Ézéchiel

Chapitre 28

Ce ch. 28, le troisième de cette série, termine ce qui est mis à charge contre Tyr, et ajoute une courte accusation contre Sidon, sa cité mère, généralement inférieure en puissance et en splendeur à sa fille, distante de moins de quarante kilomètres. Chacune a ses caractéristiques distinctes: la première manifesta le plaisir éphémère d’une grande ville commerçante à l’occasion de la chute de Jérusalem; la seconde vit son commerce ultra-concentré réduit soudainement à néant au milieu de la consternation générale des hommes; pareillement ici «le prince de Tyr» vient sur le devant de la scène, avec l’irrémédiable chute de son orgueil.

«Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, dis au prince de Tyr: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Parce que ton cœur s’est élevé et que tu as dit: Je suis *Dieu, je suis assis sur le siège d’un dieu, au cœur des mers (et tu es un homme, et non pas *Dieu), et que tu élèves ton cœur comme un cœur de dieu (voici, tu es plus sage que Daniel! rien de caché n’est obscur pour toi; par ta sagesse et par ton intelligence tu t’es acquis de la puissance et tu as amassé de l’or et de l’argent dans tes trésors; par la grandeur de ta sagesse, tu as, par ton négoce, multiplié ta richesse; et ton cœur s’est élevé à cause de ta richesse) (28:1-5).

Il semble que le prince régnant à l’époque de la prophétie fût Ithobalus, selon l’historien Joseph (c. Apoc. 21), ou Ithbal II, suivant les annales phéniciennes; il est probable que c’est lui qui a donné occasion à ce portrait sévère mais sublime. C’est le type du prince du monde en ce temps-là; plusieurs expressions employées ici seront reprises dans les prédictions ultérieures concernant l’antichrist ou l’homme de péché à venir. Le prince est le chef et le centre et la personnification de l’orgueil et de la richesse de Tyr dans son ensemble. L’on ne saurait trouver un caractère d’orgueil plus vil, plus aveuglant, plus corrompu. Il vit d’égoïsme, y fait appel, et c’est cet égoïsme dans sa forme la plus grossière qui l’exalte. Il n’est pas étonnant que le Nouveau Testament flétrisse la cupidité comme étant de l’idolâtrie (Éph. 5:5; Col. 3:5), et désigne l’amour de l’argent une racine de tout sorte de maux (1 Tim. 6:10). Ce prince était marqué par la position la plus arrogante. Il dit: «Je suis Dieu, je suis assis sur le siège (ou: trône) d’un dieu, au cœur des mers»; or il était un homme, et non pas Dieu, et il devait bientôt abandonner cette position, même si, dans son impiété, il avait élevé son cœur comme celui d’un dieu. Il est fréquent que ceux qui ont amassé des richesses s’estiment volontiers comme possédant la sagesse; c’était le cas de ce prince: plus sage que Daniel, il discernait ce qui était caché pour les autres! Hélas! quelle folie et quelle pauvreté! Était-il riche quant à Dieu? Non! Il avait amassé des richesses, l’or et l’argent remplissaient son trésor; c’était là tout le but de sa sagesse, c’était là son triomphe, car c’était sa propre œuvre. Le moi, et non pas Dieu, voilà toutes ses pensées.

Mais n’était-ce qu’en ce temps-là que le prince de Tyr avait perverti tout ce qu’il connaissait de la proximité d’Israël? Dieu voulait lui apprendre que sa responsabilité se mesurait selon ce qui aurait dû être son vrai profit, non pas l’orgueil, et que sa ruine en serait d’autant plus dure, plus sûre et plus rapide. «À cause de cela, ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Parce que tu as élevé ton cœur comme un cœur de dieu, à cause de cela, voici, je fais venir contre toi des étrangers, les terribles d’entre les nations; et ils tireront leurs épées contre la beauté de ta sagesse, et ils profaneront ta splendeur; ils te feront descendre dans la fosse, et tu mourras de la mort de ceux qui sont tués au cœur des mers. Diras-tu peut-être devant celui qui te tue: Je suis Dieu? Mais tu seras un homme, et non pas *Dieu, dans la main de celui qui te transperce. Tu mourras de la mort des incirconcis, par la main des étrangers; car j’ai parlé, dit le Seigneur, l’Éternel» (28:6-10). S’il aspirait à être Dieu dans ses prétentions, il sentirait ce que c’est que d’être un homme faible lorsque l’épée d’un étranger terrible profanerait sa splendeur, et qu’il mourrait de la mort de ceux qui sont tués au cœur des mers; et il aurait ainsi la preuve que ces mers n’étaient pas un refuge imprenable, mais seraient son tombeau d’infamie. Il mourrait de la mort des incirconcis, des hommes les plus éloignés de Dieu.

Les versets 11 à 19 sont plus difficiles. Est-ce le même personnage qu’aux versets 1 à 10, ou un autre? Je suis enclin à croire que c’est le même historiquement, mais avec une allusion plus accentuée à la chute de Satan qui est incorporée dans sa chute. Ce peut être une raison pour laquelle l’Esprit de Dieu a changé l’appellation de «prince» en celle de «roi». Le tableau est incomparablement plus élaboré que la première description, mais il y a des liens entre les deux. «Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, élève une complainte sur le roi de Tyr, et dis-lui: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Toi, tu étais la forme accomplie de la perfection, plein de sagesse, et parfait en beauté; tu as été en Éden, le jardin de Dieu; toutes les pierres précieuses te couvraient, le sardius, la topaze et le diamant, le chrysolithe, l’onyx et le jaspe, le saphir, l’escarboucle et l’émeraude, et l’or; le riche travail de tes tambourins et de tes flûtes était en toi; au jour où tu fus créé ils étaient préparés» (28:11-13). On trouvait en lui la beauté de la créature, toutes qualités les plus excellentes, conférées sinon acquises, intérieures aussi bien qu’extérieures; la position la plus élevée et la plus délicieuse, au milieu de la nature; les lumières variées de Celui qui est lumière dans Sa propre nature, bien que ce ne fût naturellement pas dans la plénitude de grâce et de gloire; l’expression de la joie et du bonheur ne manquait pas dès le commencement. «Tu étais un chérubin oint, qui couvrait, et je t’avais établi tel; tu étais dans la sainte montagne de Dieu, tu marchais parmi les pierres de feu» (28:14). Il y avait en lui l’intelligence en action judiciaire et en protection, par l’ordre de Dieu. Tout cela dans la sphère même où Dieu déployait son autorité, non pas dans un domaine lointain. Il était familier avec les jugements pénétrants de Dieu. En outre il n’a pas glissé graduellement vers le mal, ni n’a cédé à une tentation du dehors, «tu fus parfait dans tes voies depuis le jour où tu fus créé, jusqu’à ce que l’iniquité s’est trouvée en toi» (28:15).

Puis nous retournons à ce que nous avons vu dans la description précédente concernant le prince (28:16-19). «Par l’abondance de ton trafic, ton intérieur a été rempli de violence, et tu as péché; et je t’ai précipité de la montagne de Dieu comme une chose profane, et je t’ai détruit du milieu des pierres de feu, ô chérubin qui couvrait! Ton cœur s’est élevé pour ta beauté, tu as corrompu ta sagesse à cause de ta splendeur; je t’ai jeté à terre, je t’ai mis devant les rois, afin qu’ils te voient. Par la multitude de tes iniquités, par l’injustice de ton trafic, tu as profané tes sanctuaires; et j’ai fait sortir un feu du milieu de toi: il t’a dévoré, et je t’ai réduit en cendre sur la terre, aux yeux de tous ceux qui te voient. Tous ceux qui te connaissent parmi les peuples sont dans la stupeur à cause de toi; tu es devenu une terreur, et tu ne seras plus, à jamais» (28:16-19). Peut-on douter que dans cette accusation, Dieu n’ait pas en vue la chute et la ruine de Son archi-ennemi? Quand elles ne voient pas ces allusions, du passé ou du futur, et surtout quand elles ne voient pas Christ dans les prophéties, les âmes mal affermies dans la vérité s’exposent souvent à traiter la parole de Dieu de folie. Elles parlent d’exagérations orientales, là où ceux qui connaissent la vérité trouvent les motifs les plus profonds d’être reconnaissant de tout cœur pour la grâce de Dieu qui a réuni Ses diverses révélations en un tout harmonieux.

 

La fin du chapitre est la prophétie contre Sidon. «Et la parole de l’Éternel vint à moi, disant: Fils d’homme, tourne ta face vers Sidon, et prophétise contre elle, et dis: Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Voici, j’en veux à toi, Sidon, et je serai glorifié au milieu de toi; et on saura que je suis l’Éternel, quand j’exécuterai des jugements au milieu d’elle et que j’aurai été sanctifié en elle. Et j’enverrai chez elle la peste, et le sang dans ses rues; et les blessés à mort tomberont au milieu d’elle par l’épée qui sera tout autour contre elle; et ils sauront que je suis l’Éternel. Et il n’y aura plus pour la maison d’Israël d’aiguillon qui blesse, ni d’épine qui cause de la douleur, d’entre tous ceux qui étaient autour d’eux et qui les méprisaient; et ils sauront que je suis le Seigneur, l’Éternel» (28:20-24). Dieu est maintenant connu dans et par Sa grâce dans le Christ Jésus notre Seigneur. Avant l’évangile, Il l’était par Ses jugements, et il en sera de nouveau ainsi lorsque l’année de la faveur de l’Éternel s’ouvrira par le jour de la vengeance de notre Dieu (És. 61:2). Quelle différence solennelle entre le paragraphe sur le sort de Sidon et celui sur le sort d’Israël! Les Sidoniens sauront qu’Il est l’Éternel par les jugements au moyen desquels Il sera sanctifié au milieu de leur ville (28:23, 24); Israël saura qu’Il est l’Éternel leur Dieu, lorsqu’Il les aura rassemblés d’entre les peuples où ils seront encore dispersés, et qu’Il sera sanctifié en eux aux yeux des nations (28:25, 26). «Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel: Quand je rassemblerai la maison d’Israël d’entre les peuples parmi lesquels ils seront dispersés, et que je serai sanctifié en eux aux yeux des nations, alors ils habiteront sur leur terre que j’ai donnée à mon serviteur Jacob: ils y habiteront en sécurité; ils bâtiront des maisons, et ils planteront des vignes, et ils habiteront en sécurité, quand j’aurai exécuté des jugements sur tous ceux qui les méprisaient, tout autour d’eux; et ils sauront que je suis l’Éternel, leur Dieu» (28:25-26).