Jean

Chapitre 21

Troisième manifestation de Jésus

(v. 1-14) — L’enseignement que nous trouvons dans ces versets diffère de celui qui a caractérisé l’évangile. Il ressemble à celui de Matthieu, parce qu’il nous présente symboliquement les rapports de Christ avec la terre. En Jean, comme nous l’avons vu, le Seigneur présente Dieu son Père à l’homme en dehors de toute question d’économie.

Comme en Matthieu, le Seigneur se retrouve avec quelques-uns de ses disciples en Galilée, près de la mer de Tibérias (lac de Génésareth). Ces disciples avaient repris leur occupation antérieure, puisque le royaume de Christ ne s’établissait pas sur la terre selon leur attente. On ne se sent plus sur le terrain des révélations faites aux disciples dans le chapitre 20, quant à leur nouvelle relation avec le Seigneur et avec son Père. Pour les disciples présents, la vie de Jésus ici-bas est comme une parenthèse dans leur existence, et ils vont reprendre leur train de vie au point où ils l’avaient quitté (voir Matt. 4:18-22 et Marc 1:16-20). Ces disciples étaient au nombre de sept: Pierre, Thomas, Nathanaël de Galilée, qui est très probablement le Barthélémy des autres évangiles, les fils de Zébédée, et deux autres qui ne sont pas nommés. «Simon Pierre leur dit: Je m’en vais pêcher. Ils lui disent: «Nous allons aussi avec toi». Ils sortirent, et montèrent dans la nacelle: et cette nuit-là, ils ne prirent rien» (v. 1-3). L’Esprit de Dieu se sert de cette circonstance, où le Seigneur se manifeste aux disciples, pour nous donner l’enseignement qu’il a en vue. Jésus les retrouve au bord de la mer, de même qu’aux débuts de son ministère. Comme en Luc 5, ils avaient travaillé toute la nuit en vain. «Et le matin venant déjà, Jésus se tint sur le rivage; les disciples toutefois ne savaient pas que ce fût Jésus. Jésus donc leur dit: Enfants, avez-vous quelque chose à manger? Ils lui répondirent: Non. Et il leur dit: Jetez le filet au côté droit de la nacelle, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc, et ils ne pouvaient plus le tirer à cause de la multitude des poissons» (v. 4-6). Le Seigneur arrive au matin, en figure celui du beau jour de son règne millénaire; le résidu, en Thomas, l’avait déjà rencontré. Mais Israël ne sera pas seul à jouir de ce règne; les nations doivent aussi être admises aux bénédictions de ce jour-là, selon les promesses faites aux pères et les nombreuses prophéties. Pour qu’elles s’accomplissent, il faudra jeter le filet de l’évangile du royaume dans la mer des peuples. C’est ce qui est présenté symboliquement, lorsque le Seigneur dit aux disciples de jeter leur filet au côté droit de la nacelle. Bien qu’il se remplît de cent cinquante trois gros poissons, il ne se déchira pas, contraste frappant avec la pêche de Luc 5, où les filets se rompaient, la nacelle enfonçait; tout allait se perdre. Rien de semblable ici. Pourquoi? Avec la première pêche on avait bien à faire à la puissance du Seigneur, mais en rapport avec l’homme dans la chair, incapable comme tel d’en profiter. Pour qu’il le pût, il fallait que le Seigneur accomplît l’œuvre de la rédemption dans laquelle l’homme responsable a trouvé sa fin. Dès lors la bénédiction pour le ciel et la terre repose sur cette œuvre; tout est de Dieu; tout est sûr. Point de filet qui se rompt, point de nacelle qui enfonce, mais des résultats acquis pour la gloire du Seigneur et pour la bénédiction du monde. «Toutes les nations de la terre se béniront en ta semence», avait-il été dit à Abraham lorsqu’il eut offert Isaac en sacrifice, figure du sacrifice de Christ (Gen. 22). On lit aussi en Ésaïe 60:5: «L’abondance de la mer se tournera vers toi».

Le Seigneur avait dit aux disciples: «Enfants, avez-vous quelque chose à manger? » Mais ils n’avaient rien à lui offrir. Jésus voulait jouir avec eux de cette communion, si souvent figurée par le fait d’être ensemble à table. Pour la réaliser, c’est lui qui pourvoit à tout; comment avoir une part avec lui sans qu’il en ait fait les frais? En l’entendant et en voyant les effets de sa parole, le disciple que Jésus aimait le reconnaît et dit à Pierre: «C’est le Seigneur». Pierre se revêt de sa robe qu’il avait quittée pour le travail et s’élance dans la mer. En Luc, lorsque Pierre reconnaît le Seigneur au chapitre 5, il se jette à ses pieds comme un pauvre pécheur, en lui disant: «Retire-toi de moi», et il entend cette parole de grâce: «Ne crains point». Ici, c’est Pierre repentant, après avoir renié son Seigneur, qui s’élance au-devant de lui. Qu’il s’agisse d’un pécheur ou d’un croyant en chute, le Seigneur est la ressource pour chacun. C’est lui seul qui sauve et qui pardonne: c’est lui seul qui restaure, ainsi que nous allons le voir avec Pierre.

Descendus de la nacelle, les disciples «voient là de la braise, et du poisson mis dessus, et du pain. Jésus leur dit: Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre». Et après que Pierre eut tiré le filet, Jésus leur dit: «Venez, dînez. Et aucun des disciples n’osait lui demander: Qui es-tu? sachant que c’était le Seigneur. Jésus vient et prend le pain, et le leur donne, et de même le poisson» (v. 9, 10, 12, 13). Ces poissons sur la braise représentent le résidu juif qui a traversé le feu de l’épreuve dans la grande tribulation, avant que la masse des peuples ait été évangélisée de l’évangile du royaume. C’est l’œuvre du Seigneur lui-même; il les trouve là pour sa propre joie. Le fait que Jésus invite les disciples à venir dîner montre la jouissance qu’il aura avec les siens dans la bénédiction établie sur la terre pour le millénium. Les disciples, gênés, n’osent pas le questionner, bien qu’ils sachent qui il était. On voit que ce n’est pas la même joie que lorsque sa manifestation porte le caractère de l’économie actuelle (chap. 20:20). Là, les disciples, conscients de leur relation avec lui, jouissent de sa présence dans la connaissance de la grâce. C’est infiniment plus élevé que les bénédictions du royaume. Il s’agit toujours de scènes symboliques.

«Ce fut là la troisième fois déjà que Jésus fut manifesté aux disciples, après qu’il fut ressuscité d’entre les morts» (v. 14). Nous savons que le Seigneur s’est manifesté souvent aux siens depuis sa résurrection. L’apôtre Paul parle de cinq fois dans le chapitre 15 de la première épître aux Corinthiens. Nous trouvons ici le troisième tableau symbolique que l’Esprit de Dieu voulait donner dans cet évangile. Nous avons déjà dit que le premier (chap. 20:19-23), est en rapport avec l’économie actuelle, où les croyants jouissent de leur relation avec le Seigneur et sont réunis autour de lui, rejetés du monde comme lui. Le second tableau (v. 24-29) présente, en Thomas, le résidu juif qui reconnaît le Seigneur en le voyant, lorsque l’économie actuelle aura pris fin. Le troisième nous montre le Seigneur avec le résidu déjà rassemblé, déployant sa puissance pour amener les nations à jouir de son règne glorieux.

Cet évangile avait commencé avec trois jours symboliques; il se termine de même.

 

Relèvement de Pierre

(v. 15-19) — La scène décrite dans ces versets ne se rapporte pas aux temps millénaires, comme la précédente, mais bien à l’œuvre que le Seigneur voulait accomplir durant la période actuelle au moyen de ses serviteurs Pierre et Jean. Il fallait donc, outre l’intérêt que le Seigneur portait à Pierre personnellement, sa restauration pour le rendre capable d’accomplir le service qu’il lui confiait. Jean pouvait effectuer le sien sans une œuvre préalable. Il s’était toujours tenu dans cette intime proximité du Seigneur, où l’on apprend à le servir sans être entravé par l’action de la chair, parce que là elle est jugée. Mais quelle grâce et quelle miséricorde nous trouvons chez le Seigneur! Si nous n’avons pas voulu nous tenir dans sa présence pour apprendre de lui et nous juger, et si nous l’avons déshonoré, c’est lui qui nous relève et nous restaure.

«Lors donc qu’ils eurent dîné, Jésus dit à Simon Pierre: Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne font ceux-ci? » (v. 15). Pierre avait dit au Seigneur en Marc 14:29: «Si même tous étaient scandalisés, je ne le serai pourtant pas, moi». Il pensait aimer le Seigneur plus que les autres disciples. Jésus veut lui faire juger une prétention pareille pour le délivrer de sa confiance en lui-même et dans son amour pour le Seigneur. Cet amour, très réel, provenait de la vie divine que Pierre possédait. Mais il devait apprendre, comme nous aujourd’hui, que la présence de la vie divine en nous ne nous donne aucune force, sans le jugement constant de notre mauvaise nature. Une fois jugée, elle ne se manifeste pas et l’Esprit de Dieu, puissance de la nouvelle vie, déploie ses effets bénis et nous rend capables de manifester les caractères de Christ qui est notre vie.

Pierre répondit: «Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Il lui dit: Pais mes agneaux». Sachant que le Seigneur le connaissait parfaitement, il peut lui dire «Tu sais que je t’aime». C’était l’équivalent de: «Je ne l’ai pas fait voir, puisque je t’ai renié, mais toi tu le sais». Jésus lui confie le soin de paître ses agneaux, en leur donnant la nourriture qu’il savait convenir à leur âge tendre. Pierre pouvait être heureux d’une telle marque de confiance. Mais le Seigneur voulait préserver son serviteur d’un retour fâcheux de sa nature prompte, en approfondissant l’œuvre commencée. Il lui dit une seconde fois: «Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu? Il lui dit: Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Il lui dit: Sois berger de mes brebis» (v. 16). La première fois, la parole du Seigneur a sondé Pierre et lui a fait juger que son amour ne dépassait pas celui des autres disciples. Aussi Jésus ne répète pas: «M’aimes-tu plus que ne font ceux-ci? «Mais il dit simplement: «M’aimes-tu? » Pierre s’en remet encore à la connaissance que le Seigneur avait de son amour. Maintenant que, sondé plus à fond, il saura mieux se défier plus entièrement de lui-même, le Seigneur lui confie la conduite de ses brebis et les soins qu’elles réclament. «Sois berger de mes brebis», lui dit-il. Mais le Seigneur ne s’arrête pas là. Il veut rendre son disciple absolument propre à prendre soin du troupeau qu’il va laisser à ses soins. Il lui dit pour la troisième fois: «Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu?...» Et il lui dit: «Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit: Pais mes brebis» (v. 17). Le Seigneur connaît nos cœurs superficiels quant au bien, vite satisfaits d’un peu de progrès, et profonds en malice. Il arrive après une chute, et tout péché en est une, que l’on en est instantanément affligé, à moins que la conscience ne soit endurcie, et l’on en reste là, en se basant, pour son relèvement, sur la peine causée par la faute commise. Satisfait, on estime que les autres doivent l’être, et par conséquent le Seigneur. Ainsi une restauration réelle n’a pas lieu, et l’on est exposé au renouvellement de la faute dès que l’on se retrouvera dans les circonstances qui la favorisent. Pierre avait énormément souffert de son péché. Il était sorti en pleurant amèrement (Luc 22:62). Le Seigneur l’avait vu, mais savait que cela ne suffisait pas. Il veut le conduire à la source du mal, non en lui reprochant sa faute, mais en lui en faisant juger la cause dans les profondeurs de son cœur. Pierre avait renié trois fois le Seigneur. Si le premier reniement, ni même le second, n’avaient pas suffi pour faire sortir Pierre en pleurant, la première question du Seigneur, ni la seconde, ne suffisaient pas non plus pour le restaurer pleinement. Pierre est attristé de ce que le Seigneur lui pose la même question une troisième fois. Il pensait que les deux premières suffisaient. Mais l’amour du Seigneur sondait la plaie, afin d’en enlever tout principe infectieux. En lui adressant cette troisième question le Seigneur se sert de l’expression par laquelle Pierre lui avait répondu les deux premières fois: «Tu sais que je t’aime», c’est-à-dire: «tendrement». «M’aimes-tu comme tu le dis? » ou: «Te suis-je cher comme tu l’affirmes? » demande le Seigneur. C’était vrai, et le Seigneur le savait, lui qui lisait au fond de son cœur. Il peut alors lui dire: «Pais mes brebis». Entièrement délivré de toute confiance en lui-même et ayant acquis une connaissance plus grande de l’amour du Seigneur, Pierre saura maintenant donner tous les soins que réclame le troupeau du bon Berger, conduire les brebis, veiller sur elles, leur donner, comme aux agneaux, la nourriture appropriée.

C’étaient les brebis juives que le Seigneur confiait à Pierre, objets de sa part d’une sollicitude toute particulière. Il était entré dans la bergerie d’Israël; elles avaient écouté sa voix et il les avait conduites dehors. Après avoir mis sa vie pour elles, il allait les quitter. C’est pourquoi il forme Pierre pour qu’il en prenne soin en son absence, et aussi pour continuer à délivrer du judaïsme tous ceux qui devaient être sauvés du jugement qui allait tomber sur les Juifs. Il aurait à prêcher Christ à ce peuple qui l’avait rejeté, lui parler de la grâce dont il était l’objet, puisqu’il s’était trouvé dans le même cas. Il leur dit: «Vous, vous avez renié le saint et le juste» (Actes 3:14), mais aussi: «Repentez-vous». Il peut les inviter à venir à celui qu’ils ont renié, comme des objets de miséricorde, tels que lui. Le Seigneur ne lui avait-il pas dit: «Quand une fois tu seras revenu, fortifie tes frères» (Luc 22:32). Pour parler efficacement de la grâce à d’autres, il faut l’apprécier, en sachant combien nous en avons eu besoin, combien elle est grande à notre égard. Celui à qui il est beaucoup pardonné, aime beaucoup et il peut parler du grand amour dont son cœur est rempli.

Animé d’une affection ardente pour le Seigneur, Pierre avait dit: «Je laisserai ma vie pour toi». Le Seigneur lui en tient compte. Après lui avoir confié ses brebis, il lui indique comment il le fera: «En vérité, en vérité, je te dis: Quand tu étais jeune, tu te ceignais, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas. Or il dit cela pour indiquer de quelle mort il glorifierait Dieu» (v. 18, 19). Pierre aurait pu éprouver du regret en pensant qu’il avait peut-être manqué l’occasion de manifester son amour pour son Maître en mourant pour lui. C’est pourquoi le Seigneur lui dit qu’il pourra le faire en glorifiant Dieu, après s’être acquitté fidèlement du service qu’il lui a confié, avec une volonté entièrement brisée. Dans sa deuxième épître nous le voyons arrivé au terme de sa course. Au chapitre 1:13, 14, il dit: «Mais j’estime qu’il est juste, tant que je suis dans cette tente, de vous réveiller en rappelant ces choses à votre mémoire, sachant que le moment de déposer ma tente s’approche rapidement, comme aussi notre Seigneur Jésus Christ me l’a montré». Ses épîtres, adressées à des chrétiens autrefois juifs, nous montrent les soins pastoraux qu’il prenait des brebis que le Seigneur lui avait confiées.

Lorsque Jésus eut tout accompli pour le relèvement de son serviteur, il lui dit: «Suis-moi» (v. 19). Il lui avait dit au chapitre 13:36: «Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard». Il fallait, pour cela, que Jésus passât le premier par la mort, afin qu’elle perdît le pouvoir qu’elle exerçait sur Pierre et les disciples, lorsque Jésus s’engageait dans ce chemin ténébreux, où seul il pouvait entrer et dont seul il pouvait sortir à cause de ses propres perfections; il devait rendre impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort; et il fallait que Pierre perdît sa confiance en lui-même pour devenir l’homme dépendant, confiant, non point dans son amour pour le Seigneur, mais dans l’amour du Seigneur pour lui. Alors, comme il l’avait désiré, il pourrait suivre Jésus et laisser sa vie pour lui, après que Jésus aurait laissé sa vie pour son disciple.

 

Pierre et Jean

(v. 20-25) — Après avoir entendu l’appel de Jésus, «Pierre, se retournant, voit suivre le disciple que Jésus aimait, qui aussi, durant le souper, s’était penché sur sa poitrine, et avait dit: Seigneur, lequel est celui qui te livrera? Pierre, le voyant, dit à Jésus: Seigneur, et celui-ci, — que lui arrivera-t-il? Jésus lui dit: Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe? Toi, suis-moi» (v. 20-22). Au lieu de fixer ses regards sur Jésus, pour le suivre, Pierre se retourne. Lorsque Jésus appelle, il n’est pas bon de se retourner, car on peut être distrait par mille choses qui empêchent de le voir et de le suivre. Il faut aller en avant et ne pas s’occuper du chemin d’autrui. Jean suivait le Seigneur tout naturellement; il n’avait pas eu besoin d’une préparation comme Pierre; rien n’avait interrompu la jouissance de sa communion.

L’Esprit de Dieu se plaît à rappeler l’attitude du disciple que Jésus aimait, lorsqu’il était au souper de la Pâque, comment la proximité où il était de Jésus lui permettait de recevoir ses communications. L’attachement de cœur au Seigneur a un grand prix pour Dieu. On le voit aussi par la mention faite de l’acte de Marie de Béthanie, au chapitre 11, où l’Esprit de Dieu interrompt le récit des circonstances de cette famille pour dire (v. 2): «Et c’était la Marie qui oignit le Seigneur d’un parfum et qui lui essuya les pieds avec ses cheveux». L’attachement à Christ détermine, pour Dieu, la valeur de nos actes.

Le Seigneur ne dit pas à Pierre ce qui arrivera à Jean. Cela ne devait pas le préoccuper. La chose importante pour lui, c’était de suivre Jésus, les yeux fixés sur lui, dans la souffrance, dans l’opprobre de la part des Juifs auxquels il allait adresser un dernier appel à recevoir celui qu’ils avaient mis à mort; le suivre dans le chemin de la mort telle qu’elle lui avait été indiquée, mais pour arriver dans la gloire où le Seigneur est entré le premier. C’est ce que cet apôtre a réalisé dans toute la puissance que lui donnait la connaissance de Jésus et la gloire en perspective. «Moi qui suis... témoin des souffrances de Christ, qui aussi ai part à la gloire qui va être révélée» (1 Pierre 5:1). C’est pourquoi Pierre mentionne souvent les souffrances et la gloire. L’apôtre Paul, qui n’avait pas vu Christ dans la souffrance et qui le vit pour la première fois dans la gloire, dit à l’inverse de Pierre, qu’il désire «connaître... la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances» (Phil. 3:10). Mais pour l’un comme pour l’autre de ces apôtres, c’est le chemin de la souffrance qui aboutit dans la gloire, comme celui du Seigneur.

Dans sa réponse, le Seigneur dit à Pierre: «Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe?... Cette parole donc se répandit parmi les frères, que ce disciple-là ne mourrait pas. Et Jésus ne lui avait pas dit qu’il ne mourrait pas, mais: Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe? » (v. 23). Il y a une grande différence entre une parole prononcée et les déductions que l’on peut en tirer, comme cela se fait pour nombre de passages des Écritures et dans ce que nous entendons les uns des autres. Il faut recevoir la Parole de Dieu telle qu’il nous la communique et ne pas lui attribuer le sens que nous suggère notre faible et imparfaite conception. Il s’agit ici du ministère des deux apôtres, non de la durée de leur carrière; quoique le Seigneur eût été libre de prolonger l’existence de Jean jusqu’à son retour, Pierre savait qu’il mourrait, mais son ministère, devant s’exercer au milieu des Juifs, s’est terminé avec l’histoire de ce peuple qui périt pour n’avoir pas reçu Jésus et le témoignage du Saint Esprit par les apôtres. Pierre fut remplacé par Paul qui, après la mort d’Étienne, fut suscité pour révéler le mystère de l’Église, la réunion des Juifs et des Gentils croyants, cohéritiers et coparticipants de la promesse qui est dans le Christ Jésus, toute distinction étant abolie. Le ministère de Jean dure jusqu’à la venue du Seigneur pour établir son règne. Il s’occupe de la manifestation de la vie de Jésus sur la terre. Il demeure après tous les apôtres, lorsque la ruine de l’Église établie par Paul était déjà bien accentuée, afin de présenter, dans son évangile, la vie éternelle manifestée dans la personne de Christ ici-bas, et dans ses épîtres, la même vie reproduite par les croyants. Puis, dans l’Apocalypse, il montre, par les épîtres aux sept églises d’Asie, non la vocation céleste de l’Église mais la faillite de sa responsabilité sur la terre et les jugements qui en sont la conséquence, ensuite le jugement du monde, l’établissement du règne de Christ, le jugement dernier et l’introduction de l’état éternel. C’est ainsi que le ministère de Jean demeure jusqu’à la venue du Seigneur en gloire. Il dépasse l’histoire de l’Église sur la terre alors que celui de Pierre ne se poursuit guère au-delà de sa mort, sinon par ses épîtres, écrites pour nous aussi, puisqu’elles font partie de la Parole inspirée de Dieu.

Le ministère de ces deux apôtres, dans leur durée respective a pour objet le témoignage de Dieu sur la terre: la manifestation de la vie éternelle et les jugements par la venue de Christ. Dans le premier acte de cette venue les saints endormis et vivants sont enlevés au ciel, et ensuite s’accomplit ici-bas ce qui nous est présenté symboliquement dans la première partie de notre chapitre et la rencontre avec Thomas.

L’évangile se termine par une attestation de son auteur. «C’est ce disciple-là qui rend témoignage de ces choses, et qui a écrit ces choses, et nous savons que son témoignage est vrai. Et il y a aussi plusieurs autres choses que Jésus a faites, lesquelles, si elles étaient écrites une à une, je ne pense pas que le monde même pût contenir les livres qui seraient écrits» (v. 24, 25). Au verset 31 du chapitre précédent, Jean révèle le but de Dieu en consignant dans cet évangile les faits qui y sont rapportés: c’est afin «que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom». Comme nous l’avons remarqué, cet évangile ne parle que de sept miracles; sept est le nombre complet, parfait, nécessaire pour présenter toute la grâce et la vérité venues par Dieu manifesté en chair dans la personne de son Fils. Chacun de ces miracles donne lieu à une exposé doctrinal qui fait partie de cet ensemble merveilleux. Mais trois présentent tout particulièrement l’action du Fils de Dieu dans une dépendance absolue de son Père, en présence de l’absolue incapacité de l’homme en Adam. Au chapitre 5, c’est l’infirme incapable de tirer parti des moyens que Dieu a mis à sa disposition pour être guéri. Au chapitre 9, la lumière est venue dans le monde; mais l’homme est aveugle, il ne peut en profiter. Au chapitre 11, la vie est dans la personne de Jésus, mais l’homme est mort. Dans tous ces cas, c’est le Fils de Dieu qui opère en puissance, il donne la force, la vue et la vie à ceux qui en sont privés, ce qui est le cas de tout homme inconverti.

Le Seigneur a fait beaucoup d’autres choses qui ne sont pas écrites, et qui ne pourraient l’être; le monde ne saurait les contenir. Toutes les paroles, tous les actes de Jésus ont une portée infinie, accomplie par un être infini, et ne peuvent par conséquent pas être contenus dans ce qui est fini. Par la manifestation de lui-même en son Fils, Dieu met le croyant en rapport avec ce qui est infini et éternel; mais il nous faudra être dans le lieu d’où vint cette manifestation pour n’être plus limités dans notre connaissance par ce qui est fini. C’est là notre espérance glorieuse. En attendant, étudions beaucoup cet évangile pour apprendre déjà maintenant tout ce qui peut se connaître de notre adorable Seigneur et Sauveur et pour le suivre toujours de plus près, en attendant de le voir face à face, rendus capables de sonder l’infini de ses gloires, alors que:

Nos yeux contempleront, sur ta face adorable,
Du Sauveur, de l’Époux, la suprême beauté;
Et nous pourrons sonder le mystère insondable
De ta grâce sans borne et de ta charité.