Daniel

Chapitre 9

Dans les prophéties d’Ésaïe, aussi bien que de Jérémie, la chute de Babylone se rattachait à des espérances plus brillantes pour les Juifs. La restauration partielle qui suivit cette chute est le type du rétablissement final, avec la réunion des dispersés d’Israël. Cela explique la pensée qui a prévalu chez certains chrétiens, que le rétablissement partiel qui s’est alors accompli constitue tout ce qu’on peut attendre en faveur d’Israël en tant que tel, et que le péché dont il s’est rendu coupable plus tard en rejetant son Messie, et la miséricorde par laquelle l’Évangile a été accordé aux Gentils, l’ont entraîné dans une ruine nationale irréparable.

Quoiqu’il y ait beaucoup de vrai dans de telles pensées, c’est bien loin d’être toute la vérité. Dieu n’abandonne point le peuple qu’il a appelé. Jamais il n’accorde un don de grâce pour le retirer ensuite entièrement, car la même grâce qui a fait la promesse agit et opère dans la personne et le cœur du croyant, jusqu’à ce qu’elle ait son plein effet moral par l’efficace du Saint Esprit. Ainsi, en même temps que la grâce par laquelle il appelle soit un individu, soit un peuple, il y a aussi en Dieu, la fidélité patiente et la puissance qui triomphent toujours à la fin.

L’histoire du passé n’est, sans aucun doute, qu’une faillite totale. La raison en est qu’Israël a choisi de s’appuyer sur sa propre force pour se tenir devant Dieu, et non pas sur la bonté de Dieu envers eux. Agir de la sorte, c’est toujours et nécessairement, une erreur fatale. «Cette génération ne passera pas, que toutes ces choses ne soient arrivées». Autrement dit, toutes les menaces qui ont été faites et tout ce qui a été prédit doivent encore arriver à la génération d’Israël qui a présumé de sa propre justice, et qui, en définitive, a montré son vrai caractère en rejetant Christ et l’Évangile. Un sentiment réel de ruine morale (c’est-à-dire la repentance envers Dieu), accompagne toujours une foi réelle et vivante. Israël a traversé cette phase de confiance en soi, ou la traverse encore. «Cette génération» n’a pas encore passé; toutes choses ne sont pas encore accomplies. Les Juifs n’ont pas encore subi toutes les conséquences de leur folie et de leur haine pour le Fils de Dieu. Ils ont encore à recevoir un châtiment des plus rigoureux, car bien que le passé ait été passablement amer, l’avenir leur réserve des choses bien plus terribles encore. Mais lorsque tout aura été accompli, alors commencera une scène nouvelle pour eux; ce ne sera plus la continuation de la génération rejetant Christ, mais ce sera ce que l’Écriture appelle «la génération à venir», — une nouvelle lignée du même Israël, des gens qui seront enfants d’Abraham par la foi en Jésus Christ — enfants d’Abraham non pas en paroles seulement, mais spirituellement. Alors viendra l’histoire, non pas de la faillite de l’homme, mais d’un peuple que l’Éternel bénit dans sa grâce, quand ils reconnaîtront avec allégresse ce même Sauveur que leurs pères avaient crucifié et tué par des mains criminelles (celles des Gentils).

Ce chapitre s’occupe spécialement de Jérusalem et des Juifs. Il forme dans l’histoire générale de Daniel une espèce d’épisode, mais qui n’est nullement sans liens avec le reste. Nous allons voir, en effet, que l’histoire d’Israël les rattache spécialement à ces personnages qui doivent encore se dresser contre Dieu et contre son peuple, ainsi que nous l’avons lu dans les chapitres qui précèdent. Pour quiconque lit ce chapitre-ci avec intelligence, il est évident que le sujet principal en est la destinée de Jérusalem, et la place future du peuple de Dieu. Or, ceci intéressait profondément Daniel. Il aimait Israël, non pas seulement parce que c’était son peuple; mais parce que c’était le peuple de Dieu. Il ressemble à Moïse en ceci: même lorsque l’état moral du peuple empêchait que Dieu parlât de lui comme Son peuple (Il s’en occupait dans les voies secrètes de sa providence, mais je parle ici du fait de le reconnaître publiquement), Daniel, dans sa requête au Seigneur, continue toujours de mettre en avant qu’Israël était Son peuple. L’ange pouvait bien dire: le peuple et la cité de Daniel — c’était parfaitement vrai; mais Daniel tient toujours à cette vérité précieuse que la foi ne doit jamais lâcher: quels qu’ils soient, ils sont le peuple de Dieu. Mais pour cette raison même, ils peuvent être châtiés de plus en plus rudement. En vérité, rien n’amène davantage le châtiment sur une âme qui appartient à Dieu et qui est tombée dans le péché que le fait qu’elle appartient effectivement à Dieu. Il ne s’agit pas simplement de ce qui est bon pour l’enfant. Dieu agit pour lui-même, et d’après lui-même; et c’est là le vrai pivot de toute notre bénédiction. Que gagnerions-nous à ce que Dieu travaillât simplement pour notre gloire? Mais nous nous réjouissons dans l’espérance de la gloire de Dieu. Nous avons quelque chose d’autant meilleur, que Dieu nous bénit selon ce qui est digne de Lui-même.

Daniel était quelqu’un qui entrait profondément dans une telle pensée. C’est, par excellence, la marque de la foi; la foi n’envisage jamais une chose simplement en rapport avec soi-même, mais elle l’envisage en rapport avec Dieu. Il en est toujours ainsi. S’il est question de paix, est-ce simplement que je veux de la paix? Sans doute je la désire, comme un pauvre pécheur qui a été toute sa vie en guerre avec Dieu. Mais combien il est infiniment plus béni, lorsque nous arrivons à voir que notre paix, c’est «la paix avec Dieu»; ce n’est pas simplement une paix du cœur ou de la conscience, mais la paix avec Dieu! C’est une paix qui demeure même en sa présence. Il manifeste tout son caractère, tout ce qu’il est, en me la donnant et en l’établissant sur une base telle que Satan ne pourra jamais y toucher. Il s’agit de me délivrer, de briser le ressort même du péché; et rien n’est aussi efficace pour cela que le fait que Dieu est venu au devant de moi lorsque je ne méritais rien sinon la mort et le jugement éternel, et qu’il a sacrifié Son Fils bien-aimé pour me donner une paix digne de Lui-même. Et Il a fait cela; Il a donné cette paix, et toute la pratique chrétienne découle de l’assurance d’avoir trouvé cette bénédiction en Christ.

Nous trouvons donc ici Daniel prenant un profond intérêt à Israël, parce qu’il était le peuple de Dieu. En conséquence, il recherche dans la parole de Dieu ce qu’il a révélé concernant son peuple. Cela se passait «la première année de Darius, fils d’Assuérus, de la semence des Mèdes». Ce n’était point une communication nouvelle: «La première année de son règne, moi Daniel, je compris par les livres que le nombre des années touchant lequel la parole de l’Éternel vint à Jérémie le prophète, pour l’accomplissement des désolations de Jérusalem, était de soixante-dix années».

Outre qu’il était prophète, Daniel comprit qu’Israël devait être restauré dans sa terre, avant que la chose eût lieu. Il n’attendit pas de voir son accomplissement pour constater alors simplement qu’il avait eu lieu. Mais il comprit «par les livres», non point par les circonstances. Sans doute, il y avait les circonstances de la chute de Babylone; mais il comprit d’après ce que Dieu avait dit, et non pas simplement d’après ce que l’homme avait fait. C’est là la vraie manière de comprendre la prophétie. N’est-il pas remarquable qu’au moment où nous allons aborder une nouvelle prophétie, limitée presque exclusivement à l’étroite sphère d’Israël, Dieu nous montre l’esprit qui convient pour la comprendre? Daniel étudiait le prophète Jérémie; et il y vit clairement que, une fois Babylone détruite, il serait permis à Israël de revenir. Et quel effet cela produisit-il sur son âme? Il s’approche de Dieu. Il ne va pas vers ceux que la prophétie touchait de si près, pour leur communiquer ces bonnes nouvelles; mais il s’approche de Dieu. C’est là un autre caractère de la foi. Elle tend toujours à amener en la présence de Dieu celui qui, par son moyen, comprend en quelque mesure la pensée et la volonté de Dieu. Il a communion avec Dieu au sujet de ce qu’il a reçu de Lui, avant même de le faire connaître à ceux qui sont les objets de la bénédiction. Nous avons vu déjà vu cela en Daniel, au chapitre 2. Ici, nous pouvons le remarquer, cette communion ne s’accompagne pas d’actions de grâces, mais de confessions. Nous comprendrions facilement que si le peuple d’Israël venait d’être mené en captivité juste à ce moment, il l’aurait ressenti comme un profond châtiment, et aurait voulu s’approcher de Dieu pour reconnaître son péché et s’humilier sous la verge. Mais voilà que Dieu avait jugé l’oppresseur d’Israël, et était sur le point de délivrer son peuple. Néanmoins Daniel s’approche, et que dit-il? Quand il parle à Dieu, ce n’est pas simplement au sujet de la délivrance du peuple; c’est une prière pleine de confession à Dieu.

Sur ce point, je voudrais faire une remarque d’ordre général. Si l’étude de la prophétie ne tend pas à nous donner un sentiment plus profond de la faillite du peuple de Dieu sur la terre, je suis persuadé que nous perdons l’un de ses effets pratiques les plus importants. C’est à cause de l’absence de ce sentiment que la recherche prophétique a été généralement peu profitable. On en fait une affaire de dates et de pays, de papes et de rois; tandis que Dieu ne la donne point en vue d’exercer la vivacité d’esprit de son peuple, mais pour exprimer Sa propre pensée quant à leur condition morale; de sorte que quels que soient les jugements et les épreuves qu’elle nous retrace, ils devraient être saisis par le cœur et compris comme étant la main de Dieu sur son peuple à cause de ses péchés.

Tel fut l’effet qu’elle produisit sur Daniel. Il était l’un des prophètes les plus estimés — comme disait le Seigneur Jésus lui-même: «Daniel le prophète». Et l’effet sur lui fut qu’il ne perdit jamais la portée morale des circonstances les plus simples de la prophétie. Il discernait le grand but de Dieu; il entendait sa voix s’adressant dans toutes ces communications au cœur de Son peuple. Et ici il répand tout devant Dieu. Comme il avait appris que la délivrance d’Israël aurait lieu à l’occasion de la chute de Babylone, il tourne sa face vers le Seigneur Dieu, «pour le rechercher par la prière et la supplication, dans le jeûne, et le sac et la cendre. Et je priai l’Éternel, mon Dieu, et je fis ma confession, et je dis: Je te supplie, Seigneur, le Dieu grand et terrible, qui gardes l’alliance et la bonté envers ceux qui t’aiment et qui gardent tes commandements! Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité, nous avons agi méchamment, etc.».

Je voudrais faire ici une autre remarque. S’il se trouvait quelqu’un dans Babylone à l’égard duquel sa conduite et l’état de son âme dussent faire supposer qu’il n’avait pas de faire de confession de péché, certainement c’était Daniel. C’était un homme saint et dévoué. Plus que cela: il avait été transporté si jeune de Jérusalem, que le coup terrible n’était évidemment pas tombé pour quelque chose à laquelle il avait pris part. Mais il n’en dit pas moins: «Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité». Bien plus, j’ose dire que, plus vous êtes séparés du mal, plus vivement vous le sentez: précisément, comme une personne arrivant à la lumière, ressent d’autant plus les ténèbres qu’elle vient de quitter. C’est ainsi que Daniel était l’un de ceux dont l’âme était avec Dieu, et qui entrait dans Ses pensées à l’égard de Son peuple. Connaissant le grand amour de Dieu, et voyant ce que Dieu avait fait à l’égard d’Israël (car dans sa prière il ne l’oublie point), Daniel ne considère pas seulement les grandes choses que Dieu avait opérées pour ce peuple, mais il arrête aussi son attention sur les jugements qu’Il lui avait infligés. Mais a-t-il pour autant la pensée que Dieu n’aime pas Israël? Bien au contraire, personne n’avait un sentiment plus profond du lien d’affection qui existait entre Dieu et son peuple; et c’est pour cette raison qu’il jugeait si bien et si profondément l’état de ruine où se trouvait le peuple de Dieu. Il mesurait leur péché d’après la profondeur de l’amour de Dieu, et d’après la terrible dégradation qui les avait atteints. Tout cela provenait de Dieu. Daniel n’imputait pas les jugements ayant frappé les Juifs à la méchanceté des Babyloniens, ou au génie guerrier de Nebucadnetsar. Il voyait Dieu dans toutes ces choses. Il reconnaît que la cause en est dans leur péché, dans leur iniquité extrême; et il l’attribue à tous. Ce ne sont pas simplement les petites gens imputant leurs malheurs aux grands, ni les grands les imputant aux petits, comme si souvent parmi les hommes. Il n’allègue pas simplement l’ignorance et la méchanceté de quelques uns, mais il les renferme tous dans sa confession — rois, sacrificateurs et peuple. Il n’y en avait pas un qui ne fût coupable. «Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité». Et c’est là un autre effet de l’étude de la prophétie quand elle est faite avec Dieu. Elle introduit toujours l’espérance que Dieu se tient en faveur de son peuple, — espérance du jour brillant et béni où le mal disparaîtra et où le bien sera établi par la puissance divine. Daniel se garde de l’oublier. Il met cette précieuse espérance comme un bandeau en en-tête de ce chapitre. Les détails des 70 semaines font voir le péché et la souffrance continuels du peuple de Dieu. Mais auparavant, la fin, la bénédiction, sont placées devant l’âme. Quelle bonté que celle de notre Dieu! Dieu saisit l’occasion de nous donner, avant tout, la certitude de la bénédiction finale, et il nous montre ensuite le douloureux chemin qui y conduit.

Il n’est pas nécessaire d’aborder maintenant les pensées que suggère cette belle prière de Daniel, sauf une d’une grande importance pratique. Il s’agit du fait que la prophétie a été donnée par Dieu en réponse à l’état d’âme dans lequel Daniel se trouvait. Il prenait devant Dieu la position de quelqu’un qui confesse humblement, parlant comme l’organe du peuple, comme le représentant du peuple par la foi, exposant devant Dieu leurs péchés. Peut-être aucune autre âme ne le faisait, en tout cas il n’y en avait guère. Il est rare, en effet, de trouver des âmes prêtes à prendre réellement la place de la confession devant Dieu. Combien il y en a peu aujourd’hui qui ont un sentiment juste de la ruine de l’Église de Dieu, ou de ce que font même les fidèles! À Babylone, ceux qui étaient les plus coupables le sentaient le moins; tandis que celui qui était le plus exempt de culpabilité était celui qui l’exposait avec le plus de sincérité devant Dieu.

En réponse au sentiment profond et vrai qu’il a de l’état d’Israël, Dieu envoie la prophétie. L’âme qui se refuse à examiner de telles paroles de Dieu, ne sait pas ce qu’elle perd. Partout où les enfants de Dieu sont privés de ce que Dieu communique relativement à l’avenir (je ne parle pas ici de simples spéculations, lesquelles sont sans valeur, mais des grandes leçons morales contenues dans la prophétie), il y a toujours faiblesse et défaut de capacité à juger du présent.

Mais il y a une autre chose à signaler avant de passer aux 70 semaines. Quoique Daniel expose devant Dieu leur grande faillite, et s’en remet à Ses grandes compassions, cependant il ne s’appuie jamais sur les promesses données à Abraham. Il ne va point au delà de ce qui fut dit à Moïse. Ceci est intéressant et important à observer. C’est la véritable réponse à quiconque supposerait que le rétablissement d’Israël qui eut lieu à cette époque, était l’accomplissement des promesses abrahamiques. Daniel ne se plaça pas sur ce terrain. Il n’y avait rien alors qui ressemblât à la présence de Christ parmi son peuple, comme son roi. Or, les promesses faites aux pères supposent la présence de Christ, parce que Christ seul est la semence d’Abraham dans le sens plein et propre du terme. Sans lui, qu’étaient les promesses? Aussi, avec une sagesse divine, Daniel fut-il conduit à prendre le vrai terrain. Quelle que fût la restauration d’alors, elle n’était pas complète. Cette prophétie nous amène à la bénédiction finale d’Israël, quand les 70 semaines sont consommées. Mais le retour faisant suite à la chute de Babylone n’était que l’accomplissement de quelque chose de partiel et de conditionnel, et non pas la finalisation des promesses faites aux pères.

Ce point mérite d’être noté. Les promesses faites à Abraham étaient absolues, parce qu’elles reposaient sur Christ, qui est la vraie semence selon la pensée de Dieu, quoique Israël soit la semence selon la lettre. De sorte que, jusqu’à ce que Christ vint, et que Son œuvre fût faite, la pleine restauration d’Israël ne pouvait pas avoir lieu. Lorsqu’aux jours de Moïse, Israël se plaça sur le principe de la loi, ils la violèrent bientôt, et furent brisés. Avant même que la loi eût été mise entre leurs mains, écrite sur les tables de pierre, les enfants d’Israël adorèrent le veau d’or. La conséquence fut qu’à partir de ce moment, Moïse changea de position — il prit celle de médiateur. Il monte à nouveau sur la montagne, et plaide auprès de Dieu pour le peuple. Dieu ne voulait plus l’appeler Son peuple. En parlant d’eux à Moïse, il dit: «ton peuple», et ne voulait pas les reconnaître comme siens. Moïse ne veut cependant pas laisser Dieu aller, mais il plaide avec Lui que, quoiqu’ils aient commis, ils sont «Ton peuple», désirant être effacé lui-même, plutôt que de voir Israël perdre son héritage. C’était là précisément ce à quoi Dieu prenait plaisir — le reflet de Son propre amour pour le peuple. Vous avez peut-être trouvé des défauts chez quelqu’un que vous aimez, mais vous ne voudriez pas que les autres en parlent. Ainsi, la plaidoirie de Moïse en faveur d’Israël, était ce qui allait droit au cœur de Dieu. Sans aucun doute, ils avaient commis un grand péché, et Moïse le sentait et le confessait; mais il insiste sur le fait qu’ils sont le peuple de Dieu.

Dieu fait ressortir de plus en plus ce qui était dans le cœur de Moïse: il place devant lui de grandes choses, offrant d’exterminer le peuple et de faire de lui, Moïse, une grande nation. Non! répond Moïse, j’aimerais mieux tout perdre que de les voir perdus, eux. C’était la réponse de la grâce à la grâce qui était dans le cœur de Dieu en faveur de Son peuple. C’est pourquoi, lorsque la loi fut donnée la seconde fois, Dieu ne la donna point de la même manière que la première fois; mais l’Éternel proclama Son nom comme Celui qui est grand en bonté et en vérité, tout en déclarant aussi qu’il ne tiendrait pas le coupable pour innocent. En d’autres termes, la première fois, c’était purement la loi, purement la justice, et l’affaire se termina par le veau d’or, c’est-à-dire la pure injustice de la part du peuple. Ils auraient mérité d’être détruits, mais, sur l’intercession de Moïse, Dieu introduit un système mélangé, en partie la loi, et en partie la grâce.

C’est sur ce terrain que Daniel se place ici. Il fait valoir que, quoiqu’ils eussent violé la loi, Dieu avait fait connaître son nom comme «grand en bonté et en vérité». Daniel croit cela. Il ne remonte point aux promesses faites à Abraham; sur ce principe la restauration aurait été parfaite et définitive, ce qu’elle n’était pas. De même aujourd’hui, prenez un homme qui s’appuie en partie sur ce que Christ a fait pour lui et en partie sur ce qu’il fait pour Christ: le trouverez-vous jamais heureux? Non, jamais. Or c’est sur ce principe-là que se trouvaient les Israélites, et en conséquence Daniel ne va point au delà: Christ n’était pas encore venu. D’un autre côté, après la naissance de Christ, vous trouverez, si vous regardez au cantique de Zacharie (Luc 1), ou à celui des anges (Luc 2), que le terrain pris par les fidèles n’est point celui que Dieu avait déclaré à Moïse, mais c’était les promesses faites aux pères. Jusqu’au moment assigné de Dieu, Zacharie était resté muet, en signe de la condition d’Israël. Mais maintenant que le précurseur est nommé, à la veille de la venue de Christ, sa bouche est ouverte.

Avant d’aborder plus pleinement la prophétie des 70 semaines selon que le Seigneur nous en rendra capables, je voudrais attirer votre attention sur ces paroles: «Et je parlais encore, et je priais et confessais mon péché et le péché de mon peuple Israël». Remarquez que toutes ses pensées sont en rapport avec Israël et Jérusalem. La prophétie ne concerne point la chrétienté, mais Israël. On ne peut pas la comprendre, à moins de retenir fermement ce point. «Et je parlais encore... et je présentais ma supplication devant l’Éternel, mon Dieu, pour la sainte montagne de mon Dieu, — je parlais encore en priant, et l’homme Gabriel que j’avais vu dans la vision au commencement, volant avec rapidité, me toucha vers le temps de l’offrande de gâteau du soir». Ensuite, la prophétie commence au verset 24. Elle se rapporte au peuple de Daniel: «sur ton peuple». Elle parle d’une période spéciale délimitée en rapport avec l’entière délivrance d’Israël: «70 semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville». Chacun doit voir qu’il s’agit des Juifs et de Jérusalem. «... Pour clore la transgression, et pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l’iniquité, et pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints». Du commencement à la fin, c’était une période qui était arrêtée dans la pensée de Dieu, et révélée à Daniel, touchant la destinée future de la ville et du peuple de Dieu ici-bas.

Mais quelqu’un va peut-être s’alarmer et me dire: n’avons-nous donc rien à faire avec «la propitiation pour l’iniquité», et la «justice des siècles»? Je réponds par cette question: de qui ce verset parle-t-il? Vous trouverez ailleurs d’autres passages qui révèlent notre intérêt dans l’œuvre qui efface le péché, et dans la justice de Dieu qui nous caractérise en Christ. Mais en lisant la parole de Dieu, nous devons nous en tenir à cette règle d’or: ne jamais forcer l’Écriture pour la faire se rapporter à nous ou à d’autres. Quand une personne est convertie, mais n’a pas encore la paix, aussitôt qu’elle voit quelque chose sur le sujet de «en finir avec les péchés», elle se l’applique immédiatement. Sentant son besoin, elle saisit, comme un homme qui se noie, des déclarations qui ne peuvent remédier à son fardeau, ou du moins qui n’ont pas été faites pour elle. Au lieu d’y perdre, elle gagnerait beaucoup à être dirigée vers les déclarations de la grâce de Dieu envers nous, pauvres pécheurs d’entre les Gentils: elle aurait des passages bien plus précis correspondant à son besoin de paix et d’assurance; et si elle faisait l’objet d’attaques de Satan, elle n’éprouverait alors ni faiblesse, ni frayeur, ni incertitude. Tandis que si elle s’empare de passages qui s’appliquent aux Juifs, Satan peut l’attaquer sur le fondement de sa confiance, de sorte qu’elle soit obligée de dire: Ceci ne me concerne pas du tout d’une manière littérale et certaine. Les «70 semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville». Mais moi je n’en fais pas partie. Il est important de comprendre l’Écriture, et de bien voir ce dont Dieu parle.

Si on s’était mis cela dans l’esprit, la plupart des controverses soulevées sur ce passage n’aurait jamais eu lieu. On était désireux et pressé d’introduire quelque chose qui nous concernât comme Gentils ou chrétiens; tandis que l’attitude du prophète, les circonstances des gens, et les termes mêmes de la prophétie, excluent toute autre pensée que celle des Juifs et de leur ville. C’est ailleurs qu’on trouve ce qui a trait aux Gentils. Permettez-moi cependant de faire remarquer qu’en finir avec les péchés pour cette cité et pour ce peuple repose sur exactement le même fondement que pour nous. C’est ainsi que l’apôtre Jean nous déclare que Jésus mourut, «non pas seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés» (Jean 11:52). Ces paroles nous révèlent deux buts distincts de la mort de Christ. La prophétie qui nous occupe ne présente que le premier, savoir que Jésus est mort pour la nation — la nation juive; mais par ce même acte de sa mort, il a été pourvu non seulement au salut que Dieu a apporté pour les pécheurs, mais aussi au rassemblement en un «des enfants de Dieu dispersés».

De sorte que si nous prenons la Bible telle qu’elle est, sans nous trop préoccuper s’il est question de nous ici ou là, au lieu de rien perdre, nous gagnerons toujours quant à l’étendue et à la profondeur de la bénédiction, et par dessus tout, quant à la manière claire et ferme dont nous la retiendrons après l’avoir saisie; nous n’aurons pas le sentiment de nous être emparés de la part d’un autre peuple, ni d’avoir réclamé des biens sur la base de titres contestables; mais nous éprouverons que ce que nous possédons est bien ce que Dieu nous a librement donné et garanti. Ce ne sera au contraire jamais le cas, si je m’empare des prophéties relatives à Israël et que je fonde sur elles mon droit à la bénédiction; elles ne sont ni l’Évangile pour les pécheurs, ni la révélation de la vérité touchant l’Église.

Voilà donc la portée propre des derniers versets de notre chapitre. Les détails sur les semaines viennent après le premier énoncé général. «70 semaines», dit Gabriel, «ont été déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville, pour clore la transgression, et pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l’iniquité, et pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints». Puis, au verset 25, nous trouvons le premier détail particulier, après la définition du point de départ: «Et sache, et comprends: Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu’au Messie, le prince, il y a 7 semaines et 62 semaines». Or, dans le livre d’Esdras, nous avons une première parole émanant du roi Artaxerxès, appelé Artaxerxès-Longue-Main dans l’histoire profane, l’un des monarques de l’empire des Perses. Cette première parole, sous forme de lettre d’ordre, fut donnée à Esdras, le scribe, «la 7° année du roi Artaxerxès». Un autre commandement [sous forme de lettre] fut remis à Néhémie, la 20° année du règne du même monarque. Il est important pour nous de décider à laquelle de ces deux paroles [avec lettre d’ordre] Daniel fait allusion. La première se trouve en Esdras 7, la seconde en Néhémie 2. Un examen attentif de l’un et de l’autre nous fera voir celle à laquelle se réfère ici la prophétie. Bien des personnes, excellentes quant à elle-mêmes, ont donné une interprétation différente de celle que je crois correcte. Or c’est à l’Écriture seule qu’il appartient de décider des questions qui naissent de l’Écriture; si on recourt à des éléments étrangers, on aura des sujets d’être perplexe. Remarquez qu’il ne s’agit pas ici simplement d’un décret général concernant les Juifs, comme celui de Cyrus permettant leur retour, mais d’un ordre spécial rétablissant leur situation politique. Or, en quoi les deux ordres donnés pendant le règne d’Artaxerxès diffèrent-ils l’un de l’autre? Celui donné à Esdras avait principalement pour objet la reconstruction du temple; l’autre, que Néhémie obtint, se rapportait à la ville. Et qu’est-ce que nous lisons ici? «Et sache et comprends: Depuis la sortie de la parole, pour rétablir et rebâtir Jérusalem». Évidemment c’est de la ville qu’il et question; et s’il en est ainsi, nous voyons laquelle des deux paroles [avec ordre du roi] concerne la ville. Il n’y a pas le moindre doute: c’était la seconde, et non la première; c’était la mission confiée à Néhémie, la 20° année d’Artaxerxès, et non celle qu’avait reçue Esdras, 13 ans auparavant. Que l’on compare avec Néhémie, et l’on en verra la confirmation.

Ce qui a conduit plusieurs à prendre le premier de ces deux décrets pour celui auquel notre chapitre se réfère, c’est l’idée que les 70 semaines devaient se terminer à la venue du Messie. Mais ce n’est pas dit. Le verset 24 renferme beaucoup plus que la venue du Messie: «70 semaines ont été déterminées... pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l’iniquité». Dans ces paroles, vous avez au moins l’œuvre de Christ, qui, nous le savons, impliquait ses souffrances et sa mort. Mais il y a plus que cela; voici comment le passage continue: «Pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints», expression par laquelle tout Israélite entendait le sanctuaire de Dieu. Il est évident que tout cela ne s’est pas accompli à la venue ni même à la mort du Messie. Car quoique le fondement de la bénédiction d’Israël fût posé dans son sang, cependant Israël n’était pas encore réellement introduit dans la bénédiction; et ces 70 semaines supposent qu’il sera pleinement béni à leur expiration. Nous apprenons de là quelle grande importance il y a, de faire attention à la prophétie elle-même; de ne pas regarder simplement aux événements qui se passent, mais d’interpréter les événements par la prophétie. «Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu’au Messie, le prince», (sans que la date soit définie) «il y a» — non pas 70 semaines, mais— «7 semaines et 62 semaines»; c’est-à-dire 69 semaines.

Ces paroles m’apprennent tout d’abord que, pour une raison grave que le commencement de la prophétie n’explique pas, 69 des 70 semaines sont séparées de la dernière semaine. La chaîne est rompue; une semaine est mise à part des autres. Il est déclaré que depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem (ce qui est mis comme point de départ des 70 semaines, date à partir de laquelle on commence le décompte), il y a 7 semaines et 62 semaines: — périodes quelque peu distinctes, mais faisant en tout 69 semaines jusqu’au Messie, le prince. Évidemment c’est un fait bien remarquable que nous avons là. Mais, pourquoi, pouvons-nous demander, les 7 semaines sont-elles séparées des 62 semaines? Les paroles suivantes nous le font voir: «La place et la muraille [ou: le fossé] seront rebâtis, et cela en des temps de trouble». Les 7 semaines devaient, je pense, être employées à la reconstruction de la ville de Jérusalem. Dans l’intervalle de 7 semaines, ou 49 ans, (car je suppose que peu de lecteurs mettront en doute que ce sont des semaines d’années), depuis le point de départ, la construction commencée serait achevée. Les places devaient être rebâties, ainsi que la muraille [ou: le fossé], et cela dans un temps d’angoisse. Or, ces temps de difficulté et d’épreuve nous sont racontés dans le livre de Néhémie, où nous trouvons la dernière des dates rapportée dans l’histoire de l’Ancien Testament. Prenant ensuite l’autre période, il nous est dit qu’à l’expiration non pas seulement des 7 semaines, mais des 62 semaines, «le Messie sera retranché et n’aura rien».

L’idée est que le Messie, au lieu d’être reçu par son peuple et d’introduire la bénédiction promise à la fin des 70 semaines, serait retranché à la fin des 69 semaines, et n’aurait rien. Ces paroles indiquent l’entier rejet du Messie par Son propre peuple. Leur ruine en est la conséquence. La clé nous est maintenant donnée, et nous avons l’explication de la difficulté signalée au commencement, quant à savoir pourquoi les 69 semaines étaient séparées de la 70°. La mort de Christ rompit la chaîne, et brisa les relations du peuple d’Israël avec Dieu. En conséquence, les Juifs ayant rejeté leur propre Messie, la dernière semaine est différée pour un temps. Cette semaine-là finit par la pleine bénédiction. Mais les Juifs sont rejetés entre temps à cause de leur péché contre leur propre Messie.

Et voilà pourquoi nous lisons dans ce qui suit: «Et le peuple du prince qui viendra, détruira la ville et le lieu saint, et la fin en sera avec débordement; et jusqu’à la fin il y aura guerre, un décret de désolations». Il avait dit auparavant que 70 semaines étaient déterminées pour en finir avec le péché et introduire la justice des siècles, etc.; c’est-à-dire qu’à la fin de cette période désignée, la pleine bénédiction serait introduite. Tandis que nous apprenons maintenant que, bien loin d’arriver à l’achèvement de la bénédiction, ils ont retranché leur Messie qui n’a rien eu. La conséquence en est que la ville et le sanctuaire ne sont pas bénis, mais livrés à la ruine: «le peuple du prince qui viendra, détruira la ville et le lieu saint, etc.». Il n’y aura que guerres et désolations pour le peuple juif. L’interruption des 70 semaines est la conséquence de la mort de Christ, et les événements qui sont ensuite rapportés n’appartiennent en rien à leur accomplissement, mais sont les voies de Dieu envers les Juifs pour leur acte inouï. On ne saurait nier qu’il s’est écoulé une longue période entre la mort de Christ et la prise de Jérusalem. Jusqu’à Christ, il y a 69 semaines, et ensuite viennent des événements que la prophétie révèle clairement, mais elle révèle non moins clairement qu’ils sont postérieurs aux 69 semaines, et antérieurs à la 70°. Nous avons là un autre peuple appartenant à un prince tout différent du Messie déjà rejeté, et ce peuple vient et détruit la ville et le sanctuaire. Ce furent les Romains qui vinrent, malgré le terrible expédient de Caïphe, ou plutôt à cause même de lui. Ils vinrent, et détruisirent la ville et le sanctuaire. C’est ce qui amena l’accomplissement de cette partie de la prophétie. Le Messie a été retranché, et les Romains, que les Juifs avaient si ardemment désiré se rendre propices, les balayèrent de la face de leur terre; jusqu’au temps actuel, qu’y a-t-il eu d’autre que la misère dans leur cité?

À partir de là, Jérusalem devait être foulée par les Gentils, jusqu’à ce que les temps des Gentils soient accomplis. C’est une période qui dure encore. Depuis lors, Jérusalem n’a fait que changer de maître. Nous avons été témoins, en nos jours, d’une guerre entreprise au sujet de cette même ville et de ce même sanctuaire, et nul ne saurait dire dans combien de temps aura lieu la suivante, car les objectifs de cette guerre n’ont nullement été atteints pour établir une paix heureuse. Il subsiste les mêmes éléments de disputes et d’explosions. C’est une question qui n’est pas vidée. Tel que fut Jonas dans le navire, tel Israël sera bientôt pour les Gentils. Il n’y aura point de repos pour eux — rien que des tempêtes — s’ils se mêlent des affaires de ce peuple avec lequel l’Éternel a une controverse. Les Juifs sont dans un état misérable; ils souffrent les conséquences de leur propre péché. Mais ces Gentils découvriront le danger de se mêler des affaires de cette ville et de ce sanctuaire dont la purification est encore à venir selon le plan de Dieu. Si nous ne sommes pas encore arrivés au temps où la bénédiction commence, on peut être sûr que la 70° est encore à venir. Car dès qu’elle sera accomplie, la pleine bénédiction coulera à flots sur Israël et Jérusalem. Or, il est bien manifeste qu’une bénédiction semblable n’est pas réalisée; et c’est pourquoi nous pouvons être parfaitement certains que la dernière des 70 semaines doit encore recevoir son accomplissement. Il faut attendre la consommation du siècle.

Au reste, la prophétie elle-même doit nous préparer à cela. Une chaîne régulière lie les semaines les unes aux autres jusqu’à la fin de la 69°; mais alors survient un grand intervalle de discontinuité. La mort de Christ a rompu le lien de relation entre Dieu et Son peuple, et désormais il n’y a plus eu entre eux de lien vivant. Les Juifs retranchèrent leur Messie, et par là perdirent pour un temps leur position nationale. Un déluge de maux éclata sur eux. «Le roi envoya ses troupes, et fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville». La dernière partie du verset 26 nous fait voir la désolation continuelle qui a fondu sur leur ville et sur leur race suite à la crucifixion du Messie. Et comme personne ne peut prétendre que rien de semblable n’est arrivé durant les 7 années qui ont suivi la crucifixion, il faut nécessairement admettre un intervalle de discontinuité plus ou moins considérable entre la 69° et la 70° semaine.

Remarquez l’exactitude de l’Écriture. Il n’est point dit que le prince qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, mais que son peuple le ferait. Le Messie, le Prince, est déjà venu et a été retranché. Maintenant l’Écriture nous parle là d’un autre prince à venir, un prince romain; car tout le monde sait que ce sont les Romains qui vinrent et s’emparèrent à la fois du pays et de la nation des Juifs. L’Écriture dit simplement: «Le peuple du prince qui viendra» ce qui laisse entendre que le peuple viendrait avant un certain prince qui était encore à venir. Je regarde cela comme très important. Sans doute qu’il y avait un prince qui conduisit les Romains dans la conquête de Jérusalem; mais Titus-Vespasien n’est pas le personnage auquel il est fait allusion ici. Rien n’est plus simple à comprendre, si le peuple vient d’abord et si le prince en question suit ultérieurement. «La fin en sera avec débordement; et jusqu’à la fin il y aura guerre, un décret de désolations». Il devait y avoir une longue période d’inimitié et de désolation. C’est là précisément où en sont les Juifs aujourd’hui. Ils ont été chassés de cette ville et de ce sanctuaire, et depuis, ils ne les ont jamais récupérés. Il est vrai qu’ils se sont fait une position remarquable dans la plupart des contrées de la terre; leur influence croît dans toutes les cours et dans tous les offices du monde; mais ils n’ont jamais obtenu le plus petit pouvoir dans leur propre pays et dans leur propre ville. Ils y sont les plus proscrits de tous. Ce sont là ces désolations continuelles.

Au verset 27 arrive la scène finale: «Et il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine». Les versions ordinaires disent à tort l’alliance. L’article «la» n’est point dans l’original, et ce petit mot en a fait égarer plusieurs. C’est «une» alliance qu’il faut lire, ou plutôt, c’est simplement l’idée générale de confirmer une alliance. Si on lit «l’alliance», le lecteur est aussitôt porté à en conclure que l’expression «le prince» désigne le Messie, et qu’Il allait confirmer Son alliance. Mais voici comment le passage est conçu: «Il confirmera alliance (ou une alliance) avec les plusieurs pour une semaine». Sans doute que le Messie a apporté le sang de la nouvelle alliance; mais est-ce là le sens du passage? Il suppose que les désolations continuent durant toute cette période, après quoi vient la fin du siècle, qui comprend la 70° semaine, ou qui arrive pendant son déroulement. La mort de Christ a eu lieu depuis longtemps déjà; la destruction de Jérusalem aussi, 30 ou 40 ans après. Ensuite a suivi une longue période de désolations et de guerres en rapport avec Jérusalem. Après tout ceci, il est de nouveau parlé d’une alliance. Aussi nous faut-il examiner le passage pour voir qui fait cette alliance. Il est fait mention de deux personnes différentes. Au verset 25, il y a le Messie, le Prince; mais il est venu et a été retranché. Au verset 26, nous lisons: «Le peuple du prince qui viendra». C’est à ce futur chef romain que le verset 27 fait allusion. C’est lui qui confirmera alliance avec plusieurs, ou plutôt avec «la multitude», c’est-à-dire la masse ou la majorité. Le résidu ne participera en rien à cette alliance. Observez que la 70° semaine paraît ici pour la première fois: «Et il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine».

À ceux qui veulent soutenir que c’est Christ que ces paroles désignent, je demande quel sens elles ont ici? Une semaine ne peut signifier qu’une période de 7 ans. La nouvelle alliance a-t-elle jamais été faite pour 7 ans? Une telle pensée ne tient pas debout. N’est-il pas évident que l’idée d’entendre par là l’alliance apportée par Christ est franchement absurde? Par le moyen de l’œuvre de Christ, l’alliance est éternelle, tandis que celle dont il est question ici n’est que pour 7 ans. Quand et comment Christ a-t-il fait une alliance pour 7 ans? «Et il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine; et au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande». Je sais que certains appliquent cela à la mort de Christ. Mais la mort de Christ est passée depuis longtemps — avant que la 70° semaine commence; ensuite nous avons toutes les désolations des Juifs comme une inondation, postérieurement à cela; et encore après, un autre chef vient et confirme une alliance pour une semaine. C’est lui, et non pas Christ, qui fait alliance avec les Juifs pour 7 années. Mais au milieu de cette période, il met fin à leur culte. Ils auront rétabli le sacrifice et l’offrande à cette époque, et ce personnage les fait cesser.

Il est injustifiable d’intercaler le retranchement du Messie (qui appartient effectivement à la fin de la 69° semaine, v. 26) entre les deux moitiés de la 70° semaine au v. 27. Car il y a des événements très graves qui remplissent non seulement l’intervalle allant jusqu’à la destruction de Jérusalem par les Romains, mais aussi celui comprenant les désastres ultérieurs, mais pris de manière générale, sans date. La dernière semaine, comme Hippolytus l’a vu, est positionnée seulement à la fin du siècle (de l’ère); et on crée la pire des confusions si l’on met la mort du Messie à ce moment-là, et l’abolition par Lui du sacrifice et de l’offrande après Son ministère de plus de 3 ans. Au contraire, c’est une description de la mise de côté du rituel juif au profit de l’idolâtrie, par le chef romain futur, avec le support du roi-faux-prophète dans le pays d’Israël, tout ceci s’achevant judiciairement par l’apparition en gloire du Seigneur.

Mais n’avons-nous pas d’autre lumière sur le sujet dont il est question ici? Ce passage est-il le seul à nous parler d’une telle alliance, et de la cessation soudaine des fêtes et des cérémonies juives, opérée par un prince étranger? Sur l’alliance, voici ce que nous lisons en Ésaïe 28:15: «Car vous avez dit: Nous avons fait une alliance avec la mort, et nous avons fait un pacte avec le shéol: si le fléau qui inonde passe, il n’arrivera pas jusqu’à nous». Et au verset 18: «Et votre alliance avec la mort sera abolie, et votre pacte avec le shéol ne subsistera pas. Lorsque le fléau qui inonde passera, vous serez foulés par lui». Je ne doute pas que c’est là l’alliance que signale Daniel. Une autre chose vient confirmer ce sens: ce prince romain ayant fait une alliance impie avec le peuple juif, et ayant ensuite interrompu les sacrifices et introduit l’idolâtrie — ce que l’Écriture appelle «l’abomination de la désolation», — non seulement il mettra fin au rituel juif, mais il se placera lui-même comme un objet d’adoration. Lorsque l’idolâtrie est ouvertement en rapport avec le sanctuaire, Dieu envoie sur son peuple un fléau terrible. Les Juifs avaient espéré y échapper en faisant une alliance avec ce prince: comme le dit Ésaïe, ils pensaient (naïvement) être ainsi délivrés du fléau qui inonde (je pense qu’il s’agit du roi du Nord qui devient le grand chef des puissances orientales du monde liguées contre les puissances occidentales). La masse des Juifs fera alliance avec l’empereur de l’Occident qui sera officiellement leur ami à cette époque. Mais à la moitié du terme fixé, ce même personnage introduira l’idolâtrie et la leur imposera de force. Alors viendra la catastrophe finale pour les Juifs.

L’interruption des cérémonies juives ne repose pas sur ce passage seulement. En Daniel 7, la petite corne est l’empereur de l’Occident, ou «le prince qui viendra». Il est dit de lui qu’il «proférera des paroles contre le Très-haut, et il consumera les saints des lieux très-hauts, et il pensera changer les saisons et la loi, et elles seront livrées en sa main jusqu’à un temps et des temps et une moitié de temps». Remarquez l’analogie entre cette déclaration et celle que nous avons ici. Que faut-il entendre par «un temps, et des temps, et une moitié de temps»? Trois ans et demi, pour sûr. Et que faut-il entendre par la moitié d’une semaine? Exactement la même période. Au milieu de la durée pour laquelle l’alliance aura été faite avec Israël, ce prince arrêtera leur culte, et s’emparera du sanctuaire à ses propres fins. Il ne leur permettra pas non plus d’observer leurs fêtes. «Elles seront livrées en sa main», c’est-à-dire, les dates rituelles des Juifs et les lois. Dieu ne reconnaîtra pas le culte juif d’alors, et c’est pourquoi il ne les préservera pas en cette occasion. Il laissera cet homme poursuivre son chemin, lui qui, bien qu’ayant fait une alliance avec Israël comme avec des amis, la violera et substituera l’idolâtrie au culte de ce peuple. «Au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande». Alors viendra le fléau qui inonde.

Mais je dois recourir à une manière plus exacte de rendre les paroles qui suivent. Les traducteurs pour l’anglais étaient fort hésitants de leur véritable signification; il y avait plusieurs manière de les prendre; mais voici la traduction littérale: «Puis, pour (ou à cause de) l’aile des abominations, un désolateur». C’est-à-dire, parce qu’il aura pris les idoles sous sa protection, il y aura un désolateur, savoir le fléau qui inonde, ou l’Assyrien. «Le prince qui viendra» ne désolera point Jérusalem. En ce temps-là, il aura fait alliance avec les Juifs, et quoiqu’il rompe son alliance, cependant (parce qu’il est leur chef et leur protecteur, et que son favori, le faux prophète, aura son siège parmi eux comme le grand archiprêtre), il établit, avec l’aide de ce faux prophète, le culte de sa statue dans le temple de Dieu. Comparer «l’abomination de la désolation établie dans le lieu saint» (Matt. 24:15). La conséquence en est que le roi du Nord fondra comme un désolateur.

Les Juifs justes et fidèles auront donc deux ennemis en ce temps-là. Le désolateur, ou l’Assyrien, sera l’ennemi du dehors. L’ennemi du dedans sera l’Antichrist, ou leur roi qui agira selon son bon plaisir, qui les corrompra en liaison avec le prince romain. Il s’ensuit que voici le véritable sens de ce passage: «À cause de la protection des abominations il y aura un désolateur, et jusqu’à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée»: «La désolée» désigne sûrement Jérusalem. Toute la consomption, ou ce que Dieu a décrété contre les Juifs, doit avoir son cours. «Cette génération ne passera pas que toutes ces choses ne soient arrivées». Ce seront les derniers représentants de la portion d’Israël rejetant Christ, et Dieu fera venir sur eux tous Ses jugements. Ils seront balayés, et alors il ne restera que la semence sainte, le résidu fidèle, dont Dieu fera le grand noyau de la bénédiction pour le monde entier sous le règne du Seigneur Jésus.