Jean

Chapitre 19

Pilate fait fouetter Jésus

(v. 1-7) — Pilate, tout en reconnaissant l’innocence de Jésus, le fit fouetter. Livré à la brutalité des soldats romains, il devient l’objet de leurs moqueries. Ils tressèrent une couronne d’épines, la mirent sur sa tête et le revêtirent par dérision, d’un vêtement de pourpre, insigne de la royauté. Jésus reçoit l’hommage ironique des soldats, accompagné de soufflets. Pilate pensait-il satisfaire la haine des Juifs en livrant Jésus à de tels outrages? On peut le supposer, mais l’essai n’aboutit pas. Il fallait aussi cet acte pour que les gentils eussent leur part de culpabilité dans la mort de Christ.

En ce moment, cet adorable Sauveur endurait tout particulièrement ce que l’auteur de l’épître aux Hébreux appelle «la contradiction des pécheurs contre lui-même» (Héb. 12:3). Tout était en contradiction avec la nature et les attributs de cette glorieuse personne. Sacré Roi sur Sion, par Dieu même, il est couronné d’épines et revêtu d’un manteau de pourpre par des païens. Celui devant qui tout genou se ploiera reçoit des soufflets et l’hommage moqueur de sa créature ignorante et avilie. Le juge des vivants et des morts est l’accusé qui comparaît devant des pécheurs qui le condamneront. Nous pouvons, en effet, comme dit l’apôtre «considérer celui qui a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même», afin de n’être pas découragés lorsque nous éprouvons quelque peine dans le chemin que nous a tracé un Sauveur rejeté.

«Pilate sortit encore et leur dit: Voici, je vous l’amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Jésus donc sortit dehors, portant la couronne d’épines et le vêtement de pourpre, et il leur dit: Voici l’homme!» (v. 4, 5). La vue de Jésus, qui avait subi le supplice du fouet, son front saignant sous la couronne d’épines, ne toucha pas plus le cœur des Juifs que la déclaration de Pilate, lorsque, pour la troisième fois, il leur dit qu’il ne trouvait aucun crime en lui. Pilate le leur présenta en disant: «Voici l’homme». Au verset 29 du chapitre précédent, il leur avait demandé quelle accusation ils portaient contre cet homme. Eux répondirent: «Si cet homme n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’eussions pas livré». Cet adorable Sauveur était entre leurs mains un homme, mais haï de tous, chargé de mépris. Il était par grâce un homme, fait inférieur aux anges à cause de la passion de la mort, homme des conseils de Dieu, qui va représenter l’homme perdu, coupable, souillé, sous le jugement divin; et mourir sur la croix pour mettre fin à l’homme en Adam et le placer nouveau dans la présence de Dieu par sa résurrection et son exaltation. Maintenant c’est dans la gloire que nous voyons le Fils de l’homme couronné de gloire et d’honneur, en réponse à la question: «Qu’est-ce que l’homme que tu te souviennes de lui, ou le fils de l’homme que tu le visites? » (Héb. 2:5-9). «Quand donc les principaux sacrificateurs et les huissiers le virent, ils s’écrièrent, disant: Crucifie, crucifie-le! Pilate leur dit Prenez-le, vous, et le crucifiez; car moi, je ne trouve pas de crime en lui. Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi, et selon notre loi il doit mourir, car il s’est fait Fils de Dieu» (v. 6, 7). Pilate recule un moment devant la responsabilité de la condamnation de Jésus. Il leur offre de le faire eux-mêmes, puisqu’il ne trouvait pas de crime en lui. Cette offre n’est pas acceptée, non pas qu’ils craignissent de faire mourir quelqu’un, mais Dieu voulait que les nations et les fils d’Israël accomplissent «toutes les choses» que sa main et son conseil «avaient à l’avance déterminé devoir être faites»; ainsi que Pierre le dit aux Juifs en Actes 4:27, 28.

 

Condamnation de Jésus par Pilate

(v. 8-16) — Les Juifs font valoir un nouvel argument en faveur de la mort de Jésus, savoir qu’il s’est fait Fils de Dieu. «Quand donc Pilate entendit cette parole, il craignit davantage, et il entra de nouveau dans le prétoire, et dit à Jésus: D’où es-tu? Et Jésus ne lui donna pas de réponse» (v. 8, 9). L’embarras de Pilate ne fait qu’augmenter en entendant cette nouvelle accusation, car, pour lui il ne s’agit plus seulement de prétention à la royauté, mais à la divinité. Soit que sa conscience soit atteinte par ce qu’il voit et entend de Jésus, soit à cause de sa superstition de païen, s’il se trouve en présence d’une divinité, Pilate éprouve de l’effroi. Osera-t-il s’élever contre une personne pareille? Pour s’éclairer il questionne Jésus sur son origine. D’où vient un tel homme qui se dit Fils de Dieu? Jésus ne lui répond pas. Il avait déclaré qu’il n’était pas coupable; cela suffisait. Pilate lui dit: «Ne me parles-tu pas? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et que j’ai le pouvoir de te crucifier? Jésus répondit: Tu n’aurais aucun pouvoir contre moi, s’il ne t’était donné d’en haut; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi a plus de péché» (v. 10, 11). Devant le silence de Jésus, Pilate se sent atteint dans sa dignité de magistrat et croit faire valoir son autorité. La noble réponse du Seigneur ébranle, semble-t-il, l’assurance qu’il avait en lui-même, en lui faisant sentir la supériorité de l’accusé. Pilate doit se demander s’il n’a pas devant lui un personnage en relation avec la puissance divine, sans laquelle il n’aurait aucun pouvoir. Représentant inconscient de l’autorité que Dieu avait confiée aux gentils, Pilate croyait en user à son gré. Dans ce cas en particulier celui sur lequel il se figurait avoir du pouvoir était devant lui volontairement et Pilate allait se servir de son autorité présumée pour le condamner, parce qu’il était dans les pensées de Dieu que ce fût lui, et non les Juifs, qui prononçât en dernier lieu son arrêt de mort, inique, inqualifiable. Cependant Judas qui avait livré Jésus avait péché plus gravement que le juge païen. Sa responsabilité était en rapport avec les privilèges dont il avait joui, puisqu’il venait de passer quatre ans environ avec le Seigneur.

Sous l’impression de la calme réponse de Jésus, Pilate cherche à le relâcher; mais, dès que les Juifs s’en aperçoivent ils avancent un argument qui devait agir sûrement sur le représentant de César: «Si tu relâches celui-ci, tu n’es pas ami de César; quiconque se fait roi, s’oppose à César». En entendant ces paroles, Pilate fait sortir Jésus, monte sur son tribunal et dit aux Juifs: «Voici votre roi! Mais ils crièrent: Ôte, ôte, crucifie-le! Pilate leur dit: Crucifierai-je votre roi? Les principaux sacrificateurs répondirent: Nous n’avons pas d’autre roi que César. Alors donc il le leur livra pour être crucifié; et ils prirent Jésus et l’emmenèrent» (v. 12-16). La vérité n’avait pas eu de prise sur Pilate, et il devint malgré lui, l’agent de la haine des Juifs. Il ne voulait pas leur déplaire et encore moins paraître infidèle à César. Quant à sa responsabilité devant Dieu, il ne s’en préoccupe pas; il l’ignore. Cependant il savait que les Romains ne condamnaient pas un homme reconnu innocent. En cédant aux Juifs il accomplit l’acte le plus horrible et le plus injuste qui soit dans l’histoire de l’humanité.

On voit la haine des Juifs augmenter ses efforts d’heure en heure. Chaque fois que Pilate essaie de délivrer Jésus ils s’élèvent plus violemment contre lui.

Au chapitre 18:40, il est dit qu’ils s’écrièrent tous. Au verset 6 de notre chapitre, ils disent: «Crucifie, crucifie-le!» et, au verset 15: «Ôte, ôte, crucifie-le». Il leur tardait d’en finir, car c’était la préparation du sabbat, appelé «grand» au verset 31. Dans leur aveuglement ils désiraient le célébrer à leur aise. L’hésitation de Pilate à crucifier Jésus provoque de la part des chefs religieux la rupture finale entre Dieu et le peuple, par leur cri: «Nous n’avons pas d’autre roi que César». Dès cette heure l’apostasie était consommée. Jésus sera mis à mort et le peuple rejeté par Dieu. Quarante ans plus tard, le roi qu’ils avaient choisi détruisit Jérusalem, extermina une partie du peuple et emmena le reste en captivité.

 

Le crucifiement

(v. 17-24) — «Jésus sortit portant sa croix, et s’en alla au lieu appelé lieu du crâne, qui est appelé en hébreu Golgotha, où ils le crucifièrent, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu» (v. 17, 18). Cette partie de la scène douloureuse placée devant nous, propre à faire vibrer les fibres les plus profondes de nos cœurs, est présentée par l’Esprit Saint d’une manière digne du Fils de Dieu. Aucun signe de faiblesse; nul besoin de contraindre un homme de porter sa croix. Celui à la voix duquel la troupe meurtrière tomba et se releva et qui se laissa emmener par elle, accomplira jusqu’au bout l’œuvre qu’il a entreprise avec une force et une sérénité divines, tout en sentant profondément toutes les douleurs d’une telle heure. Le Fils de Dieu est crucifié, entre deux autres. Il n’est pas dit ici que c’étaient des brigands ou des malfaiteurs. En présence du crime inouï accompli par les Juifs et l’humanité tout entière, les hommes, devant le Fils de Dieu, sont tous au même niveau. Ce sont «deux autres», deux de ces hommes qui font partie d’un monde jugé. Leur crime, bien que jugé justement, pâlit devant celui qu’accomplissaient leurs juges. Pour les hommes, Jésus est placé au même rang. C’est «l’homme» que Pilate leur a présenté. Il est au milieu des pécheurs qui méritent la mort. Il est venu prendre cette place en grâce, afin que son œuvre une fois accomplie, il se trouve au milieu d’hommes sauvés qu’il n’aura pas honte d’appeler ses frères. C’est ce que Jésus ressuscité fit trois jours après: Jésus vint et se tint au milieu d’eux» (chap. 20:19). Le sujet de la condamnation des crucifiés était inscrit sur leur croix. Pilate ne manque pas de le faire pour Jésus; mais guidé par une main invisible, il le fit en rendant témoignage à ce qu’était Jésus et en même temps à la culpabilité des Juifs. «Et Pilate fit aussi un écriteau, et le plaça sur la croix; et il y était écrit: Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs. Plusieurs des Juifs donc lurent cet écriteau, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était près de la ville; et il était écrit en hébreu, en grec, en latin» (v. 19, 20). Mécontent sans doute d’avoir cédé à la volonté des Juifs, Pilate chercha à les humilier en publiant en trois langues importantes, alors parlées, qu’ils avaient mis leur roi au rang des malfaiteurs. Les chefs des Juifs se récrient et veulent que Pilate modifie à leur gré l’inscription: «N’écris pas: Le roi des Juifs; mais que lui a dit: Je suis le roi des Juifs. Pilate répondit: Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit» (v. 21, 22). Le peu de conscience qui pouvait subsister chez les Juifs, mais qu’ils avaient refoulé par leur haine, était aveuglé par l’écriteau qui témoignait de leur culpabilité. Aussi ils voudraient le faire disparaître; mais ils se heurtent à la volonté de Pilate, qui, s’il leur avait cédé pour crucifier Jésus, l’avait fait pour accomplir, inconsciemment sans doute, les desseins de Dieu. Dans ce cas, il ne se préoccupe plus de leur désir.

Un jour, le résidu juif, après de terribles souffrances, reconnaîtra ce que portait l’écriteau de Pilate. Comme Nathanaël, il dira: «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth? » Il devra reconnaître que celui qui leur apportera la délivrance a été le méprisé et le rejeté des hommes; qu’il a été le Nazaréen, celui qui a été «mis à part de ses frères» (Gen. 49:26). Comme tous ont lu sur l’écriteau ce que Jésus était, tous aussi le verront lorsqu’il viendra avec les nuées: «Tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui (Apoc. 1:7). «Des rois fermeront leur bouche en le voyant» (Ésaïe 52:15).

Chaque acteur dans cette scène accomplit, à son insu, ce que les Écritures avaient dit. «Les soldats donc, quand ils eurent crucifié Jésus, prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée tout d’une pièce depuis le haut jusqu’en bas. Ils dirent donc entre eux: Ne la déchirons pas, mais jetons-la au sort, à qui elle sera — afin que l’écriture fût accomplie, qui dit: «Ils ont partagé entre eux mes vêtements, et ils ont jeté le sort sur ma robe» (Ps. 22:19). Les soldats donc firent ces choses» (v. 23, 24). Trait caractéristique de notre évangile: il rapporte seul ces détails sur la robe de Jésus. Il n’y avait aucune division, aucun défaut dans la manifestation des perfections de Jésus, dans toute sa marche et dans tout son service. Dans les Écritures la robe est l’emblème de la profession.

Dans tout ce récit, nous voyons Jésus s’offrant à Dieu sans tache, avec toutes les perfections que Dieu seul peut apprécier; nous n’en discernons que l’extérieur. Il s’offre lui-même, n’oppose aucune résistance. Il est la brebis muette, l’agneau qui va à la boucherie. On le frappe, on le mène, on le ramène; il est vêtu, dévêtu, couronné d’épines; il paraît ainsi devant ses créatures, il porte sa croix; il se laisse tout faire par amour pour son Dieu et Père; il s’offre à lui, et nous, misérables pécheurs, qui faisons partie de ces autres qui avaient mérité la mort, nous en avons les résultats éternels et glorieux. «Il s’est livré lui-même pour nous, comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur» (Éph. 5:2).

 

Jésus et sa mère

(v. 25-30) — Après avoir vu passer dans ce tableau tous les traits de la haine et de l’injustice des hommes, la trahison de Judas, l’abandon de tous, l’énergie de la méchanceté des Juifs pour obliger Pilate à céder à leur volonté haineuse, l’indifférence et l’injustice de Pilate lui-même, on éprouve du soulagement à trouver près de la croix quelques femmes le cœur broyé par la souffrance, dans le silence de l’isolement au milieu de cette scène à laquelle elles étaient étrangères, mais en parfaite sympathie et brûlant d’amour pour l’objet de la haine du monde. «Or, près de la croix de Jésus, se tenaient sa mère, et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala» (v. 25). Il y a quelque chose d’intime et d’humain dans la manière dont l’apôtre parle de Marie. Il dit: sa mère. Le Fils de Dieu avait une mère; elle assistait, impuissante, au supplice de son divin Fils. Que se passait-il dans son cœur? Jésus le savait. Les autres femmes aussi, attachées au Seigneur, persévèrent dans leur amour; elles tiennent ferme au milieu de l’orage impuissant à les séparer de Jésus, tant elles que le disciple que Jésus aimait. Le Seigneur seul peut apprécier la valeur de leur présence dans un tel moment! Les heures de ténèbres vont venir. Jean ne les mentionne pas. La face de Dieu brillera à nouveau sur la sainte victime, son Fils bien-aimé; mais ni la grandeur de l’œuvre qu’il venait d’accomplir, ni la conscience de sa parfaite divinité ne pouvaient atténuer les sentiments humains du Seigneur. «Jésus donc voyant sa mère, et le disciple qu’il aimait se tenant là, dit à sa mère: Femme, voilà ton Fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui» (v. 26, 27). Le Fils de Dieu, homme, allait quitter ce monde; il pense à sa mère, sans doute veuve, car on n’entend plus parler de Joseph; il sait de quoi le cœur de cette mère aura besoin dans sa douleur et son isolement au milieu d’un monde ennemi de son fils et dont elle n’a rien à attendre. Il connaît aussi le cœur du disciple qu’il aimait et dont, en retour, il recevait l’amour qui lui donnait la force de le suivre et de s’unir à ces saintes femmes autour de la croix. C’est à lui qu’il recommande sa mère; leur objet commun les liera l’un à l’autre dans une sainte affection.

Si Jésus disait un jour à sa mère: «Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme, mon heure n’est pas encore venue? » ce n’était pas manque d’amour pour elle; c’était par fidélité à son Dieu. Les liens naturels humains ne devaient pas intervenir dans l’accomplissement de son service. Maintenant l’heure est venue; elle est même passée. Jésus peut donner libre cours d’une manière touchante à ses sentiments humains parfaits. C’est lui-même qui les avait créés et, en revêtant son humanité, il en réalise les devoirs d’une manière parfaite et exemplaire; il laisse chaque chose à sa place et en son temps. «Dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui».

Jean aime à se désigner par «le disciple que Jésus aimait». À ceux qui pourraient trouver ce mot prétentieux de sa part, nous répondons que le contraire le serait. L’apôtre reconnaît ce fait en toute humilité. Il y aurait de la prétention à s’intituler: «celui qui aimait Jésus». Il ne veut pas faire allusion à son amour pour Jésus, tout grand qu’il fût. Pierre parlait de son amour pour le Seigneur et cela le conduisit à sa chute. Rien ne développera mieux notre amour pour le Seigneur que de penser à son amour pour nous.

Pour Jésus la fin approchait, la fin de cette vie dans laquelle il avait souffert et porté nos péchés sur la croix. «Après cela Jésus, sachant que toutes choses étaient déjà accomplies, dit, afin que l’écriture fût accomplie: J’ai soif. Il y avait donc là un vase plein de vinaigre. Et ils emplirent de vinaigre une éponge, et, l’ayant mise sur de l’hysope, ils la lui présentèrent à la bouche. Quand donc Jésus eut pris le vinaigre, il dit: C’est accompli. Et ayant baissé la tête, il remit son esprit» (v. 28-30). Jésus savait que tout ce qu’il avait à faire sur la croix était accompli. Il avait aussi pleinement glorifié Dieu dans son ministère au milieu des hommes. Il avait satisfait à toutes les exigences de la justice et de la majesté de Dieu quant au péché, il restait encore une parole de l’Écriture à accomplir. La soif ardente qui dévorait les crucifiés n’a pas été épargnée au Seigneur, mais elle a fourni l’occasion de réaliser une prophétie: «Dans ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre» (Ps. 69:22). Maintenant Jésus peut dire: «C’est accompli», déclaration propre à dissiper les craintes d’un faible croyant qui aurait encore quelque doute à l’égard de son salut. Après cela, il n’était plus nécessaire que Jésus demeurât sur la croix. Lui seul était capable d’accomplir le dernier acte d’obéissance: la mort (voir chap. 10:18). «Ayant baissé la tête, il remit son esprit». Jésus ne mourut pas comme meurent les hommes, mais par obéissance. Quelqu’un a dit qu’il détacha lui-même son esprit de son corps pour le remettre lui-même à Dieu son Père, acte que seul pouvait effectuer un être divin; mais devenu homme pour avoir un corps dont l’esprit puisse être détaché. On voit dans tout cet évangile les caractères de «Dieu manifesté en chair». En Luc, où le Seigneur est présenté sous les caractères du Fils de l’homme, il est dit: «Père, entre tes mains, je remets mon esprit. Et ayant dit cela, il expira» (chap. 23:46). C’est l’homme confiant en son Père, et qui lui remet son esprit. Maintenant que Jésus a été obéissant jusqu’à la mort pour la gloire de Dieu son Père, Dieu interviendra pour le sortir de la mort. Il le ressuscitera et le fera asseoir à sa droite, couronné de gloire et d’honneur. La justice de Dieu étant satisfaite à l’égard du péché, sa justice envers son Fils lui donnera la place glorieuse qu’il s’est acquise dans son obéissance. Dans notre évangile, où nous avons le côté divin de Jésus, il s’est ressuscité lui-même, comme il le dit aux Juifs: «Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai... Il parlait du temple de son corps» (chap. 2:19 et 21; de même au chap. 10:18).

Les évangiles rapportent sept paroles que Jésus a prononcées sur la croix. En Matthieu 27:46 et Marc 15:34: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » En Luc 23:34: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font». Au verset 43: «Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis». Au v. 46: «Père! entre tes mains je remets mon esprit». En Jean 19:27: «Femme, voilà ton fils» et au disciple: «Voilà ta mère»; au verset 29: «J’ai soif», et au verset 30: «C’est accompli».

 

Dernier outrage à Jésus

(v. 31-37) — «Les Juifs donc, afin que les corps ne demeurassent pas sur la croix en un jour de sabbat, puisque c’était la Préparation (car le jour de ce sabbat-là était grand), firent à Pilate la demande qu’on leur rompît les jambes, et qu’on les ôtât» (v. 31). Les Juifs continuent leurs pratiques rituelles, pur formalisme, car leur religion aurait dû les conduire à accepter Jésus; mais, puisqu’ils l’avaient rejeté, elle perdait toute valeur. Ils agissent comme si tout allait bien pour eux devant Dieu après qu’ils ont crucifié son Fils. La religion, séparée de celui qui en est la source et l’objet, endurcit le cœur et se pratique sans conscience. Un si grand jour de sabbat ne devait pas voir les suppliciés sur leur croix. Pour satisfaire à ce scrupule, il fallait hâter leur mort. Mais pour les Juifs, la mort du Fils de Dieu ne nuisait pas à la solennité de leur fête. Ce sabbat était grand, parce qu’il avait lieu cette année-là, le lendemain du jour où l’on sacrifiait l’agneau pascal; il était le premier jour de la semaine des pains sans levain. L’expression «la Pâque» au v. 14 et au v. 28 du chapitre précédent comprend la fête tout entière des pains sans levain (voir Luc 22:1, où la fête des pains sans levain est appelée «la Pâque»; de même Luc 2:41-43). Au moment où Jésus était sur la croix, le sacrifice de la Pâque avait eu lieu, le soir du vendredi juif, qui commençait à six heures de notre jeudi (voir Exode 12:6 et Lévitique 23:5; Deut. 16:6). Le Seigneur fut mis en croix le vendredi, antitype de la Pâque; il passa le sabbat tout entier dans le sépulcre. Ce jour-là était grand en effet et il ressuscita le premier jour de la semaine, premier dimanche. Ce grand sabbat était le dernier. Jusqu’à la conversion du résidu futur tous les sabbats qui se célèbrent n’ont aucune valeur pour Dieu.

Pilate ayant obtempéré au désir des Juifs, les soldats vinrent rompre les jambes des crucifiés pour hâter leur mort. «Mais étant venus à Jésus, comme ils virent qu’il était déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; mais l’un des soldats lui perça le côté avec une lance; et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau» (v. 33, 34). Le coup de lance du soldat romain, dernier outrage dont Jésus fut l’objet, eut pour réponse que Jésus était bien mort, mais mort pour le salut des pécheurs. Mort dans laquelle l’homme en Adam et ses péchés ont pris fin. Le sang expie les péchés et l’eau purifie le pécheur. Nous lisons en 1 Jean 5:6 que Jésus le Christ est venu «non seulement dans la puissance de l’eau, mais dans la puissance de l’eau et du sang». L’eau est un symbole de la Parole de Dieu. Le Seigneur, dans son service, l’avait constamment fait valoir; mais, pour le salut du pécheur, il fallait non seulement la purification par l’eau, car Jésus dit aux disciples: «Vous, vous êtes déjà nets à cause de la parole que je vous ai dite», parce qu’ils croyaient; mais il fallait encore la mort, le sang, qui purifie de tout péché.

L’auteur de l’évangile, témoin de cette scène, donne son témoignage: «Et celui qui l’a vu rend témoignage; et son témoignage est véritable; et lui sait qu’il dit vrai, afin que vous aussi vous croyiez. Car ces choses sont arrivées afin que l’écriture fût accomplie: «Pas un de ses os ne sera cassé» (Exode 12:46; Ps. 34:21). Et encore une autre écriture dit: «Ils regarderont vers celui qu’ils ont percé» (Zach. 12:10). Que ce soit par le moyen des Juifs, de Pilate ou des soldats, tout s’accomplit conformément aux Écritures.

Jean dit que son témoignage est vrai; c’est pour la foi: «afin que vous croyiez». Celui qui croit participe aux résultats parfaits de cette mort; il possède la vie éternelle qui ne se trouve qu’en croyant en un Sauveur mort. C’est l’enseignement du chapitre 6:51 et suivants. Jésus dit: «Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes» (v. 53). Le sang séparé de la chair, c’est la mort. Manger la chair et boire le sang, c’est se nourrir par la foi d’un Christ mort; c’est s’approprier cette mort. En 1 Jean 5:6, déjà cité, on trouve un triple témoignage à cette grande vérité:

1° L’Esprit de Dieu venu à la suite de la glorification de Christ, Dieu ayant été parfaitement glorifié par la mort de son Fils; 2° l’eau qui purifie; 3° le sang qui expie le péché. Ces trois sont d’accord pour témoigner que la vie éternelle ne se trouve que dans le Fils de Dieu mort. Celui qui a le Fils a la vie.

 

Jésus est avec le riche dans sa mort

(v. 38-42) — L’ensevelissement de Jésus doit encore être conforme aux Écritures. Le prophète Ésaïe avait dit: «On lui donna son sépulcre avec les méchants; mais il a été avec le riche dans sa mort» (chap. 53:9). Jésus, placé au rang des malfaiteurs, aurait dû comme eux, se voir refuser la sépulture. Dieu ne le permettait pas. Deux disciples de Jésus, demeurés dans le secret, ne peuvent rester muets au milieu du peuple en présence du dénouement final de la haine dont Jésus fut l’objet tout le long de son séjour au milieu des hommes. «Après ces choses, Joseph d’Arimathée, qui était disciple de Jésus, en secret toutefois par crainte des Juifs, fit à Pilate la demande d’ôter le corps de Jésus; et Pilate le permit. Il vint donc et ôta le corps de Jésus. Et Nicodème aussi, celui qui au commencement était allé de nuit à Jésus, vint, apportant une mixtion de myrrhe et d’aloès, d’environ cent livres. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l’enveloppèrent de linges, avec les aromates, comme les Juifs ont coutume d’ensevelir» (v. 38-40). Dieu se choisit les instruments pour accomplir sa volonté et les fait entrer en scène au moment voulu. Il se sert des circonstances naturelles pour faire ce qui lui plaît. Joseph d’Arimathée, conseiller honorable, dit Marc, mais qui ne s’était pas joint aux décisions du sanhédrin (Luc 23:51), était l’instrument préparé pour intervenir auprès de Pilate, chose qu’un pauvre Galiléen n’aurait osé faire. Il fallait aussi qu’il fût riche (Matt. 27:57-60) pour avoir un sépulcre neuf à proximité de Golgotha, afin que Jésus fût avec le riche dans sa mort. Dieu se sert des personnes et des circonstances en faveur des siens, lorsque ceux-ci se sont remis entièrement à ses soins et accomplissent sa volonté. Mais lorsque nous voulons arranger les choses nous-mêmes, sans dépendre entièrement de Dieu, rien ne réussit, car, si notre volonté agit, nous nous trouvons en conflit avec Dieu, et au lieu de l’avoir pour nous, nous l’avons contre nous. On est heureux de voir Nicodème sortir de son silence et témoigner de son respect pour Jésus mort, alors qu’il n’avait rien fait durant sa vie, sinon de venir à lui de nuit. L’un et l’autre de ces disciples secrets étaient préparés pour une œuvre digne de celui qui en était l’objet.

«Or il y avait, au lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf, dans lequel personne n’avait jamais été mis. Ils mirent donc Jésus là, à cause de la Préparation des Juifs, parce que le sépulcre était proche» (v. 41, 42). Tout était préparé pour une sépulture honorable; Dieu veillait sur la sainteté du corps mort de son Fils bien-aimé. Si son saint ne devait pas voir la corruption, selon le Psaume 16:10, il ne devait pas non plus être en contact avec un lieu souillé par un cadavre (Nomb. 19:16). Un sépulcre neuf, dans lequel on n’avait jamais déposé personne, avait été taillé dans le roc tout exprès, Dieu se servant pour cela de Joseph d’Arimathée. On dépose en hâte et honorablement ce corps saint, quoique mort, dans le sépulcre, vu l’approche du grand jour de sabbat, en attendant non pas son embaumement, mais sa résurrection.