Jean

Chapitre 4

Sur le chemin de Samarie

(v. 1-9). — Avec ce chapitre commence proprement le ministère public du Seigneur. Les trois premiers chapitres ont présenté le tableau symbolique dont nous avons parlé.

Jésus quitte la Judée et retourne en Galilée où il se trouvait déjà lors des noces de Cana. Le ministère de Jean arrive à son terme, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, Jésus va exercer le sien au milieu des méprisés de la Galilée, comme il le fait en Matthieu 4:12, mais avec une différence qui tient au caractère de notre évangile: au lieu de ne s’occuper que d’Israël, comme en Matthieu, il s’adresse à chacun, puisqu’il se considère comme rejeté par son peuple (Chap. 1:11).

Pour aller de Judée en Galilée, il devait traverser la Samarie. Il le fallait, est-il dit au verset 4, non seulement parce qu’il était impossible de passer ailleurs, à moins de faire un grand détour, mais parce que c’était le chemin que l’amour de Dieu frayait au Seigneur pour arriver à de pauvres pécheurs perdus, sans aucun droit aux privilèges d’Israël qui ne leur appartenaient pas, mais objets de la grâce. Le Seigneur parle d’eux au chapitre 1:12: «Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom». Il n’est plus question seulement des brebis perdues de la maison d’Israël, mais de tout pécheur qui reçoit Jésus en croyant en son nom. C’est la grâce dans toute sa beauté, telle que cet évangile la présente, s’épanchant comme un large fleuve dans le monde entier, à la portée de tous les hommes et pour tous. Ce fleuve de vie répand encore ses eaux vivifiantes auxquelles chacun est invité à boire, invitation pressante, répétée par l’auteur de notre évangile avant de clôturer le canon des Écritures: «Que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie» (Apoc. 22:17). Cet appel s’adresse à chacun, avant que le cours de ce fleuve ne s’arrête, ce qui aura lieu après la venue du Seigneur.

La route que Jésus suivait l’amena aux abords de la ville de Sichar, ou Sichem, située dans la tribu d’Éphraïm, près du mont Garizim et de la terre que Jacob donna à Joseph (voir Genèse 33:19 et 48:22). Là se trouvait un puits, appelé ici «une fontaine de Jacob», véritable fontaine de l’eau de la vie dans la personne de Jésus.

C’était la sixième heure -midi selon notre manière de compter le temps. «Jésus, étant lassé du chemin, se tenait là, assis sur la fontaine». Il se trouvait seul, ses disciples étant allés à la ville acheter des vivres. Une Samaritaine vint puiser de l’eau. «Jésus lui dit: Donne-moi à boire» (v. 7). La femme s’étonna de ce que Jésus, qu’elle reconnaissait pour un Juif, lui demandât à boire, car les Juifs n’entretenaient aucune relation avec les Samaritains1. La femme ne se doutait pas que Jésus fût là non sur le pied de relations humaines, mais pour la mettre en relation avec Dieu le Père.

1 Les Samaritains descendaient des peuples que Salmanéser, roi d’Assyrie, avait amenés à Samarie à la place des Israélites transportés en Assyrie (2 Rois 17:24). Ces peuples pratiquaient là les abominations de leur paganisme et l’Éternel avait déchaîné contre eux des lions. Comprenant que c’était un jugement de Dieu le roi leur envoya des sacrificateurs, d’entre ceux qu’il avait transportés, pour leur apprendre à servir le Dieu du pays. Mais tout en craignant l’Éternel, ils continuèrent de servir leurs dieux, ce qui constitua un culte mélangé (2 Rois 17:25-41). On les voit en Esdras 4:1-5, offrir aux Juifs, revenus de la captivité, de reconstruire le temple de Jérusalem avec eux. Ils furent très irrités de ce qu’Esdras refusa leur concours. On pense que ce refus engendra la haine violente qui régnait entre eux et les Juifs. Voyant que ceux-ci ne leur accordaient aucun droit au temple de Jérusalem, ils en construisirent un, plus tard, sur le mont Garizim auquel la Samaritaine fait allusion au v. 20. Ils choisirent probablement cette montagne parce que c’est sur elle que la bénédiction devait être prononcée sur le peuple, en opposition avec la montagne d’Ebal (voir Deutéronome 11:29 et 27:11-13). Au temps du Seigneur le temple n’existait plus; la Samaritaine dit: «Nos pères ont adoré sur cette montagne...». Ils avaient abandonné leur idolâtrie et prétendaient avoir droit aux promesses. Ils attendaient le Messie, mais ne gardaient des Écritures que le Pentateuque. Leur origine, leurs prétentions à participer aux bénédictions que le Messie apporterait, exaspéraient les Juifs qui leur vouaient une haine plus grande qu’aux autres peuples.

 

La fontaine d’eau vive

(v. 10-18). — Jésus répondit à la Samaritaine: «Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire, toi, tu lui eusses demandé, et il t’eût donné de l’eau vive» (v. 10). Quels trésors dans la réponse de Jésus à cette femme! C’est un résumé de la grâce parfaite et de la manière dont elle est venue à l’homme. Jésus l’énonce en deux parties dont chacune est merveilleuse, insondable, comme tout ce qui est divin. Elles forment le sujet présent et éternel d’adoration et de louanges. C’est premièrement: «le don de Dieu». Ce terme indique le changement survenu dans la manière dont Dieu agit envers les hommes. Jusqu’alors, Dieu avait réclamé de l’homme pécheur une vie qui répondît à ses exigences, formulées par la loi. Personne ne put offrir à Dieu ce qu’il demandait. Puis cette loi ne s’adressait qu’aux Juifs qui, en la violant, se sont placés sur le même pied que tout homme devant Dieu, tandis que Jésus avait à faire à une pécheresse samaritaine. Ainsi les Juifs, comme les Samaritains et tout homme, pécheurs perdus, sans ressources quant à eux-mêmes, demeuraient infailliblement sous la condamnation éternelle, si Dieu continuait à exiger qu’ils le satisfassent. Alors Dieu, qui est amour et lumière, intervient en faveur d’une race perdue et coupable, se fait connaître comme le Dieu qui donne et non plus qui demande. Il donne le Saint Esprit, la grâce, la vie; il ne tient compte de ce qu’est le pécheur que pour lui donner, le sauver, le rendre parfaitement heureux, dès maintenant et pour l’éternité. Il l’introduit, par la puissance de l’Esprit, dans la jouissance de tout ce qui provient de son amour: paix, bonheur, joie, espérance glorieuse.

Mais, pour apporter ces bénédictions cachées, de toute éternité, dans le cœur de Dieu, il fallait un moyen que le Seigneur indique dans la seconde partie de sa réponse à la femme: «Qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire». C’était lui-même, un homme lassé par la marche, sous l’ardeur du soleil, assis sur le bord d’un puits, ayant soif, attendant des vivres que ses disciples étaient allés acheter. Cet homme était «Dieu manifesté en chair», le créateur de la terre sur laquelle il était descendu; du soleil aux rayons brûlants duquel il était exposé; de l’eau qu’il demandait à la femme; de cette femme même... celui devant lequel tout homme doit comparaître un jour, le juge des vivants et des morts, venu dans l’humilité la plus profonde pour être accessible à tous, expression de l’amour divin. Cet amour, refoulé par les Juifs, venait se déverser librement dans le cœur d’une pauvre pécheresse, trouvée à cette heure du jour, parce qu’elle évitait le contact des gens de sa connaissance à cause de sa conduite; en effet, dans les pays méridionaux, on vient chercher l’eau à la fraîcheur et non à midi. Mais Dieu se servit de la honte qu’elle éprouvait pour la mettre en contact avec lui-même, révélé en Christ comme le Dieu qui donne. Elle était loin de savoir en présence de qui elle se trouvait. Il fallait l’œuvre patiente de Jésus pour faire pénétrer la lumière et l’amour dans ce cœur ténébreux, incapable de comprendre autre chose que ce qui se rapportait à sa vie matérielle. Elle ne pensait qu’à l’eau qu’elle venait chercher, et dit à Jésus: «Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond; d’où as-tu donc cette eau vive? » (v. 11).

Elle se rend déjà compte que, pour faire une offre semblable, il faut être un personnage distingué. Aussi elle ajoute: «Es-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné le puits; et lui-même en a bu, et ses fils, et son bétail? » (v. 12). Elle ignore qui lui parle et de quoi il lui parle.

Jésus continue la conversation pour attirer à lui ce cœur auquel il apportait le vrai bonheur, en lui faisant comprendre qu’il ne lui offrait pas une eau semblable à celle du puits. Celle-ci représente les choses du monde dont l’homme a soif, mais qui ne désaltèrent pas; au lieu de satisfaire ses besoins, elles augmentent ses désirs, qu’il s’agisse de l’argent, de la gloire, des plaisirs, et hélas! des passions sous quelque forme que ce soit. C’est pourquoi Jésus dit: «Quiconque boit de cette eau-ci aura de nouveau soif; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi, n’aura plus soif à jamais; mais l’eau que je lui donnerai, sera en lui une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle» (v. 13, 14). Merveilleuse différence entre l’eau que le Seigneur donne et celle que le cœur naturel recherche dans ce monde! Celui qui boit de l’eau vive n’a plus soif, c’est-à-dire n’a plus besoin de chercher ses jouissances dans les choses du monde; il les trouve dans les choses célestes, dans la connaissance du Père révélé dans le Fils; cette eau non seulement désaltère, mais elle devient une fontaine jaillissant en vie éternelle, au lieu d’un cœur altéré et jamais assouvi!

Sous l’humilité profonde dans laquelle Jésus se présente à cette femme, nous voyons apparaître sa divinité. Il lui avait dit: «Si tu connaissais le don de Dieu» et maintenant il lui dit: «l’eau que je lui donnerai»; il peut lui donner, car il est Dieu tout en étant le plus abaissé des hommes. La femme comprend que Jésus ne lui offre pas de l’eau du puits; elle lui dit: «Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie pas soif et que je ne vienne pas ici pour puiser» (v. 15). Elle veut simplement s’éviter de la peine; elle ne peut comprendre de quelle eau il s’agit: «car l’homme animal ne reçoit pas les choses de Dieu».

Jusqu’ici le Seigneur a cherché à gagner sa confiance; elle a trouvé en lui de la bienveillance, de la bonté; il ne la traite pas comme un Juif l’aurait fait. Son cœur est attiré par une puissance qu’elle ignore, celle de la grâce, répandue sur les lèvres de l’homme divin (Psaume 45:3). «La grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ». La grâce commence par ouvrir le chemin à la vérité qui met au jour le triste état de l’homme. Sans elle, il fuirait la présence de Dieu.

Jésus ne parle plus à la femme de l’eau qu’il lui offre; il va faire le nécessaire pour qu’elle puisse la recevoir. Tout est son œuvre; c’est ce qui caractérise l’activité du Seigneur dans cet évangile, l’homme étant considéré dans l’absolue incapacité de son état naturel. Jésus va placer cette femme en présence de la lumière divine; il l’y amènera par la conscience, faculté de distinguer le bien et le mal1, que l’homme obtint par le péché. Pour que la conscience soit utile, elle doit être éclairée par la Parole de Dieu; sans cela, elle peut s’endurcir au point de ne produire aucun effet. Sous l’action de la lumière divine, le pécheur voit sa culpabilité, sa perdition, et il peut accepter la grâce. Pour produire cet effet chez la femme, Jésus lui dit: «Va, appelle ton mari, et viens ici. La femme répondit et dit: Je n’ai pas de mari. Jésus lui dit: Tu as bien dit: Je n’ai pas de mari; car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari; en cela tu as dit vrai» (v. 16-18). Par sa réponse, Jésus place la femme dans la pleine lumière de Dieu. Elle se trouve devant celui aux yeux duquel «toutes choses sont nues et découvertes» (Héb. 4:13). Aussi répond-elle: «Seigneur, je vois que tu es un prophète» (v. 19). Elle comprend qu’il lui parle d’autorité divine, comme les prophètes. Mais ceux-ci parlaient de la part de Dieu, tandis que Jésus était Dieu. La Parole fait ressortir cette différence dans les premiers versets de l’épître aux Hébreux: «Dieu ayant autrefois... parlé aux pères par les prophètes, à la fin de ces jours-là, nous a parlé dans le Fils», c’est-à-dire, non par lui, mais Dieu était en Lui. La parole de Jésus atteignait la conscience de la Samaritaine et l’œuvre de Dieu s’accomplissait en elle comme on le voit aux versets 28, 29, lorsqu’elle va dire aux hommes de la ville: «Venez, voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait». Jésus ne lui avait évidemment pas révélé tous ses actes, mais elle avait senti qu’il les connaissait tous et, dans cette lumière, avait compris son entière culpabilité. Il ne faut pas beaucoup de temps pour cela. En quelques mots, le brigand sur la croix se condamna entièrement. Sur le chemin de Damas, Saul de Tarse, un homme sans reproche quant à la loi, se vit, en un instant, le plus grand des pécheurs et fut sauvé. Mais, par la grâce de Dieu, c’est dans cette lumière que l’on obtient le pardon de tout ce qu’elle découvre.

1 Satan dit à Ève: «Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal». Dans l’état où Dieu avait placé l’homme il n’y avait ni bien ni mal à connaître. L’innocence est l’état dans lequel on n’a pas conscience du bien et du mal.

 

Le lieu où il faut adorer

(v. 19-30). — Comprenant qu’elle se trouve en présence de quelqu’un qui lui parle de la part de Dieu, la femme cherche à se renseigner quant au lieu où l’on doit adorer. «Nos pères ont adoré sur cette montagne-ci, dit-elle en désignant le mont Garizim, «et vous, vous dites qu’à Jérusalem est le lieu où il faut adorer» (v. 20). Malgré sa triste vie, elle éprouve des besoins religieux; elle veut en savoir davantage. Grâce à Dieu, elle avait devant elle celui qu’elle désirait adorer, révélation de Dieu comme Père, qui, par lui, cherchait des adorateurs. Jésus lui répondit: «Femme, crois-moi: l’heure vient que vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous, vous adorez, vous ne savez quoi; nous, nous savons ce que nous adorons; car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car aussi le Père en cherche de tels qui l’adorent. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité» (v. 21-23). La question de la Samaritaine fournit à Jésus l’occasion de révéler la vérité à l’égard du culte que Dieu désirait. Il n’était pas descendu du ciel pour ramener le peuple égaré au culte de l’Éternel, comme les prophètes avaient cherché à le faire; Jérusalem et le temple, qui appartenaient au système légal, sont mis de côté comme lieu d’adoration. Dieu, le Père, se faisait connaître à tous indistinctement.

Les Samaritains, avec leur religion de tradition, ne savaient pas ce qu’ils adoraient; ce n’était ni Dieu, ni proprement des idoles. Les Juifs, au contraire, le savaient; ils adoraient le vrai Dieu en contraste avec les idoles du paganisme. Mais ni les uns ni les autres ne connaissaient Dieu comme Père. Dieu est esprit; c’est sa nature, il n’a aucune forme. Il est recommandé aux Juifs de ne se faire aucune image qui le représentât (Deut. 4:12, 15, 16, 23). Dans le temple, Dieu restait caché derrière le voile, et l’homme ne pouvait s’approcher de lui; mais en son Fils, Dieu est révélé comme Père, et comme tel il veut être connu et adoré; en esprit, selon sa nature, et en vérité, tel qu’il a été révélé dans son Fils, l’expression de tout ce qu’est Dieu: amour et lumière. Cela exclut toutes les formes extérieures d’un culte quelconque. Pour adorer, il faut être en relation de vie avec Dieu comme Père. Comment peut-on y arriver? Le Père cherche de vrais adorateurs; le besoin de son cœur le fait agir. Il veut être connu dans son amour infini; par cette connaissance, il forme les adorateurs. C’est dans la personne de son Fils qu’il les cherche et les rend capables d’adorer d’une manière qui réponde à sa nature et dans la jouissance d’une relation établie avec lui selon toute la vérité de ce qu’il est. Il fallait pour cela que la Samaritaine reçût Jésus; qu’elle bût l’eau vive qu’il lui offrait, qu’elle crût à ce qu’il disait. «Crois-moi», lui dit-il, «l’heure vient que vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem». Quelle révélation précieuse pour cette pauvre femme! Il ne l’exclut pas de ce culte, ni aucun Samaritain, comme on les privait du culte juif à Jérusalem; il lui dit: «Vous adorerez le Père». Dès le moment que «l’heure» de la grâce est introduite, chacun peut participer à ce privilège, sauf ceux qui se le refusent à eux-mêmes en ne croyant pas.

La Samaritaine ne comprend pas ce que Jésus lui disait. Cependant, disposée à croire aux enseignements du Messie, elle dit: «Je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, vient; quand celui-là sera venu, il nous fera connaître toutes choses» (v. 25). Aussi Jésus peut lui dire: «Je le suis, moi qui te parle». Il ne lui en fallait pas davantage. Son cœur est inondé de lumière. Quel précieux moment pour le Sauveur! Repoussé à Jérusalem par les Juifs, il peut faire couler dans ce cœur desséché les eaux vivifiantes de la grâce. Il trouve en cette femme, qu’il a rendue consciente de son état de péché, et qui se laisse gagner à lui par ses paroles, une âme à laquelle il peut révéler qu’il est le Christ, alors qu’il doit défendre à ses disciples de le dire aux Juifs «à cause de leur incrédulité» (voir Marc 8:29, 30). «Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu» (1 Jean 5:1).

Par la foi, la femme, comme tout à l’heure les Samaritains, recevait de Jésus plus que la connaissance du Messie, avec lequel, du reste, ils n’avaient rien à faire comme Samaritains; il leur donnait l’eau de la fontaine jaillissant en vie éternelle; ils devenaient adorateurs du Père.

Les disciples arrivent et s’étonnent de trouver leur Maître parlant avec une femme. «Toutefois, nul ne dit: Que lui demandes-tu? ou, de quoi parles-tu avec elle? » (v. 27). Ils ne peuvent entrer dans l’œuvre que le Seigneur accomplissait; les pensées de grâce du Père, révélé dans le Fils à l’intention de tous, leur restaient inconnues. Ils n’avaient, à l’égard de Jésus, que les pensées des Juifs qui excluaient tout autre qu’eux-mêmes des avantages de sa venue.

La femme laissa sa cruche et s’en alla à la ville dire aux hommes: «Venez, voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait; celui-ci n’est-il point le Christ? » (v. 28, 29). Nous avons là une preuve de l’œuvre de Dieu dans la Samaritaine. Tout à l’heure, elle évitait de rencontrer ses semblables à cause de sa mauvaise conduite; maintenant elle va leur dire qu’elle a trouvé un homme qui lui a révélé tous ses actes. Elle s’était trouvée dans la lumière de Dieu, où elle avait vu bien plus de péchés que les hommes de Sichar n’en connaissaient sur son compte, car ce que nos semblables savent de nos fautes ne saurait se comparer avec ce que Dieu nous fait voir dans sa propre lumière. Si la Samaritaine pouvait parler de tout ce qu’elle avait fait, c’est parce que, dans la lumière, elle vit la grâce qui lui avait pardonné. Durant le temps de la grâce, la lumière et l’amour, la grâce et la vérité, sont inséparables en faveur de tout pécheur. Au jour du jugement, devant le grand trône blanc, la même lumière resplendira dans tout son éclat et manifestera l’affreux état de ceux qui y comparaîtront, mais sans la grâce qu’ils auront refusée au temps où Dieu invitait les pécheurs à venir à lui pour recevoir le pardon de leurs péchés.

Ce temps-là, cette «heure», dont le Seigneur parle en disant: «Elle est maintenant» (voir aussi chap. 5:25), s’écoule rapidement; c’est l’heure de la grâce dans laquelle nous sommes encore; que celui qui n’en a pas encore profité, se hâte de recevoir le pardon et la paix, pour devenir un adorateur du Père. Il en cherche toujours. Laissez-vous attirer par cette grâce, lecteur qui perdriez encore votre temps à poursuivre le bonheur dans un monde souillé et perdu!

À l’appel de la femme, les hommes de Sichar sortirent de la ville et vinrent vers Jésus.

 

La moisson

(v. 31-38). — Les disciples priaient Jésus de manger. Si la femme ne connaissait d’eau à boire que celle du puits de Jacob, les disciples ne connaissaient de nourriture que celle que l’on pouvait se procurer à Sichar. Ils ne comprenaient pas de quel aliment leur Maître venait de se rassasier. Ils ne le connaissaient pas encore. Ils pensaient que quelqu’un lui avait apporté à manger. En effet, son âme avait été rassasiée d’un repas que lui refusaient les Juifs dans leur incrédulité; il l’avait trouvé en faisant connaître la grâce, le «don de Dieu, à une pauvre pécheresse qui l’avait écouté et avait cru en lui. Jésus leur dit: «Ma viande est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre» (v. 34). Le Père l’avait envoyé accomplir son œuvre d’amour en sauvant les pécheurs. Il était un avec le Père dans cet amour infini. Son cœur était satisfait en satisfaisant le cœur de son Père. C’était, dans le Fils, l’amour obéissant à l’amour du Père. Il pouvait dire: «C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir» (Psaume 40:9). Pourrions-nous avoir un Sauveur plus merveilleux! Il trouve ses délices à révéler l’amour qui sauve, qui pardonne, qui amène le pécheur à Dieu comme un enfant bien-aimé, comme un adorateur du Père, et, lorsqu’un pécheur se laisse atteindre par cet amour, au ciel Dieu se réjouit, comme nous l’avons vu au chapitre 15 de Luc.

Le Seigneur veut faire comprendre à ses disciples en quoi consiste le travail qui lui procure une nourriture pareille et auquel il aimerait les associer. Il leur dit «Ne dites-vous pas, vous: Il y a encore quatre mois, et la moisson vient? Voici, je vous dis: Levez vos yeux et regardez les campagnes; car elle sont déjà blanches pour la moisson» (v. 35). Le temps que Jésus passait ici-bas marquait le terme de l’économie de la loi, durant laquelle les prophètes avaient annoncé la venue du Christ pour apporter la bénédiction à son peuple; en effet, sur le pied de l’obéissance à la loi, il n’avait pu en obtenir aucune. Leurs prophéties, celle de Jean le baptiseur, tout particulièrement, avaient porté leur fruit, puisque beaucoup attendaient le Messie au milieu de l’incrédulité des Juifs orgueilleux. On constate même cette attente chez la Samaritaine et ses concitoyens. Il y avait, à ce moment-là, des besoins chez plusieurs, qui ne trouvaient aucune satisfaction dans l’état du peuple. Cette attente du Christ résultait des semailles des prophètes: «Les campagnes étaient blanches pour la moisson». Les disciples, qui servaient de moissonneurs, assemblaient du fruit en vie éternelle. Semeurs et moissonneurs se réjouiraient ensemble, puisqu’ils avaient travaillé en vue du même résultat. Jésus leur dit: «Je vous ai envoyés moissonner ce à quoi vous n’avez pas travaillé; d’autres ont travaillé, et vous, vous êtes entrés dans leur travail» (v. 38). Le principe est le même s’il s’agit d’une conversion; on a l’habitude de dire qu’un tel a été converti au moyen d’une telle personne ou en lisant un passage de la Bible ou un traité. Cette personne a moissonné où d’autres ont travaillé souvent longtemps, car le travail de Dieu dans une âme ne s’opère généralement pas en un jour; il y emploie souvent plusieurs ouvriers et appelle longtemps par des moyens différents. Mais la conversion ayant eu lieu, celui qui moissonne et ceux qui ont semé se réjouissent ensemble des résultats de leur coopération.

 

Les Samaritains

(v. 39-42). — «Or plusieurs des Samaritains de cette ville-là crurent en lui, à cause de la parole de la femme qui avait rendu témoignage: Il m’a dit tout ce que j’ai fait» (v. 39). La Samaritaine fournit un autre exemple des moyens que Dieu emploie pour la conversion des pécheurs. Elle possédait un bonheur qu’elle ne pouvait garder pour elle-même. Comment y était-elle arrivée? En se trouvant en présence d’un homme qui, sous l’effet de la grâce et de la vérité, lui avait dévoilé sa vie de péché. Cet homme-là devait être le Christ promis et attendu. Ce témoignage si simple et si vrai produisit, chez ceux qui l’entendirent, le même effet que chez elle; ils crurent à cause de sa parole. Chacun peut prêcher l’Évangile, sans être spécialement doué pour cela; il suffit d’avoir été converti et de raconter sa conversion. Les Samaritains vinrent à Jésus; tel est l’effet de toute prédication de l’Évangile. C’est à Jésus qu’il faut aller. Le vrai ministère de la Parole conduit à lui: les croyants, afin qu’ils se nourrissent de sa personne et les inconvertis pour qu’ils reçoivent la vie éternelle. «Venez à moi», dit Jésus à ceux qui sont fatigués et chargés. «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive» (chapitre 7:37). Ils prièrent Jésus de «demeurer avec eux; et il demeura là deux jours. Et beaucoup plus de gens crurent à cause de sa parole; et ils disaient à la femme: Ce n’est plus à cause de ton dire que nous croyons; car nous-mêmes nous l’avons entendu, et nous connaissons que celui-ci est véritablement le Sauveur du monde» (v. 41, 42). Mis en contact avec la source du bonheur de la Samaritaine, ce que ces gens trouvèrent en Jésus confirmait les paroles de la femme avec une puissance vivifiante; leur foi ainsi fortifiée dépassait ce qu’elle avait saisi de Jésus. La Samaritaine dit: «Celui-ci n’est-il point le Christ? » Eux disent: «Nous croyons... et nous connaissons que celui-ci est véritablement le Sauveur du monde». Ils avaient besoin d’un Sauveur et non d’un Messie auquel, en réalité, ils n’avaient aucun droit. Ce Sauveur, ils l’ont trouvé. Jésus avait bien dit à la femme: «Le salut vient des Juifs», il était pour tous, pour le monde entier, ainsi que Jean le dit souvent. Il est «l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (chapitre 1:29). Il est venu afin que «le monde fût sauvé par lui» (chapitre 3:17). Il est le pain qui «donne la vie au monde» (chapitre 6:33). Il donne sa chair «pour la vie du monde» (v. 51). Il est «la lumière du monde» (8:12), etc. Ces expressions indiquent la pensée de Dieu en donnant son Fils; mais pour obtenir les résultats de la venue de Jésus, il faut la foi, toujours individuelle. Le salut appartient à quiconque croit. Mais Dieu a fait le nécessaire pour que tous ceux qui composent le monde soient sauvés, moyennant la foi.

 

Les Galiléens

(v. 43-45). — Après les deux jours passés avec les Samaritains, Jésus poursuivit sa route vers la Galilée (v. 43), en ayant la conscience qu’il n’y serait pas honoré comme à Sichar. Il témoignait «qu’un prophète n’est pas honoré dans son propre pays». Quoiqu’il ne travaillât pas dans ce but, mais pour accomplir la volonté de son Père, il n’était pas insensible au mépris que lui témoignait son entourage et il cherchait toujours à faire du bien. Son cœur humain éprouvait, avec une sensibilité parfaite et une pleine connaissance, tout ce qui était propre à l’attrister comme à le réjouir; mais il ne se laissait jamais gouverner par ses sentiments, tout parfaits qu’ils fussent. Accomplir la volonté de Dieu son Père en faisant connaître sa grâce à des pécheurs, tel était le mobile de toute sa vie. Nous pouvons dire en passant qu’on n’honorait pas Jésus en lui faisant des compliments, ni par de brillantes réceptions, comme pour un homme, mais en recevant sa parole comme le firent les Samaritains. Rien n’honore mieux le Seigneur que de croire et d’obéir.

Quand il fut arrivé en Galilée, les Galiléens le reçurent, «ayant vu toutes les choses qu’il avait faites à Jérusalem pendant la fête; car eux aussi allaient à la fête» (v. 45). On remarque bien vite une différence entre les Galiléens et les Samaritains: les premiers le reçurent parce qu’ils avaient vu des miracles; les seconds, à cause de sa parole. Les miracles peuvent produire une conviction momentanée, vite dissipée sous l’effet des circonstances, tandis que la foi en la Parole de Dieu donne la vie éternelle. Les Samaritains se montraient supérieurs à ceux qui avaient eu le Seigneur au milieu d’eux et avaient participé aux privilèges du peuple d’Israël; car les Galiléens montaient aussi à la fête. Le Seigneur fait allusion à la fête de Pâque, mentionnée à la fin du chapitre 2, où plusieurs crurent en son nom, quand ils contemplèrent les miracles qu’il faisait; mais il ne se fiait pas à eux.

C’est la foi qui sauve; mais la foi à la Parole de Dieu. «La foi est de ce qu’on entend, et ce qu’on entend par la parole de Dieu» (Rom. 10:17). S’il fallait des miracles pour croire, qui serait sauvé aujourd’hui? Dieu en ferait toujours s’ils étaient nécessaires. Grâces à Dieu, la Parole suffit. Rappelé au cœur d’un mourant, à un homme isolé, dans la détresse, loin de toute intervention humaine, un passage peut effectuer en lui l’œuvre de Dieu.

Jésus accomplissait ici-bas des miracles, afin de prouver à son peuple qu’il était le Messie. C’est ce qu’il fait dire à Jean le baptiseur, au moment où il y avait chez lui quelque doute à ce sujet (voir Matthieu 11:5, 6). Les apôtres et d’autres disciples firent aussi des miracles depuis l’ascension du Seigneur, comme signes aux incrédules, en leur montrant la puissance de Dieu par laquelle le christianisme s’établissait dans le monde. Aujourd’hui le Messie n’est plus présenté à son peuple; le christianisme est établi; les miracles ne sont donc plus nécessaires. Mais il y a des âmes à sauver au milieu de la chrétienté; elles peuvent l’être par la foi à la Parole de Dieu, car la Parole n’a subi aucune altération depuis qu’elle a converti les premiers chrétiens; elle demeure dans toute sa puissance pour accomplir l’œuvre du salut en quiconque croit. Les seuls miracles auxquels la chrétienté peut prétendre aujourd’hui sont «les miracles et signes et prodiges de mensonge» dont parle Paul en 2 Thessaloniciens 2:9. Un des signes de la fin de l’économie actuelle, très apparent de nos jours, est le besoin de voir des miracles et d’en faire, à mesure que l’on met de côté la Parole de Dieu. On ne se rend pas compte que c’est une ruse de l’Ennemi pour détourner les hommes de la foi et les perdre; il les attire à lui sans qu’ils s’en rendent compte, et le plus souvent avec un langage emprunté aux Écritures; il les place ainsi subtilement dans l’erreur, afin qu’ils croient au mensonge, jusqu’au moment où, comme jugement, Dieu enverra «une énergie d’erreur pour qu’ils croient au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés qui n’ont pas cru la vérité» (2 Thess. 2:11, 12). Il s’agit de ceux qui seront laissés sur la terre lorsque le Seigneur viendra enlever ceux qui croient.

Il faut donc prendre garde à cette œuvre de séduction, car elle se présente souvent avec l’apparence de la vérité tout en faisant partie du «mystère d’iniquité» qui opère déjà maintenant. On ne doit pas se laisser détourner du seul moyen de salut donné de Dieu pour tous les temps: la foi en la Parole de Dieu.

 

Guérison du fils d’un seigneur de la cour

(v. 46-54). — Nous nous retrouvons à Cana où Jésus avait changé l’eau en vin. Le fils d’un seigneur de la cour était malade; son père pria Jésus de descendre pour le guérir. Jésus répondit: «Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croirez point» (v. 48). Cette réponse ne s’adresse pas personnellement au père, mais au peuple que ce père représente, qui ne croit que s’il voit des miracles, comme les Galiléens en contraste avec les Samaritains qui croyaient la parole de Jésus. Le seigneur de la cour insiste pour que Jésus descende avant que son enfant ne meure. Jésus lui dit: «Va, ton fils vit» (v. 49). «Et l’homme crut la parole que Jésus lui avait dite, et s’en alla» (v. 50). Il profite de la présence et de la puissance du Seigneur sur le même pied que les Samaritains. Il crut. Cette foi est fortifiée ensuite, quand il entend les serviteurs, venus à sa rencontre, lui dire que son fils vivait. Il apprend que la fièvre l’avait quitté à la septième heure, au moment même où Jésus lui disait: «Va, ton fils vit». Après cette merveilleuse constatation, «il crut, lui et toute sa maison» (v. 53). Les miracles fortifient la foi; la Parole de Dieu la produit.

«Jésus fit encore ce second miracle, quand il fut venu de Judée en Galilée» (v. 54). L’eau changée en vin dans le premier miracle, symbolisait la joie que le Seigneur apportera par l’établissement du royaume en gloire, le nouvel Israël ayant été purifié par les eaux de l’affliction qu’il aura traversées. Le «second miracle» est une figure de ce que Jésus accomplissait sur la terre. Ce fils malade représente l’état du peuple juif à ce moment-là. Il allait mourir, mais là où il y avait de la foi pour profiter de la présence du Seigneur, la vie était donnée. La masse du peuple n’en a pas profité; mais où la foi se trouvait, les effets de la grâce se produisaient. Il y a d’autres figures de l’état du peuple, par exemple, la fille de JaÏrus. Elle représente le peuple qui meurt pour avoir rejeté Jésus, qui va, non le guérir, mais le ressusciter moralement (Ézéchiel, chap. 37).

Le premier miracle avait eu pour effet que les disciples de Jésus crurent en lui, quand ils virent sa gloire. Par le second, d’autres croient en lui et vivent en contraste avec la nation qui allait périr parce qu’elle ne croyait pas.