Genèse

Chapitre 18

Ce chapitre nous fournit un bel exemple des résultats d’une vie de séparation et d’obéissance: «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui» (Jean 14:23). Ce passage, mis en rapport avec le contenu du chapitre qui nous occupe, montre que le genre de communion dont jouit une âme obéissante est absolument inconnu à celui qui se meut dans une atmosphère mondaine.

Ceci ne touche en aucune manière la question du pardon ou de la justification. Tous les croyants sont revêtus de la même robe de justice; ils sont tous placés devant Dieu, sous une seule et même justification. La même vie descend de la Tête qui est au ciel, et se répand dans tous les membres sur la terre. Cette importante doctrine, développée à plusieurs reprises déjà dans les pages qui précèdent, est établie de la manière la plus claire dans les Écritures. Mais nous avons à nous souvenir que la justification et les fruits de la justification sont deux choses entièrement différentes. Être un enfant est une chose; être un enfant obéissant en est une autre. Or, un père aime un enfant obéissant et fera de lui le dépositaire de ses pensées et de ses plans. N’en serait-il pas de même de notre Père céleste? Les paroles de notre Seigneur (Jean 14:23-24 j 14.23-24) mettent cette question hors de doute, et démontrent, de plus, que prétendre aimer Christ, et ne pas «garder sa parole», est de l’hypocrisie: «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole». Si donc nous ne gardons pas sa parole, c’est la preuve évidente que nous ne marchons pas dans l’amour du nom de Christ. Notre amour pour Christ se montre en ce que nous faisons les choses qu’il nous a commandées, et non en ce que nous disions: Seigneur, Seigneur! À quoi sert de dire: J’y vais, Seigneur, tandis que le cœur ne songe pas à aller? (comp. Matt. 21:28-32 mt 21.28-32).

Bien qu’Abraham soit tombé dans des fautes de détail, nous voyons cependant en lui quelqu’un qui, à tout prendre, se distingue par une vie avec Dieu élevée, vraie, intime, et qui, dans la partie de son histoire que nous méditons dans ce moment, jouit de trois privilèges particuliers, savoir d’offrir à Dieu quelque chose qui lui est agréable d’être en pleine communion avec Dieu, et d’intercéder pour les autres devant Dieu. Ce sont là autant de glorieux privilèges qui accompagnent une marche sainte, une vie de séparation et d’obéissance. L’obéissance est agréable à l’Éternel comme étant le fruit de sa propre grâce dans nos cœurs. Nous voyons comment le seul homme parfait qui ait jamais existé faisait les délices du Père: à plusieurs reprises Dieu lui rend témoignage du ciel, en disant: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir» (Matt. 3:17). La vie de Christ sur la terre était, pour le ciel, un sujet de joie continuelle; toutes ses voies faisaient monter sans cesse un encens de bonne odeur devant le trône de Dieu. De la crèche à la croix, il a toujours fait les choses qui étaient agréables à son Père. Il n’y avait dans ses voies ni interruption, ni variation, ni point saillant. Il fut le seul parfait. En lui seul le Saint Esprit a pu tracer une vie parfaite ici-bas. Quand nous suivons le cours de l’histoire sacrée, nous rencontrons çà et là une âme qui, occasionnellement, a réjoui le ciel. Ainsi, dans le chapitre qui nous occupe, nous trouvons l’étranger à Mamré, dans sa tente, offrant à l’Éternel ce qui peut le satisfaire: — les dons sont offerts avec amour et acceptés avec bon vouloir.

Ensuite nous voyons Abraham jouissant d’une communion intime avec l’Éternel, intercédant auprès de lui, d’abord pour ce qui le concerne personnellement (v. 9-15), puis pour les habitants de Sodome (v. 22-33). Quel affermissement pour le cœur d’Abraham dans la promesse de Dieu: «Sara aura un fils!» Cependant, cette promesse ne fit que produire un sourire chez Sara, comme elle avait fait pour Abraham au chapitre précédent.

L’Écriture parle de deux sortes de «rire»; d’abord, il y a celui dont l’Éternel remplit la bouche de son peuple, alors que, dans un moment de grande épreuve, il leur vient en aide d’une manière signalée: «Quand l’Éternel rétablit les captifs de Sion, nous étions comme ceux qui songent. Alors notre bouche fut remplie de rire, et notre langue de chants de joie; alors on dit parmi les nations: l’Éternel a fait de grandes choses pour ceux-ci» (Ps. 126:1-2). Ensuite, il y a le rire que l’incrédulité met dans notre bouche, lorsque les promesses de Dieu sont trop glorieuses pour être reçues dans nos cœurs étroits, ou quand les moyens extérieurs dont Dieu se sert sont trop petits, à notre jugement, pour l’accomplissement de ses grands desseins. Nous n’avons pas honte du premier de ces rires et nous ne craignons pas de l’avouer. Les fils de Sion n’ont pas honte de dire: «Alors notre bouche fut remplie de rire». Nous pouvons rire de bon cœur quand c’est l’Éternel qui nous fait rire. «Et Sara le nia, disant: je n’ai pas ri, car elle eut peur.» L’incrédulité fait de nous des lâches et des menteurs, la foi nous donne de la hardiesse et nous rend vrais, elle nous rend capables de «nous approcher avec confiance», et «avec un cœur vrai» (Héb. 4:16 hb 4.14-16; 10, 22 hb 10.19-22).

Mais il y a plus: Dieu fait d’Abraham le dépositaire de ses pensées et de ses desseins à l’égard de Sodome; car, bien que Sodome ne concerne pas personnellement Abraham, il est assez près de Dieu pour que Dieu l’instruise de ses secrets desseins à l’égard de cette ville. Si nous voulons connaître les intentions de Dieu à l’égard du présent siècle mauvais, il faut que nous soyons entièrement séparés de celui-ci et que nous ne prenions aucune part à ses projets et à ses spéculations. Plus nous nous tiendrons près de Dieu, plus nous serons soumis à sa Parole, plus aussi nous connaîtrons ses pensées à l’égard de toutes choses. Nous n’avons pas besoin d’étudier les journaux pour apprendre ce qui va arriver dans le monde: l’Écriture nous révèle tout ce qu’il nous importe d’en savoir. Ses pures et saintes pages nous font connaître tout ce qui concerne le caractère, le cours et la destinée de ce monde. Si, au contraire, nous avons recours aux hommes du monde pour nous instruire de ces choses, Satan s’en servira peut-être pour nous tromper et nous empêcher de voir. Si Abraham fût allé à Sodome pour se mettre au fait de ce qui s’y passait; s’il se fût adressé à quelqu’un de ses chefs les plus intelligents pour savoir ce qu’il pensait de l’état de Sodome et de ses perspectives d’avenir dans ce moment-là, que lui aurait-il répondu? Sans aucun doute, il eût dirigé l’attention d’Abraham sur les entreprises agricoles et architecturales de ses compatriotes, ainsi que sur les immenses ressources du pays; il lui aurait fait voir une foule de vendeurs et d’acheteurs, de gens qui bâtissaient et qui plantaient, qui mangeaient et qui buvaient, de gens qui se mariaient et qui donnaient en mariage. Ces hommes de Sodome n’eussent même pas rêvé d’un jugement; et si quelqu’un leur en eût parlé, on eût pu voir sur leurs lèvres le rire de l’incrédulité. Il est évident que ce n’est pas à Sodome qu’il fallait aller pour apprendre quelle serait la fin de cette ville. Non, le lieu où Abraham s’était tenu devant l’Éternel (Gen. 19:27 gn 19.27-29) était le seul d’où le regard pût embrasser toute la scène. Là, Abraham dominait tous les nuages qui s’étaient amoncelés sur Sodome. Là, dans la sérénité et le calme de la présence de Dieu, tout était devenu clair pour lui, par la révélation même de Dieu.

Quel usage Abraham fit-il de ce que Dieu lui avait révélé et de la position bienheureuse dont il jouissait? De quoi était-il occupé dans la présence de l’Éternel? Il intercède pour les autres devant l’Éternel: et c’est ici le troisième privilège accordé à Abraham dans ce chapitre. Abraham pouvait intercéder pour ceux qui se trouvaient mêlés au peuple corrompu de Sodome et qui étaient en danger d’être enveloppés dans le même jugement que cette ville coupable. Comme il arrive toujours en pareil cas, Abraham fit un bon et saint usage de sa position auprès de Dieu. L’âme qui peut s’approcher de Dieu dans une pleine assurance de foi, ayant le cœur et la conscience parfaitement en paix, se reposant sur Dieu pour le passé, le présent et l’avenir, sera aussi en état d’intercéder pour les autres et intercédera pour eux. Celui qui a revêtu «l’armure complète de Dieu» peut prier «pour tous les saints» (Éph. 6:18 ep 6.18-20); et sous quel aspect ceci ne nous fait-il pas entrevoir l’intercession de notre «grand Souverain Sacrificateur qui a traversé les cieux!» (Héb. 4:14). Quel repos infini ne trouve-t-il pas dans tous les conseils de Dieu? Avec quel sentiment profond de son acceptation ne siège-t-il pas dans les cieux, au milieu de la gloire du trône de la Majesté? Avec quelle efficacité toute-puissante ne plaide-t-il pas, devant cette Majesté, pour ceux qui travaillent et se fatiguent au milieu de la corruption qui règne dans le monde? Oh! que bienheureux sont ceux qui sont les objets de son intercession toute-puissante! Qu’ils sont heureux à la fois et en sécurité! Plût à Dieu que nous eussions des cœurs pénétrés de ces choses, des cœurs élargis par une communion personnelle avec Dieu, capables de recevoir une plus grande mesure de la plénitude infinie de sa grâce et de comprendre davantage combien il a pourvu à tout, pour nous et pour nos besoins.

Nous voyons dans ce passage que, quelque bénie que pût être l’intercession d’Abraham, cette intercession était cependant limitée, parce que l’intercesseur n’était qu’un homme; elle n’atteignait pas à la hauteur du besoin. Abraham dit: «Je parlerai encore une seule fois», puis il s’arrête, comme s’il craignait d’avoir présenté au trésor de la grâce une traite trop considérable ou comme s’il oubliait que le mandat de la foi a toujours été honoré à la banque de Dieu. Ce n’est pas que Dieu le tînt à l’étroit il y avait abondance de grâce et de patience en Lui pour écouter les requêtes de son cher serviteur, s’il eût persévéré à intercéder pour l’amour de trois et même d’un seul; mais c’est le serviteur lui-même qui fait défaut. Il craint de dépasser le montant de son crédit; il cesse de demander, et Dieu cesse de donner. Il n’en est pas ainsi de notre bienheureux Intercesseur; de lui on peut dire: «Il peut sauver entièrement… étant toujours vivant pour intercéder» (Héb. 7:25). Puissions-nous nous attacher à Lui dans tous nos besoins, dans toute notre faiblesse et dans tous nos combats.

Avant de terminer ce chapitre, je voudrais faire une réflexion qui, soit qu’on la considère ou non comme en découlant directement, est dans tous les cas digne d’attention. Quand on étudie les Écritures, il est très important de distinguer le gouvernement moral de Dieu à l’égard du monde d’avec l’espérance particulière de l’Église. Toutes les prophéties de l’Ancien Testament et une grande partie de celles du Nouveau, traitent du gouvernement moral de Dieu sur le monde et offrent ainsi à tout chrétien un sujet d’étude d’un haut intérêt. Il est en effet intéressant de savoir ce que Dieu fait et fera à l’égard de toutes les nations de la terre; de lire ses pensées à l’égard de Tyr, de Babylone, de Ninive et de Jérusalem; à l’égard de l’Égypte, de l’Assyrie et du pays d’Israël. Mais souvenons-nous que ces prophéties ne contiennent pas l’espérance particulière de l’Église; car, si l’existence elle-même de l’Église n’y est pas révélée d’une manière directe, comment son espérance s’y trouverait-elle? — Ce n’est pas que les prophéties de l’Ancien Testament ne renferment une riche moisson de principes divins et moraux, dont l’Église peut tirer profit; mais c’est là tout autre chose que de vouloir trouver dans ces prophéties la révélation de l’existence et de l’espérance particulière de l’Église. Et cependant une grande partie de ces prophéties a été appliquée à l’Église, et on a ainsi tellement obscurci et embrouillé le sujet tout entier, que les esprits simples reculent devant une étude pourtant si pleine d’enseignements, et négligent même ce qui en est tout à fait distinct, savoir l’espérance de l’Église. Cette espérance, nous n’avons pas besoin de le répéter encore, n’a aucun rapport avec ce qui concerne les voies de Dieu à l’égard des nations, mais elle consiste à aller à la rencontre du Seigneur Jésus dans les airs, pour être toujours avec lui et comme lui (voyez 1 Thess. 4:13 et suivants).

Plusieurs disent, hélas: «Je n’ai pas de tête pour la prophétie!» Il est possible, mais avez-vous du cœur pour Christ? Si vous aimez Christ, vous aimerez aussi sa venue, lors même que vous seriez incapable de toute recherche prophétique. Une femme qui aime son mari peut manquer de tête pour entrer dans les affaires de son mari; mais, s’il est absent, elle aura le cœur occupé de son retour; elle peut ne rien comprendre à son journal ou à son grand livre, mais elle connaît son pas et reconnaît sa voix. Le chrétien le plus illettré, s’il aime la personne du Seigneur Jésus, peut nourrir le désir le plus vif de le voir, et telle est l’espérance de l’Église. L’apôtre pouvait dire aux Thessaloniciens: «Vous vous êtes tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils» (1 Thess. 1:9-10). Or, évidemment, les saints de Thessalonique ont pu n’avoir, au moment de leur conversion, qu’une connaissance bien incomplète de la prophétie ou du sujet spécial dont elle s’occupe et, pourtant, ils ont été mis, dès lors, en pleine possession et sous la puissance de l’espérance particulière de l’Église, qui est d’attendre la venue du Fils. Il en est ainsi d’un bout à l’autre du Nouveau Testament, là aussi nous trouvons des prophéties et le gouvernement Moral de Dieu; mais un grand nombre de passages viennent nous prouver que l’espérance commune des chrétiens des temps apostoliques, espérance simple, sans entrave, ni empêchement, était la venue du Fils, le retour de l’Époux.

Puisse le Saint Esprit ranimer cette «bienheureuse espérance» (Tite 2:13 tt 2.11-13) dans l’Église, rassembler les élus, et «préparer au Seigneur un peuple bien disposé!» (Luc 1:17 lc 1.11-17).