Colossiens

Henri Rossier

Introduction

Colosses ou Colasses était une ville de la province de Phrygie, dans l’Asie Mineure, située non loin de Laodicée et de Hiérapolis qui sont nommées dans l’épître (chap. 2:1; 4:13-16). Ces deux villes, de même que Colosses, avaient reçu l’Évangile, et les assemblées qui s’y trouvaient semblent avoir été, surtout celle de Laodicée, en rapport intime avec l’assemblée de Colosses (4:15, 16).

Par qui l’Évangile avait-il été apporté à Colosses? Sans que cela nous soit dit d’une manière positive, nous pouvons conclure du verset 7 du chap. 1, que ce fut par Épaphras, ce fidèle serviteur du Christ et bien-aimé compagnon de service de Paul. L’apôtre, bien qu’il eût été en Phrygie à deux reprises (Actes 16:6; 18:23), ne s’était pas arrêté à Colosses. Les saints à Colosses n’avaient point vu son «visage en la chair» (Col. 2:1). Mais nous savons qu’il avait à cœur toutes les assemblées, témoin aussi celle de Rome, où il n’avait pas été avant d’écrire aux saints qui la composaient. «Outre les choses de dehors», écrivait ce dévoué serviteur de Christ, «il y a ce qui me tient assiégé tous les jours, la «sollicitude pour toutes les assemblées» (2 Cor. 11:28). Oh! qu’il nous fût donné d’avoir ce même souci pour les assemblées de Christ!

Quelque chose avait éveillé la sollicitude de Paul à l’égard de l’assemblée de Colosses. Épaphras qui avait prêché l’Évangile à Colosses, se trouvait alors à Rome auprès de l’apôtre prisonnier pour Christ (chap. 4:3, 10, 12). Il lui avait apporté de bonnes nouvelles touchant la foi, l’amour et les progrès des Colossiens, mais en même temps il lui avait sans doute fait connaître les dangers qui les menaçaient de la part de certains faux docteurs.

Quels étaient ces derniers? Les enseignements et les exhortations mêmes de l’épître, nous font connaître les erreurs qu’ils propageaient et par lesquelles ils cherchaient à séduire les saints et à corrompre leur foi. Ce n’étaient pas, comme chez les Galates, des judaïsants qui voulaient établir pour les chrétiens la nécessité d’être circoncis et d’observer la loi (voyez Actes 15:1-5; Gal. 2:12; 5:2, 11, 12), et annulaient ainsi la grâce de l’Évangile. Les faux docteurs contre les enseignements desquels Paul met en garde les Colossiens, étaient, dans un sens, encore plus dangereux, car ils s’attaquaient à la Personne même de Christ. D’un côté, ils étaient bien des judaïsants voulant assujettir les chrétiens à la circoncision, à l’observance des cérémonies et des préceptes légaux, ainsi qu’aux traditions humaines. Mais d’une autre part, imbus des idées gnostiques1, qu’ils décoraient du nom de philosophie, ils avaient l’esprit rempli de spéculations sur le monde invisible, sur les anges auxquels ils attribuaient une grande puissance et même la création, en rabaissant la Personne de Christ qu’ils réduisaient au rang des créatures. Ainsi ils ne tenaient pas «ferme le Chef» (la Tête). En prêtant l’oreille à leurs enseignements, les Colossiens perdaient la conscience et la jouissance de leur union avec Christ, la Tête du corps. De plus, ces hérétiques voyant dans le corps la source du mal, cherchaient par des privations et des macérations à atteindre une fausse spiritualité, qu’ils décoraient du nom de sainteté. On comprend que, par là aussi, le vrai sens de la rédemption était perdu, et qu’elle était placée, non plus en Christ, mais dans les efforts de l’homme et dans le culte qu’il rendait à des créatures, erreurs qui germèrent plus tard et produisirent leurs tristes fruits dans l’Église.

1 Cette expression vient du mot grec «gnôsis», connaissance ou science. C’est le mot dont se sert l’apôtre, en parlant de la «connaissance faussement ainsi nommée» (1 Tim. 6:20).

C’est contre ces erreurs que l’apôtre s’élève en exaltant la Personne de Christ, en la plaçant devant les yeux des saints, et en rattachant ainsi leurs cœurs au Chef auquel, comme chrétiens, ils étaient unis dans le ciel, afin qu’ils jouissent du sentiment précieux de cette union, en comprenant tous les trésors qui se trouvent dans cette Personne adorable. En même temps il montre l’œuvre parfaite accomplie par Christ.

Il est impossible, en lisant l’épître aux Colossiens, de ne pas y voir des rapports frappants avec celle adressée aux Éphésiens. Mais en même temps, il y a des différences intéressantes à noter. Il ne sera pas inutile d’en dire quelques mots.

Une première différence essentielle est la position dans laquelle les chrétiens sont envisagés dans les deux épîtres. Dans celle aux Colossiens, ils sont vus comme étant ressuscités avec Christ, mais encore sur la terre. Dans celle aux Éphésiens, au contraire, ils sont assis en Christ dans les lieux célestes.

Cela vient de ce que, dans l’épître aux Éphésiens, l’Esprit Saint développe les conseils de Dieu par rapport à l’Église et les privilèges de celle-ci. Pour cela, Dieu choisit une église fidèle, à laquelle dans ce moment il n’y avait rien à reprocher. Il peut ainsi placer devant nous toutes les grâces qui appartiennent à l’Église en général, en vertu de son union avec Christ, la Tête glorifiée, et aussi celles qui appartiennent individuellement aux enfants de Dieu. Le danger qui menaçait les Colossiens de la part des faux docteurs, danger qui, en amoindrissant la gloire de Christ, pouvait leur faire perdre la conscience et la jouissance de leur union avec lui, la Tête du corps, obligeait l’apôtre à placer devant eux les gloires de Christ, plutôt que les privilèges de l’Église, et ainsi à ranimer leurs affections spirituelles pour ce Chef béni, ou au moins, à les empêcher de s’affaiblir.

Aussi voyons-nous que, tandis que dans l’épître aux Éphésiens, l’Église est «la plénitude de Celui qui remplit tout en tous» (Éph. 1:23), dans celle aux Colossiens, «toute la plénitude de la déité habite corporellement en Christ» et nous sommes «accomplis en lui» (Col. 2:9, 10).

Une autre différence importante est que, dans les Colossiens, il n’est fait aucune mention de l’Esprit Saint, sauf dans l’expression «votre amour dans l’Esprit» (1:8). Nous voyons, au contraire, qu’il en est amplement parlé dans l’épître aux Éphésiens, comme scellant le chrétien, comme les arrhes de notre héritage, comme Celui par lequel Juifs et gentils ont ensemble accès auprès du Père, comme habitant dans l’Église et dans le chrétien, comme révélant le mystère aux apôtres, comme la puissance dans le fidèle pour jouir de Christ et de son amour, comme lien d’union entre les chrétiens et formant le seul corps, comme devant remplir le chrétien et écarter ainsi de lui toutes choses mauvaises, pour produire les louanges et les actions de grâces, comme le conduisant dans ses prières, excitant sa vigilance et lui apprenant à manier l’arme de la Parole contre l’ennemi (Éph. 1:13, 14; 4:30; 2:18, 22; 3:5, 16; 4:3 , 4; 5:18; 6:17, 18).

D’un autre côté, Christ est plus complètement présenté comme notre vie dans l’épître aux Colossiens. La formation de l’âme en vivante ressemblance avec Christ s’y trouve davantage mise en relief. C’est Christ en nous plutôt que nous en Christ, comme dans les Éphésiens.

Ces différences établies, et nous pourrons en voir d’autres chemin faisant, entrons dans l’étude de notre épître.