Ézéchiel

Chapitre 32

Il ne suffisait cependant pas d’avoir montré la chute de l’Assyrien comme modèle de la ruine de l’Égypte. L’Esprit de Dieu ajoute en guise de conclusion un nouveau message en deux parties: l’un dans la première moitié du chapitre annonce la catastrophe qui menaçait le Pharaon sous la figure d’un lion et celle d’un crocodile (ou monstre des eaux, non pas un «cétacé» comme dans la version autorisée du roi Jacques); jadis la terreur des nations, il allait maintenant être pris, tué et exposé à la vue de tous, par le roi de Babylone. L’autre partie du message est un tableau élargi de ce qui n’avait été qu’esquissé au chapitre précédent, le monarque autrefois puissant et toute sa multitude, devenus misérablement faibles, et descendant dans les lieux bas de la terre, au shéol même, comme tous ceux qui sont tombés avant eux. Ils n’auraient rien de mieux pour se consoler, lui et les siens, que de se savoir en train de partager le sort inévitable des princes et des peuples.

«Et il arriva, en la douzième année, au douzième mois, le premier jour du mois, que la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, élève une complainte sur le Pharaon, le roi d’Égypte, et dis-lui: Tu étais semblable à un jeune lion parmi les nations, tu étais comme un monstre dans les eaux; et tu t’élançais dans tes fleuves, et tu troublais les eaux avec tes pieds, et tu rendais bourbeux leurs fleuves. Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: J’étendrai sur toi mon rets par un rassemblement de peuples nombreux, et ils te feront monter avec mon filet; et je te laisserai là, sur la terre, je te jetterai sur la face des champs, et je ferai demeurer sur toi tous les oiseaux des cieux et je rassasierai de toi les bêtes de toute la terre. Et je mettrai ta chair sur les montagnes, et je remplirai les vallées du monceau de tes membres; et j’arroserai de ton sang le pays où tu nages, jusqu’aux montagnes; et les ravins seront remplis de toi. Et quand je t’éteindrai, je couvrirai les cieux, et j’obscurcirai leurs étoiles; je couvrirai le soleil de nuages, et la lune ne fera pas luire sa clarté. Tous les luminaires qui luisent dans les cieux, je les obscurcirai à cause de toi, et je mettrai les ténèbres sur ton pays, dit le Seigneur, l’Éternel. Et je troublerai le cœur de beaucoup de peuples, quand je ferai parvenir la nouvelle de ta ruine parmi les nations, dans des pays que tu n’as pas connus. Et je frapperai de stupeur à cause de toi beaucoup de peuples; et leurs rois frémiront d’horreur à cause de toi, quand je brandirai mon épée devant eux, et ils trembleront à tout moment, chacun pour sa vie, au jour de ta chute. Car ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: L’épée du roi de Babylone viendra sur toi. Par les épées des hommes forts je ferai tomber ta multitude; tous, ils sont les terribles d’entre les nations, et ils détruiront l’orgueil de l’Égypte, et toute sa multitude sera anéantie. Et je ferai périr tout son bétail d’auprès des grandes eaux; et le pied de l’homme ne les troublera plus, et l’ongle divisé du bétail ne les troublera plus. Alors je rendrai leurs eaux limpides, et je ferai couler leurs rivières comme de l’huile, dit le Seigneur, l’Éternel. Quand j’aurai fait du pays d’Égypte une désolation, et que le pays sera désolé, vide de ce qu’il contient, quand j’aurai frappé tous ceux qui y habitent, alors ils sauront que je suis l’Éternel. C’est une complainte, et on la dira pour se lamenter; les filles des nations la diront en se lamentant, elles la diront en se lamentant sur l’Égypte et sur toute sa multitude, dit le Seigneur, l’Éternel» (32:1-16). Le prophète annonce donc que le roi d’Égypte serait un objet d’horreur et de pitié, et un sujet de deuil, non plus de crainte ni d’envie. Le Pharaon serait semblable au monstre des eaux, échoué sur le rivage, capturé par la foule, inondant de sang le pays où il nageait, une proie pour tous les oiseaux et les bêtes, sa chair étalée sur les montagnes et les vallées et les rivières étant remplies de sa hauteur.

Le lecteur pourra s’aider d’Apocalypse 8:12, 13 en rapport avec les versets 7 et 8. La destruction politique de l’Égypte est comparée à l’obscurcissement des étoiles, au soleil caché par les nuages, à la lune ne faisant plus luire sa clarté. Le passage de l’Apocalypse a ceci de particulier qu’il semble ne s’appliquer qu’à l’Occident (comparer Apoc. 12:4), l’empire d’Orient n’étant pas compris dans ce jugement, mais devant subir le sien propre plus tard. Ici la sphère où le malheur tombe est le pays d’Égypte.

Les versets 9-10, laissant le symbole pour reprendre le langage courant, nous disent l’effet produit par la nouvelle de la destruction de l’Égypte sur des nations qui lui étaient inconnues. Beaucoup de peuples et de rois seront effrayés et profondément troublés devant cette chute, tremblant chacun pour sa propre vie en ce jour-là.

Les versets 11-16 annoncent la venue du conquérant qui allait détruire l’orgueil de l’Égypte et sa multitude; ce serait une source de douleur parmi les nations. Ses ruines sont un témoignage de son ancienne splendeur, comme aussi de sa désolation soudaine et complète, et de l’extinction tant de son commerce si actif jadis, que de son agriculture célèbre dans le monde entier. Au v. 14 je pense qu’il ne faut pas comprendre «je rendrai leurs eaux profondes» comme indiqué dans la version autorisée du roi Jacques, mais «je rendrai leurs eaux limpides»; les eaux devaient décanter et devenir ainsi limpides, ce qui concorde avec les rivières qui coulent comme de l’huile, au lieu d’être troublées comme autrefois sous l’effet du commerce. Combien la main de l’Éternel est manifeste! L’Égypte elle-même saura qu’Il est l’Éternel.

Dans la seconde partie du chapitre, le chant funèbre prononcé quinze jours après la première partie, est encore plus profonde, dévoilant le monde invisible; c’est l’élégie la plus solennelle qui ait jamais été composée sur un peuple païen. «Et il arriva, la douzième année, le quinzième jour du mois, que la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, gémis sur la multitude de l’Égypte, et fais-la descendre, elle et les filles des nations magnifiques, dans les lieux bas de la terre, avec ceux qui descendent dans la fosse. À qui es-tu supérieure en agrément? Descends, et sois couchée avec les incirconcis. Ils tomberont parmi ceux qui ont été tués par l’épée; l’épée a été donnée; traînez l’Égypte et toute sa multitude. Les forts d’entre les puissants, avec ceux qui lui avaient aidé, lui parleront du milieu du shéol; ils sont descendus, ils sont couchés, incirconcis, tués par l’épée.

Là est Assur et toute son assemblée, ses sépulcres autour de lui: tous tués, tombés par l’épée. Ses sépulcres ont été posés au fond de la fosse, et son assemblée est autour de son sépulcre: tous tués, tombés par l’épée, eux qui répandaient la terreur sur la terre des vivants.

Là est Élam, et toute sa multitude autour de son sépulcre: tous tués, tombés par l’épée; ils sont descendus incirconcis dans les lieux bas de la terre, eux qui répandaient leur terreur sur la terre des vivants, et qui ont porté leur confusion avec ceux qui sont descendus dans la fosse. On a mis sa couche au milieu des tués, avec toute sa multitude, ses sépulcres autour de lui: eux tous incirconcis, tués par l’épée, quoique leur terreur fût répandue sur la terre des vivants; et ils portent leur confusion avec ceux qui descendent dans la fosse: il a été placé parmi les tués.

Là est Méshec, Tubal, et toute leur multitude, leurs sépulcres autour d’eux: eux tous incirconcis, tués par l’épée, quoiqu’ils aient répandu leur terreur sur la terre des vivants. Et ils n’ont pas été couchés avec les hommes forts, tombés d’entre les incirconcis, qui sont descendus dans le shéol avec leurs instruments de guerre, et sous la tête desquels on a mis leurs épées, et dont les iniquités sont sur leurs os; quoiqu’ils fussent la terreur des hommes forts sur la terre des vivants. Toi aussi, tu as été brisée au milieu des incirconcis, et tu es couchée avec ceux qui ont été tués par l’épée.

Là est Édom, ses rois, et tous ses princes, qui, dans leur vaillance, ont été placés avec ceux qui ont été tués par l’épée; ils sont couchés avec les incirconcis et avec ceux qui sont descendus dans la fosse.

Là sont les princes du nord, eux tous, et tous les Sidoniens, qui sont descendus avec les tués, honteux de la terreur qu’ils répandaient par leur vaillance; et ils sont couchés incirconcis avec ceux qui ont été tués par l’épée, et ils portent leur confusion avec ceux qui sont descendus dans la fosse.

Le Pharaon les verra, et il sera consolé au sujet de toute sa multitude, le Pharaon et toute son armée, tués par l’épée, dit le Seigneur, l’Éternel. Car j’ai répandu ma terreur dans la terre des vivants; et il sera couché au milieu des incirconcis, avec ceux qui ont été tués par l’épée, le Pharaon, et toute sa multitude, dit le Seigneur, l’Éternel» (32:17-32).

Le cœur du Juif pieux qui, connaissant d’avance les jugements des nations, et savait pourquoi ils arrivaient, ne devait pas être insensible au malheur de leur ennemi tombé, et encore moins l’insulter, bien qu’il ait été leur piège, autrefois comme aussi récemment. Le chrétien, lui, pense aux hommes en rapport avec l’éternité, mais, Dieu soit loué, il est chargé de l’évangile, du ministère de la réconciliation (2 Cor. 5:18-19) fondé sur l’œuvre expiatoire de Celui qui était ici-bas révélant Dieu dans Sa parfaite grâce, mais Il a été méprisé et rejeté des hommes, surtout par les Juifs eux-mêmes, les plus coupables.

Nous voyons ici le jugement qui balaie toute la terre, après une longue période de patience, et qui envoie dans la fosse ceux qui étaient chargés de vaine gloire. Les plus beaux gisent là, sans la moindre relation avec Dieu, «avec les incirconcis». Là gisent, dans la faiblesse et l’humiliation abjectes, l’Assyrien, Élam, Meshec et Tubal (pour ces derniers nous trouverons une particularité expliquée plus en détail aux ch. 38 et 39), Édom, Sidon et d’autres au nord de la Palestine, honteux de cette puissance dont ils avaient été jadis si fiers, et portant leur confusion avec ceux qui descendent dans la fosse. La terreur de l’Éternel demeure, et elle est avant tout pour ceux qui ont eux-mêmes apporté la terreur par l’épée. Quelle illustration et quelle description! Quelle ironie acérée que celle du prophète!