Job

William Kelly

Introduction

Mon but, en considérant aujourd’hui le livre de Job, est d’ordre général. Je désire aider les âmes à mieux comprendre un livre plein d’intérêt et d’un grand profit pratique, mais qui, pour la plupart, n’est pas très facile à saisir, soit dans son but et sa portée d’ensemble, soit dans la manière dont ses différentes parties concourent à atteindre ce but. Rien ne peut remplacer pour nos âmes l’étude constante et habituelle de la Parole de Dieu. De fait, le ministère serait une chose positivement nuisible, au lieu d’être une bénédiction, s’il n’avait pas pour effet de nous rendre cette Parole plus précieuse, de nous y faire mieux pénétrer, et d’amener ainsi notre âme à jouir davantage de Dieu lui-même. Telle est exactement la mesure de la valeur d’un tel ministère, en tous cas de celui qui a pour but l’interprétation des Écritures, car toute vérité doit, en fin de compte, reposer sur cette Parole. Il est certain que non seulement celle-ci est la source et le réservoir de la vérité, mais que Dieu seul peut, par son moyen, présenter cette dernière parfaitement et en puissance vivante. C’est pourquoi lorsqu’une vérité est séparée de celles qui l’accompagnent dans les Écritures, il y a toujours du danger. Il ressort de ce fait qu’il est de la plus haute importance pour nos âmes de nous appliquer à la lecture suivie de la Parole de Dieu. Je ne veux pas dire comme affaire d’intelligence seulement, mais pour le maintien d’une saine condition spirituelle, et afin que nous soyons rafraîchis de jour en jour par cette lecture de la Parole. Dans ce but, il est cependant d’un très grand secours pour nous d’être rendus capables, par la grâce de Dieu, d’embrasser la Parole comme un tout, au lieu de ne recueillir que la bénédiction offerte par certaines de ses parties, dont nous réalisons tous la valeur, en tant que communications isolées de la part de Dieu. En ce moment, toutefois, mon désir, est d’aider le lecteur à acquérir une idée générale du but que le Saint Esprit avait en vue pour le peuple de Dieu, en nous donnant le livre de Job.

Le premier fait qu’il est bon de retenir est que ce livre fut écrit dans les temps les plus reculés de la révélation divine. Il serait hasardé de dire qu’aucun livre de l’Écriture l’ait précédé. Que l’écrivain du livre de Job (je dis: écrivain avec intention, car Dieu est sans nul doute l’Auteur réel de toute Écriture), que celui qui a été employé pour nous donner ce livre fût contemporain de Moïse, si ce n’est Moïse lui-même, paraît assez vraisemblable. On ne peut naturellement formuler que des conjectures sur un tel point. L’Écriture ne nous fait pas connaître l’auteur du livre, et, à mon avis, il ne conviendrait à personne d’émettre une assertion formelle à ce sujet. Il est bon de s’en tenir à l’appréciation morale du caractère du livre qui nous occupe, selon que le Seigneur nous en rend capables, sans discuter pour le moment d’autres marques extérieures. Néanmoins, il est très clair que, soit que Moïse en soit l’auteur inspiré, soit que cet auteur ait été son contemporain, les événements qui ont servi de cadre au livre de Job ont eu lieu à une époque antérieure à celle de Moïse. De plus, nous ne devons pas douter qu’il ne nous donne un récit authentique, une histoire réelle de Job et de ses amis. Ainsi nous apprenons par le livre lui-même que la vie de Job fut prolongée après son épreuve, et il était loin d’être jeune lorsqu’il dut la traverser. Nous pouvons donc en conclure que, à moins qu’il n’y eût dans le fait de son âge une exception spéciale, ce dont l’Écriture ne nous parle jamais, Job doit avoir vécu avant Moïse. De plus, ce dernier lui-même était une exception, et l’Écriture signale sa longue vie comme un fait remarquable en son temps; car il ressort certainement de ses propres paroles et de sa prière au Psaume 90 que, à cette époque déjà, l’âge de l’homme, en règle générale, avait été réduit à peu près à la limite qu’il a aujourd’hui. Moïse se trouvait à bien des égards en dehors de la condition des hommes de son temps, même à un point de vue extérieur, sans parler ici de sa foi: car il est clair que lui et son frère étaient de remarquables exceptions. Cependant, à en juger par la manière dont les faits sont énoncés, Job doit avoir vécu un peu avant eux.

Il y a une autre chose plus importante encore à considérer, avant que nous entrions dans l’étude de ce livre: Job vivait en dehors du peuple élu. C’est là assurément un fait surprenant au sein d’une révélation qui a ses racines en Israël. Pour cette raison même, l’Ancien Testament est appelé «La Loi». Non seulement le Pentateuque, ou les Psaumes, ou les Prophètes, mais le Livre entier, comme nous le savons, est à maintes reprises et formellement désigné sous ce titre. La raison de cela se trouve dans le fait que la révélation, donnée plus tard au peuple qui avait reçu la Loi de Dieu, revêtait ce caractère. Chaque partie de l’Ancien Testament tirait son nom du fait central caractéristique que la loi avait été donnée par Moïse; et cependant, il y avait, dès les jours les plus anciens, un livre au moins dont le personnage principal était l’objet du plus profond intérêt de la part de Dieu, et dont Dieu parle en termes qu’il n’a jamais appliqués même aux «pères».

Abraham pouvait être appelé «l’ami de Dieu» et tel est le nom qui lui est donné (Ésaïe 41:8; Jacq. 2:23). Néanmoins Abraham lui-même n’a pas retenu à ce point l’attention de Dieu, ni n’a été signalé à Satan comme digne d’être éprouvé, ainsi que Job le fut. Rien n’est plus frappant, me semble-t-il, que le soin avec lequel Dieu met les siens en garde contre les effets d’un ordre de choses légal, propre à rétrécir le cœur. Il allait donner la loi par Moïse, et faire d’un peuple de peu d’importance et habitant un petit pays l’objet particulier de ses voies. Ses dispensations à l’égard de ce peuple devaient se poursuivre pendant des siècles et n’avaient nullement un caractère passager. Il voulait qu’Israël fût son peuple à toujours. Or, en ce moment même, pas plus tard que l’appel adressé à Moïse, ni que la promulgation de la loi, Dieu nous donne un livre entièrement consacré à une seule personne, à un seul individu. Le peuple élu ne doit pas oublier la grande vérité que Dieu s’intéresse profondément à une seule âme. Or c’est là assurément le piège dans lequel Israël est tombé, malgré le livre de Job. Toutefois Dieu a pris soin que son peuple possédât ce livre, tout aussi bien que le Pentateuque.

Dans la Genèse, toutes les voies divines préparent l’appel du peuple élu. Lorsque la loi fut donnée, Dieu traitait les nations comme étant entièrement en dehors; telle était leur position. Hélas! nous voyons ensuite Israël devenant toujours plus étroit dans ses affections, et refusant de reconnaître qu’un Gentil fût autre chose qu’un chien aux yeux de Dieu. C’est ainsi que ce peuple fermait ses entrailles à tous les autres, et manifestait de toute manière ce que Dieu avait pourtant pris soin de corriger et de condamner même dans la loi. En effet, nous pouvons constater que, dans ce livre très remarquable donné avant la loi, Dieu met son peuple en garde contre le piège dans lequel il est tombé plus tard. N’est-ce pas là une justification bénie et anticipée du caractère de Dieu? Job était un Gentil et, à en juger par son lieu d’habitation, il semblait appartenir à un peuple des moins favorisés. Le pays d’Uts est lié par le prophète Jérémie à la terre d’Édom (Lam. 4:21). Rien ne pouvait être plus suspect pour un Israélite. S’il y avait un peuple rempli de haine contre les Juifs, c’étaient bien les Édomites, et ce n’était pas là un trait nouveau dans leur caractère moral. Cela ne veut pas dire que Job fût un Édomite. Néanmoins, pour un Juif prêt à s’enflammer contre tout ce qui ne reconnaissait pas la place particulière du peuple élu, son lieu d’origine était suspect; il était, en effet, aux frontières du pays d’Édom. Or le lecteur de la Bible sait que la haine de ce dernier s’était manifestée contre Israël dès les premiers jours, même chez ses ancêtres. Cette hostilité s’était perpétuée chez ses descendants, et se manifesta jusqu’à la fin de son histoire, depuis la Genèse à Malachie. L’inimitié d’Édom contre Israël, sans parler de celle d’Israël contre Édom, n’avait jamais disparu. Cette inimitié se trouve communément chez ceux qui n’ont ni Dieu, ni sa bénédiction, à l’égard de ceux qui sont bénis de Lui. Il en était donc ainsi d’Édom, et son état demeurait tel. Aussi le Juif était-il d’autant plus apte à sentir la valeur d’un témoignage dont un homme qui vivait près de ses frontières était l’objet.

Or la grâce de Dieu s’était plu à opérer dans cet homme. Nous avons ainsi le grand fait qu’une âme solitaire était l’objet du plus profond intérêt de la part de Dieu lui-même, et cela nous est révélé dans Sa Parole et ne demeure pas caché dans Son cœur. Il y avait beaucoup plus encore. Dieu avait un dessein sage et digne de sa gloire, en permettant que cette histoire nous fût donnée dans les Écritures. Il voulait qu’elle fût la révélation de sa sollicitude pour Job, sollicitude qu’Il communiqua immédiatement au ciel, et que sa Parole nous révèle pour tous les temps. Aussi, lorsque vint le jour où Israël perdit sa place privilégiée et où la puissante grâce de Dieu ne put être retenue plus longtemps dans les canaux étroits que son gouvernement s’était plu à employer jusqu’alors, ce livre était là pour prouver que cette grâce n’était pas une pensée nouvelle en Dieu. Lorsque le moment fut arrivé où sa grâce entreprit d’opérer pour la gloire de son Nom, dans la Personne de Celui qui descendit lui-même ici-bas pour la faire connaître et déborder par son œuvre, selon les grandes pensées et les desseins de Dieu, — ce livre pouvait être immédiatement cité comme témoignage de sa miséricorde condescendante envers ceux qui étaient en dehors d’Israël. Le Juif pouvait-il trouver cela étrange? Oserait-il, en ayant le livre de Job sous les yeux, affirmer que Dieu n’avait aucune pensée de grâce pour un Gentil? Où y a-t-il eu dans le passé un homme dont Dieu ait parlé autant et en termes aussi élevés que Job? On peut chercher dans tous les livres de l’Ancien Testament: y trouvera-t-on un homme auquel Dieu consacre un livre tout entier pour nous raconter ses expériences?

Ce fait est si extraordinaire qu’un des porte-paroles du judaïsme moderne, toujours à la tête de l’incrédulité, dit que Job ne peut avoir été un personnage réel, vu qu’il est impossible que Dieu ait parlé en termes semblables d’un Gentil. C’est en cela, au contraire, que se trouvent la force et la beauté de ce livre. Il nous parle d’un homme réel, ainsi que le confirment le prophète Ézéchiel (14:14, 20) et l’apôtre Jacques (5:11), d’un homme qui a vécu en dehors du peuple élu, mais en qui néanmoins Dieu a opéré dans sa grâce pour l’admiration du ciel. Cette grâce a provoqué la malice de Satan, et a donné lieu à une épreuve inouïe, de telle sorte que fût manifestée l’œuvre divine la plus réelle qui pût être vue dans un homme avant la venue de Christ. Il ne s’agissait pas d’un acte de foi isolé, comme nous le voyons dans l’épreuve d’Abraham, abandonnant, à Sa parole, ce qui était le plus précieux pour son cœur et avait été donné de Dieu pour des buts glorieux et bénis. Dans le cas de Job, il fut permis à Satan de déchaîner sa puissance maligne et destructrice sur les biens, la famille et la personne de cet homme de Dieu. Cette épreuve fut suivie de la plus grande angoisse et des plus profonds exercices d’âme de Job devant Dieu. Quelle détresse plus terrible pouvait-il y avoir avant la venue de l’homme parfait qui souffrit plus que tous pour la justice, et souffrit seul pour le péché, selon ce qu’il méritait de la part de Dieu. En Job, nous voyons ce que l’homme peut être appelé à traverser. Son livre est la révélation des voies de Dieu envers les âmes; il nous montre comment Dieu fait concourir toutes choses au bien des siens, tout en manifestant la victoire sur Satan et les manquements des hommes et des saints. Le tableau de tous ces principes passe devant nos yeux dans ce livre. Mais, à la fin, Dieu montre ce qu’Il est, à savoir un Dieu plein de miséricorde et de tendre compassion.