Dieu. Quant aux trois amis, ils gardèrent d’abord ce redoutable et angoissant silence, et Job dut bientôt apprendre avec amertume ce que signifiait cette attitude. C’est lui qui commença à parler, puis ils continuèrent, mais c’étaient leurs propres pensées et non celles de Dieu qu’ils lui firent entendre.

Ensuite Job déplore et maudit le jour de sa naissance; il ne maudit pas Dieu; rien de semblable n’aborde son esprit. Toutefois il exprime d’une façon inconvenante son horreur du jour dans lequel sa naissance fut annoncée. Toute la scène de ce jour-là lui apparaît comme enveloppée de ténèbres. Tout ce qui avait rapport à son entrée dans ce monde était horrible à ses yeux. Il s’écrie avec amertume: «Périsse le jour auquel je naquis, et la nuit qui dit: Un homme a été conçu! Ce jour-là, qu’il soit ténèbres». Et encore: «Cette nuit-là, que l’obscurité s’en empare». Puis: «Voici, que cette nuit-là soit stérile; que les cris de joie n’y entrent pas». Il demande pourquoi il est né pour être destiné à une telle misère, pourquoi il n’a pas été laissé plutôt, s’écrie-t-il d’une façon ironique, «avec les rois et les conseillers de la terre qui se bâtissent des solitudes». Est-ce à quoi aboutit la gloire de ce monde? À des ruines que les rois élèvent pour eux-mêmes? Il en est de même pour «les princes qui ont de l’or, qui ont rempli d’argent leurs maisons». Mais l’or et l’argent ne peuvent délivrer l’homme de la douleur et de la mort. C’était donc la vie et l’œuvre dans laquelle les rois d’Égypte cherchaient la renommée: la construction de leurs tombeaux! Mais le lot de Job paraissait plus lugubre encore. Pourquoi n’avait-il pas été couché dans un lieu désolé comme ceux-là, ou pourquoi était-il né?

C’est par cette explosion d’amertume que s’ouvre le premier débat entre Job et ses amis. Nous pouvons remarquer certaines différences dans les discours de ces derniers; ils parlent toujours dans le même ordre durant les trois grandes discussions du livre: Éliphaz, Bildad et Tsophar se suivent régulièrement chaque fois dans le même ordre, et Job réplique à chacun d’eux. On peut constater qu’à la troisième discussion, Tsophar, le dernier interlocuteur, se tait, tandis que Job continue si longuement son discours qu’il semble presque une réponse à celui de Tsophar qui n’avait pas été prononcé. En d’autres termes, Job réfute complètement ce que son ami aurait eu à dire, s’il avait parlé. La partie principale du livre est donc remplie de ce que nous venons de rappeler: d’un côté, nous y trouvons trois séries d’arguments présentés par les amis de Job, de l’autre, et de la manière la plus complète, les réponses de ce dernier à chacun d’eux. Ensuite apparaît un nouveau personnage, Élihu, qui réduit Job au silence aussi complètement que celui-ci l’avait fait à l’égard de ses amis. Finalement l’Éternel termine la discussion, en donnant, pour clore tout raisonnement, la solution du problème. S’il plaît à Dieu, nous considérerons brièvement la première discussion, sans entrer dans tous les détails.

Éliphaz le Thémanite, qui paraît avoir été le plus âgé des trois amis et celui qui parle avec le plus de dignité, reproche tout d’abord à Job son manque de fermeté en présence du premier malheur qui l’avait frappé lui et sa famille. De plus, non content de cela, il reprend Job, parce que, tandis qu’il avait si bien su consoler les autres dans leurs douleurs, il avait cédé sous le poids de l’épreuve, lorsqu’elle l’avait atteint lui-même. Il maintient la justice infaillible des voies de Dieu qui ne peut jamais oublier l’innocent, ni épargner le coupable. Il va plus loin et fait le récit de ce qui lui a été communiqué par un esprit, dit-il, et qui lui a été secrètement révélé, son oreille ayant été ouverte pour entendre quelque peu des choses contenues dans les visions de la nuit. Il fait une description saisissante de ces dernières et des paroles solennelles qui ont été prononcées à ses oreilles. La somme de cette révélation était un jugement de la présomption de l’homme mortel qui veut amener Dieu à la barre de son tribunal, de quelque manière que ce soit. Il insiste aussi sur la folie de celui qui a recours à l’aide de la créature. Toutes choses sont dans la main de Celui qui frappe soudain l’insensé qui se croyait en sécurité. Enfin il convie Job à la repentance, ajoutant que, s’il s’humiliait devant Dieu, cette épreuve ne serait pas dissipée, mais qu’il en sortirait plus béni que jamais. C’est là, je crois, en quelques mots, la portée générale du premier discours d’Éliphaz dans les chapitres 4 et 5.

Il est toutefois un fait trop remarquable pour que nous ne nous y arrêtions pas, à savoir que l’Esprit de Dieu cite comme faisant partie des Écritures, des paroles que l’Éternel juge à la fin du livre comme ayant donné non seulement une fausse appréciation de Job, mais aussi de Lui-même. Ces paroles ne sont pas ce que l’Éternel dit à la fin, ni ce qu’exprime Élihu dans le débat, en qualité d’interprète, ni même le plaidoyer de Job. Ce sont les paroles d’Éliphaz qui sont citées par l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament. C’est là un fait très frappant. Dieu lui-même déclare que les amis de Job n’avaient pas parlé comme il convenait; cependant, le Saint Esprit nous donne leurs discours par inspiration et emploie les paroles de l’un d’eux, comme faisant partie des Écritures. Assurément ces deux points de vue s’accordent sans peine. Il suffit d’examiner les paroles d’Éliphaz pour se rendre compte qu’elles ne contiennent rien qui ne soit selon la vérité. En revanche, si nous en pesons l’application qu’il en fait à Job, elles sont gravement erronées. Combien sont sages les voies du Seigneur et de quelle profondeur admirable sont les enseignements de la Parole!

Dans la première épître aux Corinthiens, comme dans celle aux Hébreux, le Nouveau Testament cite les paroles d’Éliphaz, mais là l’application en est parfaitement juste.

Dans l’histoire de Job, il n’en est pas ainsi, et ses amis sont l’objet de la répréhension divine pour leurs paroles, tandis que l’application en est aussi juste que la portée, lorsque l’Esprit les cite dans le Nouveau Testament; tout est à sa place. C’est un exemple frappant de la manière merveilleuse dont Dieu fait face à tout selon sa propre sagesse; nous disons cela en passant.