Genèse

Chapitre 19

Le Seigneur, dans sa grâce, use de deux méthodes pour détourner le cœur de l’homme des choses de ce monde: d’abord, il révèle le prix et l’immutabilité des choses qui sont en haut; ensuite il fait connaître la vanité et la nature périssable des choses qui sont sur la terre (Col. 3:1-2 cl 3.1-4). La fin du chapitre 12 de l’épître aux Hébreux nous offre un magnifique exemple de chacune de ces deux méthodes. Après avoir établi cette vérité, que nous sommes venus à la montagne de Sion, à toutes les joies et à tous les privilèges qui s’y rattachent, l’apôtre poursuit en disant: «Prenez garde que vous ne refusiez pas celui qui parle: car si ceux-là n’ont pas échappé qui refusèrent celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux, duquel la voix ébranla alors la terre; mais maintenant il a promis, disant: «Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais aussi le ciel». Or ce «Encore une fois» indique le changement des choses muables, comme ayant été faites, afin que celles qui sont immuables demeurent». Or, il vaut mieux être attirés par les joies du ciel, qu’être poussés en haut par les chagrins de la terre. Le croyant ne devrait pas attendre que le monde l’abandonne pour abandonner le monde; il devrait laisser les choses de la terre, par la puissance de la communion des choses qui sont en haut. Quand, par la foi, on a saisi Christ, il n’est pas difficile de laisser le monde; la difficulté alors serait plutôt de rester attaché au monde. Un balayeur de rues, devenu possesseur d’une grande fortune, ne continuerait pas longtemps son métier. De même, si nous saisissons par la foi la valeur et la réalité des biens immuables qui sont dans les cieux et la part que nous y avons, nous n’aurons pas de peine à abandonner les joies trompeuses de la terre.

Portons maintenant notre attention sur la partie solennelle de l’histoire sacrée à laquelle nous sommes arrivés. Lot est «assis à la porte de Sodome», la place d’autorité. Il a fait des progrès; il a «fait son chemin dans le monde», il a eu du succès, au point de vue humain. Au commencement, il avait «dressé ses tentes jusqu’à Sodome»; plus tard, il pénétra jusque dans la ville et y habita; et maintenant nous le trouvons «assis à la porte», dans ce lieu où se tenaient les hommes influents. Combien tout ceci diffère de la scène par laquelle s’ouvre le chapitre précédent! La cause, cher lecteur, en est hélas! évidente: «Par la foi, Abraham demeura dans la terre de la promesse, comme dans une terre étrangère, demeurant sous des tentes». On ne pourrait dire: Par la foi, Lot s’assit à la porte de Sodome. Hélas! non; Lot n’a point de place dans les nobles rangs des confesseurs de la foi, cette grande nuée des témoins de la puissance de la foi. Le monde fut pour lui un piège, et les choses présentes sa perte. Il ne tint pas «ferme, comme voyant celui qui est invisible» (Héb. 11:27 hb 11.24-28). Ses regards étaient fixés sur «les choses qui se voient et qui sont pour un temps», tandis que les regards d’Abraham restaient attachés sur les choses qui ne se voient pas et qui sont éternelles (2 Cor. 4:18 2cr 4.16-18). La différence entre ces deux hommes était immense et, bien qu’ils eussent commencé leur carrière ensemble, ils arrivèrent à un résultat différent, du moins pour ce qui touche à leur témoignage. Sans doute Lot fut sauvé, mais ce fut «comme à travers le feu» (1 Cor. 3:15 1cr 3.11-15), car son œuvre fut brûlée. Abraham, au contraire, obtint une riche entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur Jésus Christ (2 Pierre 1:11 2p 1.3-11). En outre, nous ne voyons nulle part qu’il soit accordé à Lot de jouir des honneurs et des privilèges dont jouit Abraham. Au lieu de recevoir sous sa tente la visite du Seigneur, il «tourmentait de jour en jour son âme juste» (2 Pierre 2:8 2p 2.7-8); au lieu de jouir de la communion du Seigneur, il est à une distance désolante de lui; au lieu, enfin, d’intercéder pour les autres, c’est tout ce qu’il peut faire que d’intercéder pour lui-même. Dieu reste avec Abraham pour lui communiquer ses pensées, tandis qu’il n’envoie à Sodome que ses anges, et encore ceux-ci ne consentent-ils qu’avec peine à entrer dans la maison de Lot et à accepter son hospitalité: «Non, disent-ils; mais nous passerons la nuit sur la place». Quel reproche! combien cette réponse est différente de celle que le Seigneur adresse à Abraham, en lui disant: «Fais ainsi, comme tu l’as dit!»

Recevoir l’hospitalité chez quelqu’un est un acte très significatif et l’expression d’une entière communion avec celui duquel on la reçoit. «J’entrerai chez lui, et je souperai avec lui et lui avec moi.» «Si vous jugez que je suis fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison et demeurez-y» (Apoc. 3:20 ap 3.20 et Actes 16:15 ac 16.14-15). La réponse que les anges font à Lot renferme donc une condamnation positive de la position que celui-ci occupait à Sodome: ils aiment mieux passer la nuit dans la rue que d’entrer sous le toit de quelqu’un qui se trouve dans une fausse position. De fait, leur unique but en allant à Sodome était, semble-t-il, de délivrer Lot, et cela à cause d’Abraham, ainsi qu’il est écrit. «Et il arriva, lorsque Dieu détruisit les villes de la plaine, que Dieu se souvint d’Abraham et renvoya Lot hors de la destruction, quand il détruisit les villes dans lesquelles Lot habitait» (v. 29). Cette déclaration prouve que ce fut pour l’amour d’Abraham que Lot fut épargné. Le Seigneur ne sympathise pas avec un cœur mondain: et c’est cet amour du monde qui entraîna Lot à s’établir au milieu de la corruption de la criminelle Sodome. Ce ne fut ni la foi, ni l’esprit du ciel, ni «son âme juste», mais bien l’amour de ce présent siècle mauvais, qui entraîna Lot, d’abord à «choisir», ensuite à «dresser ses tentes jusqu’à Sodome», et finalement à s’asseoir «à la porte de Sodome». Quel choix, hélas! Une «citerne crevassée», qui ne pouvait point contenir d’eau; «un roseau cassé», qui lui perça la main (Jér. 2:13 jr 2.13; És. 36:6 es 36.4-6). C’est une chose amère que de vouloir, en quelque manière, se gouverner soi-même; on ne peut ainsi que commettre les fautes les plus graves. Il vaut infiniment mieux laisser à Dieu le soin de nous tracer notre route; lui remettant, comme de petits enfants, tout ce qui nous concerne, parce qu’il est celui qui peut et qui veut prendre soin de nous selon sa sagesse et son amour infinis.

Nul doute que Lot croyait bien faire ses affaires et celles de sa famille en allant à Sodome; mais la suite prouva combien il s’était trompé, et la fin de son histoire fait retentir à nos oreilles un avertissement solennel de prendre garde aux premiers mouvements de l’esprit du monde en nous, pour ne pas lui céder. Soyez «contents de ce que vous avez présentement» (Héb. 13:5 hb 13.5-6). Pourquoi? Est-ce parce que vous êtes à l’aise dans le monde; parce que les désirs vagabonds de vos cœurs sont satisfaits; parce qu’il n’y a pas dans vos circonstances une seule brèche qui puisse susciter en vous un désir? Serait-ce là ce qui doit être le fondement de notre contentement? Non, en aucune manière: mais ce que «lui-même a dit: je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point». Bienheureuse part! Si Lot s’en fût contenté, jamais il n’eût recherché les plaines bien arrosées de Sodome.

Si nous avions besoin encore d’autres motifs pour nous engager à cultiver en nous le contentement d’esprit, nous les trouverions dans ce chapitre. Qu’est-ce que Lot a obtenu en fait de bonheur et de satisfaction? Bien peu de chose: les hommes de Sodome environnent sa maison, menaçant d’en forcer l’entrée; et il essaye en vain de les apaiser par la plus humiliante des propositions. Il faut que celui qui se mêle avec le monde, dans des vues d’agrandissement, prenne son parti de subir les fâcheuses conséquences de sa conduite. Nous ne pouvons nous servir du monde en vue de notre intérêt et, en même temps, témoigner efficacement contre lui. «Cet individu est venu pour séjourner ici, et il veut faire le juge!» (v. 9.) Cela est impossible. On ne peut exercer d’influence sur le monde qu’en se tenant séparé de lui, dans la puissance morale de la grâce, bien entendu, non dans l’esprit hautain du pharisaïsme. Entreprendre de convaincre le monde de péché, tout en lui restant associé dans des vues d’intérêt, est vanité: le monde attache peu d’importance à un pareil témoignage et à de semblables répréhensions. Il en fut de même du témoignage de Lot auprès de ses gendres. «Et il sembla aux yeux de ses gendres qu’il se moquait» (v. 14). Il est inutile de parler d’un jugement qui approche, aussi longtemps que nous trouvons notre place, notre part et nos jouissances au milieu même de la scène sur laquelle le jugement va tomber. Abraham était dans une position bien meilleure pour parler du jugement, car il n’était pas descendu dans la plaine, et Sodome pouvait être en flammes sans que les tentes de l’étranger de Mamré fussent en danger! Puissent nos cœurs rechercher avec plus d’ardeur les fruits bienheureux qui accompagnent la vie de ceux qui font profession d’être «étrangers et voyageurs sur la terre», afin que, au lieu d’avoir besoin qu’on nous fasse sortir du monde, comme le malheureux Lot, qui fut emmené de force par les anges et mis par eux hors de la ville, nous courions avec un saint zèle dans la lice, «regardant au but» (Phil. 3:14 ph 3.12-16).

Lot, évidemment, regrettait le lieu que la main des anges le forçait à abandonner; car non seulement il fallut que ceux-ci le prissent par la main et le pressassent de fuir de devant le jugement suspendu, et prêt à éclater, mais encore, quand l’un d’eux l’exhorta à sauver sa vie (la seule chose qu’il pût sauver du désastre), et à s’enfuir sur la montagne, il répondit: «Non, Seigneur, je te prie! Voici, ton serviteur a trouvé grâce à tes yeux, et la bonté dont tu as usé à mon égard en conservant mon âme en vie a été grande; et je ne puis me sauver vers la montagne, de peur que le mal ne m’atteigne, et que je ne meure. Voici, je te prie, cette ville-là est proche pour y fuir, et elle est petite; que je m’y sauve donc (n’est-elle pas petite?) et mon âme vivra» (v. 19-20). Quel tableau! Ne dirait-on pas un homme qui se noie et qui tend la main vers une plume flottante pour s’y cramponner? Bien que l’ange lui ordonne de se sauver sur la montagne, il refuse, et s’attache encore à une «petite ville», à un petit lambeau du monde. Il craint de rencontrer la mort dans un lieu que la miséricorde de Dieu lui indique; il appréhende toute sorte de mal et ne voit d’espérance de salut que dans une «petite ville», dans un lieu de son propre choix. «Que je m’y sauve et mon âme vivra!» Voilà ce que fait Lot au lieu de s’abandonner entièrement à Dieu! Ah! c’est qu’il a marché trop longtemps loin de Dieu, et a trop longtemps respiré l’épaisse atmosphère d’une «ville», pour pouvoir apprécier l’air pur de la présence de Dieu, ou s’appuyer sur le bras du Tout-Puissant. Son âme est troublée; le nid qu’il S’était fait sur la terre a été brusquement détruit, et Lot n’a pas assez de foi pour se réfugier dans le sein de Dieu. Il n’a pas vécu dans une communion habituelle avec le monde invisible, et maintenant, le monde visible lui échappe. Le «feu et le soufre du ciel» allaient tomber sur toutes les choses sur lesquelles il avait concentré ses espérances et ses affections. Le larron l’a surpris, et Lot semble avoir perdu toute énergie spirituelle et tout empire sur lui-même. Il est à bout de ressources, et le monde, qui a pris dans son cœur de profondes racines, le surmonte et le pousse à chercher un refuge dans «une petite ville». Mais là même, il ne se sent pas à son aise, et s’en va sur la montagne, faisant par crainte ce qu’il a refusé de faire d’après le commandement du messager de Dieu. Aussi, quelle est sa fin! Ses propres enfants l’enivrent; et dans l’état affreux dans lequel il est ainsi plongé, il devient l’instrument par lequel sont appelés à l’existence les Ammonites et les Moabites, ces ennemis déclarés du peuple de Dieu. Que de solennelles instructions dans tout ceci! Quel commentaire que cette histoire de Lot, à cet avertissement si court, mais d’une si grande portée: «N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde» (1 Jean 2:15). Toutes les Sodome et les Tsoar de ce monde se ressemblent; le cœur ne trouve dans leur enceinte ni sécurité, ni paix, ni repos, ni satisfaction durable. Le jugement de Dieu est suspendu sur la scène tout entière; et Dieu seul, dans sa longue et miséricordieuse patience, retient encore l’épée du jugement, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance (2 Pierre 3:9 2p 3.8-10).

Efforçons-nous donc de poursuivre une voie sainte, en dehors du monde et de tout ce qui s’y tient, nourrissant et chérissant l’espérance du retour de notre Maître. Que les plaines bien arrosées de la terre n’aient aucun attrait pour nos cœurs; que nous envisagions ses honneurs, ses distinctions et ses richesses à la lumière de la gloire à venir de Christ; et que, comme Abraham, nous sachions nous élever dans la présence du Seigneur et, d’auprès de lui, voir cette terre comme un vaste champ de ruines et de désolation, afin que, par le regard de la foi, elle soit pour nous une ruine fumante; car telle elle sera! «La terre et les œuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement» (2 Pierre 3:10 2p 3.8-10). Toutes les choses pour lesquelles les enfants de ce monde se tourmentent et qu’ils recherchent avec tant d’ardeur, pour lesquelles ils combattent avec tant d’acharnement, toutes ces choses seront brûlées. Et qui peut dire dans combien peu de temps? Où sont Sodome et Gomorrhe? Où sont les villes de la plaine jadis remplies de vie, d’animation et de mouvement? Elles ont passé! Elles ont été balayées par le jugement de Dieu, consumées par le feu et le soufre du ciel! Eh bien, maintenant, les jugements de Dieu sont suspendus sur ce monde coupable; le jour est proche; en attendant, la bonne nouvelle de la grâce est annoncée à plusieurs. Heureux ceux qui entendent et qui croient ce message! Heureux ceux qui se sauvent sur le rocher inébranlable du salut de Dieu, qui se réfugient sous la croix du Fils de Dieu et y trouvent le pardon et la paix!

Que le Seigneur donne à ceux qui liront ces lignes de faire l’expérience de ce que c’est que d’attendre le Fils du ciel, avec une conscience purifiée du péché et des affections délivrées de l’influence corruptrice de ce monde!