Hébreux

Chapitre 5

L’écrivain sacré continue ici le grand sujet de la sacrificature de Christ, commencé dans le chapitre précédent. Il la compare à celle d’Aaron, mais fait ressortir le contraste entre la personne de Christ et celle d’Aaron, et montre la gloire de la sacrificature de Christ, sa supériorité infinie et sa perfection vis-à-vis de celle d’Aaron. Il existe toutefois des analogies que nous verrons en avançant dans l’étude du chapitre. Mais nous pouvons remarquer que, comme dans les chapitres précédents les prophètes, les anges, le premier homme, David, Moïse, Josué, disparaissent tour à tour devant la suprême dignité de Christ, ici, dans le chap. 5 et les suivants, Aaron et la sacrificature lévitique avec les sacrifices qui s’y rapportent, disparaissent aussi devant la sacrificature glorieuse et le sacrifice parfait de Christ, dont ils n’étaient que les ombres et les figures.

(v. 1). Aaron était pris d’entre les hommes, de même que tous ceux qui lui succédèrent dans cet office. Christ était bien réellement un homme, et devait l’être pour accomplir son œuvre et pour pouvoir sympathiser avec nous, mais il n’était pas pris d’entre les hommes pécheurs. Il était saint, innocent, sans souillure, séparé des pécheurs (chap. 7). On voit donc à la fois ici l’analogie et le contraste.

Tout sacrificateur est établi pour les hommes dans les choses qui concernent Dieu, c’est-à-dire les rapports des hommes avec Dieu, essentiellement au point de vue du pardon des péchés, du maintien de la jouissance et du rétablissement de la communion avec Dieu. C’est pour cela «qu’il offre des dons et des sacrifices pour les péchés», comme nous les voyons décrits dans le Lévitique. «Des dons», les diverses offrandes; «les sacrifices pour les péchés», les victimes. Mais ces dons et sacrifices étaient tous, comme on le voit plus loin, la figure de l’offrande et du sacrifice parfaits de Jésus Christ (voyez Éph. 5:2).

(v. 2). Le sacrificateur pris d’entre les hommes connaissant par expérience leurs infirmités, était par cela même capable d’y compatir. Christ, comme homme, a connu nos infirmités, et il peut sympathiser avec nous, comme nous l’avons vu. C’est l’analogie. Mais Aaron était, comme les autres, dans l’ignorance et l’erreur, c’est pourquoi il pouvait être indulgent envers ceux qui erraient. Il n’en est pas ainsi de Christ, saint, innocent, sans souillure, comme nous l’avons fait remarquer, homme parfait et Fils de Dieu. C’est le contraste.

(v. 3). Aussi, et c’est ce qui fait ressortir ce contraste, Aaron, de même que ses successeurs, était obligé d’offrir pour lui-même des sacrifices pour les péchés. Nous voyons, en effet, dans l’Exode et dans le Lévitique, que pour sa consécration, puis, au jour des expiations avant d’entrer dans le sanctuaire, il devait être sanctifié par l’offrande de victimes (Ex. 29; Lév. 9:16). Et au chap. 4 du Lévitique, est indiqué ce qu’il doit offrir, s’il a péché. Rien de tout cela ne saurait s’appliquer à Christ. Il s’est offert lui-même, mais c’est pour nous.

(v. 4). Un autre caractère du souverain sacrificateur était que «nul ne s’arroge cet honneur; mais seulement s’il est appelé de Dieu, ainsi que le fut aussi Aaron». Exode 28 nous rapporte l’appel de Dieu relativement à Aaron et ses fils: «Et toi», dit l’Éternel à Moïse, «fais approcher de toi Aaron, ton frère, et ses fils avec lui, du milieu des fils d’Israël, pour exercer la sacrificature devant moi». Et nous voyons aussi, par l’exemple de Coré et celui d’Ozias, le crime que commettaient ceux qui voulaient usurper cet honneur, et le châtiment qui en fut la conséquence (Nomb. 16; 2 Chron. 26:16-21). Le fait que le sacrificateur était établi de Dieu, garantissait au peuple l’acceptation de ses sacrifices.

(v. 5 et 6). Comme dans le cas d’Aaron, Christ non plus ne s’est point attribué à lui-même la gloire d’être souverain sacrificateur; il l’a reçue de Dieu. Et la déclaration divine contenue dans les deux versets de l’Ancien Testament qui sont cités, fait ressortir magnifiquement le contraste entre les deux sacrificatures, celle d’Aaron et celle de Christ, et nous fait voir dans celle-ci des traits qui n’appartiennent point à l’autre, et qui la rendent infiniment plus excellente: «Tu es mon Fils; moi je t’ai aujourd’hui engendré», citation du Ps. 2, nous dit la dignité glorieuse de Celui qui est établi souverain sacrificateur et qui a été glorifié par Dieu lui-même dans ce but (6:20). «Tu es sacrificateur pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédec», paroles tirées du Ps. 110, et qui nous montrent l’établissement formel de Christ dans cette charge par la bouche de Dieu même. Mais, en même temps, nous y voyons le contraste de sa sacrificature avec celle d’Aaron. C’est dans le ciel, quand il a été glorifié, qu’il est établi souverain sacrificateur, et non sur la terre, comme Aaron; ce n’est pas comme successeur de celui-ci, c’est selon un ordre nouveau, celui de Melchisédec — c’est une sacrificature royale, présentant d’ailleurs d’autres traits que l’auteur indique surtout au chap. 7; c’est une sacrificature perpétuelle — pour l’éternité — et non temporaire, comme celle d’Aaron.

(v. 7-10). Ces versets nous disent le chemin par lequel il a passé afin d’être «consommé», rendu propre à être l’auteur d’un salut éternel pour les siens, et souverain sacrificateur aussi pour eux dans le ciel.

C’est dans «les jours de sa chair», tandis qu’il était homme ici-bas, ayant participé au sang et à la chair, afin de pouvoir souffrir et donner sa vie pour nous. Il offrit alors «avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort». Il avait entrepris notre cause; il en devait subir les conséquences. Mais il ne pouvait pas ne point sentir toute l’horreur de la colère et du jugement de Dieu contre le péché, toute l’amertume de la coupe qui lui était présentée. Déjà en Jean 12:27, à la pensée de cette heure de la mort qu’il devait rencontrer, il s’écrie: «Maintenant mon âme est troublée; et que dirai-je? Père, délivre-moi de cette heure». Et en Gethsémané, quand le moment suprême est venu, nous entendons encore par trois fois sortir de ses lèvres ces ardentes prières, ces supplications offertes cependant dans une dépendance et une soumission parfaites: «Abba, Père, toutes choses te sont possibles; fais passer cette coupe loin de moi; toutefois non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi» (Marc 14:36). Comme ces paroles font bien sentir tout ce qu’il y avait de terrible pour lui, le Prince de la vie, à la pensée de rencontrer la mort, jugement de Dieu sur le péché; pour lui, l’homme parfait et juste, à être abandonné de Dieu! Et cette angoisse du combat nous est décrite par Luc: «Il priait plus instamment; et sa sueur devint comme des grumeaux de sang découlant sur la terre» (Luc 22:44). Il accepte la coupe dans l’obéissance; son âme est fortifiée, et il va au-devant de ses ennemis (Jean 18:4), mais dans ces trois heures de ténèbres et d’agonie sur la croix, quand il buvait la coupe, le cri douloureux s’échappe encore de sa bouche: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» Les scènes émouvantes de Gethsémané et de Golgotha sont le commentaire inspiré des paroles de l’épître, ou plutôt l’auteur de l’épître les a devant ses yeux.

Il offrait ses prières à Celui qui pouvait le délivrer de la mort: «Père, toutes choses te sont possibles», et il fut «exaucé». Ainsi que le Ps. 22 l’exprimait à l’avance, il s’écriait: «Sauve-moi de la gueule du lion», et bientôt il peut dire: «Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles». Par la résurrection — «ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père» — il a été délivré à cause de sa piété; Dieu a répondu à son cri et il a pu dire: «Tu n’abandonneras pas mon âme au shéol, tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption» (Ps. 16; Actes 2:27).

Il était Fils (v. 8); comme tel, commander lui appartenait, tandis que le serviteur est né pour obéir. L’obéissance était donc pour lui une chose nouvelle. Mais «quoiqu’il fût Fils» (allusion au Ps. 2), il a obéi. Mais cette obéissance, il l’a apprise «par les choses qu’il a souffertes». En entrant dans le monde, il dit: «Me voici, je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté», et il n’a jamais eu d’autre volonté que celle de Dieu; il a toujours marché dans une obéissance parfaite; mais c’était à travers des souffrances de chaque jour, un sacrifice constant de sa volonté, exprimé au moment de l’acte suprême d’obéissance par ces paroles: «Non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi». Il a su ainsi ce que c’était qu’obéir, depuis le moment où il s’est présenté pour accomplir la volonté de Dieu — puis à travers toute sa vie — jusqu’au moment où il l’a laissée sur la croix.

Et c’est ainsi qu’il a été consommé, consacré, amené à la perfection dans la place de gloire où il est, et rendu ainsi parfaitement propre à tout ce qu’il avait à accomplir; devenu premièrement «l’auteur du salut éternel» pour tous ceux qui lui obéissent, et secondement, «salué par Dieu souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec». Le «salut éternel» est ici en contraste avec les délivrances temporelles des Juifs; on est sauvé pour toujours, sans que rien puisse arriver qui nécessite un autre salut, de même que lui est assis à perpétuité à la droite de Dieu. Mais ce salut éternel appartient seulement à «ceux qui lui obéissent». Il est digne de remarque qu’il n’est pas dit: «ceux qui croient en lui». — C’est que, comme il a été parlé des souffrances et de l’obéissance de Christ qui l’ont amené à la gloire, l’Esprit Saint nous montre que ceux qui croient en lui ont à suivre la même voie. D’ailleurs, on ne peut obéir à Christ, se soumettre à lui pour le salut, si ce n’est en croyant en lui. Ensuite, consommé, arrivé dans la gloire, Sauveur pour l’éternité de ceux qui s’attachent à lui, Dieu le salue, le déclare souverain sacrificateur «pour l’éternité» aussi (chap. 6:20), selon l’ordre de Melchisédec, et là, dans le ciel, il accomplit pour ceux qui lui appartiennent tout ce qui se rapporte à cette sacrificature.

(v. 11-14). L’auteur de l’épître interrompt ici son développement du sujet de la sacrificature de Christ, et ouvre une parenthèse qui s’étend jusqu’à la fin du chap. 6. Elle renferme une répréhension sérieuse à l’adresse des croyants hébreux, à cause de leur manque de progrès dans l’intelligence spirituelle des choses qui se rapportent à la position glorieuse de Christ. En même temps, ils sont exhortés d’une manière pressante à saisir les promesses de Dieu et encouragés par la certitude qu’il les accomplira.

Les choses concernant Melchisédec, comme type de la sacrificature de Christ, étaient difficiles à expliquer, non à cause des choses mêmes, mais à cause de l’état spirituel des croyants hébreux. Ils étaient devenus — ils ne l’avaient pas toujours été — paresseux à écouter. Dans les jours précédents, «ayant été éclairés», ils avaient soutenu un grand combat de souffrances (10:32); mais leur attachement aux formes et aux ordonnances les avait empêchés de progresser; ils étaient tentés de retourner aux ombres des biens meilleurs que le christianisme leur avait apportés. Les chrétiens actuellement ont à veiller que les formes auxquelles ils auraient été attachés ne les arrêtent dans leur développement spirituel. D’une manière générale, nous avons tous à prendre garde qu’après le zèle et l’ardeur qui caractérisent la conversion et l’entrée dans les vérités merveilleuses qui nous ont été révélées, nous ne devenions paresseux à écouter, pleins de langueur et d’apathie pour ce qui devrait être toujours nouveau et rempli de fraîcheur.

Depuis le temps où le christianisme leur était parvenu, ils auraient dû progresser et être des «docteurs», propres à enseigner les autres, tandis qu’ils avaient besoin qu’on leur enseignât de nouveau les premiers rudiments des oracles de Dieu. Ce reproche qui leur est adressé ne concerne-t-il pas aussi de nos jours un grand nombre de chrétiens? On a été converti, on fait partie d’une assemblée, et souvent les vérités les plus élémentaires, «les premiers rudiments des oracles de Dieu», semblent être peu ou même pas connus! Combien nous avons besoin de secouer cette paresse spirituelle qui nous empêche d’écouter ce qui est, non la parole de l’homme, mais la parole de Dieu. «Les oracles de Dieu» sont les révélations que Dieu nous a faites et que nous avons dans sa Parole. Les Écritures tout entières sont ces oracles, et les rudiments sont les premières et plus simples vérités qu’ils renferment.

Leur paresse spirituelle les avait fait devenir tels qu’ils avaient besoin de lait et non de nourriture solide: ils étaient des enfants. Il est question, en rapport avec les chrétiens, d’enfance et de lait, dans deux passages qu’il ne faut pas confondre avec celui-ci. En 1 Cor. 3:1, 2, l’apôtre oppose les hommes spirituels aux hommes charnels. Il nomme ces derniers de petits enfants en Christ, auxquels il faut donner du lait à boire. Il ne veut pas dire qu’ils fussent des hommes naturels, des hommes qui ne fussent pas des chrétiens, mais ils étaient des chrétiens qui se conduisaient d’une manière charnelle, à la façon des hommes. Cet état, qui provenait de leur orgueil, les empêchait de pouvoir saisir les enseignements spirituels relatifs au mystère de la sagesse de Dieu — ils étaient des enfants auxquels, malgré leurs hautes prétentions, il fallait du lait, un enseignement approprié à leur état. Dans 1 Pierre 2:2, la parole de Dieu, cette parole dont l’apôtre a parlé à la fin du chap. 1, est représentée comme un pur lait intellectuel, comme la nourriture pure et sans mélange destinée à l’intelligence spirituelle du chrétien pour qu’il croisse à salut. Il doit désirer cette nourriture, de même qu’un enfant nouveau-né désire le lait de sa mère, et cela s’applique à chaque instant de sa vie spirituelle. L’apôtre ne reproche pas à ceux à qui il s’adresse, de n’être encore que des enfants, comme c’est le cas dans les Corinthiens et les Hébreux. Pour ces derniers, l’état d’enfance dont ils sont blâmés, consiste en ce qu’ils s’attachaient aux ordonnances et aux règlements de la loi (Gal. 5:1), ce qui leur faisait perdre de vue le Christ céleste et ce qui se rapporte à lui dans cette position. Ils avaient donc besoin de lait, d’un enseignement qui se rapportât à leur état, non toutefois pour les y maintenir, mais pour les en faire sortir, afin de devenir des hommes faits (6:1), capables de prendre une nourriture solide, de saisir les vérités que l’Esprit Saint voulait leur présenter.

Celui qui en est encore au lait, qui par conséquent est encore un enfant, est inexpérimenté (ou non exercé) dans «la parole de la justice». Cette parole de la justice (la justice pratique) exprime les «vrais rapports pratiques de l’âme avec Dieu, selon son caractère et ses voies1», et l’on y est exercé dans la mesure où le Christ est révélé à l’âme et est connu d’elle, car lui est la révélation du caractère de Dieu et le centre de ses voies. Or il s’agit pour le chrétien du Christ glorieux dans sa position céleste, et non pas simplement du Messie pour les Juifs. La nourriture solide est donc cette «parole de la justice» qui fait connaître la position de Christ glorifié selon la justice de Dieu et qui nous met en rapport avec Dieu. Elle est pour les hommes faits — ou les parfaits. Ceux-là, par l’habitude, par l’exercice, par la pratique dans cette parole de la justice, ont leurs sens spirituels exercés à discerner le bien et le mal, à séparer ce qui est selon Dieu, dans la position qu’ils ont comme participants à un Christ céleste, de ce qui ne convient pas à cette position.

1 Études sur la parole de Dieu par J.N. Darby.